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Session ordinaire de 1999-2000

COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

RÉUNION DU MERCREDI 3 NOVEMBRE 1999

Projet de loi de finances pour 2000

Audition de M. Alain Richard, Ministre de la Défense
sur les crédits de son ministère

PRÉSIDENCE de M. Paul QUILÈS

La séance est ouverte à neuf heures.

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense - Nous allons procéder à l'examen des crédits militaires pour 2000 en présence du ministre de la défense ; cette séance de notre commission sera ouverte au public et à la presse. Nous expérimentons là une nouvelle procédure qui vise à rendre les débats plus vivants. Elle se substitue pour une part à la discussion générale en séance plénière, devenue un peu formelle et routinière. Une nouvelle forme de discussion générale aura lieu en séance publique le 10 novembre, rappelant la procédure d'examen simplifié : seules seront exprimées, brièvement, les positions du Gouvernement, des commissions et des groupes.

Nous disposons d'un temps limité et je demande à chacun d'être très synthétique en faisant ressortir les points importants. D'abord le ministre présentera le projet de budget, puis je prendrai la parole quelques instants. Jean-Michel Boucheron interviendra en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, puis Jean-Bernard Raimond en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Nous entendrons la réponse du ministre, puis les interventions des neuf rapporteurs pour avis de la commission de la défense. Le ministre répondra à nouveau et ensuite les groupes pourront s'exprimer. Le ministre conclura par une réponse finale.

Certains d'entre vous m'ont fait remarquer que les documents n'étaient pas disponibles avant la séance. Je rappelle qu'il s'agit d'une procédure expérimentale qui ne permet pas aux députés de se prononcer ce matin sur les rapports. Les avis des commissions ne pourront être exprimés qu'après le débat de cet après-midi.

Si vous n'avez pas les rapports, vous disposez en revanche du dossier de presse et du compte rendu des débats et des auditions de la commission. Vous avez également trouvé dans cette salle les notes de présentation rédigées par chaque rapporteur. L'intervention des groupes prendra la forme d'une interpellation du ministre. Ils ne pourront se prononcer sur le budget qu'après ses réponses et au vu des rapports des commissions présentés en séance plénière.

M. Alain Richard, ministre de la défense - Je me réjouis que nous testions ensemble cette nouvelle procédure. Il nous appartient à tous de la rendre vivante. J'irai donc à l'essentiel en présentant les grands traits de notre politique de la défense. Le contexte international dans lequel nous vivons éclaire les choix opérés ces dernières années en matière de défense avec le livre blanc de 1994, puis la réforme de la loi de programmation de 1996, assumés par ce Gouvernement. Certains autres pays européens vont d'ailleurs dans la même direction. En même temps, il n'y a pas de certitude définitive en ce domaine, chaque événement, chaque crise nous amène à envisager des ajustements de notre politique.

Ce qui caractérise ces années 1999-2000, c'est que la transformation de l'outil de défense se poursuit sans à-coups. La marche vers l'armée professionnelle se déroule conformément à la loi de programmation et se traduira dans ce budget par la création de 8 300 emplois militaires du rang, 6 500 emplois de volontaires et 1 600 emplois de civils.

Comment ces nouveaux postes seront-ils pourvus ? Schématiquement on peut dire qu'il y a peu de problèmes pour les personnels militaires, que le déficit en personnels civils devrait se réduire progressivement, en dépit de difficultés d'ajustement géographique, enfin qu'il subsiste un certain déficit pour les appelés. Sur ce point je rappelle cependant qu'il faut comparer les effectifs de chaque année au moment de la rentrée car c'est alors que se mettent en place les unités nouvelles. Ainsi calculé, le déficit reste tout à fait supportable.

Les moyens de fonctionnement sont en augmentation grâce à l'insistance de beaucoup d'entre vous et grâce aussi à un réexamen détaillé du titre III. Il subsistera encore quelques insuffisances sur certains chapitres en partie compensées par des progrès de gestion.

La loi sur les réserves a été adoptée définitivement et les moyens se mettent en place.

Pour la première fois, les crédits du secrétariat aux anciens combattants sont maintenant complètement intégrés au budget de la défense.

La situation du recrutement est encourageante : il y a de nombreux candidats pour les postes créés, ce qui permet une certaine sélection. Les crédits prévus pour les rémunérations et charges sociales comportent un poste de 300 millions de francs pour le relèvement des bas salaires. La politique de reconversion professionnelle des militaires permet une rotation rapide et on constate de nombreuses reconversions réussies. Les aides à la mobilité, qui étaient déjà importantes, atteindront 1,9 milliard cette année et permettront le nécessaire rééquilibrage par unité, par spécialité et par tranche d'âge.

La reconversion professionnelle des personnels civils se passe bien. On constate cependant que les facteurs géographiques freinent leur mobilité : certains hésitent à changer de région en raison de la moindre attractivité de la nouvelle zone d'affectation proposée mais surtout par crainte de ne pas y trouver d'emploi pour le conjoint, et cela en dépit d'aides à la mobilité relativement importantes. Je pense que le temps permettra de combler ce déficit. Pour cette année, nous proposons d'intensifier le recours à la sous-traitance, étant bien précisé qu'il s'agit d'une mesure temporaire, avec des contrats de deux ou trois ans. Nous souhaitons que les postes civils soient progressivement tous pourvus, sinon leurs fonctions tendent à être assurées par des personnels militaires, ce qui est contre-productif.

Les mouvements de départ sont également bien maîtrisés. Les aides du FRED ont permis d'obtenir de bons résultats en matière de reconversion. En 1999 plus de 2 000 nouveaux emplois auront été ainsi subventionnés par le FRED, contre 1 400 l'an dernier.

Autre réorganisation en cours, celle de la sécurité intérieure. Des créations de postes sont prévues dans la gendarmerie nationale, afin de remplacer les auxiliaires par des gendarmes adjoints : sur les 4 000 transformations de ce type prévues par la loi de programmation, 2 000 sont déjà effectives.

En second lieu, la création de corps de soutien permet de regrouper des personnels entraînés aux tâches de sécurité ; en outre, conformément aux décisions du conseil de sécurité intérieure, l'optimisation des emplois se poursuit : des escadrons de gendarmerie mobile vont ainsi être déployés dans les zones prioritaires. Enfin, la gendarmerie bénéficie d'un effort d'équipement en matériel moderne.

S'agissant précisément de la politique d'équipement, je note que la dotation en autorisations de programme du titre V croîtra d'1,5 milliard. Nous arrivons en effet à la deuxième moitié de la loi de programmation, moment où il convient de passer à la vitesse supérieure pour les commandes pluriannuelles. En revanche, pour les crédits de paiement, on observe une légère pause, les 86 milliards prévus n'étant pas atteints. Cependant le niveau de consommation des crédits devrait être meilleur qu'en 1999 où avec 70 milliards hors transferts, on devrait arriver à une consommation de 80 milliards environ contre 61 milliards en 1996, 80 en 1997 et 81 en 1998. Il nous a semblé légitime de limiter les crédits de paiement à 83 milliards pour l'an 2000, les reports d'une année sur l'autre permettant éventuellement d'accélérer la consommation de ces crédits si nécessaire.

La loi de programmation en est à sa quatrième année et l'on peut espérer qu'elle sera totalement mise en _uvre dans le délai prévu, de six ans. Après des débuts prudents, nous en sommes au bout de deux ans à 45 milliards de commandes globales passées et on peut envisager qu'elles se monteront à 15 ou 20 milliards en 2000. La formule atteint donc sa vitesse de croisière.

En 1999, sont intervenus deux faits majeurs : d'abord la naissance du premier géant industriel européen en matière d'aéronautique et de défense ; d'autre part, le lancement d'un plan d'entreprise de la DCN qui permettra à ce grand ensemble de fonctionner désormais comme une entreprise, de conclure des accords et de conserver, voire d'accroître ses parts de marché.

Il est clair qu'en général, la dimension européenne doit être de plus en plus présente dans tout ce que nous faisons. Au cours des 18 derniers mois, l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, le lancement de l'euro et le choc du Kosovo ont encouragé les Européens à coopérer davantage en matière de défense. Cette volonté nouvelle a été sanctionnée par la déclaration de Cologne, qui guide aujourd'hui notre conduite, en vue de créer des capacités conjointes. C'est la base d'un système de décision commune qui devrait permettre de traiter les crises en temps réel, de définir des critères de convergence et d'efficacité en vue de réduire les incohérences et les disparités.

Il est certain aussi que le présent débat sera marqué par les leçons à tirer de notre action au Kosovo, qui a démontré une amélioration de la réactivité de nos armées. Nous pouvons enfin constater l'heureux résultat de la réflexion commune menée par le Parlement, le Gouvernement, et les partenaires économiques et sociaux. Il apparaît dès lors possible de commencer à élaborer à partir de 2000 une nouvelle loi de programmation prenant en compte cette vision de plus en plus européenne de la défense, tout en préservant la liberté de décision de la France.

M. le Président de la commission - Je ne rappellerai que brièvement les principales données de ce budget, pour consacrer l'essentiel de mon propos à l'analyse de notre outil de défense et du contexte dans lequel nous agissons.

Nous observons une légère revalorisation du titre III, mais ces 300 milliards apparaissent suffisants pour garantir le bon déroulement de la professionnalisation. Par ailleurs, un effort est fait pour desserrer les contraintes pesant sur le fonctionnement courant des unités. Cependant, la pression des dépenses de rémunérations reste forte, sensiblement davantage, en tout cas que ne le laissait attendre le cadrage financier initial. Un choix difficile va donc s'imposer : il faudra, soit opérer des ajustements de format, soit consentir un relèvement de l'enveloppe du titre III, de l'ordre du milliard. Sans l'une de ces deux mesures, on risque à terme une aggravation des tensions sur ce poste.

Pour ce qui est des dépenses d'équipement, je me félicite de l'augmentation modérée mais réelle des autorisations de programme, qui s'établiront à 87 460 millions, soit environ 86 milliards de dotations utiles compte tenu de la contribution au BCRD. Ce montant permettra de poursuivre la politique des commandes globales, source d'économies à moyen terme et facteur bénéfique aux relations avec l'industrie. Cependant, il ne faudrait pas que, par crainte de rigidités, on maintienne la part de ces commandes en dessous de ce qu'exige une gestion rationnelle de l'outil industriel : sous prétexte de préserver les équilibres budgétaires, on finirait par payer plus cher les équipements. Or, les dotations en autorisations de programme ne semblent pas être totalement à la hauteur des besoins, notamment en ce qui concerne le M51, le NH90 et, surtout, l'avion de transport futur. Mais sans doute serait-il nécessaire d'avoir des précisions sur le montant réel des autorisations de programme non affectées qui seraient déjà déléguées et disponibles, afin d'y voir plus clair...

Quant aux crédits de paiement, leur niveau, apparemment en baisse, correspond en fait aux engagements et ils garantissent la poursuite de la modernisation des armées conformément aux conclusions de la revue de programmes. Toutefois, la croissance des montants engagés devrait se traduire dès 2001 par un redressement de ces crédits en loi de finance initiale.

Enfin, nous devons nous attendre en 2000 à un alourdissement d'au moins 2 à 3 milliards des charges du titre III, au titre des opérations extérieures. Le montant des crédits d'équipement ne me paraît pas permettre de gager ce surcroît de dépenses par une annulation équivalente des crédits de paiement des titres V et VI. Il conviendra donc à l'avenir d'inscrire en loi de finances initiale une provision correspondant à la part incompressible de ces charges.

J'en viens maintenant au contexte : la fin de cette année a vu la France contribuer à une opération majeure, qui visait à faire plier M. Milosevic. Ce but a été atteint, ce dont on ne peut que se féliciter. Cependant, si la France a heureusement contribué, au cours de cette décennie, à rétablir la paix dans plusieurs endroits du monde et à protéger les populations menacées, le bilan politico-stratégique de ces opérations est plus contrasté que le bilan politique. Nous avons eu à subir de plus en plus fréquemment les conséquences de l'hyperpuissance américaine. Ayant toujours été des alliés fidèles des Etats-Unis, cela nous autorise à leur dire que leur attitude contrarie le bon fonctionnement du système de sécurité collective des Nations Unies et risque de relancer la course aux armements.

L'intervention au Kosovo a aussi montré que la réflexion menée sur l'adaptation de notre dispositif de défense depuis la guerre du Golfe, avait emprunté le bon chemin. Nous avons amélioré notre capacité à nous insérer dans les dispositifs militaires multinationaux. La commission de la défense a d'ailleurs contribué à cette réflexion, grâce à une mission d'information qui a bénéficié du soutien du ministère.

Monsieur le ministre, vous avez dit devant cette mission qu'il fallait se garder de tirer des conclusions trop définitives d'un conflit très spécifique. Certes, mais il n'en demeure pas moins certains constats. Ainsi, il est clairement apparu que nous devions disposer de toute la palette de capacité de renseignement, ainsi que d'armes de précision tirées à distance de sécurité. En outre, nous avons vu que la Conseil atlantique était trop souvent réduit au rôle de chambre d'enregistrement. Quant au poids de notre pays dans l'OTAN, il est devenu évident qu'il ne dépendait pas de son statut au sein de l'Alliance, mais bien de son poids militaire.

Il me semble qu'une réflexion s'impose, à ce sujet, à l'échelle de l'Europe. Faut-il un rééquilibrage politique au sein de l'Alliance ? Convient-il de calquer le fonctionnement de l'Europe de la défense sur celui de l'Alliance atlantique et établir une sorte de condominium des grandes puissances européennes ? Sur ces points, la recherche de l'efficacité ne doit pas nous conduire à faire subir aux autres ce que nous reprochons aux Américains. Si l'Europe de la défense venait à être perçue par les petits pays comme un protectorat des plus grands, il est à craindre qu'ils ne continuent de préférer le parapluie militaire des Etats-Unis. Il faut donc que ces petits pays comprennent qu'une défense proprement européenne n'affaiblirait pas leur sécurité et leur permettrait de mieux faire entendre leur point de vue.

