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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 17

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 23 novembre 1999
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Paul Quilès, Président,

puis de M. Didier Boulaud, Vice-Président,

enfin de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

Pages

- Examen de la proposition de loi tendant à la création d'une délégation parlementaire pour les affaires de renseignement (n° 1497) (M. Arthur Paecht, rapporteur)

Informations relatives à la Commission

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La Commission de la Défense a examiné, sur le rapport de M. Arthur Paecht, rapporteur, la proposition de loi tendant à la création d'une délégation parlementaire pour les affaires de renseignement (n° 1497).

M. Arthur Paecht a tout d'abord indiqué qu'il avait mené une cinquantaine d'entretiens pour la préparation de son rapport, dont 22 à l'étranger, et que les enseignements qu'il avait tirés de ces entretiens l'avaient conduit à proposer certaines modifications à la proposition de loi. Il a fait observer à cet égard que, si aucun système étranger n'était transposable, toutes les grandes démocraties disposaient aujourd'hui d'organismes permettant un contrôle parlementaire du renseignement, la France étant dans ce domaine une exception.

Il a ensuite évoqué les travaux qu'il avait coordonnés dans le cadre du groupe de travail sur le renseignement, créé le 2 décembre 1997 par la Commission de la Défense, sur proposition de son Président. Il a rappelé que ce groupe avait étudié la possibilité de créer, au sein de chacune des assemblées parlementaires, un organe de contrôle des différents services représentant ce que l'on pourrait appeler la communauté du renseignement. Il a alors souligné la situation particulière du Parlement français qui, malgré les divers dysfonctionnements, voire les scandales touchant les services de renseignement, n'avait jamais, officiellement du moins, disposé d'informations privilégiées sur leurs activités, alors que, dans presque toutes les démocraties, il existe aujourd'hui un organisme parlementaire, non seulement habilité à en connaître, mais exerçant de surcroît un contrôle sur cette attribution sensible du pouvoir exécutif. Le groupe de travail, qui comptait un membre de chaque groupe politique, en était arrivé à la conclusion que rien ne justifiait le fait que les parlementaires français demeurent, dans ce domaine, des nains politiques en comparaison de leurs collègues des autres démocraties alors qu'il n'existait aucune raison de penser qu'ils fussent moins dignes de confiance. C'est au vu de ce constat qu'a été déposée une proposition de loi originale, car signée par le Président Paul Quilès et cosignée par les membres du bureau de la Commission de la Défense appartenant à tous les groupes politiques de l'Assemblée nationale représentés, à l'exception du groupe RPR, dont les préoccupations paraissent pourtant voisines, puisqu'un sénateur du même parti avait déposé une proposition de loi allant dans le même sens. M. Arthur Paecht a alors exprimé l'espoir d'un changement d'attitude de la part du groupe RPR de l'Assemblée nationale.

Le rapporteur a ensuite présenté la situation et le rôle des différents services de renseignement français. Il a rappelé qu'existaient au sein du ministère de la Défense trois services de renseignement et d'action, la direction de la protection et de la sécurité de la Défense (DPSD), la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) - plus « hébergée » par ce ministère que réellement intégrée à ses services - et la Direction du renseignement militaire (DRM), de création récente. Quant à la Direction de la surveillance du territoire (DST) et à la Direction générale des renseignements généraux, elles font partie du ministère de l'Intérieur. Il faut enfin rappeler que le ministère de l'Economie et des Finances dispose du service des Douanes, dont l'implication dans un certain nombre de domaines touchant les affaires de renseignement et d'espionnage va croissant.

Le rapporteur a rappelé que chacun de ces services était, en théorie du moins, responsable devant son ministre de tutelle et que la coordination de leurs activités était assurée par le Comité interministériel au renseignement (CIR), dont le secrétariat est dévolu au Secrétariat général de la Défense nationale (SGDN), pour le compte et sous l'autorité directe du Premier ministre. M. Arthur Paecht a ajouté qu'en période de cohabitation, les responsables des services veillaient à ce que le Président de la République et le Premier ministre soient tous les deux systématiquement destinataires des mêmes informations, en vertu des pouvoirs que la Constitution leur confère.

