Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission de la défense nationale et des forces armées (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 24

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 25 janvier 2000

(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

Pages

- Audition de M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur les résultats du Conseil européen d'Helsinki des 10 et 11 décembre 1999

Informations relatives à la Commission

2


8

La Commission a entendu M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur les résultats du Conseil européen d'Helsinki des 10 et 11 décembre 1999.

Le Président Paul Quilès a souligné que ce sommet représentait sans aucun doute une étape marquante dans la construction de l'Europe de la défense, l'Union européenne ayant pris officiellement, à cette occasion, la décision de constituer des moyens militaires strictement européens dans le prolongement des perspectives tracées à Saint-Malo, puis à Cologne. Il a rappelé que le conseil d'Helsinki avait fixé comme objectif concret de donner à l'Europe, d'ici 2003, la capacité de déployer, dans un délai de 60 jours, des forces terrestres, militairement autosuffisantes, d'un volume pouvant aller jusqu'à 50 à 60 000 hommes, complétées en cas de besoin par des éléments aériens et navals et de maintenir ce déploiement sur zone pendant au moins une année. Il a ajouté que ce dispositif militaire autonome devrait être en mesure de remplir toute la gamme des missions de gestion de crises dites de Petersberg, « y compris les plus exigeantes », ce qui désignait à l'évidence les missions de rétablissement de la paix par le recours à la force. Il a précisé que le Conseil d'Helsinki avait également décidé de créer des organes politiques et militaires permanents qui permettront à l'Union européenne de décider, de lancer et de conduire, si nécessaire en dehors de l'OTAN, ces missions de gestion de crise : le Comité politique et de sécurité, le Comité militaire et l'état-major européen, qui devront être mis en place à titre provisoire dès le 1er mars prochain.

Le Président Paul Quilès a fait observer que le Ministre de la Défense participerait directement à cette grande tâche, les questions liées à la politique européenne commune de sécurité et de défense (PECSD) devant être traitées avec la participation des Ministres de la Défense au sein du Conseil des Affaires générales de l'Union.

Il a fait part de la satisfaction des membres de la Commission de la Défense de prendre acte de ces grands progrès, qui correspondent parfaitement au rapport qu'elle avait publié le 24 mars 1999 en conclusion de ses travaux sur les négociations précédant le sommet de Washington, dont l'un des enjeux majeurs était de permettre la création d'un pôle de défense européen autonome.

Le Ministre de la Défense a indiqué que, dès le lendemain du sommet d'Helsinki, son ministère s'était attelé, en partenariat avec le ministère des Affaires étrangères, à la mise en _uvre des décisions prises lors de ce Conseil européen, l'objectif étant de maintenir le rythme actuel des progrès de l'Europe de la défense, rendus possibles par « l'alchimie » de la rencontre des volontés au cours des derniers mois, et en particulier pendant le conflit du Kosovo. Il a fait observer que la France avait, dans ce domaine, une responsabilité particulière, du fait de la double présidence, de l'Union européenne et de l'UEO, qu'elle assumerait à compter du 1er juillet 2000. Il a précisé à cet égard que la France ne souhaitait pas afficher d'ores et déjà des objectifs pour sa présidence, le Conseil européen de Feira devant fixer le contenu du mandat français au regard des évolutions enregistrées d'ici là.

En complément des propos du Président Paul Quilès sur le dispositif retenu par le sommet d'Helsinki, M. Alain Richard a indiqué que, conformément au souhait de la Présidence finlandaise, un inventaire des moyens non militaires de gestion des crises dont dispose l'Union européenne serait réalisé, l'idée d'instituer une instance politique spécifique de décision pour la mise en _uvre de ces moyens n'ayant cependant pas été retenue, étant donné qu'ils relèvent du cadre communautaire du « premier pilier ».

Il a ensuite présenté le détail du dispositif institutionnel déterminé à Helsinki.

S'agissant tout d'abord du Comité politique et de sécurité (COPS), le Ministre de la Défense a précisé qu'il serait permanent, siégerait à Bruxelles et serait composé de représentants nationaux de haut niveau ayant rang d'ambassadeur, selon les conceptions françaises. Le COPS traitera de tous les aspects de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), assumant de ce fait une compétence générale, en matière de politique étrangère, aussi bien que spéciale, dans le domaine de la défense. Dans le cas d'une opération militaire de gestion de crise, le COPS exercera, sous l'autorité du Conseil, le contrôle politique et la direction stratégique de l'opération et adressera des directives à cet effet au Comité militaire, qui lui est subordonné. M. Alain Richard a exposé que, dès le 1er mars prochain, serait créé un COPS intérimaire, doté d'une représentation de même niveau que le COPS définitif, chargé d'assurer le suivi du sommet d'Helsinki et de traiter la gestion courante des questions relevant de la PESC et de la politique européenne commune de sécurité et de défense (PECSD), en relation étroite avec le Haut représentant pour la PESC.

