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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 19

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 1er décembre 1999
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

Pages

- Examen pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 1999 (M. François Lamy, rapporteur)

Information relative à la Commission

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La Commission de la Défense a examiné pour avis le projet de loi de finances rectificative pour 1999.

M. François Lamy, rapporteur pour avis, a d'abord indiqué que le projet de loi de finances rectificative abondait de 4,85 milliards de francs le budget de fonctionnement du ministère de la Défense compte tenu de l'ouverture de 4,05 milliards de francs par le décret d'avance du 2 septembre dernier et d'une demande de crédits de 798 millions de francs.

Il a ajouté que ces ouvertures finançaient d'abord les surcoûts dus aux opérations extérieures. Le décret d'avance ouvre 2,8 milliards de francs à ce titre, soit 2,2 milliards de francs pour les rémunérations et charges sociales (RCS) et 600 millions de francs pour le fonctionnement, à comparer avec les estimations de ces dépenses faites au 1er septembre, de 2,9 milliards de francs au total. Il a fait observer qu'ainsi la totalité des surcoûts de personnel dus aux opérations extérieures et l'ensemble des dépenses supplémentaires de fonctionnement entraînées par les opérations en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo étaient couvertes par des ouvertures de crédits, et non financées par redéploiements internes au titre III.

Le rapporteur pour avis a ensuite exposé que, la gestion 1999 du ministère faisant apparaître des insuffisances de crédits de personnel liées à la montée en puissance de la professionnalisation, une dotation de 690 millions de francs ouverte par le décret d'avance permettait d'y faire face en partie, tandis que le décret de virement du 29 novembre 1999 redéployait 907 millions de francs de crédits de rémunérations de personnels civils non consommés pour financer le solde des besoins, soit 775 millions de francs, ainsi qu'une partie des reports de charges sur les crédits de fonctionnement, soit 132 millions de francs dont 102 attribués à la Gendarmerie.

Il a ajouté que les ouvertures inscrites au projet de loi de finances rectificative, hors décret d'avance, avaient notamment pour objet d'abonder les crédits de fonctionnement de la Défense, la dotation de 798 millions de francs demandée à ce titre se ventilant en 375 millions de francs de remboursements à la SNCF et 423 millions de francs pour le fonctionnement des armées, répartis entre 123 millions de francs pour l'Armée de l'air, 130 pour l'Armée de terre, et 170 millions de francs pour la Gendarmerie, qui reçoit ainsi au total 272 millions de francs pour faire face à ses dépenses courantes.

Enfin, il a exposé qu'une dotation de 560 millions de francs ouverte par le décret d'avance venait apurer la gestion de l'année 1998, au titre des opérations extérieures notamment.

M. François Lamy a conclu que le collectif budgétaire permettait à la fois de couvrir les surcoûts causés par les opérations extérieures, d'assurer la bonne fin de la gestion 1999 et de purger les reports de charges de la gestion 1998.

S'agissant des crédits d'équipement, il a indiqué qu'ils faisaient l'objet de 5,3 milliards de francs d'annulations de crédits de paiement, qui s'ajoutaient à l'annulation de 4,05 milliards de francs associée au décret d'avance du 2 septembre 1999. Le total des annulations de crédits de paiement sur les dépenses en capital était donc de 9,35 milliards de francs pour un budget initial de 86 milliards de francs et un ensemble de crédits disponibles de 92,8 milliards de francs, le budget de la défense contribuant à hauteur de 4,5 milliards de francs à l'équilibre général du budget.

Il a fait valoir que l'argumentation selon laquelle ces annulations n'avaient aucune conséquence sur la réalisation des programmes d'armement puisqu'elles se situaient en-deçà des prévisions de non consommation des crédits émanant des services était confortée par l'examen des données relatives à l'exécution du budget d'équipement de la Défense, qui montraient qu'au 31 octobre 1999, à deux mois de la fin de l'exercice, 48 seulement des 81 milliards de francs de crédits disponibles aux titres V et VI avaient été ordonnancés, ce qui représentait un taux moyen de consommation de 59,2 % seulement.

Après avoir fait état des raisons invoquées pour expliquer ce phénomène (forte diminution des engagements en 1995 et 1996, réforme des procédures d'exécution des crédits et de la nomenclature, restructurations des services et durée des opérations de passation de contrats, faisant parfois dépasser la durée d'une année à la mise en _uvre des décisions de dépense), il a estimé qu'il convenait à la fois de se féliciter de l'absence d'annulation d'autorisations de programmes qui était de nature à garantir la bonne exécution de la programmation pour les années à venir, mais aussi d'être attentif aux conditions de la modernisation de la gestion du ministère, faute de quoi le problème des insuffisances de consommation restera sans solution.

