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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 7

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 17 octobre 2000
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président,

puis de M. Jean-Pierre Brard, Vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2606) (M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis)

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- Suite de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (n° 2585)

· Anciens Combattants et articles 51, 52 et 53 rattachés à ce budget

· Justice et article 61 rattaché à ce budget

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- Informations relatives à la Commission

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Le Président Henri Emmanuelli a tout d'abord indiqué que l'examen des crédits de la Ville ne pourrait avoir lieu au cours de la présente séance.

M. Pierre Bourguignon, Rapporteur spécial de ces crédits a indiqué qu'en effet, à son vif regret, il n'avait reçu de la part du ministère ni un nombre de réponses suffisantes pour envisager de rapporter au cours de la présente séance, ni même une copie du « jaune » budgétaire. Cette situation est d'autant moins acceptable qu'elle s'est déjà produite au cours des deux années précédentes et que cette année, l'examen des crédits devrait faire l'objet de la procédure d'examen en commission élargie. Si l'information n'est pas débloquée à temps, on peut douter de la possibilité de tenir cette réunion à la date prévue.

La Commission a ensuite examiné, sur le rapport pour avis de M. Jérôme Cahuzac le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2606).

Elle a procédé à l'examen des articles du projet de loi.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
ET AUX TRANSFERTS

Article 3 (Article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale) : Conditions d'exonération de la CRDS sur les revenus de remplacement

La Commission a adopté un amendement du Rapporteur pour avis tendant à supprimer cet article compte tenu du fait que la CADES et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) ne font pas partie du champ des lois de financement de la sécurité sociale. Le Rapporteur, se déclarant sur le fond favorable au dispositif d'exonération de CRDS des retraités non imposables, a indiqué, en conséquence, qu'il était préférable de faire figurer ce dispositif en deuxième partie du projet de loi de finances, afin d'éviter tout risque d'annulation par le Conseil constitutionnel.

Article 5 (Articles L. 731-15, L. 731-19 et L. 731-21 du code rural) : Simplification du calcul de l'assiette des cotisations sociales des exploitants agricoles

La Commission a adopté cinq amendements du Rapporteur :

- un amendement proposant d'autoriser une nouvelle demande d'option pour l'année N-1 une fois écoulé un délai de dix ans après une première dénonciation de cette option ;

- un amendement de précision ;

- un amendement simplifiant le traitement des exploitants agricoles ayant antérieurement opté soit pour l'année N - 1, soit pour l'année N, dans le cadre du nouveau dispositif proposé par le présent article ;

- un amendement proposant d'abroger deux articles du code rural correspondant à des dispositifs auxquels celui de cet article se substitue ;

- un amendement prévoyant que l'assiette des cotisations des personnes assujetties à une cotisation de solidarité, lorsque la surface de leur exploitation est inférieure au seuil d'assujettissement à la mutualité sociale agricole, est celle de l'année N - 1, par cohérence avec l'article 6 qui prévoit le même dispositif pour la contribution sociale généralisée (CSG).

Article 6 (Articles L. 136-4 et L. 136-5 du code de la sécurité sociale) : Simplification du calcul de l'assiette de la CSG sur les revenus professionnels des exploitants agricoles

La commission a adopté un amendement du Rapporteur tendant à supprimer le principal élément différenciant actuellement l'assiette de la CSG et celle des cotisations sociales des exploitants agricoles, c'est-à-dire la prise en compte des déficits pour une valeur nulle en ce qui concerne la CSG, en retenant pour cette imposition les déficits pour leur valeur réelle, comme pour les cotisations sociales.

Article 20 (Article L. 161-17-1 nouveau code de la sécurité sociale) : Répertoire national des retraites et des pensions

La Commission a ensuite adopté un amendement du Rapporteur visant à prévoir une transmission au Parlement ainsi qu'au Conseil d'orientation des retraites, tous les deux ans, d'une synthèse des données fournies par le répertoire national des retraites et des pensions et l'échantillon inter-régimes de cotisants, créés par le présent article. Il s'agit ainsi d'améliorer l'information sur les effectifs de cotisants et de retraités et, donc, sur l'évolution prévisible des comptes de la sécurité sociale.