Quant au Parlement, le rapporteur a relevé qu'il n'était pas en état d'exercer le moindre contrôle sur les activités de renseignement et qu'il avait, ce faisant, renoncé à l'une de ses prérogatives constitutionnelles, dans la mesure où sa fonction de représentation de la souveraineté nationale lui confère à la fois le pouvoir de légiférer et de contrôler l'ensemble des actions de l'exécutif.

Jugeant qu'il était nécessaire de remédier à une telle situation, il a souligné que le Parlement devait imaginer un système juridique qui lui permette de retrouver la plénitude de son pouvoir de contrôle, dans le respect du principe de séparation des pouvoirs. Il a par ailleurs fait valoir que les représentants de l'exécutif avaient le devoir de faciliter ce contrôle en faisant preuve de confiance et de respect à l'égard de la représentation nationale, sachant que la proposition de loi excluait toute immixtion dans les activités opérationnelles des services. Le rapporteur a ajouté que les éventuelles défaillances du pouvoir exécutif dans le domaine du renseignement relevaient des mécanismes habituels de contrôle reconnus au Parlement par la Constitution.

M. Arthur Paecht a estimé que la mise en place de délégations parlementaires pour le renseignement permettrait, d'une part, de revaloriser le rôle du Parlement, en lui confiant de nouvelles responsabilités, mais aussi d'autre part, d'améliorer l'image des services de renseignement eux-mêmes. A cet égard, il a indiqué que tous les responsables qu'il avait rencontrés au cours des dernières semaines, tant en France qu'à l'étranger, tant dans les services qu'au plus haut niveau de l'Etat, avaient souligné l'estime dans laquelle ils tenaient le renseignement français, ses interlocuteurs étrangers s'étonnant toutefois que n'existât aucun contrôle parlementaire dans ce domaine dans une démocratie aussi exemplaire que la nôtre. Il a relevé que la démarche qu'il avait présentée aux responsables avec lesquels il s'était entretenu suscitait des réactions globalement positives, même si certaines inquiétudes, compréhensibles au demeurant, étaient apparues, eu égard à l'absence de culture du renseignement des parlementaires français. Il faut toutefois noter que la réticence des responsables des services, voire leur hostilité, perceptible au début des entretiens, s'est généralement estompée, la plupart d'entre eux ayant bien compris que la création de délégations parlementaires pour le renseignement allait leur permettre de nouer des relations de confiance avec des parlementaires responsables et assermentés. Il a souligné que les différents ministres concernés avaient parfaitement admis la légitimité de la démarche de la Commission de la Défense, et ajouté qu'il était préférable qu'une telle initiative, qui régit le fonctionnement des assemblées, émane du Parlement, d'autant qu'elle ne pouvait être que consensuelle.

M. Arthur Paecht a fait observer qu'il ne souhaitait pas la mise en place d'une structure commune à l'Assemblée nationale et au Sénat, invoquant le bicamérisme de notre système parlementaire, la difficulté de maintenir un effectif restreint au sein d'une telle instance et les difficultés techniques résultant des modalités de renouvellement de chaque assemblée. Il a par ailleurs rejeté le principe de l'instauration d'une autorité administrative indépendante chargée de contrôler les activités de renseignement, estimant que la présence en son sein d'un ou deux parlementaires ne leur permettrait pas de jouer d'autre rôle que d'offrir un alibi.

M. Arthur Paecht a estimé qu'au total la création de délégations parlementaires pour le renseignement représenterait une innovation qui honorerait le Parlement.

Le Président Paul Quilès a rendu hommage au travail effectué par le rapporteur dans un domaine délicat et a souligné la nécessité de légiférer pour combler un manque complet de contrôle parlementaire du renseignement.

M. René Galy-Dejean s'est étonné de la procédure suivie et de la nature des amendements du rapporteur qui tendaient à modifier en profondeur le texte de la proposition de loi.

Le Président Paul Quilès a rappelé, qu'une fois la proposition de loi déposée, il appartenait au rapporteur nommé par la Commission de présenter tous les amendements qu'il estimait nécessaires.

M. Arthur Paecht a fait observer que tout député membre de la Commission avait pu proposer des amendements sur un texte disponible depuis le 25 mars 1999 et que les amendements qu'il présentait n'avaient pas pour objet de le bouleverser mais de l'enrichir et de le préciser.