S'agissant du Comité militaire, le Ministre de la Défense a indiqué qu'il serait composé des chefs d'état-major des armées, représentés par leurs délégués militaires. Il a précisé qu'il se réunirait au niveau des chefs d'état-major une fois par semestre au cours de la période intérimaire, leurs délégués assistant aux réunions hebdomadaires que tiendra cet organe. Il a ajouté que le Président de ce Comité, qui serait élu, assisterait au Conseil, dès lors que des questions ayant des implications de défense seront inscrites à l'ordre du jour. Exposant que, dès le 1er mars prochain, un comité militaire intérimaire, composé des représentants des chefs d'état-major des armées, serait constitué, afin de fournir au COPS intérimaire des avis militaires, il a indiqué que la question de savoir si le représentant de la France exercerait également la fonction de délégué français au Comité militaire de l'OTAN, selon le schéma retenu par la plupart des partenaires de la France, n'avait pas encore été tranchée. Il a toutefois précisé, qu'en tout état de cause, le représentant de la France auprès du Comité militaire serait également le conseiller militaire du membre français du COPS.

S'agissant enfin de l'état-major européen, M. Alain Richard a précisé qu'il serait chargé de l'alerte rapide, de l'évaluation des situations et de la planification stratégique pour les missions dites de Petersberg. Il a ajouté qu'à titre intérimaire, des experts militaires seraient détachés auprès du Secrétariat du Conseil pour constituer le noyau du futur état-major, dont ils devront assurer la montée en puissance et dont le format définitif souhaité par la France devrait être de 60 à 90 officiers.

Après avoir indiqué que ces outils militaires d'aide à la décision avaient été détaillés dans un document surnommé « boîte à outils », adressé à la Présidence finlandaise par la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie et mentionné dans le mandat adressé à la présidence portugaise, le Ministre de la Défense a précisé que, dans l'hypothèse d'une crise dont l'Union européenne devrait assurer la gestion au cours de la période intérimaire, il serait fait utilisation des structures de l'UEO, en application du traité sur l'Union européenne.

Ajoutant que l'outil ainsi mis en place n'avait d'intérêt qu'associé à une capacité militaire crédible, le Ministre de la Défense a indiqué qu'il était prévu de mettre en place avant 2003 une force terrestre de réaction rapide, de l'importance d'un corps d'armée, soit 50 000 à 60 000 hommes, déployable en 60 jours, susceptible de rester en position pendant un an, et capable d'autosuffisance, c'est-à-dire dotée de moyens propres de logistique, contrôle, commandement, renseignement et soutien avec, le cas échéant, l'appui d'éléments aériens et navals.

Faisant observer que, si les éléments d'une telle force existaient pour une large part, la priorité était actuellement de constituer sa structure d'encadrement. Il a précisé qu'étant donné qu'aujourd'hui, deux pays seulement, la France et la Grande-Bretagne, disposaient d'états-majors nationaux interarmées de planification, il avait été convenu à Helsinki, à titre intérimaire, que ces états-majors pourraient être ouverts aux autres pays de l'Union.

A ce propos, le Ministre de la Défense a invité la Commission à se rendre au printemps à l'EMIA, à Creil, pour s'informer des modalités d'accueil de ces officiers européens.

Il a indiqué, qu'en parallèle, le processus de transformation du Corps européen en force de réaction rapide était en cours et que son envoi en relève du quartier général actuel de la KFOR, où il devra tenir 35 % des postes de commandement, avait désormais l'aval de la plupart des Alliés, une seule nation faisant encore preuve de réticences.

Le Ministre de la Défense a ajouté que ses services se consacraient en concertation avec ceux du ministère des Affaires étrangères à la préparation des décisions qui seront prises en mars par le Conseil des affaires générales, siégeant avec la participation des Ministres de la Défense, pour assurer la montée en puissance du dispositif politico-militaire agréé à Helsinki. Il a précisé que les ministères de la Défense et des Affaires étrangères se concertaient également à cet effet avec le Haut représentant pour la PESC, qui travaille à la mise en place et au développement de ses propres structures.

