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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 10

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 20 octobre 1999
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Didier Boulaud, Vice-président

SOMMAIRE

 

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Projet de loi de finances pour 2000 (n° 1805) : Défense

- Examen des crédits des Forces terrestres (M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis)

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis, les crédits des Forces terrestres pour 2000.

Avant d'entrer dans le détail des données chiffrées du projet de budget de l'armée de Terre, M. Jean-Claude Sandrier a souhaité commencer par présenter ce que cette armée et son Chef d'état-major considèrent comme les points les plus importants de l'exercice 2000 :

- pour le titre III, le problème le plus aigu concerne la réalisation des postes budgétaires de personnels civils et la nécessité de résorber un déficit estimé en ce domaine à 11 % ;

- pour le titre V, l'urgence est de lancer la construction du véhicule de combat d'infanterie (VCI), le parc d'AMX 10 P devenant particulièrement âgé.

M. Jean-Claude Sandrier a ensuite relevé que l'exercice budgétaire 2000, qui constitue la quatrième annuité de la loi de programmation militaire, marquera un basculement dans l'histoire de l'armée de Terre puisque les engagés y deviendront plus nombreux que les appelés (56 000 contre 44 000).

Le chemin parcouru par l'armée de Terre dans le cadre de sa professionnalisation et de son changement de format est spectaculaire : depuis 1996, elle a dissous près de 40 régiments des forces, plus de 80 formations de moindre volume et a transféré ou réorganisé plus de 30 formations diverses. Ses effectifs militaires sont passés de 236 000 à 170 000 hommes et femmes en quatre ans. La fin de l'année 1999 marquera l'achèvement du réaménagement des forces. Mais la réorganisation des systèmes de commandement du dispositif de soutien et de formation restera à compléter avec la dissolution de 178 nouveaux organismes et la restructuration de 204 autres d'ici 2002.

M. Jean-Claude Sandrier a rappelé que, pendant ce chantier important, les forces terrestres n'avaient cessé d'être sollicitées, pour des interventions extérieures (Balkans) ou intérieures (Vigipirate).

Le projet de budget des forces terrestres pour 2000 s'élève à 48,732 milliards de francs de crédits de paiement, dont 30,916 milliards de francs pour leur fonctionnement et 17,762 pour leur équipement, respectant le cadre fixé par la loi de programmation militaire. Les crédits du titre III, en légère hausse, permettent d'enrayer un processus de dégradation constaté les années précédentes tandis que les ressources consacrées au titre V, marquées par les conséquences des perturbations antérieures, ne devraient pas engendrer de retards nouveaux.

Avec 25,052 milliards de francs, la part des rémunérations et charges sociales représente 81 % des dépenses de fonctionnement de l'armée de Terre. Ce poste augmente d'environ 1 % par an en raison de la différence de coût entre la perte de 22 000 appelés et l'arrivée de 5 872 engagés et 1 400 volontaires chaque année.

S'ajoutant aux mesures programmées, quelques centaines de postes supplémentaires de personnels militaires seront supprimés par anticipation dès 2000. Ces mesures, qui ne font qu'entériner un déficit de certaines catégories, seront compensées par un recours accru à la sous-traitance, ce qui est loin d'être satisfaisant eu égard au nombre de suppressions d'emplois de fonctionnaires et d'ouvriers d'Etat au ministère de la Défense et dans les entreprises qui en dépendent.

Les crédits consacrés au fonctionnement, hors rémunérations et charges sociales, baissent de 71 millions de francs. Mais comme la baisse mécanique, induite par la réduction du format aurait dû atteindre 241 millions de francs, on peut considérer que la situation pour 2000 correspond en fait à une hausse des moyens de fonctionnement courant d'environ 170 millions de francs.

Ces crédits supplémentaires correspondent notamment à une augmentation de 30 millions de francs des dépenses d'entretien immobilier. Ils permettront également l'augmentation de trois jours des périodes d'exercices qui passeront de 70 jours en 1999 à 73 en 2000, l'objectif étant de se rapprocher des 100 jours d'activité par an qui était le rythme des forces terrestres au début des années 90. 20 millions de francs seront également consacrés à l'entraînement d'unités blindées à l'étranger.

Les crédits d'équipement, quant à eux, s'élèvent à 17,762 milliards de francs, en diminution de 3,8 % par rapport au budget de 1999, les subventions d'équipement du titre VI atteignant 54 millions de francs. Par rapport au référentiel de programmation actualisé par la revue de programme, le projet de budget présente un abattement de près de 1,3 milliard de francs, sans que cette réduction puisse être comparée avec celle du budget de 1998. En effet, la réduction des crédits prévue pour 2000 doit être considérée comme une conséquence de retards techniques, liés mécaniquement à la restructuration du format des armées et de la DGA, ainsi qu'à la modernisation des procédures financières et garde donc un aspect essentiellement conjoncturel. Au total, les crédits de paiement ne devraient donc pas, par eux-mêmes, entraîner de nouveaux décalages.

