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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 8 novembre 2000
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président

SOMMAIRE

 

pages

Suite de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (n° 2585)

 

· Pays et Territoires d'outre-mer

2

· Santé et article 55 rattaché à ce budget

3

· Solidarité et article 56 rattaché à ce budget

7

· Départements d'outre-mer

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Informations relatives à la Commission

11

   

La Commission a poursuivi l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (n° 2585).

Elle a tout d'abord examiné, sur le rapport de M. Philippe Auberger, Rapporteur spécial, les crédits des Pays et Territoires d'outre-mer.

M. Philippe Auberger, Rapporteur spécial, a précisé que, sur les 6,8 milliards de francs inscrits sur le budget du secrétariat d'État à l'Outre-mer, en hausse de 6,94 % par rapport à 2000 et de 6,17 % à structure constante, 1,38 milliard de francs de crédits de paiement sont consacrés aux pays et territoires d'outre-mer. Ce montant est très proche de celui de 2000 ; en revanche, les autorisations de programme sont en hausse : elles passent de 433 millions de francs à 528 millions de francs.

Hors emplois militaires du service militaire adapté, 19 emplois sont créés et 77 sont transformés. Des postes sont aussi créés en Nouvelle-Calédonie, dans le cadre de la restructuration des services de l'État, rendue nécessaire par le nouveau statut de l'archipel. Les crédits de fonctionnement et d'investissement de ces services augmentent pour les mêmes raisons.

Le secrétariat d'État à l'Outre-mer verse une série de subventions aux collectivités territoriales des pays et territoires d'outre-mer pour un montant total de 551 millions de francs. L'accord de Nouméa se traduit par l'inscription sur son budget de trois dotations globales : la dotation de compensation, pour 10,7 millions de francs, la dotation globale de fonctionnement, à hauteur de 407,5 millions de francs, en hausse de 3,4 %, et la nouvelle dotation globale de construction et d'équipement des collèges, pour près de 53 millions de francs. S'y ajoutent des subventions de fonctionnement de caractère facultatif, pour 37,4 millions de francs, répartis entre les différents pays et territoires d'outre-mer, et une participation de l'État au fonds intercommunal de péréquation pour les communes de Polynésie française.

Les opérations relatives à l'exploitation du Nickel en Nouvelle-Calédonie, qui a bénéficié en 1999 d'une conjoncture économique favorable, se sont poursuivies : l'État a versé un milliard de francs pour l'échange des massifs, nécessaire à la réalisation d'une usine métallurgique en Province Nord, sur la faisabilité de laquelle les études se poursuivent ; il a versé une somme équivalente pour permettre aux provinces d'acquérir des participations dans les sociétés SLN et Eramet, ce qui a été rendu possible par la signature d'un accord en juillet 2000.

Le Rapporteur spécial a observé la réalisation satisfaisante des contrats de développement : les contrats pour la prochaine période ont été signés très récemment. La Polynésie française, bénéficie, en plus des contrats de développement, de la convention pour le renforcement de son autonomie économique : elle lui assure le maintien d'un flux financier annuel de 990 millions de francs, inscrits sur le budget du ministère de la Défense, pendant 10 ans. Une partie de cette somme abonde le fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française, dont les crédits sont délégués par le haut-commissaire. Au 1er juillet 2000, ce sont plus de 1,45 milliard de francs qui ont été attribués à une douzaine de projets, dans ce cadre. Les plus grosses sommes sont allées au logement social, aux mesures en faveur de l'emploi, deux programmes qui seront évalués en 2001, à l'extension du port d'Uturoa, dans les îles sous le Vent, pour lui permettre d'accueillir des bateaux de croisière, et à la construction d'une route à Nuku Hiva, aux îles Marquises, alors que les îles ne possèdent actuellement que des pistes. Le Rapporteur spécial estime qu'il serait préférable, dans toute la mesure du possible, de subordonner l'engagement des opérations à une étude préalable des effets économiques du programme et de vérifier ensuite que les réalisations atteignent les objectifs initiaux. D'autre part, le Territoire considère que les crédits de l'État sont les siens propres : il refuse toute critique sur ses choix. Il serait souhaitable qu'à l'occasion de chaque chantier, une information appropriée soit effectuée. Le principe du cofinancement État-Territoire ou État-collectivité locale doit être maintenu : un apport de l'État de 80 % apparaît adapté.