Il a souligné que l'action de la France répondait aux préoccupations suivantes : participer à la montée en puissance des organismes européens, notamment en ce qui concerne leur personnel, contribuer, au cours de l'année 2000, à la définition des organismes militaires de la PESC, et, enfin, mettre en _uvre la réalisation des objectifs de capacité retenus, en termes aussi bien qualitatifs que quantitatifs, notamment en répartissant les efforts entre les pays membres. Il a noté que deux points étaient particulièrement délicats, d'une part la définition de relations entre l'OTAN et l'Union européenne qui ne diluent pas la spécificité européenne dans les procédures intégrées, de planification notamment, sous prétexte de « non-duplication », et d'autre part l'absorption en bon ordre de l'UEO par l'Union européenne, qui implique que soient traitées la question du statut des pays associés et partenaires de l'UEO, celle de l'article 5 du traité de Bruxelles et celle de l'intégration des services de l'UEO au sein de ceux de l'Union européenne. Le Ministre a conclu en soulignant que les objectifs d'Helsinki, pour accessibles qu'ils soient, ne seraient atteints qu'au terme d'un processus de décision complexe qui ne pourrait être mené à bonne fin sans un souci constant de préserver la volonté et la dynamique politiques initiales.

Remerciant le Ministre de la Défense pour l'intérêt de son exposé, le Président Paul Quilès a demandé comment s'effectuerait la répartition des contributions nationales à la nouvelle force européenne ; il s'est également inquiété de l'accord des pays de l'Union sur les niveaux d'intervention auxquels correspondent les missions de Petersberg, s'interrogeant sur la tendance de certains pays, notamment non alliés, à les « tirer vers le bas ». Il s'est enfin interrogé sur le type de contrôle démocratique qui serait à terme exercé sur la PECSD lorsqu'elle aura acquis la réalité souhaitée, si ce contrôle serait confié au Parlement européen, à l'Assemblée de l'UEO, à des délégations parlementaires nationales ou uniquement assuré par les parlements des différents pays dans un cadre purement national.

Le Ministre de la Défense a apporté les éléments de réponse suivants :

- la présence en opérations d'un corps de 50 000 à 60 000 hommes pendant une année suppose la constitution d'une force d'un effectif trois fois supérieur, compte tenu du rythme moyen des relèves ; la difficulté est moins d'ordre quantitatif que qualitatif, les besoins en effectifs devant être satisfaits dans chacune des spécialités requises et la force devant disposer d'un niveau suffisant de préparation opérationnelle, sans quoi son manque de fiabilité ferait apparaître par contraste que seule l'OTAN dispose des capacités adéquates pour traiter des crises graves ; il convient de tenir compte par ailleurs de l'initiative sur les capacités de défense parallèlement en cours au sein de l'OTAN, l'Union européenne ne devant pas se contenter de normes inférieures ;

- il convient en définitive d'éviter que les forces de l'Union européenne soient cantonnées à la gestion des crises de faible intensité, l'OTAN intervenant dès l'apparition d'un risque d'affrontement sévère ;

- l'interprétation minimaliste des missions de Petersberg qui les limitaient en dernière analyse au maintien de la paix est peu à peu abandonnée même par les pays neutres, qui, à l'instar de certains alliés, étaient tentés de s'en remettre à l'OTAN pour le recours à la force ;

- en ce qui concerne le contrôle parlementaire de la future politique européenne de défense, trois formules sont concevables. Le maintien de l'assemblée parlementaire de l'UEO est possible, mais la configuration des Etats qui y sont représentés ne correspond pas à celle de l'Union européenne. A terme, le Parlement européen ne manquera pas de demander une extension de son contrôle au domaine de la PECSD. Une solution intéressante serait de constituer une instance ad hoc composée de représentants des parlements nationaux, en complément du contrôle parlementaire au plan national. De toute manière, il apparaît essentiel, à la veille de la conférence intergouvernementale, de ne pas soulever de questions institutionnelles nouvelles impliquant une révision des traités, bien que la modification des clauses relatives à la PECSD soit sans doute nécessaire à plus long terme. Un consensus existe en outre actuellement pour maintenir la PECSD dans un cadre intergouvernemental. La solution présente au problème du contrôle démocratique consiste à le placer au niveau national, chaque Etat gardant la maîtrise de ses forces armées (il n'est pas envisagé la création d'une armée fédérale) et souhaitant conserver ses prérogatives en dehors de tout mécanisme supranational. Le débat au sein des parlements nationaux demeure en tout état de cause essentiel pour l'élaboration des budgets de défense ou la programmation des équipements militaires. Le pays en charge de la présidence de l'Union devra néanmoins expliquer son action en matière de PECSD au Parlement européen. Il convient enfin de ne pas oublier que l'Assemblée de l'UEO tire sa légitimité d'un traité dont la révision n'est pas une priorité de court terme.