Article unique (art. 6 octies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958) : Création des délégations parlementaires pour le renseignement

La Commission a adopté au premier alinéa un amendement rédactionnel du rapporteur visant à tenir compte de la création récente des délégations à l'aménagement du territoire et aux droits des femmes.

M. Pierre-André Wiltzer a alors estimé que la multiplication des délégations parlementaires pouvait apparaître comme une conséquence de la limitation constitutionnelle du nombre des commissions permanentes et s'est demandé si ces organismes de nature hybride constituaient un instrument efficace.

Le Président Paul Quilès a fait remarquer que les travaux de la Commission de la Défense étaient peu affectés par la limitation du nombre des commissions permanentes, étant donné le caractère limité et bien défini du domaine sur lequel ils portaient. Il a par ailleurs observé que la Commission de la Défense n'avait jusqu'à présent pas fait appel à l'instrument de la délégation parlementaire pour améliorer son information.

M. René Galy-Dejean a estimé que la Commission de la Défense nationale pouvait entendre les responsables des services de renseignement et développer son activité de contrôle en ce domaine sans qu'il soit nécessaire de créer une nouvelle instance.

Paragraphe I : Institution d'une délégation parlementaire pour le renseignement dans chaque assemblée

Au paragraphe I, la Commission de la Défense nationale a adopté successivement trois amendements du rapporteur :

- le premier à caractère rédactionnel ;

- le deuxième tendant à retenir l'appellation de « délégation parlementaire pour le renseignement » ;

- le troisième supprimant la dernière phrase du paragraphe, les dispositions relatives à la composition de la délégation faisant l'objet du paragraphe suivant.

Paragraphe II : Composition des délégations et modalités de désignation de ses membres

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par le rapporteur précisant que chaque délégation parlementaire devait être composée des présidents des commissions compétentes pour l'organisation générale de la défense, la politique extérieure et l'administration générale des territoires de la République et des collectivités locales membres de droit ainsi que d'un membre de chacun des groupes politiques, sur proposition de leur président respectif.

Estimant que toutes les sensibilités politiques des assemblées devaient être représentées, le rapporteur a proposé que chaque groupe désigne un représentant et a renvoyé aux dispositions générales des règlements relatives aux nominations personnelles pour la désignation de ces membres.

Il a également fait valoir que les présidents des commissions les plus concernées par les questions de renseignement devaient être membres de droit des délégations pour le renseignement de manière à assurer la présence en leur sein de parlementaires à l'autorité reconnue et à permettre à la majorité de disposer d'une représentation adéquate.

Il a ensuite plaidé pour la limitation de l'effectif des délégations afin de garantir l'efficacité de leur travail et de permettre l'établissement de relations de confiance avec les services de renseignement.

Enfin, il a considéré que la présidence de la délégation devait revenir de droit au Président de la Commission de la Défense.

Faisant remarquer que le nombre de groupes politiques pouvait varier, M. Robert Gaïa s'est déclaré préoccupé des fluctuations de l'effectif et de la composition des délégations, préférant le recours à un mode de représentation proportionnelle. Par ailleurs, insistant sur l'importance prise par le renseignement économique, il a proposé que le président de la Commission des Finances soit également membre de droit de la délégation pour le renseignement.

Le Président Paul Quilès a souligné que l'application du principe de représentation proportionnelle pour la composition des délégations supposait, soit de leur attribuer un effectif trop élevé, soit d'écarter certains groupes, ce qui ne paraissait pas souhaitable.

M. Arthur Paecht a fait valoir que, sur la base de l'actuelle composition de l'Assemblée nationale, la solution proposée par son amendement permettait à la délégation de compter trois représentants des groupes de la majorité, trois présidents de commissions appartenant également à la majorité et trois représentants des groupes de l'opposition. Il a par ailleurs considéré que le renseignement économique entrait dans le champ d'investigation des délégations, notamment en raison du rôle de la DST en ce domaine.

Craignant que l'on s'éloigne de l'habituelle démarche consensuelle de la Commission de la Défense, particulièrement nécessaire dans le domaine du renseignement, M. René Galy-Dejean, a estimé que la présence de présidents d'autres commissions au sein des délégations risquait d'introduire dans leurs travaux des affrontements politiques dommageables.

