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COMPTE RENDU N° 24

(Application de l'article 46 du Règlement)

12/03/95

Mercredi 24 mars 1999
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Paul Quilès, Président,

puis de M. Didier Boulaud, Vice-Président.

SOMMAIRE

 


—  Présentation du rapport d’information sur les négociations relatives au concept stratégique de
l’OTAN et leurs conséquences sur la politique de défense et de sécurité (M. Paul Quilès, rapporteur)

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Le Président Paul Quilès, Rapporteur, a présenté à la Commission son rapport d’information sur les négociations relatives au concept stratégique de l’OTAN et leurs conséquences sur la politique de défense et de sécurité.

Le Président Paul Quilès a tout d’abord détaillé les auditions et les déplacements du groupe de travail au sein duquel il a élaboré son rapport d’information. Il a ensuite indiqué que ce rapport était articulé en trois parties, la première rappelant le contexte des négociations, la deuxième présentant leur déroulement dans ses grandes lignes et la troisième formulant des propositions sur leurs différents enjeux.

Il a souligné qu’au moment où l’OTAN s’apprêtait à déclencher des bombardements sur la République fédérale de Yougoslavie, le nouveau contexte stratégique dans lequel se déroulaient les négociations apparaissait de manière particulièrement nette. Il a alors relevé que la situation de la guerre froide était caractérisée à la fois par une menace directe unique et par la garantie américaine et que, dans ce contexte, il n’y avait pas place pour une défense européenne. La France s’appuyait sur une force de dissuasion indépendante pour défendre ses intérêts vitaux tout en se préparant à participer, en deuxième échelon, à un éventuel combat en Allemagne. Nos partenaires non nucléaires voyaient dans l’intégration de leurs forces avec celles des Etats-Unis la garantie d’une riposte nucléaire américaine. Le Royaume-Uni faisait le même choix en se réservant la possibilité d’utiliser son armement nucléaire national, au cas où ses “ intérêts suprêmes ” seraient menacés. Certains entretiens que le groupe de travail a eus, notamment avec les députés allemands, montrent que la longue expérience de la guerre froide a créé des habitudes fortes et explique certaines situations comme la complète intégration de l’état-major allemand dans l’OTAN.

Le Président Paul Quilès a souligné qu’au début des années 1990, deux tendances se sont fait jour. D’une part, l’Europe qui s’engageait dans la construction de l’Union monétaire a pris conscience qu’elle avait des intérêts spécifiques à défendre. D’autre part, l’OTAN s’est affirmée de plus en plus comme l’instance où les Etats-Unis exercent une influence politique et militaire prépondérante pour la gestion des crises en Europe. Il a ajouté que, lorsque les Etats-Unis ont accepté la nécessité d’un engagement terrestre en Bosnie-Herzégovine, ils l’ont fait dans le cadre de l’OTAN, c’est-à-dire sous leur contrôle politique et leur direction stratégique, relayant ainsi les Européens, en particulier les Français et les Britanniques, dans le rôle de puissance dirigeante pour imposer un règlement de la crise. Dans le même temps, l’OTAN, sous l’impulsion des Etats-Unis, s’est efforcée de reconstruire l’architecture de sécurité en Europe en s’élargissant à l’Est et en établissant des liens de coopération avec l’Europe centrale et orientale comme avec la Russie et l’Ukraine.

Ce dynamisme de l’OTAN contraste avec les difficultés de la construction de l’Europe de la défense, même si les traités de Maastricht et d’Amsterdam ont marqué des avancées réelles, l’UEO ayant été reconnue à Maastricht comme le “ bras armé ” de l’Union européenne, et les missions de gestion de crises (missions de Petersberg) ayant été inscrites dans le traité d’Amsterdam.

Le Président Paul Quilès a ensuite précisé que les négociations concernant le concept stratégique portaient principalement sur sept grands thèmes : la place de la défense collective dans les missions de l’Alliance, les limites géographiques et les conditions juridiques des nouvelles missions de gestion des crises, l’attitude de l’Alliance à l’égard de la prolifération, les élargissements futurs, le dialogue au sein de l’espace euro-atlantique, en particulier avec la Russie et l’Ukraine, la construction de l’Europe de la défense et l’adaptation des capacités militaires aux nouvelles missions des forces.