Notre souhait de doter l'Europe d'une identité de défense a également des conséquences en termes d'armement, de technologie, et de budget. Je ne pense pas que le plus urgent soit d'augmenter notre budget de la défense : il s'agit bien plutôt de rationaliser l'utilisation des moyens existants. Aucun pays européen ne peut développer seul tous les systèmes d'armes et la question se pose par conséquent de savoir si nous devons chercher à combler nos lacunes dans le seul cadre national ou à l'échelle de l'Union. Peut-on dès lors raisonner dès l'origine en termes de capacités européennes et, si oui, dans quels domaines ? A partir de ce premier constat, on doit se demander s'il ne faudrait pas élaborer notre prochaine loi de programmation en concertation avec nos partenaires. On se retrouverait alors devant deux cas de figure. Soit nous constatons que les capacités européennes sont déjà suffisantes dans un domaine et que ces capacités sont au service de tous les membres de l'Union : nous pouvons sans doute alors nous dispenser de lancer un programme, pourvu que soit signé un accord prévoyant la communautarisation des matériels et comportant une garantie d'approvisionnement. Soit nous décidons à deux ou plusieurs pays de nous doter de matériels identiques : il serait alors nécessaire de passer des commandes groupées à l'échelle de l'Europe et ce, même si les échéanciers de dotation ne sont pas les mêmes.

Il serait logique que l'OCCAR gère ces programmes, ce qui suppose d'unifier les procédures d'achat si l'on ne veut pas que certains pays renoncent à cette coopération.

Le recensement des besoins européens doit bien sûr s'effectuer en priorité dans les domaines où nous ressentons des lacunes : transports stratégiques et tactiques, systèmes GPS, télécommunications militaires, satellites, systèmes d'armes de précision tirées à distance de sécurité. S'agissant du deuxième porte-avions, je pense que la question dépasse les capacités financières de notre seul pays et qu'il faut donc la traiter à l'échelon européen, notamment avec nos partenaires britanniques.

Je ne saurais conclure sans dire que nous assistons à l'accélération de la construction de l'édifice de défense et de sécurité européenne. A Saint-Malo et à Cologne, une opportunité s'est précisée que nous devons saisir. La France est, de tous les pays de l'Union, celui qui a souhaité avec la plus grande ardeur l'élaboration d'une identité européenne de sécurité et de défense. Il nous faudra donc savoir convaincre et, éventuellement, rassurer nos partenaires, savoir, aussi, être fermes et pragmatiques. Cela signifie, en particulier, qu'il serait inconcevable d'adopter des budgets nationaux sans cohérence avec l'objectif européen que nous disons poursuivre : je suis certain, Monsieur le ministre, que vous y veillerez.

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial de la commission des finances - Je me limiterai, dans le bref délai qui m'est imparti, à donner mon sentiment sur les points que j'estime les plus importants. Il s'agit, on le sait, d'un budget très serré, peut-être trop... mais c'est une réflexion que l'on peut se faire depuis longtemps ! Encore quelques comparaisons s'imposent-elles, qui permettent de relativiser cette impression. Ainsi, en pourcentage du PIB, les dépenses consacrées à la défense s'établissent à 3,5 % aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, et à 1,5 % pour les pays européens. En France ces dépenses s'élèvent à 2,5 % du PIB, ce qui place notre pays est dans une position médiane.

Le titre III est très satisfaisant, puisque l'augmentation prévue est de 3,3 % hors rémunérations. Au titre IV, 83 milliards sont prévus, en léger décalage avec la loi de programmation militaire, décalage cependant acceptable, à cela près que 4 milliards sont prévus pour les OPEX.

Le ministre a, par ailleurs, évoqué l'élaboration d'une nouvelle loi de programmation militaire, dont il sera intéressant d'apprendre quelle sera l'année de départ.

Je me félicite par ailleurs que les procédures financières du ministère aient été assainies et que l'atmosphère ait changé. Le tableau comparatif des réalisations de programmes au cours des années écoulées devrait d'ailleurs inciter à la modestie collective. C'est pourquoi je ne citerai que pour mémoire un certain écart de 20 milliards par rapport à la programmation initiale ou encore 800 millions d'intérêts moratoires... La transparence et la rigueur qui sont désormais de mise sont particulièrement satisfaisantes. Encore faudrait-il cependant éviter qu'un cercle vicieux ne s'enclenche, une consommation insuffisante appelant des annulations de crédits conduisant à de nouvelles procédures qui auraient à leur tour pour conséquence une consommation insuffisante.

Un autre sujet de satisfaction tient à la maîtrise de la professionnalisation. La capacité à se réformer qu'ont démontré les armées et le ministère n'était pas acquise. Il s'agissait en effet d'une véritable révolution interne, et cette mutation se déroule sans accroc. L'attention doit cependant être attirée sur le sous-effectif des appelés et sur les trop nombreuses vacances de postes au sein du personnel civil. Cela peut être dû à une procédure trop complexe, mais aussi à l'absence de souplesse dont fait preuve le ministère des finances. Il conviendrait aussi de faciliter la sous-traitance, ce qui doit pousser Bercy à faire preuve de plus d'audace.

Pour ce qui est des programmes, le budget proposé ne devrait conduire à aucune impasse, à condition toutefois que les 80 milliards d'autorisations de programme non engagés ou non affectés soient effectivement utilisés et à condition, aussi, que le collectif budgétaire ne donne pas l'occasion de nouvelles annulations, ni cette année, ni les années suivantes. J'espère, à cet égard, que l'AFP ne nous apprendra aucune mauvaise nouvelle ! Dans ce domaine, notre vigilance s'impose.

Pour ce qui concerne la dissuasion, la situation est satisfaisante, même si les économies annoncées sur le M 51 ne laissent pas d'inquiéter. Pour l'espace, on ne peut que s'interroger sur les conséquences de la chute de 24 % des autorisations de programme. Dans ces conditions, quel sera le sort des observations par radar et des drones, dont l'efficacité a pu être mesurée au Kosovo ? Je sais que les contraintes de la coopération européenne expliquent en partie cette chute spectaculaire, mais les inquiétudes demeurent.

La commande de 80 Tigres pour l'armée de terre est satisfaisante mais l'absence d'autorisations de programme pour la fabrication et la commercialisation du NH 90 suscite des interrogations, car il n'est pas certain que le blocage allemand soit seul en cause. La même question se pose pour l'ATF, à propos duquel l'armée de l'air attend une décision au plus vite. L'A 400 M a fait preuve de son efficacité en Macédoine et plus encore au Timor, mais la question se pose effectivement de savoir si l'Europe a véritablement besoin de 4 ou 5 avions stratégiques différents. Pour la marine, deux frégates Horizon devront être financées rapidement. On se réjouira enfin que le programme Rubis de la gendarmerie se déroule sans anicroche.

Cette brève analyse faite, il me faut faire part des inquiétudes, extérieures au budget, que suscite un contexte européen difficile. L'écroulement du budget de la défense allemand et la liste impressionnante des programmes en suspens ne doivent pas remettre en cause la mutualisation des équipements. Ces préoccupations sont toutefois contrebalancées par la formidable nouvelle qu'a été la constitution de la nouvelle société EADS. Nul n'ignore le rôle éminent qu'ont joué les gouvernements français et allemand en la matière. Il reste à optimiser les effets de cette fusion en matière d'exportations et de recherche et développement.

Vous ne serez pas surpris, Monsieur le ministre, de m'entendre vous faire part de mon inquiétude sur la situation de la DCN. La réforme que vous avez lancée va son train. Elle doit aboutir. Il faudrait cependant aller plus loin et décider la modification du statut des chantiers navals. Comment sera-t-il possible sans cela d'adosser la DCN à des groupes industriels et de donner une culture d'entreprise à son encadrement ? Quoi qu'il en soit, les initiatives que vous avez prises vont dans le bon sens.

En conclusion, le débat de fond est celui de l'Europe. La vraie question, en effet, ne se limite pas à souhaiter des convergences techniques. Ce dont il s'agit, c'est que les Européens définissent ensemble ce qu'ils veulent faire. L'urgence est d'autant plus grande qu'une évolution isolationniste se dessine aux Etats-Unis et les propos tenus par le candidat républicain, M. Bush junior, à la présidence ne laissent pas d'inquiéter. On constate un repli sur les intérêts nationaux fondamentaux des Américains.

M. Jean Michel - Tant mieux !

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial - L'autre interrogation de fond consiste à déterminer quel rôle l'Europe veut jouer au sein de l'OTAN. Ce n'est que lorsque ces deux questions auront trouvé réponse que l'on pourra songer à une planification commune des équipements militaires. Le projet de budget qui nous est présenté est un budget serré, je l'ai dit, mais c'est un bon budget, qui reflète la rigueur de la gestion du ministère. C'est donc avec plaisir que j'invite la commission à l'adopter.

M. Jean-Bernard Raimond, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères - Mon impression générale est que le projet de budget ne tient sans doute pas suffisamment compte des enseignements de la guerre du Kosovo ni, sur un autre plan, des développements particulièrement importants de la politique de défense européenne. Je ne m'étendrai pas sur le fait que le budget proposé est en baisse alors que nos alliés considèrent avoir atteint un palier dans la réduction de leurs dépenses militaires et que les Etats-Unis, en particulier, s'orientent dans une tout autre direction. Je constate que les crédits de paiement ne sont pas à leur niveau habituel et que les crédits de fonctionnement sont malaisément compréhensibles. Je vous remercie, Monsieur le ministre, des précisions que vous avez bien voulu nous donner à cet égard. Je constate encore que l'armée de l'air aura accompli, avec deux ans d'avance, la mutation que l'on attendait d'elle.

En matière d'équipement, on notera l'augmentation des autorisations de programmes visant à la dissuasion. Les points négatifs concernent la marine, dont les crédits et autorisations de programmes sont en baisse. Il en est de même pour l'armée de l'air, ce qui est paradoxal étant donné le rôle qu'elle a joué au Kosovo.

On se félicitera que l'Allemagne et la France aient passé commande de 160 Tigres, sur dix ans, à la société Eurocopter, mais des interrogations subsistent sur la commercialisation du NH 90. Quatre prototypes de ce matériel existent ; il est donc prêt. Pourtant, lors du salon du Bourget aucune vente n'a été conclue. Je sais quelle est la responsabilité de l'Allemagne, qui a procédé aux restrictions budgétaires que l'on sait. Je pense toutefois que l'impulsion française a fait défaut. Si, comme la rumeur court, ce programme est reporté à 2011, le risque de décourager les Néerlandais et les Italiens est patent. Le risque de compromettre les exportations vers la Scandinavie l'est tout autant. En outre, le projet ne prévoit pas davantage la réalisation du futur avion de transport.

J'aimerais, par ailleurs, vous entendre traiter du désarmement. Des progrès considérables ont été accomplis depuis les années 1990-1991, et l'adaptation du traité FCE se déroule normalement. Cependant, le traité Start 2 n'a pas encore été ratifié par la Douma, et l'on sait que le Congrès américain a remis en cause le traité ABM, ce qui risque d'entraver l'application de Start 2, même si la Douma renouvelée se montre moins sévère.

Bref, ce serait un très mauvais signal adressé à la Russie et à la Chine, mais aussi à l'Inde et au Pakistan ainsi qu'à tous les pays qui sont au seuil du nucléaire.

En ce qui concerne l'accélération de l'élaboration du concept de l'Europe de la défense, il faut insister sur le tournant de Saint-Malo, où la Grande-Bretagne s'est ralliée de façon surprenante à la position française selon laquelle la défense de l'Europe ne se situe pas uniquement au sein de l'Alliance atlantique. Cette évolution a été enregistrée au sommet de Cologne. Notons aussi à ce propos l'accord franco-allemand sur la transformation du corps européen en corps européen de réaction rapide. Est également envisagée, sur proposition du Président de la République, la création d'une instance permanente, au niveau des ambassadeurs, parallèle à l'Alliance atlantique.

La présence américaine en Europe, en dehors même de l'OTAN, est considérable, militairement en Macédoine, en Bosnie et au Kosovo, ainsi que pour les forces aériennes. J'ai appris récemment que la zone de responsabilité du commandement des forces américaines a été élargie à de nombreux pays d'Europe centrale et orientale. Le nouveau concept stratégique élaboré à Washington aura bien sûr un impact sur les forces américaines. Il est clair que la revendication française d'un meilleur partage de la décision politique et militaire ne sera crédible que si l'Europe fait un effort accru pour se doter d'équipements modernes. A cet égard, on ne peut que regretter que ce budget soit en diminution et que les commandes de l'armée de l'air et de la marine soient différées. Cela vaut particulièrement pour le NH 90, qui serait aussi utile à l'armée de terre.

Après avoir quelque peu hésité, car je comprends vos difficultés, c'est en raison de ce regret que j'ai proposé à la commission des affaires étrangères d'émettre un avis défavorable à l'adoption de ces crédits. Elle ne m'a toutefois pas suivi et les a adoptés.

M. le Ministre - Cette nouvelle formule donne à l'évidence des débats très toniques.

Je me réjouis bien sûr des appréciations positives portées sur les crédits. J'ai aussi entendu les avertissements et les appels à la prudence lancés par MM. Quilès et Boucheron. Il est vrai que nous sommes un peu justes, mais, si je ne conteste pas le chiffre d'un milliard, je vous signale toutefois que le rajeunissement des cadres grâce au pécule entraîne un GVT négatif important, ce qui nous donne une certaine marge de man_uvre. S'il est juste de relever le problème du prélèvement sur le DCRD, nous aurons néanmoins une bonne base de départ en 2002.

En ce qui concerne la recherche duale, à l'évidence le co-pilotage est stimulant pour le CNES et nous permet de réaliser des économies, par exemple, sur le coût des lancements.

Depuis deux ans les annulations sur le budget de la défense n'ont pas été trop lourdes ; elles nous permettent de rester en cohérence avec la loi de programmation. Je vous confirme mon intention d'obtenir que le financement des OPEX pour 1999 se traduise par des annulations de même montant sur le budget d'équipement.

Sur l'Europe, les trois interventions m'ont paru particulièrement intéressantes. Je partage pleinement le sentiment de Paul Quilès sur l'attitude des Etats-Unis, de plus en plus poussés vers un certain égocentrisme, en raison de la compétition politique interne mais aussi de la faiblesse et de la dispersion de leurs partenaires. Il est vrai que quand on est le seul maître à bord, on n'est guère enclin à partager... C'est par l'affirmation croissante de leurs responsabilités et par l'engagement de moyens suffisants que les Européens pourront faire évoluer les choses et aider ceux qui, aux Etats-Unis, combattent cette tendance à l'unilatéralisme.