Par ailleurs, l'annulation de 6,5 milliards de francs d'autorisations de programme au cours des derniers exercices budgétaires conduit à remettre en cause le financement de certaines commandes globales dont le principe a pourtant été entériné par la loi de programmation. Ainsi, malgré une nette hausse des autorisations de programme en 2000 (+ 12,9 %), l'armée de Terre a dû renoncer à prévoir une commande globale de 7 500 obus antichars à effet dirigé « Bonus », se contentant d'une tranche de 2 500 obus. La commande globale du missile AC3GMP, qui a déjà dû être reportée de quelques mois, sera également passée en 2000.

Les autorisations de programme relatives aux études, à la recherche et au développement confirment, avec une hausse de 5,3 %, leur redressement amorcé en 1999. Mais les crédits de paiement diminueront de 16,1 % poursuivant, quant à eux, leur baisse entamée en 1997.

M. Jean-Claude Sandrier a ensuite souhaité examiner plus en détail trois points particuliers : l'état des effectifs, les capacités de projection et les principaux besoins en matériel.

Les effectifs globaux de l'armée de Terre continueront à décroître pour passer de 216 000 hommes et femmes en 1999 à 202 000 en 2000.

La ressource en engagés (les EVAT) et en volontaires (les VDAT) est très bonne, avec une moyenne de trois candidats pour un poste, ratio encore meilleur chez les personnels féminins avec sept à huit candidates pour un poste. D'ailleurs, le taux de féminisation des forces terrestres qui était de 5 % il y a quelques années se situe aujourd'hui à 7 % et devrait atteindre 10 % en 2002. Au total, le nombre des engagés, dont la motivation et les qualités donnent entièrement satisfaction, devrait atteindre sans difficultés les 66 700 prévus par la loi de programmation en 2002. Moins nombreux, les volontaires devraient atteindre eux aussi les objectifs assignés : 2 800 en 2000 et 5 500 en 2002.

Autrement dit, ce qui constitue le c_ur de la professionnalisation est satisfaisant.

Les appelés, par contre, posent problème en raison notamment de l'augmentation du nombre des reports. Le déficit en appelés qui était de 12 % en début d'année 1999 pourrait atteindre les 16 % en fin d'année. Cette situation qui doit attirer notre attention ne doit pas pour autant être dramatisée, l'armée de Terre devant s'habituer à la progressive extinction de cette catégorie d'ici 2002.

Les civils constituent une source de préoccupations plus sérieuse avec un fort déficit d'environ 3 700 personnes, soit 11 % des effectifs. Même si la situation des fonctionnaires doit s'améliorer grâce à l'organisation de concours, le ministère de l'Economie et des Finances bloque actuellement toute embauche d'ouvrier, estimant le ministère de la Défense excédentaire dans son ensemble, en raison notamment de la situation de la DGA, de la DCN et de GIAT Industries. Mais les personnels civils n'étant pas soumis à l'obligation de mobilité, le redéploiement des ressources humaines reste très difficile.

M. Jean-Claude Sandrier a insisté sur la nécessité d'accélérer les concours d'ouvriers-fonctionnaires ou d'obtenir de nouvelles dérogations à l'interdiction d'embauche pour les postes géographiquement difficiles à pourvoir. Il a considéré qu'il était anormal que l'on ne puisse pas satisfaire les besoins de l'armée de Terre parce que l'on ne prend pas les mesures d'incitation nécessaires pour favoriser le recrutement de personnels fonctionnaires, d'ouvriers d'Etat ou de contractuels issus des entreprises jugées en sureffectifs, voire que l'on interdise les recrutements.

Examinant les capacités de projection, M. Jean-Claude Sandrier a indiqué que, pour remplir les objectifs de la loi de programmation militaire, l'armée de Terre estimait devoir disposer en 2002 d'un « réservoir » de 100 000 soldats opérationnels sur les 138 000 militaires qu'elle comptera.

A ce jour, l'état-major dispose de 60 000 professionnels opérationnels dont près de 21 000 sont actuellement engagés hors de France métropolitaine. 50 000 soldats de l'armée de Terre auront passé au moins quatre mois hors de nos frontières métropolitaines en 1999. Les forces terrestres ne sont donc pas très éloignées de la limite de leurs capacités actuelles de projection.

Toutefois, l'arrivée annuelle de près de 6 000 nouveaux engagés et de 1 500 volontaires continuera à accroître le potentiel des forces projetables. En 1999, les effectifs projetables constituent un tiers des forces militaires de l'armée de Terre contre à peine 10 % en 1996. Ils en représenteront près des trois-quarts en 2002, atteignant ainsi l'un des meilleurs ratios parmi les armées occidentales.