Il a alors présenté, sur chacun de ces grands thèmes, les propositions formulées par le rapport.

Il a d’abord considéré que la défense collective devait rester la mission fondamentale de l’Alliance, qui n’était pas une organisation de sécurité collective. Il a souligné que l’Alliance avait pour mission première de défendre le territoire de ses membres et non, comme le proposent les Etats-Unis, des “ intérêts communs ” ou des “ valeurs communes ”, notions trop vagues, qui permettraient un engagement militaire quasi-illimité quant à la nature et au lieu géographique des affrontements.

Puis, reconnaissant qu’il était nécessaire que l’Alliance assure aujourd’hui une mission nouvelle de gestion des crises et contribue militairement à la stabilité de l’environnement stratégique des territoires européens, il a souligné la persistance de risques qui, s’ils n’étaient pas maîtrisés, pourraient, par une succession de déstabilisations, mettre en cause la sécurité des Alliés. Il s’agit avant tout des conflits ethniques et identitaires susceptibles de s’étendre et de se rapprocher des frontières des Etats européens de l’Alliance ou de l’Union européenne.

Il a relevé la nécessité pour l’Alliance d’obéir à des critères rigoureux lorsqu’elle décide de s’engager dans des missions de gestion des crises, étant donné qu’elle n’est pas habilitée à dire le droit et ne peut pas s’affranchir du droit international. C’est pourquoi les opérations de gestion de crises doivent, en règle générale, faire l’objet d’un mandat explicite du Conseil de sécurité. Le Rapporteur a fait observer qu’il peut néanmoins exister des situations exceptionnelles où un état de menace contre la paix ou de rupture de la paix, préalablement reconnu par le Conseil de sécurité, se traduit par une crise humanitaire, alors que l’une des parties refuse de se soumettre aux injonctions de ce même Conseil de sécurité. Il a jugé qu’à de telles situations exceptionnelles la réponse pouvait elle-même être exceptionnelle et que l’obligation d’obtenir un mandat du Conseil de sécurité pour agir était alors moins contraignante. Mais il a souhaité que ce recours à la force soit proportionné à son objet et que les principes du règlement de la crise soient établis sous l’autorité du Conseil de sécurité. La crise du Kosovo relève de ce cas de figure, mais l’analyse est également valable pour d’autres situations.

Le Rapporteur a par ailleurs considéré que la zone d’intervention potentielle de l’OTAN ne devait pas s’étendre au-delà des approches du territoire européen des pays membres. Il a estimé que, de ce point de vue, la formule selon laquelle la gestion des crises aurait pour but de “ renforcer la stabilité dans l’espace euro-atlantique ” était préférable à la suppression de toute limitation géographique demandée par les Etats-Unis mais qu’elle restait trop large dans la mesure où elle pouvait permettre d’envisager des interventions jusqu’au Caucase ou à la Mer Caspienne.

En ce qui concerne la prolifération des missiles balistiques et des moyens de destruction massive, le Président Paul Quilès a fait valoir qu’il s’agissait, selon les propos du Général Jean-Pierre Kelche devant la Commission de la Défense, d’un risque plus que d’une menace, et que, dans l’état actuel du développement de ce risque, il convenait de privilégier les instruments internationaux de contrôle et les moyens d’action diplomatiques et économiques. Il a également souligné qu’il ne saurait être question que l’Alliance puisse envisager des frappes préventives sans mandat du Conseil de sécurité.

Abordant les élargissements futurs de l’Alliance, le Rapporteur a considéré que l’Alliance ne pouvait pas laisser les pays concernés dans un vide de sécurité mais que les nouveaux membres devaient être capables de remplir leurs obligations de défense, et que leur adhésion devait présenter un intérêt pour la politique générale de l’Alliance et contribuer à la sécurité et à la stabilité européennes. L’application de ces trois critères fait apparaître le caractère prioritaire de l’élargissement vers le Sud (notamment, à la Roumanie, à la Bulgarie et à la Slovénie). S’agissant des Etats baltes, leur adhésion pourrait être préjudiciable à la stabilité européenne si elle entraînait une dégradation grave des relations de confiance avec la Russie.