Soulignant les difficultés pratiques de réunir les présidents de plusieurs commissions, M. François Lamy s'est en outre interrogé sur l'intérêt de leur participation dans la mesure où ils ne pourront rendre compte de leurs travaux à leur commission en raison de l'obligation de secret à laquelle ils seront astreints.

Exprimant la crainte d'un affaiblissement du lien entre la Commission de la Défense et la délégation pour le renseignement, M. Pierre-André Wiltzer a proposé que les représentants des groupes soient choisis parmi les membres de la commission compétente en matière de défense dans chacune des deux assemblées.

M. Yves Fromion a également considéré que l'ouverture de la délégation à des parlementaires appartenant à d'autres commissions risquerait de rompre le lien entre cette délégation et la Commission de la Défense.

Rappelant que la Constitution ne permettait pas de créer des sous-commissions, M. Arthur Paecht a estimé que la délégation devait être une émanation de l'Assemblée nationale et non de la seule Commission de la Défense.

MM. François Lamy et Robert Gaïa se sont déclarés favorables à ce que les parlementaires choisis par les présidents de groupes soient issus de la Commission compétente en matière de Défense.

M. François Lamy a en outre insisté sur la nécessité pour la délégation de compter un effectif réduit afin qu'un climat de confiance puisse facilement s'instaurer dans ses relations avec les services de renseignement.

Le Président Paul Quilès a également souligné la nécessité de restreindre l'effectif des délégations afin de créer des conditions plus favorables à la confidentialité de leurs travaux.

Rappelant qu'aucune délégation existante n'était l'émanation d'une seule commission, M. Arthur Paecht a insisté sur le fait que la délégation pour le renseignement compterait parmi ses membres des présidents d'autres commissions permanentes. Il a par ailleurs accepté une disposition imposant aux présidents de groupes de ne proposer que des parlementaires appartenant à la commission compétente pour la défense.

Le Président Paul Quilès a fait remarquer que l'extension de sa composition aux présidents d'autres commissions permanentes permettrait à la délégation de s'intéresser à des questions que la Commission de la Défense n'est pas habilitée à traiter, telles que celles relatives au renseignement intérieur, qui sont de la compétence de la Commission des Lois.

La Commission a alors adopté un sous-amendement présenté notamment par M. Pierre-André Wiltzer, accepté par le rapporteur et prévoyant que les membres de la délégation proposés par les présidents de groupes devaient appartenir à la commission permanente compétente en matière de défense. La Commission a ensuite adopté l'amendement du rapporteur ainsi modifié.

La Commission a ensuite adopté un amendement de conséquence du rapporteur supprimant le dernier alinéa du paragraphe II.

Paragraphe III : Durée du mandat des membres de la délégation

Le rapporteur a présenté un amendement visant à modifier les modalités d'exclusion des membres des délégations. Il a proposé que cette exclusion résulte d'une proposition motivée du Président de l'Assemblée nationale après consultation du président du groupe concerné. Il a précisé que les sanctions pénales relatives à la violation du secret professionnel et, s'il s'agit d'informations classifiées, à la violation du secret de la défense nationale, s'appliquaient sous réserve du principe constitutionnel d'irresponsabilité.

M. Robert Gaïa a fait remarquer que les dispositions prévues pour garantir la confidentialité des travaux des délégations pouvaient apparaître contradictoires avec la mission d'information de leur assemblée respective qui leur était impartie par la proposition de loi.

M. Arthur Paecht a indiqué que les délégations établiraient un rapport d'activité public, rien ne leur interdisant par ailleurs de transmettre des rapports confidentiels au Président de l'Assemblée nationale et au Premier ministre.

M. René Galy-Dejean a exprimé son inquiétude à l'égard de la possibilité d'une divulgation d'éléments des rapports confidentiels des délégations.

Exprimant sa confiance dans l'esprit de responsabilité des parlementaires appartenant à la délégation, M. Arthur Paecht a estimé que la situation qui interdisait au Parlement tout accès à l'information dans des domaines d'importance essentielle n'était pas satisfaisante.

Le Président Paul Quilès a observé que la prestation de serment et les conséquences pénales qui découlaient du dispositif prévu par la proposition de loi étaient de nature à prévenir les risques de divulgation.