Estimant qu'un matériel adéquat devait être fourni aux forces terrestres, M. Jean-Claude Sandrier a apporté quelques précisions sur les principaux blindés de l'armée de Terre. Il a indiqué que le programme de char Leclerc se poursuivrait conformément à la loi de programmation militaire avec la commande, en 2000, de 44 chars supplémentaires et la livraison de 34 exemplaires. Sur le plan qualitatif, il a souligné la satisfaction des responsables de l'armée de Terre devant les performances de cet engin de 60 tonnes utilisé notamment au Kosovo.

Mais les soucis de l'armée de Terre en matière de blindés se portent sur le VCI, un véhicule de combat d'infanterie, qui constitue un élément indispensable de l'environnement du char Leclerc. Des divergences de fond ayant empêché la France de participer à un programme en coopération avec l'Allemagne et le Royaume-Uni pour fabriquer le remplaçant de l'AMX 10 P, un appel d'offres a été lancé par la DGA et des discussions sont actuellement en cours pour déterminer les industriels maîtres d'_uvre. M. Jean-Claude Sandrier a estimé à cet égard que les bonnes performances du char Leclerc et la prise en compte du coût induit pour la collectivité des baisses de plan de charge des entreprises nationales devraient nécessairement amener le Gouvernement à choisir GIAT Industries. Quoi qu'il en soit, il importe qu'une décision concernant le VCI soit prise rapidement pour que le processus industriel puisse commencer dans les délais les plus brefs. M. Jean-Claude Sandrier s'est à ce propos déclaré favorable à la création d'une mission d'information portant notamment sur les perspectives de l'industrie d'armement terrestre.

Considérant que le projet de budget respectait en fin de compte le cadre de la loi de programmation militaire, M. Jean-Claude Sandrier a néanmoins souligné que les restrictions de crédits de paiement qui fragilisaient notre industrie d'armement terrestre et donc l'emploi, atteignaient leurs limites.

Puis, il a rendu hommage aux femmes et aux hommes de l'armée de Terre, pour leur engagement dans un processus important et difficile ainsi que pour leurs compétences en opérations extérieures. Il a conclu en soulignant la nécessaire attention qu'il convient de porter à leurs conditions de vie qui doivent être adaptées et décentes, considérant qu'il s'agit de l'une des contraintes fortes liées à la professionnalisation de l'armée de Terre, mais aussi l'une des conditions de sa réussite.

Après l'exposé du rapporteur, M. Guy-Michel Chauveau s'est interrogé sur les tâches confiées au détachement de chars Leclerc au sein de la KFOR au Kosovo.

M. Roland Garrigues a souhaité obtenir des précisions sur l'ampleur du déficit en personnels civils dans l'armée de Terre et les difficultés qu'il entraîne.

M. Robert Poujade a déclaré partager les préoccupations du rapporteur quant au caractère tendu du titre III. Il a estimé que cette situation mettait en cause les conditions d'entraînement. Il s'est enfin interrogé sur les perspectives de construction du VCI après l'échec de la coopération initialement envisagée.

Le rapporteur pour avis a apporté les éléments de réponse suivants :

- l'envoi d'un détachement de chars Leclerc au Kosovo est d'abord l'occasion de tester ce matériel en conditions opérationnelles ;

- le déficit en personnels civils est de 3 700 personnes, soit 11 % des effectifs. Résoudre cette difficulté est la priorité de l'armée de Terre en ce qui concerne le titre III. Un groupe de travail a été créé au ministère de la Défense sur cette question. Une solution devra être trouvée, il n'est pas envisageable de laisser perdurer une situation où des besoins essentiels ne peuvent être satisfaits tandis que des demandeurs d'emploi se voient refuser l'accès à des postes ouverts ;

- s'agissant du fonctionnement, on ne peut que constater que la situation est tendue. En 1999, le nombre de jours d'entraînement est descendu à 70 jours, soit à un niveau qui n'est plus fonctionnel. La remontée à 73 jours en 2000 devra être poursuivie. En revanche, des efforts réels et tangibles sont faits et poursuivis pour l'amélioration des conditions de vie dans les régiments ;

- s'agissant du VCI, après l'échec du projet de coopération européenne, il a été procédé à un appel d'offres. La décision doit intervenir en principe avant la fin de l'année. Deux dossiers ont été déposés, l'un par GIAT Industries, Mowag et Vickers, l'autre par RVI, Panhard et Henschel. GIAT Industries ayant montré sa capacité à réussir la construction d'un char d'assaut à la pointe de la technologie, il serait souhaitable que cette société puisse obtenir la maîtrise d'_uvre de la réalisation du VCI, même si des coopérations sont envisageables.

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