Après avoir relevé que la coopération militaire avec l’Europe centrale et orientale ne devait pas être seulement laissée à l’OTAN et que l’Europe devait faire valoir ses intérêts propres dans son dialogue avec ces pays, le Rapporteur a souligné qu’il convenait de développer avec eux des partenariats de sécurité, dans un premier temps dans le cadre de l’UEO et à terme dans celui de l’Union européenne.

Evoquant la nécessité pour l’Europe de se doter de capacités autonomes d’action militaire dans la perspective tracée par la déclaration de Saint-Malo, le Rapporteur a souligné que l’Union européenne était le lieu naturel d’impulsion politique de la construction de l’Europe de la défense. Il a alors préconisé l’intégration de l’UEO dans l’Union européenne et proposé, pour la préparer, de confier à la même personnalité les fonctions de Haut Représentant pour la PESC et de Secrétaire général de l’UEO, d’organiser des réunions régulières du Conseil de l’Union au niveau des ministres de la Défense et de prévoir qu’un comité militaire ainsi qu’une conférence des directeurs nationaux de l’armement puissent assister le Conseil de l’Union.

Pour créer une capacité autonome de planification des opérations militaires, il suffirait de porter d’une soixantaine à une centaine le nombre d’officiers de la cellule de planification de l’UEO. L’Union européenne doit pouvoir opter entre deux chaînes de commandement pour la mise en œuvre des missions de Petersberg et utiliser soit, dans l’esprit des décisions de Berlin, une chaîne constituée par des éléments d’état-major fournis par l’OTAN (dans ce cas, les Etats-Unis resteraient impliqués et il faudrait en demander l’autorisation au Conseil de l’Atlantique Nord), soit une chaîne européenne autonome faisant appel à un état-major européen, c’est-à-dire un état-major d’un groupement de forces interarmées européen.

Le Rapporteur a alors proposé de constituer une force européenne de réaction rapide à partir d’éléments préexistants et souligné qu’il ne s’agissait pas d’une duplication de moyens. Par ailleurs, des moyens logistiques, de renseignement et de communication appropriés devraient être mis à la disposition de l’Union européenne, notamment des capacités de transport aérien militaire de moyens lourds à longue distance ainsi que des moyens d’observation et de communication par satellites.

En dernier lieu, le Président Paul Quilès a évoqué l’adaptation des capacités militaires aux missions de gestion de crise, qui nécessitent l’accroissement des moyens de projection des forces. Il a estimé que cet accroissement devait s’inscrire dans un objectif de restructuration globale des armées et avoir pour objectif prioritaire de répondre aux besoins européens. L’interopérabilité entre les forces européennes et américaines est également nécessaire, mais elle ne doit pas aller au-delà des nécessités de l’action militaire commune. De même, il ne saurait être question d’accepter une conception de l’interopérabilité qui alignerait les standards européens sur ceux des Etats-Unis en imposant le recours préférentiel à des équipements américains.

Le Rapporteur a cependant fait observer qu’il fallait être conscient que la restructuration des forces européennes ne sera pas satisfaisante sans une stabilisation des budgets d’équipement militaire en Europe ou même une reprise de leur croissance dans certains pays. Il a souligné qu’en 1998 les dépenses d’équipement militaire des pays européens de l’Alliance s’élevaient à environ 40 milliards de dollars contre 80 milliards de dollars aux Etats-Unis et qu’au sein de cette enveloppe, les dépenses de recherche-développement représentaient en Europe 10 milliards de dollars contre 36 milliards de dollars aux Etats-Unis. Il a précisé que, pour les six prochaines années, les Etats-Unis envisagent en outre une augmentation de 20 % de leur budget militaire. Il a alors considéré que, de même que la réalisation de l’euro a été rendue possible par l’application de disciplines budgétaires, de même la construction de l’Europe de la défense suppose des engagements budgétaires.

Par ailleurs, il a estimé que, si des progrès avaient lieu dans le renforcement de l’OCCAR, chargé de la gestion des programmes communs et de l’Organisation de l’armement de l’Europe occidentale (OAEO), chargée des études, et si les industriels continuaient d’avancer dans la constitution de groupes européens intégrés, il serait possible de rationaliser les équipements et les normes, ce qui impliquerait, à terme, une baisse des coûts des programmes, donc une diminution des budgets d’équipement militaire.