M. Pierre-André Wiltzer a estimé que la disposition proposée par le rapporteur était plus acceptable que la formule initiale n'impliquant que le Président de l'Assemblée nationale dans le processus de destitution des membres de la délégation.

Le Président Paul Quilès a précisé que, dans le dispositif proposé, le Président de l'Assemblée nationale n'avait pas un pouvoir de décision mais simplement une faculté de proposition de destitution.

M. François Lamy s'est demandé quelle était l'autorité qui décidait de l'exclusion des membres de la délégation.

M. Yves Fromion s'est interrogé sur le respect des droits de la défense dans une telle procédure.

M. Didier Boulaud a indiqué qu'il reviendrait à l'assemblée de se prononcer.

M. Pierre-André Wiltzer a estimé qu'en dehors des violations caractérisées de la confidentialité et du secret des travaux, les situations intermédiaires pouvaient soulever des difficultés.

La Commission a alors adopté l'amendement du rapporteur prévoyant que le mandat des délégués pouvait prendre fin sur proposition motivée du Président de leur assemblée après consultation du président du groupe concerné.

Elle a ensuite adopté un amendement de conséquence du rapporteur supprimant le quatrième alinéa du paragraphe.

Au dernier alinéa, la Commission a enfin adopté trois amendements du rapporteur, l'un visant à assurer le remplacement des députés membres de la délégation dont le mandat prendrait fin, pour quelque raison que ce soit, les deux autres de cohérence.

Paragraphe IV : Missions et compétences des délégations

Au premier alinéa, le rapporteur a présenté un amendement remplaçant dans la définition des missions des délégations la notion de suivi des activités des services par celle d'examen de leur organisation et de leurs missions générales, de leurs compétences et de leurs moyens. Il a fait valoir que cet amendement avait pour objet d'écarter toute immixtion du Parlement dans les activités opérationnelles des services de renseignement et de préciser que les travaux des délégations porteraient sur les aspects généraux du fonctionnement de ces services et sur leurs moyens budgétaires, dont il a souligné qu'ils étaient actuellement très mal connus.

M. René Galy-Dejean a considéré que la nouvelle rédaction conduirait tout autant que la première formulation à la même immixtion du Parlement dans un domaine relevant de l'exécutif.

M. François Lamy a exprimé la crainte qu'une définition trop générale des missions des délégations ne leur donne accès qu'à des informations sans grand intérêt.

M. Guy-Michel Chauveau s'est déclaré en désaccord avec des dispositions restrictives qui auraient pour effet de donner au Parlement des informations sur les activités des services de renseignement moins complètes que celles dont peut disposer le monde des médias. Il s'est pour cette raison déclaré favorable au maintien du texte initial.

Insistant sur le fait que l'efficacité des services de renseignement reposait sur un rapport de très grande confiance entre les agents et leurs correspondants, M. Yves Fromion s'est déclaré préoccupé des conséquences de l'intervention du Parlement dans le détail de l'activité de renseignement. Il s'est par ailleurs déclaré hostile à la possibilité pour la délégation d'entendre des interlocuteurs aux compétences non établies.

Indiquant que le contrôle très attentif du Sénat des Etats-Unis sur les activités de la CIA n'entraînait pas pour autant la révélation de secrets opérationnels, M. Bernard Grasset a considéré que l'octroi aux délégations d'une mission de suivi des activités des services de renseignement, se résumant pour l'essentiel à l'audition des ministres et des principaux directeurs, ne comporterait pas de risque réel pour l'efficacité de leur action.

Le rapporteur a fait valoir que la délégation devait d'abord être capable de poser des questions pertinentes, ce qui supposait qu'elle reçoive une information de nature générale sur l'activité des services de renseignement, et sur la qualité de leurs moyens, de leurs équipements et de leurs méthodes, notamment par référence avec les services étrangers. Il a par ailleurs estimé que la délégation devait pouvoir entendre des interlocuteurs divers n'appartenant pas aux services de renseignement.

M. François Lamy ayant estimé qu'il ne pouvait y avoir de réel contrôle de l'action d'un service de renseignement sans informations comportant des éléments opérationnels, le rapporteur a rappelé qu'il entendait le suivi des activités dans un sens restrictif.