L'expérience a montré que les Européens prennent confiance quand on leur explique ce qu'ils sont en train de faire. Nous travaillons actuellement aux propositions que nous ferons à Helsinki afin de poursuivre sur la lancée de Cologne. Mais nous avons trop tendance à parler de notre « quincaillerie », à insister sur quelques domaines de capacité conjointe pour le traitement des crises, alors qu'il nous faudra aussi envisager des scénarios. S'il serait sans doute trop ambitieux de rédiger un livre blanc européen, il conviendrait néanmoins de préciser ce que nous entendons vraiment par les missions de Petersberg.

Il est sûr que l'évolution budgétaire de l'Allemagne est un coup dur pour l'Europe de la défense. Nous comprenons les impératifs de notre partenaire, mais nous espérons que la poursuite de cette politique pour les trois ans à venir n'est pas définitivement décidée. Comme l'a dit mon homologue allemand, la présence internationale de l'Allemagne s'est considérablement renforcée ces dernières années et ce pays ne saurait être en première division pour la politique étrangère et de sécurité commune et au niveau d'un club local pour la défense.

La France étant, avec le Royaume Uni, le pays dont les engagements financiers sont les plus élevés, la mise en place d'un système de convergence pourrait logiquement nous conduire à réduire notre effort. Il convient donc d'envisager plutôt la contribution globale de défense des Quinze avec un critère financier permettant au moins de conserver l'engagement actuel de ceux qui sont au plus haut et de favoriser le rattrapage de ceux qui sont au plus bas. Malgré des à-coups, la loi de programmation nous apporte beaucoup plus de cohérence et de continuité dans le financement de nos programmes que nombre de nos voisins. Il faudrait que le système de convergence produise les mêmes effets.

L'ATF a été évoqué dans la loi de programmation mais n'a pas fait l'objet d'une inscription. Il est probable qu'une décision sera prise en 2000, mais cela n'entraînera pas aussitôt une inscription budgétaire importante dans la mesure où les industriels financeront le développement. Néanmoins, si la décision est acquise, un transfert d'autorisations de programme nous permettra de prendre nos responsabilités. Les études comparatives menées par les sept pays partenaires n'ont pas encore permis d'aboutir à un accord. L'offre d'Airbus nous paraît particulièrement crédible, surtout d'un point de vue opérationnel. Mais il est vrai que les changements liés à l'EADS peuvent avoir des effets et que l'on pourrait aussi demander quelque chose à Antonov.

M. Gérard Charasse, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le titre III - Le montant des crédits inscrits au titre III s'élèvera l'an prochain, hors pensions, à 104,9 milliards contre 103,9 l'an dernier. Ce chiffre englobe les 400 millions provenant du secrétariat d'Etat aux anciens combattants, qui a fusionné avec le ministère de la défense.

Ce budget confirme l'évolution engagée depuis 1997. Les rémunérations et les charges sociales augmentent de 1,5 %, représentant ainsi plus de 80 % du total, tandis que les autres crédits diminuent de 0,9 %. Les effectifs seront en baisse de près de 5 %, pour un total de 474 000 emplois. Le nombre des appelés et des sous-officiers diminue fortement tandis que sont créés de nombreux emplois de militaires du rang professionnels, de volontaires, de personnels civils.

La déflation des effectifs de cadres se passe pour le mieux. Les pécules d'incitation connaissent un grand succès et le rythme des départs est plus rapide que prévu. L'armée de l'air n'est ainsi plus qu'à 1 % de son format professionnel. Le recrutement des engagés et des volontaires est également satisfaisant : malgré l'embellie de la situation de l'emploi, les jeunes gens et les jeunes filles se bousculent pour s'engager dans l'armée française. La situation des civils est plus préoccupante. Le 1er septembre, 9 925 postes étaient vacants. Pour les 6 500 emplois de fonctionnaires non pourvus, des concours devraient améliorer les choses. On pourrait aussi proposer aux personnels des entreprises d'armement de postuler à ces emplois.

L'embauche d'ouvriers d'Etat est interdite par le ministère des finances en raison des sureffectifs de la DGA et de la DCN. Mais, comme le redéploiement s'essouffle, la situation devient délicate, et une relance de la mobilité s'impose pour atteindre les objectifs de la loi de programmation et pour pourvoir les 3 500 emplois actuellement vacants dans nos régiments. Votre rapporteur soutient les démarches du ministre pour obtenir des autorisations exceptionnelles d'embauche dans les cas urgents.

Si l'objectif en effectifs semble satisfaisant, il faut que les autres moyens de fonctionnement soient à la hauteur. Ces crédits continueront à diminuer en 2000, conformément à la loi de programmation qui prévoit de diminuer ses dépenses de 20 % entre 1997 et 2002. Mais l'an 2000 rompt avec les réductions drastiques des années précédentes. Ainsi l'armée de terre pourra effectuer 73 jours d'entraînement au lieu de 70. Les crédits sont accrus pour l'entretien immobilier, l'entretien programmé du matériel et le fonctionnement courant des unités de la marine.

Mais certaines préoccupations demeurent. Le taux d'activité de l'armée de terre reste trop bas. Les dotations en carburant sont calculées sur des hypothèses économiques plutôt optimistes. L'entretien des grosses unités de la marine se fait au détriment des petits bâtiments, moins médiatiques, mais pourtant utiles. Comme les chefs d'état-major nous l'ont laissé entendre, l'amorce de redressement des crédits de fonctionnement courant en 2000 devra impérativement être confirmée en 2001 et 2002.

Du chemin a été fait depuis le précédent budget, et, si la situation est encore loin d'être idéale, ce projet est conforme à la loi de programmation pour les effectifs, et présente une amélioration sensible pour le fonctionnement courant. Je propose à la commission de l'adopter.

M. Jean Michel, rapporteur pour avis des crédits d'équipement - Pour la deuxième année, la commission a souhaité présenter un avis transversal sur les crédits d'équipement et une réflexion sur les procédures comptables et financières. Je présenterai quatre remarques.

Tout d'abord, le projet de budget d'équipement pour 2000, avec 87,5 milliards en AP et 82,9 milliards en CP, est plus proche du budget 1998 que de celui de 1999. L'érosion des crédits de paiement semble se confirmer : elle atteindra 4,4 % en francs constants par rapport à la loi de finances initiale pour 1999. Mais ils ne régressent que de 1,1 % en francs courants par rapport à l'annuité de la revue des programmes. On peut donc estimer que, dans un mouvement global d'érosion, les hausses de 1996 et 1999 constituaient des rattrapages par rapport aux exercices 1995 et 1998.

Il faut alors se demander si l'équipement de nos armées s'inscrit toujours dans la programmation 1997-2002, modifiée par la revue des programmes, et si les crédits prévus sont compatibles avec la modernisation des équipements. Ma conclusion est que le budget 2000 n'entre dans le cadre fixé par la revue des programmes que si se confirment les résultats attendus des nouvelles méthodes de gestion et d'exécution des dotations.

Or les années 1998 et surtout 1999 ont vu une amélioration de l'exécution budgétaire. La gestion des crédits d'équipement est plus dynamique, et devrait permettre cette année le taux de consommation exceptionnel de 96 %. Les reports de charges, déjà ramenés de 3,2 à 2,2 milliards en 1998, devraient connaître en 1999 une nouvelle réduction. Une remise en ordre comptable et financière est poursuivie, avec une réforme de la nomenclature budgétaire, la mise en place de la notion d'opération budgétaire d'investissement, et la procédure de comptabilité spéciale des investissements.

La maîtrise des programmes est également favorisée par la recherche d'une réduction de leurs coûts, ainsi que par la procédure des commandes pluriannuelles globales. Celle-ci concerne déjà 13 programmes ; on en attend une économie de 5 à 10 % par rapport au mode de commande classique, sous réserve des augmentations de notre président qui a souligné que ces commandes globales ne devaient pas changer d'orientation. Il faut enfin poursuivre trois améliorations : éviter le retour des excès de la régulation budgétaire, conforter le maintien des reports de crédits et de charges à un niveau raisonnable, améliorer la prévision des charges.

L'avenir des programmes d'équipement est cependant conditionné par plusieurs phénomènes qui appellent un suivi de la commission. Tout d'abord, la croissance des crédits affectés au BCRD dans le budget de la défense, qui passent de 900 millions à 1,5 milliard, a tendance a masquer la stagnation des crédits consacrés aux études amont, qui conditionnent pourtant le maintien des capacités technologiques. Notre commission devra donc s'intéresser à la politique des études du ministère, et je vois que M. le ministre m'approuve.

En second lieu, la baisse tendancielle des crédits d'équipement, est un mouvement de longue durée dont il faut bien mesurer les conséquences. On ne peut résorber l'écart entre les objectifs des lois de programmation et les dotations des lois de finances simplement en augmentant ces dernières. Le renouvellement des matériels ne peut plus se faire au même rythme qu'autrefois. Il faut donc se poser la question : la réalisation des programmes majeurs, telle qu'elle était prévue à une certaine époque, est-elle encore compatible avec le niveau souhaitable des dépenses publiques ?

Il faut pourtant garantir à la défense un niveau de ressources qui garantisse les choix fondamentaux d'équipement. C'était l'objectif de la revue des programmes, qui a permis de clarifier les effectifs. Dans ce budget, la préservation des références en termes de contenu physique, marque la volonté de réaliser les programmes prévus, même avec de légers décalages. Ces évolutions conduisent votre rapporteur à plaider pour une révision des analyses du Livre blanc sur la défense.

La question essentielle reste celle du réalisme des crédits d'équipement. L'amélioration de l'exécution budgétaire, la réforme des méthodes de gestion sont les meilleurs garants de la logique de programmation. A cet égard, nous nous félicitons du dialogue croissant entre le ministère de la défense et celui des finances, qui peut conjurer la tendance de certaines administrations à réduire les volumes du budget de la défense. Pour ces raisons, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits d'équipement des titres V et VI.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la dissuasion nucléaire - Ce projet comporte malheureusement une incohérence financière et une incohérence stratégique qui me conduisent à proposer à notre Assemblée une inversion de priorités entre la réalisation du 4ème sous-marin nucléaire lance-engins nouvelle génération et celle d'un 2ème porte-avions.

L'actuelle loi de programmation comporte une architecture budgétaire cohérente avec les besoins d'équipement. Mais les budgets 1999 et 2000, les annulations de crédits, les transferts du titre V sur le titre III font qu'il manque aujourd'hui à nos armées plus de 50 milliards pour l'équipement de nos forces. Les trois dernières lois de finances n'ont cessé d'amputer le titre V. Celui-ci, en crédits de paiement, n'est d'ailleurs pas à 83 mais à 81,7 milliards, si l'on considère de manière réaliste l'inscription au titre VI de 1,5 milliard de recherches duales. Cette somme ne comporte en effet que 7 millions pour des recherches directement destinées à la défense, le reste étant destiné au CNES , dont l'apport à la défense n'est pas démontré. D'où la question : comment pouvez-vous continuer à lancer les programmes prévus, et diminuer en même temps les crédits qui permettent de les réaliser ? Telle est l'incohérence financière de ce budget.

Mon rapport démontre, chiffres à l'appui, que cette démarche nous conduit à trois impossibilités. Tout d'abord, nous aurons les plus grandes difficultés à financer la dissuasion nucléaire dans les prochaines années. Ensuite, le budget d'équipement de la marine sera impossible à financer. Nous sommes en face d'une «bosse financière» que certains spécialistes évaluent à 30 milliards. On ne pourra la résorber simplement par le recours à l'Europe, ou par une meilleure gestion financière. Enfin, l'inscription du 4ème SNLE-NG à ce budget rend impossible à moyen terme le financement d'un deuxième porte-avions. Or celui-ci est indispensable à notre pays, pour les raisons suivantes. La nouvelle doctrine de défense accorde un rôle majeur, à côté de la dissuasion nucléaire, à notre capacité de projection de forces. Cette stratégie repose essentiellement sur le groupe aéronaval. Or, avec un seul porte-avions, celui-ci sera inutilisable 40 à 50 % du temps jusqu'en 2010. Je suggère donc à l'Assemblée de différer la réalisation du 4ème sous-marin, et d'utiliser les crédits ainsi libérés pour engager dès 2000 les études en vue de la réalisation du 2ème porte-avions, dont je propose qu'il soit à propulsion classique.

Je récapitule les éléments qui m'ont conduit à cette conclusion : l'impossibilité de construire un budget d'équipement pour la marine dans les années qui viennent, et le fait que le 4ème SNLE n'est pas indispensable, à mon avis, à la crédibilité de notre dissuasion. J'appuie cette affirmation sur le comportement des Européens, la man_uvre nucléaire souhaitable en France dans le moyen terme, et les récents développements du fait nucléaire dans le monde. Par ailleurs la nécessité d'un 2ème porte-avions résulte à mes yeux de trois éléments : les enseignements de la guerre du Kosovo, le problème de la propulsion du porte-avions, et l'insupportable délai d'attente d'une présence raisonnable du groupe aéronaval à la mer. Sur ce point je considère, contrairement au président Quilès, que la France ne peut s'en remettre pour sa défense à un effort budgétaire que feraient les Anglais pendant que nous ne le ferions pas. Enfin le porte-avions est un élément de la dissuasion nucléaire française même si cet aspect est souvent négligé.

Pour toutes ces raisons, je ne peux approuver la démarche budgétaire présentée, et je dois m'en remettre à la sagesse de notre Assemblée.

M. le Président de la commission - Vous m'avez fait dire quelque chose que je n'ai pas dit. Je n'entends pas que nous nous en remettions aux Britanniques pour notre défense : j'ai simplement dit qu'une concertation avec eux au niveau européen ne serait pas inutile.

M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les crédits de l'espace et des communications - Le conflit du Kosovo a montré que l'espace et les communications étaient des moyens indispensables à l'efficacité de nos forces, et qu'ils contribuaient tout comme la dissuasion à l'indépendance de la France. Ce conflit a validé la pertinence des choix d'équipement effectués ces quinze dernières années.