En conclusion, il a souligné que de nombreuses questions soulevées par le concept stratégique de l’OTAN ne seraient pas réglées à Washington, d’une part, parce qu’elles faisaient l’objet de trop de divergences, d’autre part, parce qu’elles n’avaient pas vocation à être traitées principalement dans le cadre de l’Alliance lorsqu’elles concernent les efforts de l’Europe pour parvenir à plus d’autonomie dans sa défense.

Qualifiant le rapport d’information de brillant travail de pédagogie et d’analyse, M. Pierre Lellouche a souligné la convergence des propositions qu’il contenait avec celles qu’il avait eu l’occasion de soumettre à la délégation pour l’Union européenne et d’exposer dans l’un de ses ouvrages quelques années auparavant. Se félicitant que ce rapport contribue à faire progresser des idées ambitieuses, relatives notamment à l’institution d’une double chaîne de commandement au sein de l’Alliance et soulignant la difficulté de certaines de ses recommandations, en particulier budgétaires, il a néanmoins exprimé son désaccord sur quelques points. Au sujet de la prolifération tout d’abord, il a estimé qu’il s’agissait d’un problème non seulement diplomatique et politique mais aussi militaire pour lequel un programme de missiles antimissiles lui paraissait offrir une bonne solution et il s’est prononcé en faveur d’une coopération européenne au projet américain NMD (national missile defence). Ensuite, revenant sur l’élargissement de l’OTAN et les relations de l’Alliance avec la Russie, il s’est déclaré sceptique à l’égard des conditions d’adhésion des trois nouveaux membres et après avoir estimé que ces pays étaient entrés dans l’Alliance pour des raisons du temps de la guerre froide, il a noté que leur adhésion coïncidait avec le passage d’un système de défense territoriale collective à un système de sécurité collective. Il a, pour cette raison, demandé que l’on aborde avec un regard différent la question de l’adhésion des pays baltes et celle de l’élargissement vers le Sud. Enfin, tout en partageant le souci d’identification d’une chaîne européenne de commandement dans le cadre de l’Alliance atlantique, il a demandé pourquoi le rapport préconisait une autre chaîne de commandement spécifiquement européenne hors de l’OTAN et s’est inquiété des conditions pratiques de sa constitution.

Le Président Paul Quilès a alors précisé que le schéma qu’il propose présente effectivement trois chaînes de commandement aux configurations différentes selon les missions en cause. Ainsi la protection d’un allié sur la base de l’article 5 du traité de Washington relève de la chaîne de commandement classique de l’Alliance avec participation américaine. Quant aux missions de Petersberg, elles pourraient être prises en charge sous l’autorité de l’Union européenne, soit au moyen d’une chaîne de commandement spécifiquement européenne, soit par une identité européenne de défense au sein de l’OTAN. Reconnaissant la complexité du concept, il a néanmoins ajouté qu’elle était due à la lourdeur des modes de fonctionnement de l’OTAN.

Revenant sur le décalage de 50 % entre le budget d’équipement militaire des pays européens et celui des Etats-Unis, M. Pierre Lellouche a constaté un fossé plus grand encore entre le volume des troupes européennes déployables et celui des troupes américaines susceptibles d’intervenir dans un conflit, puisque les effectifs projetables des forces européennes représentent seulement 10 % de ceux des forces américaines. Pour expliquer ce handicap, il a notamment mis en cause la duplication des moyens des forces européennes et l’absence de coordination des rôles, ce qui l’a conduit à préconiser une plus grande planification des besoins en amont.

Rappelant que le programme NMD mobilisait 60 milliards de francs sur cinq ans sans que ses objectifs ni l’étendue de la couverture territoriale qu’il assurerait ne soient définis, le Président Paul Quilès s’est interrogé sur les analogies entre ce projet et l’Initiative de Défense Stratégique, abandonnée au cours des années 1980, estimant que la question de son utilité stratégique se posait.

S’associant aux remarques de M. Pierre Lellouche sur la qualité du travail réalisé par le Rapporteur, M. Arthur Paecht a proposé de distinguer nettement de manière institutionnelle au sein de l’Alliance un pôle de défense spécifiquement et uniquement européen et un pôle fédérant les autres membres autour des Etats-Unis.