Après que le Président Paul Quilès eut souligné qu'il fallait choisir entre l'argumentation déclarant la proposition de loi inutile et celle qui visait à dénoncer les risques de destruction des services de renseignement qu'elle recèlerait, la Commission a adopté sur la proposition du rapporteur une nouvelle rédaction du paragraphe IV précisant que les délégations procéderaient au suivi des activités des services de renseignement « en examinant leur organisation et leurs missions générales, leurs compétences et leurs moyens », les membres du groupe RPR votant contre.

La Commission a également adopté un amendement du rapporteur complétant le deuxième alinéa du paragraphe IV et précisant que les délégations parlementaires pour le renseignement peuvent entendre des personnes placées sous l'autorité des ministres et des directeurs des services de renseignement et déléguées par eux.

Paragraphe V : Accès des membres des délégations aux informations classifiées

La Commission a rejeté un sous-amendement présenté par M. René Galy-Dejean et tendant à soumettre les membres des délégations à une procédure d'habilitation, le Président Paul Quilès et le rapporteur soulignant que cette disposition serait contraire au principe de séparation des pouvoirs. Elle a ensuite adopté sur proposition du rapporteur une nouvelle rédaction du paragraphe V reprenant les dispositions du paragraphe VII de la proposition de loi et précisant que les membres des délégations parlementaires pour le renseignement sont autorisés ès qualités à connaître d'informations classifiées dans l'exercice de leur mandat et qu'ils sont astreints au respect du secret de la défense.

Paragraphe VI : Règles relatives à la publicité des travaux des délégations

La Commission a adopté un amendement du rapporteur à caractère rédactionnel. Elle a ensuite examiné un deuxième amendement du rapporteur prévoyant, dans un alinéa additionnel, une procédure de prestation de serment pour les membres des délégations parlementaires pour le renseignement.

M. René Galy-Dejean a émis la crainte qu'une telle prestation de serment, identique à celle instaurée pour les membres de la Haute Cour de Justice, ne fasse assimiler les délégations parlementaires pour le renseignement à des instances d'instruction. M. Yves Fromion a alors suggéré que les membres des délégations s'engagent par écrit à ne pas divulguer les informations de nature secrète dont ils auraient connaissance. Le Président Paul Quilès a considéré que la rédaction du texte permettait de prévoir cet engagement sous forme écrite. Le rapporteur a pour sa part précisé que la prestation de serment aurait lieu devant les délégations et non en séance publique.

La Commission a alors adopté l'amendement du rapporteur relatif à la prestation de serment.

Paragraphe additionnel après le paragraphe VI : Désignation d'un rapporteur spécial et rapport d'activité des délégations

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que chaque délégation nomme un rapporteur spécial pour maintenir un contact suivi avec les services de renseignement et établit un rapport public annuel de ses activités, transmis au Président de l'Assemblée concernée, au Président de la République et au Premier ministre.

Paragraphe additionnel après le paragraphe VI : Possibilité de réunions conjointes des délégations pour le renseignement de l'Assemblée nationale et du Sénat

La Commission a adopté un amendement du rapporteur permettant aux délégations de l'Assemblée nationale et du Sénat de tenir des réunions conjointes.

La Commission a alors adopté l'article unique de la proposition de loi ainsi modifié.

Article additionnel après l'article unique : Dispositions transitoires

La Commission a adopté, sur proposition du rapporteur, un article additionnel tendant à prévoir à titre transitoire que les délégations seraient désignées dès la promulgation de la loi les instituant.

Titre

La Commission a adopté un amendement du rapporteur modifiant le titre de la proposition de loi, de façon à prendre en compte la modification de la dénomination des délégations.

M. René Galy-Dejean a indiqué que les commissaires du groupe RPR, opposés à l'esprit de la proposition de loi, voteraient contre. Il a considéré que la culture du renseignement en France n'avait rien de commun avec celle que connaissent d'autres pays et que les exemples étrangers n'étaient, par conséquent, pas transposables.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires pour le renseignement.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a nommé M. François Lamy rapporteur pour avis sur le projet de loi de finances rectificative pour 1999.

Elle a également nommé M. Jean-Noël Kerdraon rapporteur pour avis sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes) (n° 1916).

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