M. Michel Inchauspé s'est interrogé sur l'action menée par l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF). Le Rapporteur spécial lui a précisé que l'ADRAF utilise des crédits en provenance du Fonds d'investissement pour le développement économique et social (FIDES) pour racheter des terres et les revendre à des collectivités de personnes, la société rurale mélanésienne étant structurée en tribus. Cette agence, dont la création avait suscité beaucoup d'espoirs au moment des accords de Matignon, n'a eu en fait que des activités assez limitées. L'agriculture calédonienne n'est d'ailleurs pas très dynamique : la Nouvelle-Calédonie importe une grande quantité de produits agricoles provenant d'Australie, de Nouvelle-Zélande, voire d'Amérique du Sud alors que, contrairement à la Polynésie française, elle possède de vastes espaces disponibles pour l'agriculture.

Alors que son Rapporteur spécial s'abstenait, la Commission a adopté les crédits des Pays et Territoires d'Outre-mer.

*

* *

La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Gilbert Mitterrand, Rapporteur spécial, les crédits de la Santé et l'article 55 rattaché à ce budget.

Le Rapporteur spécial a tout d'abord indiqué que les crédits de la Santé sont regroupés, au sein du budget de l'Emploi et de la Solidarité, en trois agrégats : « gestion des politiques de santé et de solidarité », « politiques de santé publique » et « offre de soins ». Ces crédits enregistrent une progression de 2,4 % à structure constante, c'est-à-dire en prenant en compte le transfert à l'assurance maladie de 163 millions de francs affectés aux centres de prévention contre l'alcoolisme et aux appartements de coordination thérapeutique, et de 168 millions de francs provenant du budget des charges communes, au titre du régime d'assurance maladie des personnels civils titulaires de l'État. Cette progression est supérieure à celle de l'ensemble des budgets civils de l'État qui sera, en 2001, de 1,6 %.

Ces crédits permettront, en premier lieu, de renforcer les moyens des administrations sanitaires et sociales, prolongeant ainsi l'effort de rattrapage engagé depuis quatre ans, afin de leur permettre de faire face aux nouvelles missions qui leur incombent, compte tenu des différentes lois adoptées au cours de la période récente. Cet effort se traduit par 216 nouveaux emplois, dont 116 créations nettes qui bénéficieront aux services centraux (69 emplois pour un montant de 24,7 millions de francs) dans le but de renforcer l'encadrement ainsi que leurs moyens d'expertise, et aux services déconcentrés, à hauteur de 30 emplois pour un montant de 11,8 millions de francs et 17 emplois d'agents contractuels au profit des services des droits des femmes. De plus, 100 emplois nouveaux sont prévus, pour un montant de 10,3 millions de francs, afin de poursuivre la mise en _uvre du plan de résorption de l'emploi précaire. L'accent est également mis sur la qualité de ces emplois, grâce à des mesures de revalorisation de carrières destinées notamment à renforcer l'encadrement des services déconcentrés et permettre la poursuite du repyramidage de certains corps (ingénieurs du génie sanitaire, emplois d'infirmière et d'infirmier d'État, etc.). Cette progression des effectifs s'accompagne d'un renforcement des moyens humains des agences sanitaires, qu'a mis en évidence la Cour des comptes dans son dernier rapport sur la sécurité sociale.

En termes de fonctionnement, les services du ministère bénéficieront de 89,9 millions de francs de mesures nouvelles, destinées notamment à financer les programmes immobiliers, liés, s'agissant de l'administration centrale, à des besoins de superficie nouvelle résultant du renforcement des effectifs. Pour leur part, les crédits d'équipement des services centraux atteindront 60 millions de francs en autorisations de programme et 34,5 millions de francs en crédits de paiement, pour permettre la restructuration des locaux communs du site principal du ministère. En revanche, les crédits d'équipement des services déconcentrés s'élèveront à 30 millions de francs en autorisations de programme et 19,5 millions de francs en crédits de paiement, destinés à poursuivre les opérations en cours.