M. Philippe Auberger a indiqué que l'information du Parlement pourrait d'ores et déjà être améliorée si les annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale étaient communiquées aux parlementaires dans de meilleurs délais.

Article 25 (Article L. 135-6 du code de la sécurité sociale) : Alimentation du fonds de réserve pour les retraites

La Commission a adopté un amendement du Rapporteur, dont l'objet est de maintenir la rédaction actuelle d'une disposition de l'article L. 135_6 du code de la sécurité sociale relatif aux recettes du Fonds de réserve des retraites. Il est, en effet, essentiel de s'assurer que le Parlement restera associé aux décisions d'affectation de nouvelles ressources au Fonds de réserve.

Le Président Henri Emmanuelli a précisé que cet amendement n'est pas anodin : le maintien de cette mention permet de s'assurer que le Parlement votera, en loi de financement de la sécurité sociale, sur des décisions aussi importantes que celle d'affecter les redevances dues par les utilisateurs de licences de téléphonie mobile de troisième génération au Fonds de réserve pour les retraites. A cet égard, il a indiqué avoir eu une réponse de principe favorable du Premier ministre à la demande qu'il avait formulée, afin que soit transmis l'avis du Conseil d'État, en date du 6 juillet 2000, sur l'ensemble du processus juridique retenu pour l'affectation de ces redevances, et notamment sur la compétence du législateur en la matière. Mais l'avis en cause n'a pas, quant à lui, été transmis pour l'instant.

Puis, la Commission a examiné un amendement du Rapporteur visant à doter le Fonds de réserve d'une personnalité juridique propre, en proposant la création d'un établissement public spécifiquement dédié à la gestion des réserves pour les retraites.

Le Rapporteur a précisé que l'objectif de cet amendement est de susciter un débat sur le statut de ce Fonds, qui ne constitue actuellement qu'une simple section comptable du Fonds de solidarité vieillesse. Cette situation n'est pas satisfaisante au regard du montant des ressources dont devrait disposer le Fonds de réserve - près de 55 milliards de francs - à la fin de l'année 2001. L'adoption de cet amendement devrait permettre de connaître les intentions du Gouvernement sur certaines questions qu'il est nécessaire de clarifier, en particulier :

_ l'horizon du Fonds de réserve. Il importe, notamment, de préciser que les réserves accumulées seront « sanctuarisées » jusqu'en 2020 ;

_ les modalités de gestion financières des réserves. Faut-il privilégier la sécurité des placements des actifs du Fonds de réserve ou rechercher une maximisation du rapport rendement / risque, comme c'est le cas dans certains pays, le Canada par exemple.

_ la place des partenaires sociaux dans ce dispositif.

La Commission a adopté cet amendement.

Article additionnel après l'article 46

La commission a adopté un amendement du Rapporteur tendant à permettre le paiement de la CSG sur les revenus du patrimoine soit par acompte provisionnel, soit par appels mensualisés sous une forme analogue à celle prévue pour l'impôt sur le revenu.

M. Jacques Barrot a interrogé le Rapporteur sur l'articulation de la compensation par l'État de la ristourne de CSG, entre le projet de loi de financement et le projet de loi de finances pour 2001. Il a également exprimé ses craintes quant à l'adéquation des recettes affectées par l'État pour financer cette compensation à l'évolution des dépenses correspondant à cette ristourne après 2001.

Le Rapporteur a indiqué que cette compensation était inscrite à l'article 17 du projet de loi de finances et que, s'agissant de son financement après 2001, il conviendrait de veiller à ce que la compensation par l'État aux organismes sociaux soit suffisante.