Après que M. Didier Boulaud eut estimé que cette problématique rejoignait celle du caucus, c’est-à-dire du bloc européen au sein de l’OTAN, le Président Paul Quilès a souligné que la participation des Européens au Conseil de l’Atlantique Nord rendait une telle organisation difficile.

M. Arthur Paecht a mis l’accent sur l’importance d’un mandat clair du Conseil de sécurité de l’ONU pour la légitimité des nouvelles opérations de gestion de crise de l’Alliance. Il a cependant déploré les difficultés rencontrées par le Conseil de sécurité des Nations Unies pour la définition de ce mandat en raison de l’usage abusif du droit de veto par certains des membres permanents. Il s’est en conséquence prononcé pour une réforme de l’ONU qui rendrait impossible le blocage. Il s’est ensuite déclaré favorable à l’élargissement tout en souhaitant plus de cohérence entre la sélection des nouveaux membres de l’Alliance et les intérêts de défense de l’Union européenne. Exprimant sa préférence pour une approche concentrique de l’élargissement, il a estimé qu’il était d’autant plus nécessaire de tenir compte des limites géographiques de l’Union européenne que la sécurité de ses membres dépendait également d’engagements pris en son sein comme ceux de Schengen. Il s’est en conséquence prononcé pour une certaine prudence dans l’élargissement de l’OTAN à de nouveaux membres n’appartenant pas à l’Union européenne. Faisant référence à des discussions menées dans le cadre de l’Assemblée parlementaire de l’Alliance atlantique, il a également plaidé pour un élargissement obéissant à une logique géographique en phase avec l’élargissement de l’Union européenne. Il a, à ce propos, souligné les difficultés qu’aurait entraînées une adhésion prématurée de la Roumanie à l’OTAN, compte tenu de ses difficultés économiques et préconisé des accords de coopération renforcée pour les pays qui ne sont pas mûrs pour l’entrée dans l’Alliance.

M. Didier Boulaud a fait remarquer qu’une organisation des forces ne distinguant que l’Union européenne et les Etats-Unis laisserait notamment de côté la Turquie et les trois nouveaux membres de l’OTAN, qui n’étaient pas membres de l’Union européenne. Il s’est déclaré pour cette raison partisan du schéma proposé par le Président Paul Quilès.

M. Georges Lemoine a abordé la question des pays baltes. Il fait remarquer qu’avec le soutien des pays riverains de la Baltique membres de l’Union européenne, comme le Danemark, un véritable système de défense propre à la région était en train de se dessiner . Il a jugé que ce nouveau système de défense devait conduire à l’intégration des pays baltes dans l’OTAN aussi bien que dans l’Union européenne, tout en reconnaissant qu’il était nécessaire de maintenir une relation privilégiée avec la Russie.

Le Président Paul Quilès a souligné la nécessité de traiter convenablement la Russie, qui, affaiblie économiquement, n’en restait pas moins un partenaire important, notamment pour la conclusion et l’application des traités relatifs au désarmement.

M. Jean-Claude Sandrier a regretté que le rapport d’information présente l’Alliance atlantique comme l’enceinte naturelle de la consultation transatlantique sur les questions de sécurité, alors qu’elle n’était que l’une de ces enceintes, et que d’autres, telles l’OSCE, devraient être mieux mises en valeur.

Approuvant qu’il soit rappelé dans le rapport d’information que l’Alliance ne pouvait pas s’affranchir du droit international, il a souligné que cette exigence posait la question de la capacité de l’ONU à décider, et donc celle de la suppression du droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité, qui ne devrait pas pouvoir s’exercer dès lors qu’une majorité, dont le quantum restait à préciser, aurait décidé d’une intervention.

Il a appelé à la prudence en matière d’élargissement et fait valoir qu’il n’était pas certain que l’extension continue de l’OTAN vers l’Est soit, du fait des réactions qu’elle pouvait entraîner, un facteur de renforcement de la sécurité en Europe.

Enfin, il a jugé intéressant le schéma d’organisation militaire de l’Europe de la défense proposé par le rapport d’information.