Le Rapporteur a ensuite évoqué la situation des agences sanitaires qui se sont créées depuis quelques années à la suite, notamment, de l'adoption de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire. Un effort de 156 millions de francs de crédits supplémentaires, a été réalisé dans le budget de l'année précédente, en vue d'accompagner la montée en charge de leurs activités. Cette année, le projet de budget prévoit une évolution différenciée des dotations budgétaires allouées à ces agences, compte tenu de l'équilibre global de leurs ressources, certaines d'entre elles ayant constitué un fonds de roulement important. Pour autant, il prévoit une augmentation de 4,2 millions de francs de la dotation de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) ainsi que la création d'une agence française de sécurité sanitaire environnementale qui bénéficiera de 17 millions de francs en 2001.

Le Rapporteur spécial a ensuite évoqué les priorités en matière de politique de santé publique, en soulignant les conséquences du protocole hospitalier, adopté le 14 mars dernier, qui mobilise des moyens supplémentaires au profit de l'hôpital, à hauteur de 3,8 milliards de francs dès 2000, et de 10 milliards de francs sur trois ans. Ce protocole prévoit en effet des mesures immédiates, ainsi que des moyens destinés à accompagner les évolutions et la modernisation des établissements hospitaliers. A ce titre, les aides à la formation des professions médicales et paramédicales enregistrent une progression significative pour assurer l'augmentation des quotas infirmiers : les dotations affectées aux écoles de formation des sages-femmes et des professionnels para-médicaux augmentent, ainsi, de 35 millions de francs, soit une progression de 13,6 %, et les crédits de bourses d'étude des formations para-médicales de 27 millions de francs (+ 14 %).

Les efforts de modernisation des hôpitaux seront encouragés grâce à un abondement du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux de 600 millions de francs au collectif de printemps et à l'ouverture, en 2001, de 500 millions de francs d'autorisations de programme.

Les autres crédits relatifs à l'organisation des soins s'élèveront à 269,45 millions de francs contre 244,12 millions de francs en 2000, dans le but notamment de renforcer les agences régionales de l'hospitalisation, tant au niveau de leur encadrement que de leur capacité d'expertise. Enfin, il convient de noter la création d'une agence technique de l'information sur l'hospitalisation, qui sera dotée de 9,5 millions de francs en 2001.

S'agissant de la lutte contre le fléau sanitaire, les priorités ciblées, au cours de ces trois dernières années, continueront de bénéficier de moyens importants. Ainsi, dans le domaine de la lutte contre les pratiques addictives, les crédits correspondants enregistreront une augmentation de 8,8 millions de francs pour atteindre un montant total de 784,88 millions de francs en 2001, étant précisé qu'ils sont affectés par une mesure de transfert, à l'assurance maladie, de 89 millions de francs correspondant à la prise en charge des dépenses de l'État en faveur des centres de prévention de l'alcoolisme. Quant aux moyens de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), ils augmenteront de près de 20 millions de francs, ceci afin de permettre la poursuite du plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances. Au total, les crédits affectés à la MILDT s'élèveront à 298,2 millions de francs en 2001.

Les moyens consacrés à la lutte contre le sida et les maladies transmissibles s'élèveront, pour leur part, à 435,87 millions de francs contre 524,87 millions de francs en 2000, compte tenu du transfert, à l'assurance maladie, de la part État du financement des appartements de coordination thérapeutique, pour un montant de 74 millions de francs. Ces moyens seront, par ailleurs, augmentés de 7 millions de francs, afin d'accroître le budget de programme prévu pour le plan quadriennal de lutte contre l'hépatite C.

Enfin, les crédits finançant les dispositifs de prévention et de promotion de la santé s'élèveront à 275,31 millions de francs, dont 9 millions de francs de moyens nouveaux destinés, pour l'essentiel, à mobiliser des ressources extérieures au ministère pour la mise en place du plan de lutte contre le cancer. De plus, 23 millions de francs de crédits supplémentaires sont destinés à la mise en _uvre de ce plan au niveau local, avec la mise en place des programmes régionaux de santé dans de nouvelles régions et l'extension du dispositif de dépistage. Ces crédits permettront également de financer, à hauteur de 7 millions de francs, la contribution de l'État à la mise en _uvre des contrats de plan État-régions ainsi que la montée en charge, pour un montant de 9,8 millions de francs, des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins prévus par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions.

Le Rapporteur spécial a conclu en indiquant que si ce budget n'était pas révolutionnaire, il n'en confirmait pas moins les orientations définies depuis trois ans en matière de santé publique. Il permet, en particulier, une adaptation des structures aux modifications nombreuses du paysage législatif, avec l'adoption des lois sur la couverture maladie universelle, le renforcement de la veille sanitaire ou la lutte contre les exclusions.