Il s'agit des programmes de satellites d'observation Helios I et II, du programme de télécommunications spatiales Syracuse II, des hélicoptères de surveillance du thêatre des opérations Horizon. Cette maîtrise technique et opérationnelle est le résultat d'une politique volontariste reposant sur un effort budgétaire significatif, mais il semble que la tendance soit en train de s'inverser. Je suis donc partagé entre la satisfaction de voir se poursuivre la modernisation du système de communications et de recueil de renseignements et l'inquiétude devant la diminution de 15,26 % des crédits de paiement de l'espace, alors que les titres V et VI augmentent, eux, de 1,7 %. Certes l'avenir est préservé par l'augmentation des crédits de paiement pour la recherche en amont ; par ailleurs, l'augmentation du taux de consommation des crédits est un point positif. Toutefois avec un niveau global de 2,3 milliards de crédits de paiement et un financement du CNES à hauteur de 1,5 milliard de francs, nous sommes arrivés à la limite des ajustements budgétaires compatibles avec la poursuite des programmes spatiaux majeurs.

Ces réductions successives du budget de l'espace depuis 1998 sont-elles conjoncturelles ou s'agit-il d'une orientation à la baisse durable, ce qui serait en contradiction avec les besoins mis en lumière par le conflit du Kosovo ? L'absence de coopération européenne oblige la France à assumer seule de lourds investissements. On s'oriente ainsi vers un financement purement national pour le satellite Syracuse. On peut s'interroger sur la volonté de nos partenaires d'acquérir une véritable autonomie en ce domaine. Dans la mesure où l'Allemagne et l'Italie semblent préférer les systèmes d'observation radar, ne serait-il pas opportun d'envisager une coopération avec ces pays pour le programme Helios II et pour le développement du petit satellite radar qui a fait défaut dans le conflit du Kosovo ? Le renforcement des capacités industrielles européennes dans le domaine de l'aéronautique et de l'espace offre à cet égard de bonnes opportunités.

Il n'empêche que la réduction des crédits de l'espace intervient à un moment où il conviendrait plutôt de les consolider, comme l'a montré le récent conflit du Kosovo. Je m'inquiète ainsi de voir que le remplacement des drones perdus n'est pas prévu.

Au-delà de ces remarques, je suis d'avis d'adopter les crédits de la défense consacrés à l'espace et aux communications car je constate un réel effort budgétaire dans ces différents domaines.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis des crédits de l'rrmée de l'air - Avec 34,5 milliards de francs, le budget de l'armée de l'air est en diminution de 3,6 % par rapport à l'an dernier. Le titre III, avec 15,7 milliards de francs, augmente de 0,8 % tandis que le titre V diminue de 6,9 % pour les crédits de paiement, fixés à 18,8 milliards de francs, et de 10,3 % pour les autorisations de programmes, qui s'élèvent à 18,2 milliards de francs.

Au titre III il faut saluer l'achèvement réussi de la professionnalisation. Fin 2000 les effectifs de l'armée de l'air atteindront en effet, à 1 % près, les chiffres prévus pour 2002. Les 5938 appelés ne représenteront plus que 8 % de l'effectif, alors qu'ils étaient 32000, soit un tiers des effectifs, en 1996. 270 postes de sous-officiers seront transformés en emplois de militaires du rang, et dans les zones où le personnel civil manque, il sera recouru à la sous-traitance.

Autre élément remarquable, le budget de fonctionnement est en équilibre dès le ler janvier, et non à l'occasion du collectif de fin d'année. Avec 1,63 milliard de francs il est en hausse de 12,7 %, ce qui permettra notamment de doubler la participation aux grands exercices internationaux dont le conflit du Kosovo a montré la nécessité.

Il faut saluer aussi les efforts d'amélioration de la gestion, notamment le dispositif interarmées de gestion des rechanges aériens, qui doit entraîner des gains importants. Du reste, alors que les opérations militaires ont été exclusivement aériennes, l'armée de l'air n'a occasionné que 17 % des surcoûts financés par décret d'avance au titre des opérations extérieures. Il est vrai que certaines missions en zone hostile n'ont pas été considérées comme opérations extérieures parce que les appareils avaient décollé de France.

En ce qui concerne les équipements financés par le titre V, le conflit du Kosovo a montré la validité des orientations choisies : je citerai la souplesse d'utilisation des Mirage 2000D le caractère adéquat de l'armement air-sol modulaire, l'interopérabilité des Awacs et la valeur de nos capacités de renseignement stratégique et tactique. Ces opérations valident également le choix du Rafale comme avion d'armes futur de l'armée de l'air.

Les quelques difficultés d'ajustement rencontrées ont pu être résolues dès les premières semaines - je pense au nombre optimal de pods laser par appareil ou au problème du transport des bombes de 250 kilos par les Mirage 2000D.

Si les orientations nous paraissent satisfaisantes, en revanche, l'évolution quantitative du budget est quelque peu décevante. C'est un paradoxe, à un moment où l'arme aérienne apparaît de plus comme l'outil de gestion des crises et conflits et où, pour la première fois, la victoire a pu être obtenue sans engagement terrestre. La diminution des autorisations de programme a obligé à reporter la deuxième commande groupée d'avions Rafale et le futur avion de transport militaire n'est pas financé. Mais, Monsieur le Ministre, vous nous avez apporté à ce sujet une première réponse satisfaisante.

L'expérience du Kosovo, comme les évolutions de l'Europe de la sécurité et de la défense, -je pense à la constitution du groupe aérien européen- forment un contexte nouveau. En y faisant référence, le Premier Ministre a annoncé, devant l'IHEDN, la préparation d'une nouvelle loi de programmation militaire, « qui donne corps à nos priorités nationales tout en contribuant à la construction d'un outil de défense européen ». C'est à partir d'une réflexion d'ensemble sur le rôle actuel et futur de l'arme aérienne que devront être arrêtés la définition et le volume des équipements nécessaires et donc de son futur budget.

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis du budget de l'armée de terre - Le budget 2000 de l'armée de terre est conforme à la loi de programmation militaire, comme l'a reconnu son chef d'état-major, le général Crène.

Le titre III est en légère progression, ce qui permettra une augmentation des jours d'entraînement.

Le titre V est en diminution de 3,8 % en crédits de paiement, ce qui obligera à une gestion très tendue et confirme la nécessité d'un véritable plan de transition en ce qui concerne les emplois. Les autorisations de programme augmentent en revanche de 13 %, ce qui est bon signe.

Je voudrais m'arrêter sur deux points prioritaires.

Au titre III, nous sommes inquiets du déficit en personnels civils qui est actuellement de 11 %, soit environ 3700 personnes. Le ministère des finances bloque actuellement toute embauche d'ouvriers d'Etat en raison des excédents de personnels à la DGA, à la DCN et à Giat Industries. Mais comme les civils ne sont pas soumis à l'obligation de mobilité, de nombreux régiments sont déficitaires. Il devient donc urgent d'obtenir de Bercy de nouvelles dérogations à l'interdiction d'embauche pour les postes géographiquement difficiles à pourvoir et de développer des mesures d'incitation pour favoriser le redéploiement des personnels des établissements excédentaires. La sous-traitance ne peut être une solution durable pour l'armée. Il faut lui garantir des conditions de fonctionnement normales pour qu'elle soit en mesure d'exécuter les missions qui lui sont confiées.

Je m'arrêterai également quelques instants sur le titre V. Le programme du char Leclerc se poursuit normalement, et fin 2000, l'armée en possédera 233. Cet engin est apprécié pour sa mobilité et sa puissance et a donné entièrement satisfaction au Kosovo, où il a joué un rôle de dissuasion.

Mais les préoccupations de l'armée de terre concernent les véhicules de combat d'infanterie. Après l'échec des tentatives de coopération européenne qui ont fait perdre beaucoup de temps, la DGA a lancé un appel d'offres. Les bonnes performances du char Leclerc me conduisent à penser que son fabricant Giat Industries, est le mieux placé pour enlever ce marché. Cette entreprise a des atouts pour devenir un leader de l'armement terrestre en Europe et c'est le moment de lui donner le coup de pouce industriel nécessaire, y compris en anticipant des commandes pour le Leclerc et le Caesar.

D'une manière générale, il serait souhaitable que notre assemblée débatte de l'avenir de l'industrie d'armement. Comme notre président, je soutiens ardemment l'idée d'une mission d'information, qui a été réclamée par les syndicats. Dans le même esprit, le Parlement devrait être associé à chaque étape de la réflexion sur la nouvelle loi de programmation militaire.

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis des crédits de la marine - Je ferai quatre remarques principales sur le budget de la Marine et quelques observations sur la DCN.

La commission constate qu'après une augmentation en 1999 le budget de la Marine est réduit de 2,7 %, soit une diminution plus forte que l'ensemble du budget de la défense. La part de la Marine dans le budget de la défense passe de 17,85 % à 17,56 %, prolongeant une tendance ancienne et préoccupante.

Seconde observation, la répartition entre les titres -près de 40 % pour le titre III et 60 % pour les titres V et VI- confirme que la Marine est essentiellement une armée d'équipement, les crédits prévus pour les dépenses ordinaires garantissent la poursuite de la professionnalisation et une amélioration des dotations de fonctionnement. La gestion des personnels continuera cependant à rencontrer certaines difficultés, comme l'accueil des personnels de la DCN, qui a atteint ses limites, ou l'équilibre entre les départs et les recrutements.

Les dépenses en capital subissent, elles, une diminution sensible -4,4 % en crédits de paiement et 21,2 % en autorisations de programme- Certes, elles permettront la mise en service opérationnel du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle, la poursuite du programme d'armements antiaériens PAAMS et le lancement de la première frégate Horizon. Mais le programme de renouvellement d'équipements majeurs pourrait en être compromis. Je m'interroge notamment sur la possibilité de commander le premier NTCD au second semestre 2000.

Ce projet de budget correspond au modèle déterminé il y a quatre ans et revu en 1998, fondé sur une réduction de 20 % du format de la Marine. Cependant, la diminution des dotations budgétaires ne peut perdurer et les incertitudes actuelles devront être levées lors de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire. Sinon nous ne pourrons maintenir le modèle que nous souhaitons et il faudrait, dès lors, avoir l'honnêteté de le reconnaître. Nous appelons donc votre attention sur cette évolution inquiétante.

J'en viens maintenant à un sujet d'actualité, mais dont nous débattons aussi depuis longtemps ensemble, Monsieur le ministre : je veux parler de l'évolution de la DCN. Des progrès incontestables ont été enregistrés depuis quelques années avec la création de DCN International, avec la séparation des services étatiques et des services industriels, avec le rapatriement de la sous-traitance et avec la mise en _uvre dès cette année du projet comptable et financier du plan d'entreprise. En outre, la DCN est parvenue à réduire ses effectifs d'un tiers en six ans pour s'adapter à la réduction des commandes de l'Etat. Cependant, je suis préoccupé de voir que, tout en étant soumise à une exigence de compétitivité accrue, elle demeure enserrée dans des règles administratives contraignantes. L'affaire de la plate-forme SFX de Brest et celle du sous-marin Scorpène ont montré combien cela représentait un handicap pour les exportations. Vous avez certes annoncé que la DCN allait être transformée en service à compétence nationale mais je mesure mal la portée de cette mutation, à moins que vous ne garantissiez la recapitalisation de DCN internationale et l'application de la directive Réseau à la passation des marchés ou une alliance avec des partenaires extérieurs. Sans ces trois mesures, je crains que les difficultés ne demeurent et c'est pourquoi j'étais favorable à une transformation en établissement public, qui aurait constitué un encouragement au personnel ainsi qu'aux partenaires extérieurs potentiels. Il en va en tout état de cause de la préservation de capacités technologiques exceptionnelles, à un moment où des groupes importants se constituent en Grande Bretagne ou autour de l'Allemagne. La DCN ne doit pas rester figée, il faut qu'elle ait les moyens de participer au mouvement général.

Au bénéfice de ces observations, la commission a donné un avis favorable au projet de budget de la marine.

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis des crédits de la gendarmerie - Je noterai d'emblée que les crédits alloués à la gendarmerie atteindront un niveau satisfaisant en 2000 : s'établissant à un peu plus de 23 milliards, ils progresseront de 515 millions, soit 2,28 %. Les dépenses consacrées aux rémunérations et aux charges sociales croîtront de 2,2 % ce qui correspond aux besoins mesurés cette année ; les effectifs militaires et civils augmenteront de 577 unités et les prévisions de la loi de programmation pourront ainsi être tenues.

Parmi les mesures spécifiques, je note l'accroissement de la dotation de création destinée aux réserves, pour 17 millions, ainsi que l'apparition d'une indemnité liée à l'appel de préparation à la défense, pour 2,3 millions. En outre, 10 millions iront à la création de 50 emplois de sous-officiers placés près des pelotons de gendarmerie d'autoroutes.

Tout cela est positif, mais il me faut aussi mentionner certains motifs d'inquiétude. Je note ainsi un léger décalage entre un budget globalement favorable et la perception qu'ont les personnels de leur situation. Un sondage réalisé en novembre 1998 a montré que le moral des 2550 militaires interrogés n'était pas des meilleurs. On peut y voir l'effet des conflits avec certains syndicats de police, des difficultés liées au remplacement des sous-officiers chargés de missions de soutien et de la décision d'obliger à une mutation au bout de quatre ou cinq années dans le même poste. Je dois également noter que les gendarmes ont dû effectuer en 1998 des journées de travail de neuf heures douze en moyenne, ce qui n'est pas loin des neuf heures seize enregistrées en 1989, où la charge fut particulièrement importante. On voit qu'on est loin ici des 35 heures ! Quant aux gendarmes mobiles, ils auront travaillé cette année pendant quelque 210 heures.

A leur propos, il me semblerait nécessaire de faire le point l'an prochain sur la fidélisation des escadrons.

Les crédits de fonctionnement croissent de 1 % seulement, ce qui est un autre grand sujet d'inquiétude. Le fait de reconduire le retrait de 60 millions de crédits décidé en 1998 au titre des économies constatées va obliger la gendarmerie à des mesures d'autorégulation qui risquent d'être préjudiciables au bon fonctionnement des brigades.

Il me semble par ailleurs qu'une réforme du transfèrement permettrait de dégager un millier de postes. Une réactualisation du rapport Fouchier de 1995 paraîtrait donc opportune.