Revenant sur l'article 15 du projet, qui crée une nouvelle prestation familiale, l'allocation de présence parentale, M. Alain Rodet a soulevé la question de sa gestion. Il a fait état d'un rapport assez critique de l'Inspection générale des affaires sociales relatif aux moyens dont disposent les caisses d'allocations familiales et s'est interrogé sur leur fonctionnement.

Le Rapporteur a précisé que l'examen critique de la gestion de ces caisses figurait plutôt dans le rapport de la Cour des comptes publié en septembre, et que l'inspection avait été chargée d'évaluer les nouveaux besoins en personnel des caisses. La commission devra bien entendu suivre cette question, nombre de nos concitoyens ayant des relations avec les caisses d'allocations familiales.

M. Charles de Courson a souligné que les critiques de la Cour n'étaient pas inédites. Depuis de trop nombreuses années, les caisses connaissent des problèmes de gestion de personnel préoccupants, notamment le mercredi, et l'accueil du public, même téléphonique, est quasi impossible dans nombre d'entre elles.

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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Puis la Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur spécial, le budget des Anciens combattants et les articles 51, 52 et 53 du projet de loi de finances (n° 2585) rattachés à ce budget.

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur spécial, a tout d'abord indiqué qu'il rencontre quelques difficultés dans l'élaboration de son rapport, liées au fait que les réponses au questionnaire budgétaire n'étaient arrivées que tardivement et que près de la moitié des questions sont restées, à ce jour, sans réponse.

Les crédits des Anciens Combattants s'élèvent à 23,771 milliards de francs en 2001 contre un peu plus de 24 milliards de francs en 2000, soit une baisse de 1,32 %. Cependant, cette diminution des crédits est bien moindre que celles observées au cours des années précédentes. Les parties prenantes diminuant de 4 %, en fin de compte, des marges de man_uvre pourront être dégagées pour financer des actions nouvelles. La baisse des parties prenantes implique une diminution de 763,3 millions de francs des crédits des pensions d'invalidité. Mais, dans le même temps, les crédits de la retraite du combattant augmentent fortement de 449 millions de francs. Au total, et compte tenu de différents ajustements, les crédits de la dette viagère enregistrent une légère baisse de 1,3 %. Les crédits consacrés aux soins médicaux gratuits baissent de 25 millions de francs alors que les dotations liées aux transports restent stables à 41 millions de francs. Il aurait été souhaitable que le budget 2001 soit maintenu, en francs courants, au même niveau que celui de 2000. Cela aurait permis de réaliser des progrès plus rapides sur le dossier des grands invalides, sur celui des veuves ou encore sur celui de la mise en place progressive de la retraite du combattant à 60 ans.

Pour autant, l'action de M. Jean-Pierre Masseret, qui sait écouter et défendre le monde combattant, est excellente. De nombreuses mesures en faveur des Anciens Combattants apparaissent dans le budget 2001. L'application du rapport constant se traduit par l'inscription d'une mesure d'ajustement de 38,8 millions de francs. Le fonds de solidarité voit ses crédits baisser de 11,33 %, à comparer avec la baisse de 28,5 % de l'an dernier. Cependant, il faut noter que 20 millions de francs sont prévus pour la mise en _uvre de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) et que l'élargissement des conditions d'octroi du titre de reconnaissance de la Nation implique l'inscription d'une mesure nouvelle de 84 millions de francs. Le rattrapage du niveau des pensions des grands invalides se poursuit avec une mesure nouvelle de 21 millions de francs. Même si cette mesure permet d'augmenter ces pensions de 3 % au 1er janvier 2001, un rattrapage complet et immédiat eût été préférable. 44.000 rappelés d'Algérie vont bénéficier de la carte du combattant. De ce fait, 118 millions de francs sont prévus pour financer les dépenses supplémentaires en matière de retraite du combattant. Celle-ci voit d'ailleurs son plafond majorable augmenter de près de 5 %. Les crédits d'action sociale de l'ONAC enregistrent une baisse de 3,2 %, alors que ceux de la mémoire augmentent fortement, notamment en matière de rénovation de sépultures et d'entretien des lieux de mémoire.