Le rapporteur pour avis a ensuite abordé les opérations extérieures. Il a indiqué que le doublement en 1999 de leurs surcoûts, qui passent de 2 milliards de francs en 1998 à 4,5 milliards de francs, était intégralement lié à la participation de la France au conflit du Kosovo, la plus importante des autres opérations restant la contribution française à la SFOR en Bosnie-Herzégovine qui aura représenté un peu plus d'un milliard de francs de dépenses supplémentaires.

Exposant que les Balkans mobilisaient ainsi 80 % environ de l'effort consenti en matière de maintien de la paix, il a considéré que ces chiffres révélaient bien les priorités de l'action internationale de la France.

Le rapporteur pour avis a ensuite indiqué que les activités militaires en Afrique constituaient le second élément important des opérations extérieures, représentant avec 1 661 militaires et 431,6 millions de francs de dépenses, 12 % des effectifs et 10 % des surcoûts nécessités par ces opérations.

Il a cependant fait observer que plus de 90 % de l'effort français tenait à trois opérations, mises en oeuvre dans le cadre d'accords de coopération et de défense, Khor-Angar à Djibouti, Epervier au Tchad ainsi qu'Aramis, opération d'assistance au Cameroun dans le conflit qui l'oppose au Nigéria sur la délimitation des frontières de la presqu'île de Bakassi. Le rapporteur pour avis a indiqué à ce propos que ce litige avait été porté par le Cameroun devant la Cour internationale de justice de La Haye.

Il a ajouté que les autres opérations extérieures menées en Afrique traduisaient la nouvelle politique d'assistance militaire de la France aux pays de ce continent dans un cadre multilatéral. La France participait ainsi à deux opérations multilatérales, sous l'égide de l'ONU ou d'organisations régionales : la MINURCA en Centrafrique, à laquelle elle ne fournit plus que 9 militaires et l'opération Recamp-Bissao, de soutien logistique limité dans le temps au bataillon interafricain d'interposition présent en Guinée-Bissao. Il a précisé que cette dernière opération, ayant été menée par les forces françaises prépositionnées, était annoncée comme n'entraînant pas de surcoûts.

Il a ajouté que la France participait aussi, pour quelques observateurs, à des missions d'observation, en général directement gérées par l'ONU, la MINURSO au Sahara occidental, la MONUA en Angola jusqu'à sa non-reconduction, la MONUSIL en Sierra Leone et la MONUC au Congo, depuis septembre, et qu'elle était également chargée d'une mission de surveillance des Iles Hanish dans le cadre d'une médiation entre l'Erythrée et le Yémen.

Abordant les autres opérations conduites par la France, il a indiqué que le Moyen-Orient correspondait à 3 % des moyens environ, mobilisant 478 hommes dont 256 pour la FINUL, et 180 pour l'opération Alysse de surveillance aérienne de l'Irak, dont les vols opérationnels sont suspendus depuis le lancement de l'opération Renard du désert par les Etats-Unis. Il a ajouté que, jusqu'à ce que soit engagée l'opération Santal au Timor oriental, la France n'était présente dans les autres régions du monde que par une mission d'observation de l'ONU en Géorgie, la MONUG, pour 5 observateurs, et une mission de formation de la police à Haïti, la MIPONUH, pour 25 gendarmes.

Il a enfin précisé que 1 % des moyens environ était aussi consacré à des missions spécifiques de protection d'ambassades, en Algérie et en Afrique subsaharienne.

Le rapporteur pour avis a alors fait observer le statut tout à fait particulier des opérations extérieures menées en Afrique au regard de leurs conséquences budgétaires, la France disposant sur ce continent de forces prépositionnées, financées en loi de finances initiale et représentant, selon les indications du ministère de la Défense, 6 300 hommes, l'équivalent de la présence française au Kosovo, dont 3 000 à Djibouti, l'équivalent de la participation française à la SFOR. Il a à ce propos relevé que les 6 300 hommes dénombrés parmi les forces prépositionnées incluaient les effectifs présents au Tchad, dans le cadre de l'opération Epervier, et qu'ils étaient employés pour de nombreuses autres opérations extérieures sur le continent, telles que Recamp-Bissao, Iskoutir ou Condor. Il a jugé que cette situation illustrait le caractère confus du concept d'opération extérieure, qui recouvre à la fois une notion comptable interne au ministère de la Défense, où elle désigne alors pour les armées une intervention éventuellement créatrice de droits à transferts de crédits, tandis que pour le Parlement elle définit une action spécifique, nécessitée par la politique internationale de la France, et relevant d'une catégorie du droit international.