La gendarmerie se féminise trop lentement. Outre qu'il conviendrait d'autoriser l'emploi du nom « gendarme » au féminin pour éviter l'appellation étrange « un gendarme auxiliaire féminin », on ne compte aucune femme parmi les 31 généraux de gendarmerie ; elles sont seulement 8 en face des 999 capitaines hommes, et 9 face aux 918 lieutenants hommes. Je sais que le temps n'est plus aux quotas, mais il conviendrait sans doute d'accélérer cette féminisation.

Ce budget étant, je le répète, globalement satisfaisant sous réserve de réajustements d'effectifs, j'en proposerai donc l'adoption.

M. Michel Meylan, rapporteur pour avis sur les services communs - Pour décrire l'adaptation des services communs à la transformation de notre modèle d'armée, je m'en tiendrai à l'analyse de la situation de 4 d'entre eux : la Délégation générale pour l'armement -DGA-, le Service de santé, le Service des essences et la Délégation à l'information et à la communication de la défense.

La réforme de la DGA s'effectue progressivement, mais non sans mal. Ainsi, au début de cette année, l'installation du nouvel outil informatique s'est traduite par un arrêt total des engagements et des paiements. Au 30 juin, le montant des mandatements n'atteignait que le quart du niveau constaté pour l'ensemble de 1998. Il faut espérer que, comme il y a deux ans, ce retard sera comblé et je souhaite donc, Monsieur le ministre, que vous me confirmiez que les mesures nécessaires seront prises.

En vue de rénover ses relations avec les industriels de l'armement, la DGA souhaite mettre systématiquement ceux-ci en concurrence. A l'heure où les concentrations se multiplient, on peut s'interroger sur l'application de ce principe. La DGA reconnaît elle-même que 80 % des marchés sont notifiés sans mise en concurrence préalable. En réalité, la vraie question est celle de la sous-traitance et l'on ne peut que souhaiter que le plan d'acquisition des sous-équipements par les grandes entreprises devienne l'un des critères de choix dans la notification des marchés.

La politique des commandes globales est en plein développement. Cependant, on peut se demander si le niveau des autorisations de programmes en 2000 permettra de tenir un objectif ambitieux.

S'agissant enfin du statut de cette délégation et de son éventuelle transformation en service administratif à compétence nationale, j'insiste pour que l'on pose la question du périmètre optimal.

Le Service de santé des armées poursuit la déflation de ses effectifs et se rapproche de l'objectif de 13 500 personnes arrêté pour 2002. On constate cependant des tensions persistantes en ce qui concerne les médecins des armées, tensions qui ne peuvent que s'aggraver avec la disparition des derniers médecins issus du contingent. Il conviendrait de rendre le métier plus attractif.

D'autre part, ce Service a participé cette année à de nombreuses opérations extérieures et humanitaires, ce qui a eu des répercussions sur le potentiel chirurgical des établissements hospitaliers. Pourrions-nous avoir des précisions à cet égard ? Le fait que les surcoûts liés à ces opérations n'aient pas été pris en compte dans le projet de budget me paraît d'autre part une carence regrettable. Le problème est d'ailleurs le même pour le Service des essences.

Enfin, pour la Délégation à l'information et à la communication, qui a remplacé le SIRPA en 1998 se posent non seulement la question de la formation du personnel mais aussi celle de la création d'une filière d'experts. On ne peut se contenter de suivre l'évolution, il faut la devancer en élaborant une stratégie.

Compte tenu de toutes ces observations, vous comprendrez, Monsieur le ministre, que j'aie décidé de m'abstenir sur le vote de ces crédits.

M. le Président de la commission - Il apparaît bien difficile de mesurer le temps accordé aux rapporteurs pour avis. Or ils sont particulièrement nombreux. Il conviendra peut-être de leur demander de se limiter à un ou deux points seulement la prochaine fois mais, pour aujourd'hui, on ne pouvait guère agir autrement puisque cette réunion n'a encore qu'un caractère expérimental.

M. le Ministre - Il convenait en effet de roder la formule et, pour ma part, je juge que l'expérience est positive. Je militais d'ailleurs depuis longtemps pour une diversification des modalités d'examen du budget.

Le débat a en tout cas montré le caractère dynamique de la collaboration nouée avec les parlementaires. Je me bornerai ici à répondre à des questions ponctuelles, réservant le reste pour l'examen en séance publique.

M. Charasse a posé la question d'une autorisation de recrutement complémentaire en fin d'année. Sans doute y parviendrons-nous.

M. Michel a eu l'amabilité de mentionner les progrès accomplis dans la réalisation des budgets. Je saisis l'occasion qui m'est ainsi offerte de féliciter tous les personnels qui ont _uvré à cette fin, n'hésitant pas à se rendre encore plus disponibles que de coutume. Il est vrai, aussi, que l'amélioration de la consommation des crédits ainsi constatée signifie que tout décalage entre AP et CP sera désormais impossible. Je confirme par ailleurs souhaiter voir s'instaurer un partenariat souple entre une émanation de votre commission et la DGA sur la politique des études.

Contrairement à ce qu'a dit M. Galy-Dejean, je ne pense pas que notre porte-avions sera indisponible, comme il l'avance, de 50 % de la durée de la décennie : ce n'est pas réaliste. Son point de vue est intéressant, mais on ne peut concevoir la défense comme un jeu de Lego, et supprimer un équipement pour le remplacer par un autre.

M. René Galy-Dejean - Ce n'est pas ce dont il s'agit !

M. le Ministre - Je suis heureux qu'après en avoir parlé avec le Président de la République, le Premier ministre se soit déclaré d'accord pour mettre en chantier une nouvelle loi de programmation militaire. C'est presque un luxe que le temps qui nous est ainsi accordé. Cela permettra à notre réflexion de progresser et il va sans dire que j'utiliserai cette durée pour évoquer, avec mes homologues, la politique d'équipement commune et, notamment, l'éventualité du lancement d'un deuxième porte-avions dans le cadre de l'Union. Dans ce domaine aussi, l'harmonisation devrait être la règle... De toute évidence, la question d'un second porte-avions se pose. Je note cependant que M. Galy-Dejean a évolué depuis qu'en 1995 il proposait de le supprimer... Peut-être nous fera-t-il de nouvelles propositions l'année prochaine ? (Sourires)

M. Grasset a, quant à lui, mentionné les drones. On ne peut dire, à la lecture du projet, que le renseignement soit négligé. Mais la question sera abordée à nouveau dans le cadre européen, un consensus s'étant dégagé sur la nécessité de capacités communes en la matière. Une génération nouvelle de satellites radars pourrait donc être envisagée en coopération avec nos amis Italiens et Espagnols.

J'ai apprécié le rapport de M. Galut, comme ceux de ses collègues. Il s'inquiète des fluctuations du prix des carburants, notamment dans l'armée de l'air. Il est vrai que cette arme, payant de faibles taxes, est, plus que d'autres, confrontée à la volatilité des prix du pétrole. Toutefois, les adaptations se sont faites sans difficulté en 1999 et rien ne permet de penser qu'il en ira autrement en 2000, même s'il est difficile de faire des prévisions sur le prix futur du baril. Je souhaite par ailleurs tempérer sa préoccupation au sujet du Rafale. Non, le report à 2001 des options n'est pas artificiel puisque, lorsque la commande avait été passée de 48 de ces aéronefs, il était précisé que la commande ferme portait sur 28 appareils et que les 20 autres faisaient l'objet d'une option jusqu'à 2001. Il y aura donc un creux en 2000, mais il était prévu et le programme d'équipement n'est pas ralenti pour autant.

M. Sandrier a centré son propos sur le sous-effectif du personnel civil de l'armée de l'air et sur le défi que constitue le prochain véhicule d'infanterie. Il nous faudra en effet combler les vacances de postes. La sous-traitance, à elle seule, ne suffit pas, et des concours seront organisés fin 1999 et en 2000. Il nous faudra d'autre part prendre des mesures favorisant la mobilité. Je suis ouvert à un dialogue avec votre commission à ce sujet. Je note, d'autre part, que M. Sandrier demande que la fabrication du nouveau VCI soit accélérée. Il sait les difficultés de la coopération européenne dans ce domaine, et nous devrons nous servir de la commande française pour améliorer notre potentiel. De toute évidence, nous aurons l'occasion d'aborder à nouveau cette question.

M. Le Drian a mentionné la réduction des crédits de la marine. Je tiens à souligner qu'ils sont réels mais momentanés. De plus, entre les AP prévues et les AP à venir, c'est de 37,8 milliards que disposera cette arme, ce qui représente 22 mois de CP. C'est dire qu'il n'y a pas de risque de freinage. Le programme Horizon, en particulier, a été engagé, de même que 13 des programmes prévus en coopération avec nos partenaires européens, sur les 23 initialement prévus. 35 % du prix du bâtiment est consacré aux missiles, et cette partie du programme demeurera commune à trois pays. Quant à la coque, elle continuera d'être fabriquée avec les Italiens. Les TCD feront l'objet de très faibles commandes en 2000, mais les reports prévus permettront sans doute une rallonge. Quoi qu'il en soit, notre défense a un besoin impératif de cette nouvelle génération de navires, dont la fabrication aura bien lieu.

J'ai noté que M. Le Drian formulait, sur la DCN, des propositions qui contrastent avec celles du Gouvernement. Je ne les pense cependant pas incompatibles. La DCN doit être restructurée car elle ne trouvera pas de partenaire industriel aussi longtemps que les problèmes de surcoût et de productivité n'auront pas été résolus. Mon intention est, par ailleurs, d'obtenir la modification des règles de passation des marchés en ce qui la concerne.

Comme l'a souligné M. Lemoine, les gendarmes souffrent d'une surcharge de travail. Une session du Conseil de la fonction militaire sera organisée, au cours de laquelle des mesures seront proposées pour alléger cette charge, en collaboration avec le ministère de l'intérieur pour ce qui concerne les gardes statiques. L'insuffisante féminisation des cadres de la gendarmerie est, en effet, un motif d'insatisfaction, mais l'on sait quel frein ont constitué les quotas. Les femmes seront encore faiblement représentées au sein des gradés de la gendarmerie pendant quelques années, mais la politique actuelle de recrutement de ce corps tient compte du nouvel objectif qui a été fixé.

Je remercie M. Meylan de l'appréciation qu'il a portée sur le projet. Je pense, comme lui, que la sous-traitance représentera l'un des principaux leviers de la nouvelle politique du ministère, qui vise à améliorer l'efficacité et les coûts. La DGA devra donc la favoriser et le ministère des finances s'y est engagé. Quant aux tensions dans le service de santé, elles ont été soulignées à juste titre. Si la carrière des médecins militaires demeure attrayante, il nous faudra toutefois offrir aux jeunes médecins déjà formés des contrats plus incitatifs afin que ce service conserve son rôle éminent.

M. le Président de la commission - Je donne à présent la parole aux représentants des groupes politiques, en commençant par M. Lellouche, pour cinq minutes environ.

M. Pierre Lellouche - Le projet de budget de défense que vous nous proposez est, et je pèse mes mots, tout simplement irrecevable. En apparence, il semble moins éloigné de la loi de programmation que celui de l'année dernière. Mais, en réalité, avec des CP en diminution de 3,5 % et 87,8 milliards d'AP, il obère la plupart des programmes clé d'équipement de nos armées, qui ne sont pas financés.

Après «l'encoche» et la «revue des programmes» ce projet aurait dû, compte tenu de vos propres engagements et d'une conjoncture économique exceptionnellement favorable, être celui du rattrapage. Il marque au contraire une étape supplémentaire dans un processus d'effritement systématique, inexorable, et soigneusement camouflé. Au nom du groupe RPR, j'accuse donc (Protestations) votre Gouvernement de briser le consensus qui devrait présider à l'élaboration de la politique de défense nationale et de compromettre gravement l'efficacité de nos forces alors que les conflits régionaux se multiplient, que les armes de destruction massive prolifèrent et que nos forces armées sont engagées de plus en plus fréquemment dans des opérations humanitaires ou de maintien de la paix. Ce faisant, votre Gouvernement condamne l'édification d'un véritable pôle européen de défense capable de rééquilibrer l'Alliance atlantique et de contrebalancer l'hyperpuissance américaine.

Ni les rentrées fiscales exceptionnelles de 1999, ni la hausse record des prélèvements obligatoires ne vous ont donc suffi pour remplir votre mission essentielle, qui est de garantir la souveraineté de l'Etat. Où va l'argent ? Non pas à assurer la sécurité de la France, mais à satisfaire un éventail de promesses électorales qui, des emplois-jeunes à la CMU en passant par la réduction du temps de travail, totaliseront 170 milliards de dépenses annuelles supplémentaires. 170 milliards, ce sont deux annuités du budget d'équipement de toutes nos armées, ou encore 10 porte-avions !

Faute de temps, puisque la nouvelle procédure budgétaire que vous nous avez imposée nous contraint à un débat que le président de la commission a lui-même qualifié de «pâteux» mais que je dirai plutôt «cotonneux»...

M. le Président de la commission - Cette procédure nouvelle n'a pas été imposée, mais acceptée par le Bureau de l'Assemblée.

M. Pierre Lellouche - Cette formule n'est pas satisfaisante, chacun peut le constater, et je puis vous assurer que le groupe RPR y est opposé. Quoi qu'il en soit, je me contenterai de donner quelques exemples illustrant les engagements politiques pris par le Premier ministre et par vous-même, Monsieur le ministre.

Côté pile, le Premier ministre déclarait, le 22 octobre, devant l'IHEDN : que « La puissance des nations reste au c_ur des préoccupations de tout responsable d'Etat. Comme chef du Gouvernement, responsable selon la Constitution de la défense nationale, je mets cette question au c_ur de ma réflexion. Pour la première, fois, une loi de programmation militaire -celle de 1997 à 2002- trouve sa traduction budgétaire dans la durée. Chaque année le Gouvernement a veillé à doter le ministère de la défense des moyens financiers et des effectifs nécessaires pour mener à bien cet exercice ». Côté face maintenant, d'encoches en annulations, de transferts du titre V au titre III en crédits non consommés, les armées ont été amputés depuis 1997 de 50 milliards en crédits de paiement, de 59 milliards même si l'on inclut les annulations dues aux OPEX non financées ainsi que l'inscription, pourtant normalement exclue, de dépenses civiles de recherche développement au budget de la défense, soit au total 11 % des dotations prévues dans la loi de programmation.