Cependant, il serait très souhaitable qu'un fonds pour les Anciens Combattants le plus défavorisés soit mis en place. L'ONAC devrait recevoir 15 millions de francs supplémentaires pour accomplir cette mission et le crédit exceptionnel de 5 millions de francs destiné aux veuves doit être reconduit. Le rattrapage des pensions de grands invalides aurait pu être réglé complètement. La décristallisation des pensions des Anciens Combattants étrangers doit être envisagée. La retraite du combattant doit être servie dès 60 ans, avec éventuellement une mise en place progressive année après année. Ce budget est donc bon, mais il est perfectible.

M. Jean-Louis Dumont s'est félicité de l'attribution de la carte du combattant aux rappelés d'Afrique du Nord. Il s'est cependant interrogé sur les différences de traitements entre les rappelés et les maintenus en Algérie. Compte tenu de l'importance du patrimoine des associations d'Anciens Combattants dont les plus anciennes voient le nombre de leurs adhérents baisser, il serait judicieux de créer une fondation pour rassembler et valoriser ce patrimoine. L'intégration du Secrétariat d'État dans le ministère de la Défense avait pour but de lui donner plus de capacités. Dans ce contexte, il faut que l'action de mémoire permette de mettre en lumière le rôle des Anciens Combattants dans l'histoire républicaine de la Nation. A cet égard, les appelés du contingent jouaient un rôle important, la suppression du service national obligatoire pourra poser un problème. Enfin, il semble que le secteur de l'appareillage connaisse des difficultés.

Après s'être félicité de l'attribution de la carte du combattant aux rappelés d'Afrique du Nord, M. Alain Rodet s'est inquiété du fonctionnement de la direction de la mémoire, du patrimoine et des Archives. En effet, il s'agit là d'une machine complexe dont on peut discuter de l'efficacité pour informer correctement l'opinion sur le monde combattant.

M. Jean-Pierre Delalande a rappelé que le Parlement faisait beaucoup d'efforts pour améliorer le contrôle de l'exécutif notamment à travers la MEC. Pourtant, MM. Pierre Bourguignon et Jean-Pierre Kucheida rencontrent des difficultés pour obtenir des informations de la part des administrations. En conséquence, il convient soit de refuser de voter, soit de demander que des sanctions soient prises au niveau des administrations, soit de lancer une grève des parlementaires.

M. Louis Mexandeau s'est réjoui des efforts accomplis en faveur des crédits de la mémoire. Celle-ci appartient à la Nation et non pas seulement au ministère de la défense dans lequel le Secrétariat d'État aux Anciens Combattants s'est fondu. Il faut que le Parlement soit informé plus clairement sur les actions menées dans ce cadre et sur les conséquences de la réorganisation sur la gestion des crédits. L'édition d'un CD Rom a même été financée par des crédits de la réserve parlementaire. Il serait souhaitable que le Parlement dispose d'un bilan d'ensemble sur les actions menées en faveur de la mémoire. En ce qui concerne la décristallisation, il faut que les pensions servies aux Anciens Combattants d'Afrique soient dignes des sacrifices qu'ils ont accomplis pour la France. Il n'est pas tolérable que ces personnes qui ont combattu pour la France n'aient pas droit à une situation matérielle simplement compatible avec la dignité. Il convient de rappeler la véritable hécatombe qu'a subi la troupe d'Afrique pendant la campagne d'Italie.

M. Didier Chouat s'est associé sans réserve aux propos de M. Louis Mexandeau sur le problème de la décristallisation. La situation actuelle est inacceptable.