Evoquant les opérations menées lors du conflit du Kosovo, M. François Lamy a souhaité savoir à quel niveau il était envisagé de mettre en commun les forces aériennes dans le cadre de l'Union européenne. Il a, à ce propos, émis la crainte que les opérations terrestres soient réservées aux Européens, les Américains gardant la maîtrise de l'intervention aérienne.

Le Ministre de la Défense a rappelé que les décisions du Conseil européen d'Helsinki prévoyaient le développement d'une capacité aérienne de combat commune assurant la protection de la zone de déploiement de la force terrestre. La capacité de cette force aérienne serait d'environ 300 avions de combat. Compte tenu des moyens déployés lors de la crise du Kosovo, ce volume de force paraît peu élevé. Les forces aériennes des pays européens sont cependant fortement interopérables grâce aux procédures suivies et à l'expérience des exercices en commun. La décision a par ailleurs été prise de former un commandement européen spécifique pour le transport aérien militaire à la suite de l'expérience franco-allemande de coopération dans ce domaine notamment pour ce qui concerne le soutien logistique.

M. René Galy-Dejean a souhaité savoir quelle était l'évolution de la position des pays neutres, comme l'Autriche ou la Suisse, compte tenu de leur expérience actuelle dans le domaine des exercices communs avec des pays de l'Alliance, comme la France.

M. Christian Martin, évoquant la question de la constitution d'une flotte européenne de transport aérien militaire, a demandé des précisions sur l'état des négociations concernant l'acquisition de l'avion de transport futur et quelles étaient, dans ce contexte, les perspectives offertes à l'Airbus 400 M.

M. Guy-Michel Chauveau a tout d'abord souligné la nécessité de mieux coordonner les actions civilo-militaires, en particulier avec les ONG, lors du déroulement d'un conflit, comme l'ont attesté les erreurs commises au Kosovo. Il a ensuite regretté que la création de la force de police au Kosovo fasse appel majoritairement à des policiers américains, ce qui semblerait confirmer un certain désintérêt de l'Union européenne pour les formes civiles de gestion des crises. Il a par ailleurs demandé des précisions sur les mécanismes de prise de décision en matière de PECSD et comment s'appliquerait, dans ce cadre, le principe d'abstention constructive.

Après s'être interrogé sur le foisonnement des appellations (identité européenne de sécurité et de défense, défense européenne, constitution de capacités strictement européennes, forces européennes d'intervention rapide, pôle européen autonome de défense), M. Jean-Claude Sandrier s'est demandé si elles ne relevaient pas d'interprétations différentes et a souhaité avoir des précisions sur les concepts qu'elles désignaient.

S'interrogeant sur la pertinence de l'analyse essentiellement militaire des problèmes de sécurité, il a souligné, pour le regretter, le caractère de plus en plus flou des processus de décision d'intervention et de mise en _uvre des forces lors du règlement des crises, relevant en particulier que le Parlement n'était pas préalablement consulté et que les opérations avaient lieu même sans mandat du Conseil de sécurité des Nations Unis. Après avoir remarqué que l'idée de constituer une force de sécurité collective et de défense dans le cadre de la construction européenne n'était pas contestée, il a souhaité qu'une réflexion s'engage sur les mécanismes de décision en matière d'opérations extérieures, sur les missions assignées en pareil cas aux forces et sur la zone géographique d'intervention, observant que la crise du Kosovo n'avait pas été traitée par l'OTAN de la même manière que celle de Tchétchénie. Il a alors suggéré qu'un groupe de travail soit créé au sein de la Commission à cette fin.

M. René Galy-Dejean a souhaité obtenir des précisions sur l'état des réflexions concernant la définition de critères de convergence des efforts de défense des Etats membres de l'Union européenne en référence à un pourcentage de leur produit intérieur brut.