M. Gérard Saumade a estimé que le Rapporteur avait adopté une tonalité médiane qui traduit bien le paradoxe d'un budget principalement orienté vers un accroissement des moyens des structures. Puis il s'est interrogé sur la raréfaction, observée depuis 20 ans, du nombre de spécialistes en ophtalmologie dans les hôpitaux. Cette diminution pose le problème de leur remplacement par des internes, fréquemment des étudiants étrangers, alors même que cette spécialité est appelée à se développer, compte tenu du vieillissement de la population. Il convient que la ministre soit sensibilisée à cette question.

M. Pierre Forgues a ensuite considéré que si, globalement, les crédits augmentent, certains secteurs auraient mérité un effort supplémentaire, en particulier les COTOREP dont la Mission d'évaluation et de contrôle a mis en évidence les besoins immenses en médecins coordonateurs. Or, le projet de loi de finances ne prévoit que 10 créations d'emplois, ce qui est largement insuffisant. Le deuxième secteur, qui aurait mérité davantage de moyens est, selon lui, la mise en _uvre du plan de lutte contre le cancer, dans la mesure où les 23 millions de francs de crédits supplémentaires prévus pour les actions de prévention seront également utilisés pour la réalisation des contrats de plan et des programmes régionaux. Enfin, il a souhaité connaître le montant de la dotation, pour 2001, de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) dont le Rapporteur a indiqué qu'elle augmentera de 4,2 millions de francs.

En réponse aux intervenants, le Rapporteur spécial a apporté les précisions suivantes :

- l'augmentation des moyens des administrations sanitaires et sociales, doit leur permettre d'assumer de nouvelles missions. Cet effort est important et ne doit pas être interprété comme un simple rattrapage à structure constante ;

- la diminution du nombre des spécialistes en ophtalmologie est préoccupante. Toutefois, cette question doit être exprimée dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement sur la sécurité sociale ;

- si les moyens alloués aux COTOREP peuvent paraître insuffisants, ils n'en constituent pas moins un réel démarrage et ne doivent pas occulter l'effort conséquent réalisé en faveur des administrations sanitaires et sociales et des agences de veille sanitaire ;

- le plan de lutte contre le cancer a été annoncé en février dernier, pour une durée de cinq ans, avec comme objectif de mobiliser de nombreux partenaires ainsi que des financements extérieurs. De plus, il n'en est qu'à sa première année d'application, ce qui ne permet pas de préjuger de l'ampleur des moyens qui lui seront affectés ;

- enfin, l'AFFSA a bénéficié, en 2000, d'un budget de 379 millions de francs, toutes ressources comprises, la contribution du budget de la Santé s'élevant à 22,8 millions de francs. La dotation inscrite au profit de cette agence sur le budget de la Santé, pour 2001, s'établira ainsi à 27 millions de francs.

La Commission a adopté, sur la proposition du Rapporteur spécial, les crédits de la Santé.

Article 55 : (Articles L. 5211-5-1 et 1414-12-1 nouveaux du code de la santé publique) : Développement des ressources propres de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES).

Le Rapporteur spécial a indiqué que cet article vise à permettre à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) et à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), de développer des ressources propres grâce à la création de nouvelles taxes qui leur sont affectées. Le dispositif prévu par cet article explique, en partie, l'évolution différenciée des dotations budgétaires, inscrites au profit des agences sanitaires, dans la mesure où certaines d'entre elles disposent de capacités importantes d'auto-financement. Un contact pris avec les responsables de l'ANAES permet d'affirmer que la contribution nouvelle que devront assumer les établissements de santé ne constitue pas une charge trop lourde et, ce d'autant, qu'il s'agit d'une dépense ponctuelle. Ainsi cette contribution ne devrait représenter qu'entre 15.000 et 20.000 francs pour un petit hôpital et 200.000 francs pour un établissement bénéficiant d'un budget d'environ 1 milliard de francs.

La Commission a adopté l'article 55.

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Elle a ensuite examiné, sur le rapport de M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial, les crédits de la Solidarité et l'article 56 rattaché à ce budget.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial, a indiqué que les crédits de la solidarité progresseront de 3,1 % en 2001, après une augmentation de 5,9 % en 2000, pour dépasser 85 milliards de francs, traduisant ainsi, concrètement, la priorité accordée par le Gouvernement à ce secteur.