Il a ensuite proposé à la Commission de la Défense de donner un avis favorable à l'adoption du projet de loi de finances rectificative pour 1999.

Le Président Paul Quilès a exprimé le v_u que l'examen en séance publique du projet de loi de finances rectificative soit l'occasion d'un débat sur les opérations extérieures en cours. Il a noté que le contrôle parlementaire de ces opérations constituait une préoccupation de longue date de la commission de la défense, qui devrait d'ailleurs lui consacrer un débat au cours du trimestre prochain sur la base du rapport d'information que rendra M. François Lamy. Il a souhaité que les propositions qui seront formulées dans ce rapport permettent de mieux définir les évolutions et les réformes nécessaires.

Il a fait observer que le budget de la défense, voté en loi de finances initiale, couvrait en définitive les dépenses consacrées au maintien en condition et à la modernisation des forces armées mais, en aucun cas, celles induites par leur participation active à des opérations militaires, qui constitue pourtant leur fonction première. Il a regretté que le financement des opérations extérieures fasse l'objet d'une procédure spécifique, sur laquelle le Parlement n'a que peu de prise, même si des progrès dans l'information de ce dernier ont été enregistrés au cours des dernières années. Il a souhaité, dans ces conditions, que le débat sur les opérations extérieures cesse à terme d'être réduit à un simple codicille à l'examen d'ensemble du projet de loi de finances rectificative de fin d'année.

Le rapporteur pour avis a estimé que, si les conditions d'examen des opérations extérieures avaient évolué dans le sens d'une plus grande transparence au cours des années récentes, notamment du fait d'une présentation plus détaillée de celles-ci, des efforts pouvaient encore être entrepris dans deux directions. D'une part, s'agissant du coût de ces opérations, il a regretté les distorsions importantes dans les chiffres fournis par le ministère de la Défense ; s'agissant, d'autre part, du contexte dans lequel certaines de ces opérations sont menées, il a estimé nécessaire que les parlementaires soient mieux informés des engagements pris par la France à l'égard des pays étrangers, notamment dans le cadre d'accords de défense.

M. Loïc Bouvard s'est interrogé sur le niveau de contrôle et sur le pouvoir de décision des parlements des pays alliés de la France, faisant observer qu'aux Etats-Unis, en dépit de la très grande vigilance exercée par le Congrès sur la politique extérieure du Gouvernement, le Président des Etats-Unis pouvait engager les forces armées américaines à l'étranger sans recevoir au préalable l'aval des Chambres.

M. François Lamy a jugé que la France était en retard dans ce domaine par rapport aux autres démocraties. Il a exprimé sa conviction que, s'il était possible de s'appuyer sur les exemples étrangers pour souligner la nécessité de réformes, il convenait néanmoins de définir un modèle de contrôle du Parlement sur les opérations extérieures qui corresponde aux traditions et à la culture politiques et institutionnelles propres à la France.

Le rapporteur pour avis a alors soumis à la Commission de la Défense une proposition d'observation prenant acte du rôle des forces prépositionnées pour la conduite d'opérations extérieures dans l'environnement des pays de stationnement, sous réserve de leur assentiment ; constatant que ces opérations constituent des missions différentes de celles aux fins desquelles les crédits ouverts par la loi de finances initiale sont votés et demandant au Gouvernement de l'informer sur les décisions de création de ces opérations, leurs objectifs et leurs durées ainsi que sur les effectifs requis et les moyens mis en _uvre, comme cela est généralement le cas pour les opérations conduites par les forces stationnées en métropole.

M. Jean-Claude Sandrier s'est assuré que les cas de figure envisagés par la proposition d'observation n'incluaient pas les opérations du type de celles en cours au Kosovo.

M. François Lamy a précisé que, pour permettre un contrôle efficace du Parlement sur les opérations extérieures, il était nécessaire de prendre en considération les opérations menées par les forces prépositionnées bien qu'elles n'engendrent pas de dépenses considérées comme des surcoûts.

La Commission a alors adopté la proposition d'observation présentée par le rapporteur pour avis.

Elle a ensuite émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi de finances rectificative pour 1999, les membres du groupe communiste s'abstenant et ceux du groupe UDF votant contre.

Information relative à la Commission

La Commission a nommé M. André Vauchez rapporteur sur le projet de loi (n° 1867), adopté par le Sénat, relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national.

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