Le Ministre de la Défense a apporté les éléments de réponse suivants :

- la Suisse est un pays à ce point attaché à sa neutralité qu'elle y a vu un motif suffisant de non-adhésion à l'Union européenne. Les exercices conjoints menés par ce pays avec la France concernent le domaine de la protection civile. Les autres pays neutres, membres de l'Union européenne, ont adopté les décisions d'Helsinki en pleine conscience de leurs implications en matière de défense. Si la position de l'Irlande s'apparente à une adhésion plutôt formelle, les trois autres Etats concernés sont prêts à en tirer les conséquences pratiques, le gouvernement autrichien étudiant, à titre d'exemple, la possibilité de se porter candidat à l'Eurocorps ;

- le débat sur la cohérence des efforts de défense des Etats membres de l'Union européenne doit se poursuivre. Essentiellement politique à l'heure actuelle, il se heurte toutefois au constat de l'inégalité des contributions des pays de l'Union européenne à la dimension opérationnelle de l'Europe de la défense et aux divergences d'intérêts entre les pays disposant d'une industrie nationale d'armement forte et ceux n'assurant pas de production de défense significative. Si la réduction de certains budgets militaires européens constitue un sujet de préoccupation, d'autres, comme l'Italie et l'Espagne, se sont récemment engagés à ne pas diminuer leurs dépenses en faveur de la défense. Ce problème se pose en des termes identiques au sein de l'OTAN ;

- la France a marqué sa réticence vis-à-vis de la constitution d'une instance européenne spécifiquement chargée de coordonner les interventions civiles, humanitaires et économiques en temps de crise parce que cette mission revient juridiquement aux organes de décision du premier pilier de l'union européenne ;

- les pays qui disposent d'une force de sécurité à statut militaire, telle que la Gendarmerie font l'objet de sollicitations très fortes de la part des organisations internationales en charge du maintien de la paix, dans la mesure où la culture des armées est portée vers les opérations extérieures contrairement à celle des polices civiles. Etant donné l'importance que revêt désormais le volet de police civile dans les opérations de maintien de la paix, la France dispose en ce domaine d'un indéniable instrument d'influence. Le Ministre de la Défense étudie pour cette raison la possibilité de détacher un officier de Gendarmerie comme conseiller auprès du département des opérations de maintien de la paix de l'ONU ;

- le processus de décision au sein des organismes dont la mise en place a été décidée au sommet d'Helsinki reposera sur le principe du consensus, la formule de « coopération renforcée », introduite dans le Traité d'Amsterdam, apparaissant délicate puisqu'elle suppose un accord des pays qui n'y adhèrent pas. L'abstention constructive peut être efficace, comme l'a montré le fonctionnement de l'OTAN qui, lors du conflit du Kosovo, a appliqué le principe de consensus dans le même esprit. Elle ne suffit pas à écarter tout risque de paralysie. Les modalités de prise de décision au sein du Conseil ne peuvent, dans le domaine de la défense, qu'être de nature intergouvernementale. Il faut toutefois noter que, dans le secteur particulier de l'industrie de défense, la règle est l'application des normes communautaires pour les productions civiles, les dérogations à ces normes n'étant admises que pour les seuls biens à destination exclusivement militaire, conformément à l'article 296 du traité d'Union européenne dans sa rédaction issue du traité d'Amsterdam ;

- d'ores et déjà, l'Union européenne est dotée d'une large gamme d'instruments d'intervention non militaires dans les situations de crise. La question posée est donc celle de la complémentarité optimale entre les instruments civils et militaires dont l'Union européenne peut disposer pour faire face à une crise ;

- l'autonomie des capacités européennes de défense par rapport à l'OTAN sera nécessairement partielle, car fruit d'un compromis. Le débat ne porte pas sur la participation de la France à l'OTAN, mais sur la répartition des rôles entre Européens et Américains. A cet égard, il revient aux Européens de faire progresser, notamment au sein de la classe politique américaine, notre préoccupation de construire un partenariat véritable entre l'Europe et les Etats-Unis dans le domaine de la défense ;

- la question des limites géographiques du champ d'intervention militaire de l'Union européenne est par nature évolutive, car liée aux caractéristiques des crises en jeu et à la volonté politique des Européens. Dans le contexte actuel toutefois, il est certain que seule une intervention sur le territoire européen serait susceptible de recueillir le consensus.

*

* *

Informations relatives à la Commission

La Commission a procédé à la nomination de rapporteurs :

Mme Martine Lignières-Cassou a été nommée rapporteur d'information sur les études en amont des développements dans le domaine aérospatial et de la défense ;

- MM. Pierre Lellouche, Guy-Michel Chauveau et Gérard Charasse ont été nommés rapporteurs d'information sur la question de la prolifération nucléaire et balistique.

--____--


© Assemblée nationale