Les années 1999 et 2000 ont été marquées par la mise en _uvre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, avec 650 millions de francs de moyens nouveaux. L'année 2001 sera la première du plan triennal pour les personnes handicapées présenté par le Premier ministre en janvier dernier. Ce plan porte sur plus de 1,5 milliard de francs ; le budget de la solidarité y contribuera pour 395 millions de francs, aux côtés de l'assurance maladie et des budgets de l'emploi et de l'éducation nationale. Le simple énoncé des budgets suffit à démontrer que ce plan couvre l'ensemble des problèmes posés par le handicap : maintien ou retour en milieu ordinaire, créations de places dans les établissements sociaux et médico-sociaux, modernisation des ateliers protégés.

Avec 29,65 milliards de francs en 2001, l'augmentation apparente des crédits destinés au revenu minimum d'insertion (RMI), soit 3,3 %, peut sembler paradoxale, au moment où, pour la première fois depuis l'institution de cette allocation, le nombre de bénéficiaires commence à diminuer. En réalité, si le projet de loi de finances pour 2001 se fonde effectivement sur une prévision de recul de 0,7 % du nombre des allocataires, il inclut aussi la revalorisation du montant de l'allocation, ainsi que le rattrapage des retards de paiement de l'État.

L'évolution de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), désormais servie à 700 000 bénéficiaires, continue d'être très soutenue : la dotation atteindra 26,5 milliards de francs en 2001, en progression de 3,9 %. À cet égard, le Rapporteur spécial a regretté que le ministère n'ait pas été en mesure de lui communiquer des informations sur les incidences financières de l'article 134 du projet de loi de finances pour 1999, qui incluait dans le régime du minimum vieillesse les handicapés de plus de soixante ans reconnus inaptes au travail.

Le Président Henri Emmanuelli a rappelé que l'absence de réponse à des demandes précises pouvait parfaitement donner lieu à un contrôle sur pièces et sur place de la part du Rapporteur spécial.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial, a indiqué que les montants versés au titre de l'allocation de parent isolé (API) progresseront de 7,6 % en 2001. Si le nombre des bénéficiaires devrait peu évoluer, c'est, ici encore, la persistance de dettes de l'État qui explique la progression des crédits. La contribution de l'État au Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture maladie universelle (CMU) ne sera que de 6,6 milliards de francs, contre 7 milliards de francs en 2000. Compte tenu du nombre moins élevé que prévu, à ce stade, de bénéficiaires de la CMU, il ne paraît pas nécessaire de prévoir une dotation plus élevée, même en tenant compte du relèvement du plafond et de la prolongation des droits récemment annoncés par la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'effort entrepris depuis 1997 en matière de créations de places d'accueil est poursuivi, qu'il s'agisse des centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS), avec à nouveau 500 places, des centres pour les réfugiés, avec 1 000 places en 2000 et en 2001, ou des centres d'aide par le travail (CAT), avec 1 500 places, s'ajoutant aux 6 000 places déjà créées, depuis 1998, dans le cadre du plan pluriannuel, et aux 500 places nouvelles en ateliers protégés, financées par le budget de l'emploi.

Les crédits de l'intégration connaissent une progression très significative, qui rend compte à la fois des créations de places en CHRS pour réfugiés et de la forte augmentation des allocations d'attente versées aux demandeurs d'asile. En ce qui concerne les personnes âgées, la lutte contre la maltraitance sera renforcée et la généralisation de la coordination gérontologique sera assurée par une mesure nouvelle de 70 millions de francs. De même, l'action sociale en direction de la famille et de l'enfance bénéficie d'une mesure nouvelle de 11 millions de francs, afin de poursuivre le développement des réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement social.

Par ailleurs, deux priorités de l'action gouvernementale trouvent une traduction explicite dans le budget de la solidarité pour 2001. D'une part, les crédits de l'économie sociale et solidaire sont quadruplés, afin de poursuivre le financement de l'appel à projet et de diversifier les actions dans ce secteur. D'autre part, les crédits en faveur des droits des femmes augmenteront de 7,1 % afin de soutenir l'accompagnement à la création d'entreprises ainsi que l'accès aux droits et la lutte contre les violences.