M. Pierre Hériaud a rappelé que si le budget était en baisse il comportait tout de même quelques mesures positives, dont la revalorisation du plafond majorable de la retraite du combattant à 110 points. Il apparaît cependant difficile d'atteindre l'objectif d'un indice à 130 points pour 2003, réclamé par les associations.

M. Gérard Bapt s'est interrogé sur l'existence d'accords binationaux destinés à régler des difficultés en matière de décristallisation.

Le Président Henri Emmanuelli a indiqué à M. Jean-Pierre Delalande que les questions qu'il soulève méritent un examen sérieux.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur spécial des crédits des Anciens Combattants a apporté les précisions suivantes :

- les maintenus en Algérie peuvent se voir attribuer la carte du combattant dès lors qu'ils y ont séjourné douze mois ;

- la création d'une fondation chargée de veiller sur le patrimoine des associations est une bonne idée ;

- la mise en _uvre des actions de mémoire ne présente pas de difficultés, même si la demande de M. Louis Mexandeau visant à améliorer l'information du Parlement en la matière peut être retenue ;

- les structures relatives à l'appareillage semblent avoir pour vocation de rester au sein du ministère de la défense ;

- il est regrettable que le dossier de la décristallisation n'ait pas avancé. La visite du Premier ministre au Maroc permet cependant quelques espérances.

- le plafond majorable de la rente mutualiste du combattant a augmenté de près de 30 % depuis 1997, ce qui est très positif.

La Commission a alors adopté, sur la proposition du rapporteur spécial, les crédits des Anciens Combattants pour 2001 après que M. Jean-Pierre Delalande eut annoncé qu'il refusait de prendre part au vote.

Puis la Commission a adopté les articles 51 : Attribution de la carte du combattant aux rappelés d'Afrique du Nord, 52 : Rattrapage de la valeur du point de pension militaire d'invalidité pour les grands invalides, et 53 : Relèvement du plafond donnant lieu à majoration de la retraite mutualiste du combattant, du projet de loi de finances, rattachés à ce budget.

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Puis, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial, les crédits de la Justice ainsi que l'article 61 rattaché à ces crédits.

Après s'être félicité du contraste existant entre la justice et d'autres ministères, quant à l'envoi des réponses au questionnaire, et de la réalisation par le ministère de la justice d'un compte rendu de gestion budgétaire, même si des lacunes pouvent être relevées, notamment pour les juridictions administratives, M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial, a salué la progression de 6,35 % des crédits de la justice, qui atteindront 29 milliards de francs en 2001. Cette augmentation est cependant ramenée à 3,11 % après neutralisation des transferts entre sections et notamment de l'intégration de la part employeur des cotisations d'assurance maladie. Le budget de la justice représentera ainsi 1,68 % du budget de l'État au lieu de 1,62 % en 2000. Cette hausse s'accompagnera de la création de 1.378 emplois nets, dont 307 emplois de magistrats. Les services judiciaires bénéficieront de 12,2 milliards de francs, les services pénitentiaires de 7,9 milliards de francs, la protection judiciaire de la jeunesse de 3,4 milliards de francs et les services communs de 3,6 milliards de francs. Les autorisations de programme passeront de 1.578 à 1.748 milliards de francs, soit une augmentation de 10,9 %.

Les augmentations du budget de la justice ont souvent répondu aux circonstances. Il a souvent progressé au coup par coup, au gré de mouvements d'opinion. Il est néanmoins passé de 0,65 % du budget de l'État en 1965 à 1,68 % aujourd'hui et a doublé en francs constants. S'il faut se réjouir de cette tendance, deux observations méritent d'êtres faites pour tempérer cette appréciation positive.