Côté pile, à nouveau M. Jospin : «Il nous semble important de développer les capacités européennes dans les domaines où elles manquent le plus cruellement : renseignements, commandement et contrôle, mobilité stratégique. Pour agir, l'Union européenne doit pouvoir s'appuyer sur des capacités nationales et multinationales de commandement et de projection». Mais côté face, il manque 18 milliards pour réaliser les engagements en Rafale, NH90, et M51 pour 2001 , alors que le futur Airbus militaire, pourtant essentiel à notre mobilité stratégique, n'est nullement lancé. Or à lui seul ce programme coûtera 20 milliards.

Côté pile, M. Jospin toujours : «Nous devons aussi renforcer nos moyens de contrôle et de commandement, notre capacité autonome à apprécier les situations. Lors du conflit du Kosovo, un certain nombre de technologies ont fait défaut». Bon diagnostic. Mais est-ce pour cela que, côté face, le budget spatial de nos armées est littéralement sacrifié cette année encore avec 25 % d'AP et 15 % de CP en moins, sans compter le transfert de 1,5 milliard au CNES ? A eux seuls, les transferts au BCRD -50 millions en 1998, 900 en 1999 et 1,5 milliard en 2000- représentent trois fois le financement d'Helios II et dix fois celui de Syracuse II. Est-ce à cause du Kosovo, de l'ambition américaine de dominer tous les secteurs spatiaux que nous avons gelé nos programmes de l'organisation en ce domaine ?

Côté pile, M. Jospin ajoutait que l'investissement technologique pourrait être accentué sur les drones. Est-ce pour cela que, côté face, les 5 drones perdus au Kosovo ne sont pas remplacés ?

Côté pile, Lionel Jospin encore : «Le Kosovo a mis en évidence le déséquilibre entre les moyens des Européens et ceux des Américains». Est-ce pour cela que, côté face, l'armée de l'air, grand vainqueur de la guerre, voit ses crédits fondre cette année, ses commandes de 12 Rafale repoussées à 2001 et l'ATF renvoyé aux calendes ? Est-ce pour cela qu'elle n'obtient qu'un seul avion neuf cette année et, que, aux deux tiers de la loi de programmation, 90 avions de combat de la dernière génération sont disponibles, sur les 300 prévus ?

A l'instar de nos chefs d'Etat-major, dont je salue la franchise et le sens des responsabilités, je pourrais continuer encore longtemps cette triste énumération, invoquer le vieillissement inquiétant de notre flotte, relever l'état préoccupant de nos stocks de munitions qui nous a conduits à en acheter aux Etats-Unis en pleine guerre du Kosovo, noter la durée d'entraînement trop brève de nos forces terrestres.

La cohérence stratégique et opérationnelle de nos armées, régulièrement rappelée par les plus hautes autorités de l'Etat, n'est tout simplement plus garantie par l'effort financier consenti par le Gouvernement. Nous sommes tout prêts du point de rupture entre les sollicitations liées au contexte stratégique de l'après-guerre froide -60 interventions depuis 1990, plus de 20 000 hommes hors métropole dont 8 500 dans la seule ex-Yougoslavie-, les ambitions de notre mission dans le monde, et la triste réalité de nos moyens.

Je vous donne acte, Monsieur le ministre, que la professionnalisation souhaitée par le président de la République est en train d'entrer dans les faits, les dépenses de fonctionnement étant à peu près financées. Mais professionnalisation ne signifie pas désarmement unilatéral de nos forces ! (Exclamations) A moins que votre vision de la République soit celle d'une société d'assistés que protégerait une milice de mercenaires (Vives exclamations) mal équipés et mal armés. (Protestations et rires) Telle n'est pas notre conception de la défense nationale. Aussi le groupe RPR ne votera-t-il pas ce budget.

Au lieu de rire, Monsieur le ministre, vous feriez mieux de me répondre par des chiffres !

M. le Président de la commission - Qu'il n'y ait pas de malentendu : cette formule expérimentale a été voulue, même si le groupe RPR s'y est opposé, par le Bureau de l'Assemblée nationale. A l'évidence, il y a des choses satisfaisantes et d'autres qui le sont beaucoup moins. Ainsi, je ne suis pas satisfait par la litanie des 11 rapports, dont 3 ont été d'ailleurs présentés par des députés de l'opposition, ce qui montre, Monsieur Lellouche, que chacun peut s'exprimer. M. Poujade m'a fait parvenir une proposition que je soumettrai à la commission afin que l'an prochain la présentation orale des rapports soit réduite à sa plus simple expression et que la discussion s'engage ainsi plus vivement.

M. Paecht - A condition qu'on ait les textes...

M. le Président de la commission - J'ai explique que c'est le règlement de notre Assemblée qui empêche que les documents soient publiés sans qu'ils incluent les débats en commission. Peut-être faudrait-il changer le règlement.

M. Guy-Michel Chauveau - Je ne reviendrai pas sur les analyses qui ont déjà été faites, il va de soi que je ne partage pas la dernière, mais ne dit-on pas que tout ce qui est excessif est insignifiant ?

M. Galy-Dejean a eu raison de ne pas remonter trop loin, cela évite de rappeler le trou de 20 milliards de 1995...

Notons par ailleurs que le débat sur la dissuasion nucléaire n'est pas d'actualité.

L'année dernière, après une revue de programme intégrant les diverses évolutions stratégiques, nous avions pris acte des ajustements opérés, dont certains restent à confirmer, en particulier en ce qui concerne nos capacités de projection. Dans le conflit du Kosovo, la France a apporté une contribution significative aux opérations aériennes et les parlementaires de notre groupe comme de tous les autres ont rendu hommage à l'action des personnels, qui demeure encore difficile dans le cadre de la reconstruction de la région. Toutefois, les insuffisances sont apparues et il nous appartient de les analyser sereinement dans l'optique de la prochaine loi de programmation.

Il faut insister sur la volonté politique de la plupart des gouvernements de faire progresser une Europe de la sécurité et de la défense. Après les sommets de Saint-Malo, Berlin, Toulouse, Brême, Cologne, des avancées considérables ont été enregistrées. Il serait intéressant, Monsieur le ministre, que vous fassiez devant nous un état des lieux et que vous traciez les perspectives.

Le renforcement de l'Europe de la défense passe par une attitude pragmatique comme la vôtre. Il faut d'abord tenir compte des évolutions des modèles d'armées et des coûts induits. Le Premier ministre a indiqué devant l'IHEDN, on l'a dit, les objectifs de l'architecture européenne de défense. Il a défini les organes nécessaires à la prise de décisions collectives, identifié les outils militaires permettant de mettre en _uvre les engagements souscrits à Cologne, souhaité un développement des activités européennes dans les domaines du renseignement, du commandement, du contrôle et de la mobilité stratégique. Il a recommandé la création des organes politiques et militaires appropriés : comité politique et de sécurité, comité militaire européen, états-majors européens. Lundi dernier, la Finlande, qui préside actuellement l'Union européenne, a proposé la création d'un comité militaire pour la gestion des crises. La France pour sa part soumet depuis plusieurs semaines un plan d'action à ses partenaires. Là aussi, nous aimerions un bilan d'étape.

La France a signé le 6 juillet 1998 avec l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, la Suède, le Royaume-Uni, une lettre d'intentions qui fixe un calendrier des objectifs en matière de sécurité des approvisionnements, de procédures d'exportation, de sécurité de l'information, de recherche et de technologie, de traitement et d'harmonisation des informations. Où en sommes-nous de cette procédure très importante ?

La France entend donc que la construction de l'Europe de la défense soit la plus rapide possible. La prochaine présidence française de l'Union lui permettra d'y contribuer davantage. Les Européens doivent être en mesure de décider et de conduire des opérations militaires de type Petersberg. Vous-même, Monsieur le ministre, releviez il y a peu «un manque relatif de volonté politique de la part des Européens» à développer leurs propres moyens militaires, ajoutant qu'il était essentiel de «trouver les moyens qui permettront à l'Europe de gérer les crises régionales et de donner le choix aux Etats-Unis de participer ou non».

Comme l'a rappelé le président de la commission, toutes ces initiatives bouleversent le cadre institutionnel d'une politique de défense jusque là limitée à la coopération industrielle. En septembre 1998, vous avez signé avec la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Italie une convention qui permet à l'Occar de recevoir des engagements pluriannuels des Etats et de passer en leur nom les contrats pour les programmes qui lui sont confiés. Une dynamique est enclenchée et, avec les restructurations européennes, en particulier la création d'EADF, d'autres partenaires, comme l'Espagne et les Pays-Bas, frappent à notre porte. Un tel outil est d'autant plus nécessaire qu'en cet automne, la poussée des nouvelles sociétés est aussi rapide que celle des champignons. Après la restructuration électronique autour de Thomson-CSF, le regroupement des activités satellites au sein d'Alcatel-Space, la naissance d'Aérospatiale Matra a confirmé notre volonté politique. Si l'on y ajoute les autres accords conclus, on ne peut que se réjouir d'une telle politique industrielle.

La question des moyens affectés aux différents budgets de défense est aujourd'hui la plus importante. Les budgets des pays européens membres de l'OTAN représentent 170 milliards de dollars pour des effectifs de 2,3 millions de personnes. Le budget américain est lui de 270 milliards de dollars pour 1,5 million de personnes. Les budgets d'investissement européens atteignaient 40 milliards de dollars en 1998 contre 80 milliards pour les seuls Etats-Unis. Or compte tenu de l'orientation de plusieurs Etats vers la professionnalisation des armées, ces budgets ne pourront pas être maîtrisés, l'exemple de la France le montre...

M. Pierre Lellouche - Ah !

M. Guy-Michel Chauveau - Parfaitement, cela coûtera plus cher que ce que vous aviez annoncé en 1995 !

On voit mal dans ces conditions comment seraient dégagées des marges de man_uvre supplémentaires pour la modernisation de l'outil militaire. Des complémentarités devront donc être obligatoirement recherchées tant pour le fonctionnement que pour l'investissement.

Je veux enfin revenir sur la non-ratification par les Etats-Unis du traité d'interdiction complète des essais nucléaires.

M. Jean Michel - Scandaleux !

M. Guy-Michel Chauveau - Cela souligne l'unilatéralisme de l'hyper-puissance que sont les Etats-Unis. Depuis 1990, avec nos alliés, tous nos efforts communs visaient à un traitement politique de la non-prolifération, ce qui nous conduisait à soutenir de toutes nos forces la reconduction du traité de non-prolifération et du traité d'interdiction des essais. C'est toute cette politique que vient à mettre à mal le Sénat américain, sans qu'à aucun moment la voix des Européens soit entendue.

Cette décision fait peser une vraie menace sur notre sécurité. Il ne saurait y avoir, pour la France et pour l'Europe, de réponse militaire au risque de prolifération. Les mesures de rétorsion par des frappes préventives déstabilisent la sécurité internationale et le projet de bouclier anti-nucléaire que les Américains ne tarderont pas à vanter à nouveau reste un mythe, car un seul missile suffit à rendre le concept inefficace. La politique américaine aboutira donc à une relance de la course aux armements nucléaires, inutile, coûteuse et dangereuse. Nous ne pouvons donc que chercher, avec nos partenaires européens, à faire évoluer la position de notre allié américain.

En conclusion, un peuple n'est fort que si la solidarité nationale s'exprime. Cette réussite économique que peut-être on nous envie aujourd'hui, contribue au rôle que nous jouons en Europe, et cette volonté politique que nous voulons susciter chez nos partenaires en dépend en grande partie.

M. Robert Poujade - Je reviens sur la situation paradoxale du budget de l'Armée de l'air, qu'ont relevée aussi bien les chefs d'état-major que le rapporteur pour avis et celui de la commission des affaires étrangères. Ce paradoxe est le suivant : d'un côté, une gestion remarquable et rigoureuse, l'avancée de la professionnalisation, un bon recours à la sous-traitance ; et de l'autre, le budget le plus médiocre pour ce qui est des crédits de paiement des titres V et VI. On connaît les conséquences de ce décalage pour les missiles Scalp et Apache, le report à 2001 de la deuxième tranche de commande globale de 12 Rafale, et je ne parle pas de l'ATF. Ces arbitrages budgétaires s'expliquent par une circonstance curieuse, et j'en parle d'autant plus librement que jadis les Etats de Bourgogne offrirent à la marine un vaisseau de haut bord (Sourires) : aujourd'hui c'est l'armée de l'air qui offre des frégates à la marine. C'est un mauvais système. Ce budget de l'air ne peut apparaître que comme un budget d'attente si l'on est optimiste, un budget d'imprévision si on ne l'est pas.

M. Bernard Birsinger - Je tiens à exprimer l'insatisfaction du groupe communiste quant aux nouvelles modalités d'examen de ce budget. La procédure décidée par la Conférence des présidents voulait favoriser un débat riche et spontané, dans un équilibre équitable des temps de parole. A l'évidence cet objectif n'est pas atteint, et nous devrons réfléchir ensemble à la possibilité d'avoir le débat qu'attendent nos concitoyens sur des questions de cette importance, car ce budget dépasse 242 milliards. Or trois groupes parlementaires ne disposent que de 5 minutes. Il faudra revoir cela.