Enfin, deux chapitres continuent d'avoir des évolutions quelque peu atypiques. Il s'agit, d'une part, des crédits destinés aux objecteurs de conscience, qui continuent leur décélération, l'État ayant enfin remboursé ses dettes aux organismes d'accueil. D'autre part, la progression des crédits de la tutelle d'État, qui ont plus que doublé en cinq ans, n'empêche pas les dettes de s'accumuler et, surtout, laisse espérer une réforme très prochaine d'un dispositif dans lequel le juge se fait, en quelque sorte, ordonnateur de la dépense publique.

Le Rapporteur spécial a donc proposé d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la solidarité, qui donnent une image fidèle de la politique ambitieuse menée par le Gouvernement depuis 1997, en faveur tant des exclus que des personnes handicapées.

S'inquiétant des retards de paiement constatés sur le RMI et l'API, M. Augustin Bonrepaux a souhaité savoir si les transferts financiers entre l'État et les départements liés à la mise en place de la CMU étaient correctement assurés.

Observant que certains des chapitres du budget de la santé subissent également des retards de paiement, M. Gilbert Mitterrand a souhaité savoir si le Parlement avait reçu transmission de l'annexe « jaune » relative aux droits des femmes, dont l'Assemblée nationale, l'année dernière, avait adopté le principe à l'unanimité et à la satisfaction de la secrétaire d'État aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial, a précisé que les retards de paiement de l'État, de l'ordre de 1 milliard de francs pour le RMI et de 200 millions de francs pour l'API, ne pesaient heureusement pas sur les allocataires, mais sur la trésorerie de la branche famille. Par ailleurs, il est difficile, à partir du seul budget de la solidarité, de juger des incidences de la mise en place de la CMU sur les relations financières entre l'État et les collectivités locales. Enfin, le document « jaune » annexé au projet de loi de finances et relatif aux droits des femmes n'a pas encore été transmis au Parlement.

La Commission a ensuite adopté, sur la proposition du Rapporteur spécial, les crédits de la solidarité.

Article 56  (Article L 767-2 du code de la sécurité sociale) : Prise en charge par l'État du financement du Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial, a indiqué que l'objet de cet article était de traduire dans le code de la sécurité sociale la prise en charge par l'État du financement du Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FASTIF). Actuellement, le fonds est essentiellement financé par un prélèvement sur la branche famille. La logique d'un tel prélèvement n'est pas très claire, dans la mesure où les aides sociales à caractère non contributif devraient être financées par l'impôt, et non par des cotisations.

Le Gouvernement a donc proposé que le financement du FASTIF soit désormais intégralement assuré par le budget de la solidarité. Pour 2000, cette subvention sera inscrite dans le prochain collectif. Pour 2001, elle est inscrite dès la loi de finances initiale, pour un montant de 1 120 millions de francs. Ce transfert s'inscrit dans un effort général de clarification des relations financières entre l'État et la branche famille. En effet, c'est cette dernière qui, à compter de 2001, prendra en charge l'intégralité de l'allocation de rentrée scolaire. Jusqu'à présent, c'est l'État qui finançait - dans de mauvaises conditions, c'est-à-dire systématiquement en collectif - cette majoration. Compte tenu des excédents importants dégagés par la branche famille et de la vocation de celle-ci à assurer le service de prestations, il paraît opportun de lui transférer la charge de ces 6,6 milliards de francs. Cependant, la rédaction proposée par le Gouvernement pour cet article soulève encore des problèmes techniques.

Sur sa proposition, la Commission a alors décidé de réserver le vote sur l'article 56.

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Elle a ensuite examiné, sur le rapport de M. François d'Aubert, Rapporteur spécial, les crédits des Départements d'outre-mer (DOM).

Après avoir indiqué que le budget du secrétariat d'État à l'Outre-mer enregistre une hausse de 6,94 % et de 6,17 % à structure constante, les transferts entre diverses sections atteignant 48,6 millions de francs, M. François d'Aubert a estimé que, comme la loi d'orientation pour l'outre-mer qu'il met en _uvre, ce budget s'avère décevant. L'effort financier en faveur de l'emploi et de l'insertion est accru : les crédits du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer augmentent de plus de 25 %, mais ils ne seront pas utilisés pour une politique novatrice et cohérente. Ils financeront une douzaine de dispositifs d'aide à l'emploi, dont quatre sont créés par la loi d'orientation : les autres subsistent alors qu'aucune évaluation de leurs effets n'a été réalisée. Une partie de ces emplois aidés est destinée aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, dont le nombre ne cesse de croître outre-mer alors qu'il commence à diminuer en métropole. L'action sociale et culturelle est poursuivie avec près de 158 millions de francs de dotations destinés à financer des actions très variées, ne faisant l'objet d'aucune réflexion d'ensemble : il manque aux DOM une politique culturelle et sociale adaptée.