En premier lieu, l'amélioration du budget n'est rien sans une rationalisation de l'administration de la justice. De fait, l'augmentation des moyens s'est effectuée parallèlement à l'allongement global des délais de décision. Face à la convergence des conservatismes, qu'il s'agisse des avocats, des magistrats ou des élus locaux, aucun Gouvernement n'a osé engager la nécessaire rationalisation de la carte judiciaire, sans laquelle il n'est aucune réforme sérieuse. Aucune juridiction, hormis 35 tribunaux de commerce, n'a été supprimée par la garde des Sceaux, qui pourtant l'avait promis. Or, l'avenir de la justice est dans la spécialisation des juridictions. La justice de proximité pose trois problèmes : un problème philosophique, celui de l'universalité de la justice et de l'application de la règle de droit, un problème d'autorité de la loi, car sous couvert du principe d'opportunité des poursuites, la justice s'exerce de manière inégalitaire sur le territoire, et enfin un problème budgétaire, parce qu'elle est très coûteuse en effectifs spécialisés.

En second lieu, il convient de relever que les lois qui ont été récemment adoptées - création d'un juge de la liberté et de la détention, institution d'un appel des décisions des cours d'assises, juridictionnalisation de l'application des peines, mixité des tribunaux de commerce, réforme de la prestation compensatoire, indemnisation systématique de l'« innocentement », financement de l'aide juridictionnelle pour l'assistance des avocats en garde à vue et dans le débat contradictoire pour la mise en détention - vont être très consommatrices de moyens ; il est à peu près certain que les réformes demanderont beaucoup plus d'effectifs que ceux qui ont été créés. C'est aussi à l'aune de cette augmentation des tâches que doit être mesurée la hausse de 3,11 % des crédits.

M. Jean-Pierre Delalande a salué la qualité du rapport et le souci d'objectivité du rapporteur spécial, qui constitue l'exemple du comportement nécessaire au renforcement du contrôle parlementaire et le gage de la crédibilité de l'action de la commission des Finances, ce qui va dans le sens de l'attribution des rapports spéciaux à des rapporteurs d'opposition.

M. Jean-Louis Dumont a souligné l'effort important de rénovation et de construction d'établissements pénitentiaires inscrit dans le budget, mais s'est inquiété de la situation faite à certaines personnes, qui ont été, à tort, mêlées à des affaires judiciaires et qui ne reçoivent jamais de réparation ou d'excuses pour les préjudices subis à cette occasion. Il existe assurément une dérive de la pratique de la mise en détention, peu compatible avec le respect du droit fondamental des hommes à être libres, ainsi qu'une tendance pour les magistrats à être accaparés par des tâches administratives qui les éloignent du terrain. La question de la formation initiale et continue des juges est fondamentale. La répartition des moyens accordés à la protection judiciaire de la jeunesse et aux services d'insertion et de probation au profit des grands centres urbains et au détriment des villes moyennes pose également question. On peut s'étonner, par ailleurs, que certains magistrats s'opposent, notamment au sein du Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire, au développement des alternatives à l'incarcération. Enfin, hors de l'Île-de-France, la justice peut représenter quelque chose de très important et que l'on ne respecte que si son accès apparaît aisé et ses décisions adaptées aux réalités locales, d'où l'importance de la justice de proximité. Ainsi, la carte judiciaire, si elle doit nécessairement être réformée, ne doit pas être rationalisée au préjudice des équilibres locaux.

M. Gilbert Mitterrand a relevé que certaines juridictions avaient réalisé des efforts considérables pour raccourcir les délais et qu'il convenait de prendre en compte ces progrès dans la rationalisation de la carte judiciaire. Aussi est-il regrettable que certaines juridictions à une seule chambre ne puissent bénéficier de moyens supplémentaires, alors même que les besoins s'en font ressentir, et, ce, au nom d'une éventuelle réforme de la carte judiciaire qui concernerait d'abord les juridictions à une chambre, ce qui conduit à figer leur situation. La réforme de la carte judiciaire ne doit pas être traitée uniquement en termes de concentration dans les métropoles régionales. Elle doit établir un lien avec les juridictions qui, aujourd'hui, apparaissent efficaces, sans considération de leur taille.