Ce budget, comme les précédents, concrétise la loi de programmation votée en 1996 et ses nouvelles orientations décidées par le Président de la République, fondées sur la professionnalisation et la projection. Nous rappelons notre opposition de principe à une orientation qui ne tend pas à mettre en _uvre une politique globale de sécurité collective en France et en Europe, dont le volet militaire, indispensable, n'est qu'une dimension. Dans un monde livré au règne sans règle des marchés, où les inégalités s'accroissent, c'est là qu'il faut voir les principaux facteurs de risques. Donner la priorité au traitement à chaud des crises risque d'être lourd de déconvenues, alors que c'est la prévention qui devrait être la priorité. Nous devrions davantage écouter les jeunes : dans le manifeste adopté lors du Parlement mondial des enfants, leurs premiers mots sont pour souhaiter que le 21ème siècle soit un siècle de paix et de non-violence. Et ils demandent que les dépenses militaires excessives soient réorientées vers des programmes en faveur de la paix. La guerre du Kosovo a montré combien difficile était le rétablissement d'une paix durable après que la guerre a semé son lot de violences et de souffrances. L'objet fondamental doit être de rendre impossibles les conflits à venir. Dans ce but, il faut rendre tout leur rôle aux instances représentatives de la Communauté internationale, l'ONU et l'OSCE. Un texte a d'ailleurs été signé par de nombreux députés et par le Président de la notre commission : il a pour but d'adresser des propositions à l'ONU pour réfléchir à la possibilité d'une défense au service des droits de l'homme et de la paix dans le monde. L'ONU a d'ailleurs décidé à l'unanimité de faire de l'an 2000 l'année internationale de la culture de paix. L'occasion est ainsi donnée à la France de prendre des initiatives diplomatiques fortes et de relancer le désarmement nucléaire, comme nous avons su le faire en 1993 pour les armes chimiques, et je rejoins mon collègue socialiste pour demander au Gouvernement de prendre des initiatives à ce sujet. Il y a urgence face au danger de prolifération, que favorisent la décision du Sénat des Etats-Unis de ne pas ratifier le traité de non prolifération et le projet américain de boucliers anti-missiles.

La France doit agir en Europe pour que la future politique européenne de sécurité s'oriente prioritairement vers la prévention des conflits, le renforcement des coopérations pacifiques, le soutien aux sociétés civiles et à la démocratie. Elle doit soutenir la Charte de sécurité commune qui sera adoptée au prochain sommet de l'OSCE. Faire reculer les tensions requiert aussi de réformer le système financier international afin de favoriser, plutôt que la guerre économique, une logique de coopération pour le co-développement. Pour cela il faut de l'argent : comme l'a dit M. Mayor, on ne peut pas payer à la fois le prix de la paix et celui de la guerre. D'où l'importance, pour la prochaine loi de programmation, d'avoir un vrai débat sur les conditions de notre sécurité collective.

Votre budget, Monsieur le ministre, pose question sur plusieurs autres points. Sur le titre III et les personnels civils, nous partageons certaines remarques formulées devant la commission par les organisations syndicales : il n'est pas normal que des crédits destinés à des postes non pourvus à la DGA, à la DCN et au GIAT, soient basculés pour financer la sous-traitance. Nous sommes sensibles à la crainte des syndicats de voir ainsi s'installer la précarité. Pouvoir compter sur des ouvriers d'Etat qualifiés et dotés d'un statut est aussi une garantie pou notre défense. Les arguments sur l'impossibilité d'organiser la mobilité ne nous ont pas convaincus. De nombreuses questions se posent aussi sur le financement des grands projets. Il y a une contradiction entre la volonté affirmée d'autonomie à l'égard des Etats-Unis et la baisse de 15,3 % des crédits de paiement consacrés à l'espace. Si la France doit tout faire pour le désarmement nucléaire -ce qui implique la ratification du traité de non-prolifération par tous les Etats concernés et, à terme, la fin des essais, y compris en laboratoire- nous ne pensons pas que notre pays doive baisser sa garde unilatéralement. Néanmoins, des économies peuvent être faites dans ce domaine, notamment sur le SNLE ou le M 51. Si la fabrication de nouveaux matériels s'inscrit dans une orientation stratégique que nous ne partageons pas, reste que notre armée doit avoir les moyens de fonctionner. Nous prenons au sérieux les remarques récentes de plusieurs autorités militaires sur les difficultés d'approvisionnement en munitions qui, durant la guerre du Kosovo, nous ont obligés à faire appel aux Américains.

A travers le financement des programmes, c'est aussi le plan de charge des différents établissements qui est en cause. Restructurations et fusions se multiplient dans un domaine sensible qui touche à la souveraineté de notre pays, avec de lourdes conséquences sur l'emploi : je pense à la DCN, à la DGA et à GIAT industries notamment. C'est tout un potentiel de compétences et de savoir-faire qui risque de disparaître, alors qu'il pourrait contribuer au développement de nouvelles activités industrielles, y compris civiles. La diversification-développement n'est pas traitée au niveau qui convient. Sur tous ces points, des réponses doivent être apportées dès le présent débat budgétaire.

Mais il faut aller au-delà. Nous proposons qu'un débat se tienne à l'Assemblée sur la situation et l'avenir de l'industrie d'armement. Sa préparation pourrait prendre la forme d'un colloque largement ouvert aux industriels, aux syndicats, aux militaires et aux élus locaux. Nous approuvons également la proposition de deux syndicats de créer une mission d'information sur l'avenir du GIAT. Nous savons ce que la politique de défense doit au contexte de la cohabitation, mais nous pensons que le souffle du changement voulu par les Français en 1997, implique que soit redéfini, dans une large concertation, le contenu même de la politique de défense. Vous comprendrez donc, Monsieur le ministre, nos réserves sur votre budget, dans ses orientations fondamentales comme dans les aspects concrets. Nous attendons des réponses sur une série de questions précises avant de déterminer notre vote.

M. le Président de la commission - Permettez-moi de vous faire observer que vous avez doublé votre temps de parole.

M. Michel Voisin - Une fois de plus, nous devons constater que la défense n'est plus une priorité pour le gouvernement de la France. Certes, les menaces ont évolué depuis l'époque de la guerre froide. Mais les événements récents, notamment ceux du Kosovo, ont montré l'importance de nos besoins pour remplir nos engagements et tenir notre rang au sein de l'alliance et de la Communauté européenne. Une chose est déjà évidente : si nous ne stoppons pas immédiatement la déflation du budget militaire, c'est toute la cohérence opérationnelle qui risque d'être mise à mal. Nous faisons nôtres, l'inquiétude et la préoccupation qu'ont exprimées tous les chefs d'état-major devant notre commission. Le budget 2000 n'est pas encore dramatique, mais, s'il n'est pas substantiellement relevé dès 2001, nous irons droit vers l'incohérence stratégique. Chacun reconnaît pour le moins que les flux sont très tendus, avec un risque permanent de rupture.

Si dans cette quatrième année de la loi de programmation les engagements relatifs à la professionnalisation sont globalement bien respectés, on ne peut en dire autant de la politique d'équipement. Le niveau des autorisations de programme est particulièrement contraint, ce qui peut avoir des conséquences très négatives sur la capacité de notre future armée professionnelle. Quant aux crédits de paiement, ils sont déjà largement insuffisants : révision à la baisse à l'occasion de la revue des programmes, annulations, transferts au titre V, inscriptions au BCRD, les ont amputés. Nous constatons en outre la rechute dans une vieille pratique budgétaire, que nous avons condamnée sous tous les gouvernements : la non adéquation entre autorisations de programme et crédits de paiement. Il en résulte des retards dans la mise en _uvre des programmes, cependant que l'insuffisance des AP interdit de lancer toutes les commandes globales qui seraient nécessaires. Certaines ont ainsi été renvoyées après 2000, et pour 2001 il faudrait 18 milliards de plus pour les honorer. Les engagements concernant le missile M 51 et l'hélicoptère NH 90 ne peuvent plus être tenus. Enfin rien n'est prévu pour l'indispensable ATF.

D'une manière générale, la situation de l'armée de l'air se dégrade et sa part dans le budget ne cesse de diminuer. Le conflit du Kosovo a pourtant montré la qualité professionnelle et la disponibilité du groupe aéronaval. Je partage l'opinion de M. Galy-Dejean : il faut rapprocher la construction d'un deuxième porte-avions pour assurer la disponibilité permanente du groupe aéronaval. Quant à l'épineux problème du coût des opérations extérieures, soit 4,5 milliards par an, il n'a toujours pas trouvé de solution satisfaisante : on continue à le régler en transférant des crédits d'équipement annulés, ce qui rend encore plus chaotique la gestion du titre V. Nous entrons cette année dans la préparation de la future loi de programmation, mais cet exercice va se heurter aux bosses financières accumulées pendant la loi actuelle, de sorte qu'on peut déjà s'interroger sur sa crédibilité.

Le groupe UDF juge ce projet lourd de menaces pour l'avenir. Je précise que nous ne mettons pas en cause le ministre de la défense, ni son ministère, et je rends hommage à tous les personnels qui servent sous ses ordres. Mais depuis une dizaine d'années la défense n'est plus une priorité pour nos gouvernements. Nous le regrettons : si les menaces ont changé, elles ne sont pas éteintes. Les Etats-Unis l'ont bien compris, eux qui ont augmenté leurs crédits militaires. Nous tenons à tirer la sonnette d'alarme, et nous ne pourrons approuver ce budget.

M. Jacques Myard - Je vous remercie de m'accueillir en tant que membre de la commission des affaires étrangères. Il est vrai que le soldat et le diplomate ont toujours marché de pair, et cela durera, malgré les illusions de certains. Permettez-moi, Monsieur le ministre, de vous exprimer mon admiration : il faut du courage pour présenter un aussi mauvais budget. Il hypothéquera gravement l'avenir.

Ma première question concernera la constitution du groupe EADS, dont se sont réjouis la presse, le Gouvernement et certains membres de l'opposition. Il s'agit d'une société européenne d'armement. Oui, mais... Dans le domaine de la défense, un groupe de droit néerlandais, livré aux forces du marché, ne risque-t-il pas de nous échapper complètement ? Ne peut-il faire l'objet d'OPA ?

M. le Ministre - Vous avez dit «oui mais» Pourquoi oui ?

M. Jacques Myard - "Oui", parce que cela peut être un élément positif à condition que nous contrôlions les prises de décision. "Mais", parce que ce groupe peut être soumis complètement aux lois du marché et nous échapper. Je vous invite à observer l'exemple des Américains, qui ont su mettre en place des verrous. Quels sont les verrous que le gouvernement français a mis en place pour éviter que ce consortium échappe totalement à son influence alors qu'il s'agit de notre défense nationale ?

Ma deuxième question concerne l'évolution du concept stratégique de l'Alliance atlantique. J'ai écrit au Premier Ministre à ce sujet mais sa réponse ne m'a pas donné satisfaction. Le concept stratégique adopté le 24 avril dernier à Washington marque une transformation radicale : d'alliance défensive, l'Alliance atlantique devient un instrument de maintien de l'ordre, et ceci sous la poussée des Américains. Ne pensez-vous pas que cela va bien au-delà du Traité de l'OTAN et que le Parlement devrait donner son autorisation à cette transformation radicale ?

M. Charles Cova - Monsieur le Ministre, ma question n'est pas nouvelle. Il s'agit d'améliorer la situation de certains lieutenants et sous-lieutenants retraités avant le 1er janvier 1976, qui n'ont pu bénéficier des mesures d'avancement instituées ultérieurement. Aujourd'hui ces officiers, ou leurs veuves, perçoivent une pension inférieure à celle qu'ils auraient reçue s'ils étaient restés sous-officiers. Cette situation est unanimement déplorée, par les militaires eux-mêmes, par notre commission et par le ministère de la défense. C'est pourquoi, fort du soutien de la commission, j'ai déposé un amendement tendant à ce que les sous-lieutenants admis à la retraite avant le 1er janvier 1976 puissent prétendre à une révision de leur pension sur la base du grade de major. Malheureusement, la Constitution et le Règlement de l'Assemblée rendent une telle initiative parlementaire irrecevable. Je souhaiterais donc savoir si vous seriez prêt à reprendre cet amendement et à régler une fois pour toutes cette injustice criante.

M. François Lamy - Je concentrerai mon propos sur trois ou quatre points.

En ce qui concerne le déroulement de cette séance, je pense qu'il serait plus intéressant de débattre de chaque rapport après sa présentation pour éviter des décalages dans nos propos.

Nous sommes à mi-temps à la fois de la législature et de la professionnalisation des armées. J'ai étudié le rapport du ministère de la défense sur l'exécution de la loi de programmation et la réforme du service national. J'en profite pour attirer l'attention de nos collègues sur l'importance d'examiner ce genre de rapports, puisque nous faisons de plus en plus obligation aux ministres d'en présenter. En dépit des critiques de M. Lellouche, je constate que les objectifs fixés ont été respectés, notamment en ce qui concerne les effectifs. Le taux d'encadrement se renforce, le recrutement des volontaires et des personnels civils se passe de façon correcte, les rémunérations et les charges sociales sont bien maîtrisées. Cette loi de finances permet donc, en ce qui concerne les crédits de fonctionnement, une exécution correcte de la loi de programmation militaire, même si nous souhaiterions augmenter davantage les capacités d'entraînement.

En ce qui concerne les équipements, je dirai simplement à M. Lellouche, que quitte à citer le chef d'état-major des armées, autant le citer complètement. Or, ce dernier a bien dit à la commission de la défense qu'il n'y avait pas de rupture dans la politique d'équipement. A propos de l'ATF, il a certes eu raison de souligner l'importance de ce programme : mais pourquoi alors ne pas l'avoir accéléré dans la loi de programmation 1997-2002 ?

La crise du Kosovo a permis de confirmer la validité du choix de professionnaliser les armées. Nos capacités de déploiement ont été deux fois plus importantes que pendant la guerre du Golfe. En matière d'équipement, si nous avons pu constater un certain nombre de manques, il reste que globalement, les forces françaises ont bien rempli les missions assignées, comme l'a confirmé le général Clarke à notre mission d'information sur le Kosovo. Il faudra cependant réfléchir, à l'occasion de la nouvelle loi de programmation, sur les capacités d'emploi de certains équipements. Je ne suis pas certain qu'on pourra expliquer longtemps à l'opinion publique qu'il faut construire des avions modernes capables de larguer leur armement à 500 mètres d'altitude si on les oblige à voler au-dessus de 5 000 mètres, ni qu'il faut continuer à construire des hélicoptères de combat si on ne peut pas les engager sur le théâtre des opérations. Une réflexion s'impose sur les types de guerres à mener actuellement. Nous avons connu une guerre technologique qui a rempli ses objectifs. Mais dans d'autres pays ont lieu des guerillas qui exigent d'autres armes et d'autres techniques.

Lors du débat sur la suppression du service national, il y a eu de longues discussions entre la majorité et l'opposition sur l'utilité réelle de la journée d'appel de préparation à la défense. Or, à la lecture de ce rapport, on constate que plus d'un tiers des jeunes qui y ont participé souhaitent garder le contact avec l'armée. C'est un résultat plutôt satisfaisant. Il faudra continuer à réfléchir aux moyens de raffermir le lien entre l'armée et la nation.