M. René Galy-Dejean, après avoir souligné que le rapport d’information répondait à un souci d’accompagnement de l’action gouvernementale par le Parlement, a relevé qu’il renforçait la position de la France sur la scène internationale, en prolongeant la position commune prise par l’exécutif français. Il a ensuite approuvé l’intégralité des analyses et des propositions formulées par le Rapporteur et n’a exprimé aucune réserve, faisant seulement remarquer que l’existence d’une chaîne de commandement européenne au sein de l’OTAN supposait celle de la chaîne de commandement constituée hors de l’OTAN.

Il a également souligné qu’il était courageux d’affirmer la nécessité d’un effort budgétaire européen et a souhaité que le Gouvernement mette fin à la réduction du budget d’équipement militaire. Il a par ailleurs émis des réserves sur une alliance des pays européens avec les Etats-Unis dans la perspective de constitution d’un bouclier contre les tirs de missiles balistiques, rappelant que les pays européens qui avaient investi dans les précédents programmes de défense antimissile, comme le MEADS, avaient été abandonnés par les Etats-Unis.

En ce qui concerne l’élargissement de l’Alliance atlantique, il a souscrit à l’analyse du rapport d’information et fait observer qu’il convenait d’être d’une prudence extrême, même si une inflexion vers les pays du sud de l’Europe était souhaitable. Il a émis le vœu que le rapport souligne l’intérêt et le caractère novateur du Groupe de contact dont la démarche, qu’il a estimée créatrice de droit, avait permis de véritables initiatives européennes. Il en résultait une situation où l’Europe n’était pas mise par les Etats-Unis devant le fait accompli d’une action militaire.

M. Guy-Michel Chauveau a fait remarquer que la publication du rapport d’information était opportune, non seulement en raison de la proximité du cinquantième anniversaire de l’Alliance atlantique, mais aussi parce qu’elle intervenait au moment où la construction de l’Europe de la défense recevait une nouvelle impulsion. Il a estimé que les outils de la défense européenne pouvaient être créés, à condition qu’une volonté politique suffisante se dégage, en s’appuyant sur les instruments qui existent déjà. Il a également considéré qu’il serait important de replacer les travaux sur la prochaine loi de programmation militaire dans un contexte européen, estimant souhaitable l’élaboration d’un Livre Blanc européen de la défense.

S’agissant de l’élargissement de l’OTAN aux pays baltes, il a préconisé la prudence à l’égard de la Russie et exprimé son accord avec la recommandation du rapport d’information selon laquelle le Conseil conjoint OTAN-Russie ne devait pas être le lieu où la Russie serait placée devant des faits accomplis. Il a par ailleurs souhaité que la Commission s’interroge sur les redondances qui nuisent à l’efficacité des forces européennes. Faisant état du décalage entre les normes américaines et celles en vigueur au sein de l’OTAN, il a estimé que l’interopérabilité devait d’abord s’apprécier en termes de systèmes de forces capables d’agir de concert, comme c’est le cas au Kosovo.

Jugeant que le rapport présenté développait des réflexions intéressantes et contenait de bonnes orientations, M. Antoine Carré a déclaré ne pouvoir qu’y souscrire sur le fond, tout en estimant que les remarques relatives à la non-ratification du traité d’interdiction complète des essais nucléaires ne devaient pas pouvoir être interprétées comme une leçon donnée par la France à ses partenaires. Par ailleurs, il a estimé que l’objectif d’indépendance de la défense européenne vis-à-vis des Etats-Unis ne devrait pas être exprimé de manière trop ostentatoire, dans la mesure où les Européens ne sont pas encore certains d’y parvenir. Soucieux de préserver la capacité d’action rapide des alliés, il s’est prononcé en faveur de l’augmentation des budgets de défense des Etats européens. Enfin, il a souhaité qu’une certaine prudence entoure les propositions d’élargissement de l’OTAN, eu égard notamment aux récents développements de la situation du Kosovo.

M. Roland Garrigues a ensuite souligné qu’après le rapport de la Mission sur le Rwanda, le rapport d’information témoignait d’une approche moderne du travail parlementaire. Après avoir déterminé ce qu’il ne faut pas faire en Afrique, la Commission de la Défense a pu envisager ce qu’il est désormais nécessaire de faire pour l’avenir de la sécurité européenne.

La Commission a alors autorisé à l’unanimité la publication du rapport d’information conformément à l’article 145 du Règlement.