M. Alain Rodet a demandé des précisions sur les opérations d'investissements judiciaires prévus en 2001 et s'est enquis des modalités d'indemnisation des jurés d'assises.

Le Rapporteur spécial a rappelé que, chaque année, environ 2.000 personnes sortent innocentes de prison et y sont restées en moyenne 3 à 4 mois. Le juge d'instruction, convaincu qu'il a affaire au coupable, mais sans preuve, est tenté d'utiliser l'arme de la détention provisoire pour obtenir des aveux. Dans ce contexte, la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence est une bonne chose, puisque ce n'est plus le juge d'instruction qui sera compétent pour incarcérer. Il reste que, si l'idée d'instituer un juge de la détention provisoire est heureuse, la procédure l'est beaucoup moins. En effet, le juge d'instruction, s'il ne peut plus décider directement que de la mise en liberté, pourra toujours menacer la personne qui refuse de parler de renvoi devant le juge de la détention provisoire, qui sera susceptible de suivre l'avis du juge d'instruction. Ainsi, la pression sur l'intéressé demeurera. Comme le rappelle Robert Badinter, on ne peut mélanger Salomon et Maigret.

S'agissant de la montée en puissance du programme de construction et de rénovation des prisons, la prise de conscience de l'opinion publique est très lente, alors même que l'état de nombre de prisons constitue une insulte à la dignité humaine et que les dispositions législatives qui prévoient l'encellulement individuel, la séparation des récidivistes d'avec les délinquants primaires et celle des mineurs d'avec les majeurs ne peuvent être respectées, faute de places.

A Fleury-Mérogis, l'eau traverse les 4 étages d'un bâtiment ; dans un autre, le monte-charge est en panne depuis 10 ans, ce qui provoque des accidents de travail fréquents.

On peut regretter que le retard consécutif à la réduction du programme de construction de 15.000 places, lancé par Albin Chalandon à 13.000 places en 1989 ne soit comblé qu'aujourd'hui.

La réforme de la carte judiciaire doit reposer sur la constitution d'un réseau de juridictions généralistes, les tribunaux d'instance, capables de renvoyer les affaires exigeant un degré de technicité particulier devant des juridictions spécialisées. En matière de dommages médicaux ou d'affaires de presse, cette spécialisation serait nécessaire. Le système actuel conduit à la désignation d'experts, ce qui a pour effet d'allonger les procédures.

Pour 2001, 211 millions de francs de crédits de paiement doivent financer des opérations d'investissements judiciaires, dont le rapport contient la liste, mais la pratique témoigne que celle-ci reste assez évolutive. Il faut insister sur la lourdeur des procédures : la construction d'un TGI à Paris, décidée, prendra sept ans.

Après que le Rapporteur spécial s'est déclaré en faveur de l'abstention, la Commission a adopté les crédits de la Justice.

Puis, la Commission a adopté, sur la proposition du rapporteur spécial, sans modification, à l'unanimité, l'article 61 : Relèvement du plafond d'admission à l'aide juridictionnelle, rattaché aux crédits de la Justice.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

Mme Béatrice Marre et M. Yves Deniaud pour siéger au Conseil national de l'aménagement du territoire ;

Elle a également nommé :

M Jean-Pierre Brard comme rapporteur d'information sur les cartes bancaires ;

M. Yves Tavernier comme rapporteur d'information sur le Fonds monétaire international ;

M. Thierry Carcenac comme rapporteur sur la proposition de loi de M. Philippe Houillon, visant à créer une commission d'enquête sur les conditions et circonstances dans lesquelles l'administration fiscale aurait éventuellement accordé à M. Lagerfeld une remise de tout ou partie du montant des impositions dont il était redevable ainsi que sur les éventuelles interventions du ministre de l'Économie et des Finances concerné (n° 2596).

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