L'action en faveur de l'insertion dans les DOM passe par une politique vigoureuse en faveur du logement social : or, cette dernière est la grande absente de la loi d'orientation et la progression des crédits, qui atteignent 1,35 milliard de francs et doivent financer 15.000 logements neufs ou améliorés, est l'objet d'un affichage politique nullement justifié. En effet, l'augmentation de 250 millions de francs en autorisations de programme correspond, pour l'essentiel, à la compensation de la diminution de la créance de proratisation, résultat de la première étape de l'alignement du niveau du RMI sur son niveau métropolitain. La hausse des autorisations de programme n'est donc, en fait, que de 0,5 %. Quant au service militaire adapté, il subsiste.

Le secrétariat d'État à l'Outre-mer verse aussi aux DOM une série de subventions aux collectivités locales. Les subventions de fonctionnement ne connaissent pas de grands changements. Les subventions d'investissement transitent, pour la plus grande partie, par le Fonds d'investissements des DOM (FIDOM), dont la dotation augmente de 15 % en crédits de paiement et de 55 % en autorisations de programme. Elle permettra la mise en _uvre des contrats de plan pour la période 2000-2006, dont les axes demeurent les mêmes que pour la génération précédente. Des fonds communautaires soutiennent également l'investissement dans les DOM.

Enfin, le Rapporteur spécial a tenu à évoquer des problèmes graves qui touchent les DOM mais qui ne sont combattus ni par la loi d'orientation, ni par le budget du secrétariat d'État. Les DOM sont victimes d'un fort développement de la délinquance et de l'insécurité : le trafic et la consommation de drogues s'intensifient - les saisies ont augmenté de 25 % en 1999 aux Antilles et en Guyane - et jouent un rôle important dans la hausse de plus de 6 % des crimes et délits enregistrée en 1999, tandis que la croissance de la population en situation irrégulière entretient l'insécurité. La justice manque cruellement de moyens : les prisons sont en très mauvais état, saturées, insuffisamment sûres, ce qui conduit à de nombreuses évasions et, en Guyane, 80 % des peines prononcées en correctionelle ne sont même pas exécutées.

Parallèlement, l'État fait preuve de son inefficacité, voire de son manque d'intérêt pour les DOM, en n'assurant guère le respect de la loi. Les scandales financiers à répétition en témoignent (disparition du fonds de garantie de la société de développement régional Antilles-Guyane, gestion de l'office du tourisme de la Guadeloupe critiquée par la chambre régionale des comptes, débâcle du crédit Martiniquais), tandis que l'île de Saint-Barthélémy et la partie française de Saint-Martin constituent des paradis fiscaux de fait, sinon de droit. Si la réforme du dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer vise à mettre un terme aux abus les plus criants, elle ne suffira ni à en effacer tous les effets pervers, ni à en accroître notablement l'efficacité.

Le Président Henri Emmanuelli a fait observer que le problème du régime fiscal de Saint-Martin et Saint-Barthélémy était ancien et que nombre de gouvernements n'y avait pas remédié. Pour ce qui est de la défiscalisation, la réforme en cours permettra une amélioration notable du dispositif.

M. Pierre Forgues s'est inquiété de la surpopulation de 200  % et du nombre d'évasions des prisons en Guyane, tout en constatant que le Rapporteur spécial ne proposait pas la construction d'une prison nouvelle.

Alors que le Rapporteur spécial a proposé de les rejeter, la Commission a adopté les crédits des départements d'Outre-mer.

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Informations relatives à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a désigné pour siéger à une commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 2666) :

- MM. Henri Emmanuelli, Éric Besson, Jean-Yves Le Déaut, Philippe Auberger, Jean-Jacques Jégou, Christian Cuvilliez et Jacques Desallangre, comme candidats titulaires ;

- MM. André Vallini, Dominique Baert, Jacky Darne, Jean-Paul Charié, Michel Inchauspé, Claude Gaillard et François Goulard, comme candidats suppléants.

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