Une discussion s’est également engagée sur la décision du Gouvernement de faire devant l’Assemblée nationale une déclaration avec débat sur l’intervention militaire de l’OTAN au Kosovo.

A M. Pierre Lellouche qui demandait que la Commission de la Défense entende au préalable le Ministre de la Défense, le Président Paul Quilès a répondu qu’il était prêt à venir devant elle, mais que cette question relevait d’un débat en séance publique.

M. Jean Briane a alors fait remarquer qu’à d’autres occasions, la Commission s’était réunie et avait assumé ses responsabilités, ce qui n’apparaissait pas possible cette fois.

M. Pierre Lellouche a observé que la question évoquée relevait des relations entre le Gouvernement et le Parlement, auxquelles le Président de la République était étranger. Il a rappelé que l’opposition avait demandé au Gouvernement un débat sur l’intervention.

Le Président Paul Quilès a répondu qu’une réforme s’imposait pour permettre que la consultation du Parlement précède la décision.

M. François Lamy a alors demandé à M. Pierre Lellouche si l’on pouvait conclure de ses propos qu’il approuvait l’idée d’une réforme par consensus de la Constitution prévoyant une information préalable du Parlement avant le déclenchement d’une opération.

M. Pierre Lellouche a répondu que les membres du groupe RPR respectaient l’esprit et la lettre de la Vème République et que, de ce fait, ils considéraient que le Président de la République avait le devoir d’exercer les pouvoirs qui lui sont reconnus, le Premier Ministre étant quant à lui comptable des rapports de l’exécutif avec l’Assemblée nationale. Il a ensuite exprimé son désaccord avec la proposition faite par M. François Lamy, qu’il a estimé contraire à la nature des institutions.

M. René Galy-Dejean a confirmé que le groupe RPR ne s’associerait pas à une telle proposition de réforme de la Constitution si elle était formulée.

M. Arthur Paecht a estimé que, dans la mesure où la décision avait d’ores et déjà été prise par le Président de la République, le moment n’était plus opportun pour en discuter, l’opération étant en cours. Il a exprimé sa désapprobation à l’égard d’un débat au cours duquel les groupes politiques exprimeraient leur éventuel désaccord avec une action qui pourrait déjà être engagée et où des soldats français risqueraient leur vie.

Déclarant partager l’opinion de M. Arthur Paecht, M. Antoine Carré a souligné que la Commission de la Défense avait été tenue informée, notamment par l’audition du Chef d’Etat-major des Armées, tant sur les risques d’une intervention que sur les moyens engagés, et que c’est l’association à la réflexion qui avait été insuffisante. Regrettant qu’un débat n’ait pas été organisé plus tôt à l’Assemblée nationale, il a estimé qu’il n’était plus utile, dès lors que la décision avait été prise.

M. Pierre-Claude Lanfranca a estimé que l’Assemblée nationale devait toutefois être associée aux réflexions sur les suites de la décision.

Le Président Paul Quilès a considéré que le problème de fond, d’ores et déjà mis en évidence par le groupe de travail de la Commission sur les opérations extérieures, résidait dans un dysfonctionnement des institutions de la Vème République, dont l’affaire du Kosovo était révélatrice, ce dysfonctionnement résultant de l’obsolescence des articles 35 et 53 de la Constitution et d’une pratique de longue date discutable.

Faisant observer qu’une pratique ne pouvait pas être à la fois constante et fautive, M. Pierre Lellouche a jugé que les réformes envisagées aboutiraient à un changement de régime.

Après avoir jugé qu’il était conforme à la lettre de la Constitution de la Vème République que le débat au Parlement ait lieu après le déclenchement d’une intervention militaire, il a estimé que ce débat aurait la vertu de permettre aux groupes politiques d’exprimer officiellement leur position et fait remarquer qu’en tout état de cause, le Premier Ministre avait le pouvoir de fixer l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Le Président Paul Quilès a précisé que c’est à la fin des années 1980, après la chute du mur de Berlin, que le dysfonctionnement qu’il avait évoqué s’était nettement manifesté, la pratique, combinée aux lacunes des textes, aboutissant à ce que la France s’engage dans des opérations de maintien de la paix dans des conditions qui ne permettaient pas d’assurer leur contrôle démocratique.


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