En ce qui concerne les opérations extérieures, je vous confirme notre souhait de les voir intégrer dans la loi de finances, même si cela pose des difficultés techniques. Il est assez incompréhensible que l'on soit obligé de parler de « surcoût » dès que l'armée sert, comme si cela avait un caractère exceptionnel ! Il serait financièrement plus rigoureux d'intégrer au moins les opérations extérieures déjà en cours et dont on sait qu'elles vont se poursuivre.

Enfin, je souhaite que l'année 2000 voie aboutir la discussion engagée sur le renforcement du débat démocratique et du contrôle parlementaire sur les opérations extérieures. En ce qui concerne le conflit du Kosovo, il aurait été nécessaire que les parlementaires puissent être consultés avant la décision d'intervention.

M. Antoine Carré - Le récent conflit du Kosovo a montré que le choix de la professionnalisation était adapté. Que retenir de ce budget ? Le niveau des crédits de fonctionnement est limite, mais permet d'augmenter un peu le nombre de journées d'entraînement. Il est cependant probable que les crédits de la gendarmerie devront être revus en cours d'année.

En ce qui concerne les investissements, la situation est moins brillante. Malgré les efforts de rationalisation de la gestion et de coopération européenne, les principaux chefs d'état-major sont inquiets pour l'avenir. Les autorisations de programme ne permettront pas de moderniser notre outil de défense dans un délai suffisant, surtout en ce qui concerne la Marine et l'armée de l'air. Le conflit du Kosovo vient pourtant de montrer que nos forces peuvent manquer de munitions et que notre système de renseignements est trop dépendant de nos alliés. Des crédits supplémentaires seraient donc nécessaires.

Ce budget ne prend pas en compte les opérations extérieures. Il faudra résoudre ce problème.

En ce qui concerne le service de santé des armées, un remarquable rapport sénatorial a mis en lumière les difficultés de recrutement de médecins militaires et de personnel paramédical. Il est indispensable de trouver rapidement des solutions, qui auront évidemment des incidences budgétaires.

En conclusion, ce budget est très tendu et inspire des inquiétudes quant à notre niveau d'équipement militaire. Il permet certes le respect de la loi de programmation, mais avec retard par rapport aux besoins. Il aurait dû tenir davantage compte des leçons de la guerre du Kosovo. Il aurait surtout dû bénéficier de l'amélioration de la situation budgétaire : lors des arbitrages, les excédents de recettes fiscales auraient dû être affectés davantage à la défense nationale.

Pour le groupe DL, ce n'est pas un bon budget.

M. Jean-Louis Bernard - La guerre du Kosovo a mis en évidence l'efficacité de notre armée de l'air, déjà constatée dans le conflit du Golfe et en Bosnie. Les cibles ont été parfaitement identifiées et les tirs précis. On aurait donc pu espérer que le budget 2000 serait à la mesure des services rendus. Or il n'en est rien. Ce budget est plus que serré, il est ficelé. Quand les crédits de paiement des titres V et VI diminuent de 7 % et les autorisations de programme de 10 %, le rapporteur du budget de l'armée de l'air ne peut avoir grand plaisir à le présenter ! Il a d'ailleurs relevé comme il convenait plusieurs insuffisances dans ce titre.

L'armée de l'air ne bénéficiera l'an prochain que de 20 % des crédits, contre 22 ou 23 % les années précédentes et 28 % en Grande-Bretagne. Le traitement qu'on lui a accordé n'est donc pas des meilleurs. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit M. Poujade à propos des retards pris par les programmes, sauf pour insister comme l'an dernier sur celui qui affecte l'ATF. Dois-je rappeler que nos Hercule C 130, partis d'Orléans, ont mis six jours pour arriver au Timor oriental ? Ils ont dû faire escale à Istres, au Caire, dans un émirat, puis à Ceylan et à Singapour !

M. le Ministre - Voulez-vous dire qu'ils devraient être basés à Istres, pour gagner un jour ? (Sourires)

M. Jean-Louis Bernard - Je veux simplement regretter le silence sépulcral de cette loi de finances en ce qui concerne le programme ATF. Il faut espérer que, malgré l'alignement de la Grande-Bretagne sur les Etats-Unis et la préférence donnée par l'Allemagne au projet russo-ukrainien, le groupe Airbus allié à DASA, saura réveiller les bonnes volontés. Il y va de l'avenir de la construction européenne. Lorsque les chefs d'état-major des différents pays se mettent d'accord sur des spécifications, il conviendrait qu'ils fassent de même sur les commandes. Et ce programme est donc capital.

Enfin, la guerre du Kosovo a révélé une avancée technologique majeure, avec l'utilisation des drones. Nous ne sommes qu'à la première génération de ces engins, mais il y en aura sans doute d'autres et il conviendrait donc de s'y intéresser, par exemple pour la détection des cibles, d'autant que les opinions n'acceptent plus la perte d'un seul pilote. Un vaste domaine de recherches s'ouvre par conséquent aux industriels et le ministère serait bien avisé de réfléchir à la question.

M. Jean-Noël Kerdraon - Je remercierai d'abord le ministre d'avoir répondu aux questions écrites que je lui ai posées, comme la nouvelle procédure me le permettait. J'apprécie que le NTCD soit pour la première fois « budgété » l'an prochain. La DCN tirera profit de la mesure.

S'agissant de celle-ci, le plan d'entreprise a fait l'objet d'une annonce en mai. J'en approuve l'essentiel et ne partage donc pas les inquiétudes de M. Le Drian. Quoi qu'il en soit, mieux vaudrait ne pas troubler les esprits au moment où l'on lance un projet. Pour ma part j'ai confiance dans le succès de l'entreprise, qui devrait aboutir à une amélioration du fonctionnement de la DCN, m'interrogeant seulement sur la possibilité de ramener les effectifs à 12 500 personnes d'ici à la fin de l'année.

L'établissement de Brest étant le plus en difficulté, je me réjouis des engagements que vous avez pris, Monsieur le ministre, en même temps que le délégué interministériel aux restructurations militaires. J'insisterai toutefois pour que les mesures soient prises afin d'éviter une chute brutale de l'activité dans cinq mois.

M. le Ministre - Je vous prie par avance d'excuser le caractère partiel ou trop synthétique de mes réponses.

Contrairement à ce qu'a dit M. Poujade, s'agissant de l'armée de l'air, un budget ne peut tirer immédiatement les conséquences de tel ou tel événement opérationnel. Il est en effet élaboré pour l'essentiel entre mars et juin. Par ailleurs, le conflit du Kosovo a démontré la disponibilité de notre armée de l'air, ainsi que l'étendue de ses capacités opérationnelles : toutes deux ont été bien supérieures à celles dont ont fait montre nos partenaires. A ce propos, je conteste le calcul auquel s'est livré M. Bernard : s'en référer à un pourcentage de dépenses a peu de sens lorsqu'on dispose d'une force de dissuasion autonome. Et si la Grande-Bretagne dépensait plus que nous pour son armée de l'air il y a quelques années, elle a effectué deux fois et demie moins de missions toutes catégories au Kosovo.

En matière de programmes, les évolutions sont toujours à long terme. Les crédits de 2000 permettront largement d'atteindre les objectifs fixés.

Quant à l'ATF, je note une recherche de convergence entre les différents pays acheteurs. Le programme devrait être viable, grâce aux efforts d'Airbus, même si seulement cinq ou six pays sur sept passent commande. Il est vrai que cet avion n'était pas mentionné dans la loi de programmation, ce que je comprends d'ailleurs, mais le remplacement des hélicoptères de la gendarmerie n'y figurait pas non plus et pourtant, en 1998, nous avons su trouver les 300 millions nécessaires pour en commander huit et pour organiser la livraison de cinq avant le terme de la loi de programmation. Il en sera certainement de même pour l'ATF, une fois signé l'accord relatif aux commandes.

Monsieur Cova, je me préoccupe comme vous du niveau de la retraite perçue par les sous-officiers qui partent avec le grade de sous-lieutenant. Je ne puis en dire davantage, faute d'accord interministériel, mais il n'est pas impossible que les mesures soient prises dans les prochaines semaines.

Si beaucoup ont mentionné l'Europe, d'autres ne l'ont pas fait et je trouve ce silence également intéressant. Je suis par exemple surpris que M. Birsinger, dont le groupe est pour une rénovation globale de notre politique de défense et a soutenu l'idée d'une Europe de la défense lors du conflit du Kosovo, élude le sujet lorsque les armes se sont tues. Cela étant, le Gouvernement demeure favorable à un projet de sécurité collective et, si nous n'avons parlé aujourd'hui que de moyens militaires de traiter les crises, c'est que nous discutons du budget de la défense.

Monsieur Lellouche, votre propos m'est apparu quelque peu décalé, à la fois dans son ton et dans sa teneur. Le débat entre la majorité et l'opposition est normal mais la façon dont vous en avez posé les termes ici, en dramatisant à outrance, risque de décourager nos partenaires européens à un moment où il faudrait au contraire les mobiliser. Vous fournissez à ceux qui ne seraient déjà que trop tentés de le faire une nouvelle raison de baisser les bras. Nous avons des responsabilités en Europe...

M. Pierre Lellouche - Justement !

M. le Ministre - En revanche, je rends hommage au souci de prévoyance et à la persévérance dans les idées dont ont fait preuve les autres orateurs de l'opposition. Il est sans doute possible de faire mieux que ce que nous faisons, mais je ne redoute pas la comparaison avec nos partenaires européens, non plus qu'avec les gouvernements précédents.

M. Myard a posé une question judicieuse sur l'ADS. L'appellation utilisée en l'occurrence est anglaise parce qu'il s'agit d'une entreprise internationale. Le siège financier a de même été établi aux Pays-Bas mais je rappelle que, sous les précédentes législatures, la France a fait le choix d'éviter toute surenchère en matière de fiscalité des holdings. Cela a sans doute amené quelques délocalisations mais cela a peu d'effet du point de vue économique et cela contribue à une harmonisation à l'échelle de l'Europe.

En revanche, la question clé est bien celle qu'a posée M. Myard : qui contrôle ? Notons au passage qu'elle ne se poserait pas si l'on suivait M. Lellouche, qui est pour une privatisation totale d'Aérospatiale et de Matra. Si elle se pose en l'occurrence, c'est parce que l'Etat est au contraire resté actionnaire permanent, aux termes d'un accord qui constitue une véritable première dans le domaine industriel. Il prévoit en effet la création d'une société de contrôle détenue à 60 % par des actionnaires et parfaitement « fermée ». La moitié des droits de vote sera détenue par Daimler-Chrysler, l'autre moitié par l'Etat, par le groupe Lagardère et par un groupe d'investisseurs institutionnels. L'Etat ne disposera pour sa part que de 15 %, mais il aura tout de même un droit de veto, les décisions ne pouvant être prises que d'un commun accord. La France n'utilisera pas cette disposition pour bloquer lesdites décisions, mais elle aura les moyens nécessaires à un contrôle effectif.

S'agissant du concept d'Alliance, je vous fais remarquer qu'il n'y a pas eu traité, Monsieur Myard. Simplement, à Washington, la France a jugé qu'elle avait obtenu des concessions suffisantes pour signer le texte. Le temps de la guerre froide est terminé et les conflits potentiels sont de plus en plus divers. Or, le seul outil dont nous disposions pour la coopération militaire en Europe est un outil que nous partageons avec les Etats-Unis : l'OTAN. On ne peut changer cette situation dans l'immédiat. En attendant, il nous faut donc chercher à faire évoluer l'Alliance...

M. Jacques Myard - Avec l'accord du Parlement ! Mais qui décide de l'ordre du jour ?

M. le Président de la commission - Monsieur Myard, vous n'êtes pas un membre habituel de notre commission, laquelle a souvent évoqué cette question. Elle le fera à nouveau, et nous vous inviterons alors.

M. le Ministre - Je conclurai mon propos sur l'Europe en indiquant à M. Chauveau qu'il faut bien entendu privilégier la négociation , car chacun sait bien qu'envisager l'Europe de la défense sous l'angle d'un transfert de souveraineté ne permettra pas d'aboutir. Que l'on s'inspire, au sein de l'Union, du modèle de l'Alliance atlantique pour les prises de décision, c'est un fait. Il faut, comme l'a souligné le président de la commission, éviter la constitution d'une sorte de directoire, qui aurait un effet répulsif sur les plus petites nations.

L'OCCAR, enfin. Il pourrait être élargi, si de vraies délégations sont données. La question des exportations me semblait devoir être parmi les plus compliquées, car je pensais que les positions seraient contradictoires. Mais il apparaît au contraire que plusieurs pays membres souhaitent voir les procédures harmonisées.

Ainsi, au moment où, peu à peu, se constitue l'Europe de la défense, la réforme de nos armées est d'autant plus légitime qu'elle s'opère dans le même sens que celui qu'ont choisi nos partenaires. De très importantes questions politiques se posent, qui ont trait à l'équilibre au sein de l'Alliance atlantique, compte tenu de l'attitude des Etats-Unis. Je suis, pour ma part, convaincu qu'il revient aux Européens de reprendre l'initiative, notamment pour ce qui touche aux traités d'interdiction des armes nucléaires. Pour autant, ce n'est qu'à force de compromis que nous parviendrons à définir une politique de défense véritablement multipolaire.

M. le Président de la commission - Je remercie tous ceux qui ont pris part au débat, et notamment M. le ministre. La présente séance n'était pas exempte d'imperfections, mais le débat était intéressant. Au cours des quatre heures écoulées, onze rapporteurs ont parlé pendant 1 heure 20, onze orateurs pendant 1 heure 10, le ministre pendant 1 heure et moi-même pendant un quart d'heure. De réels échanges ont donc eu lieu, mais la formule peut certainement être améliorée. Je formulerai des propositions à cette fin.

Je rappelle que le vote sur le projet de budget aura lieu, en commission, aujourd'hui à 16 heures 15.

La séance est levée à 13 heures 5.

Le Directeur du service
des comptes rendus analytiques,

Jacques BOUFFIER

Mercredi 3 novembre 1999
(séance de 9 heures)

Audition de M. M. Alain Richard, Ministre de la Défense sur les crédits de son ministère


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