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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 62

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 18 septembre 2001
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Laurent Fabius, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'État au Budget, sur le projet de loi de finances pour 2002.

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La Commission a procédé à l'audition de M. Laurent Fabius, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'État au Budget, sur le projet de loi de finances pour 2002.

Après s'être à nouveau déclaré bouleversé par la tragédie qui avait frappé le peuple américain, M. Laurent Fabius a souligné que ce budget, qui est le premier en euro et le dernier de la législature, a été établi dans une conjoncture économique dont l'incertitude a été renforcée par les attentats du 11 septembre. Ceux-ci ont engendré des inquiétudes compréhensibles. Dans ce contexte, le rôle du Gouvernement est de définir clairement un impératif - une évaluation exacte des risques - , une conviction - garder confiance dans la capacité de rebond des économies européennes et notamment de l'économie française - et un engagement - mettre en place pour 2002 un budget réaliste qui conforte la croissance, l'emploi, la solidarité et la sécurité.

La globalisation des économies entraîne la diffusion des chocs et les réactions en chaîne des entreprises. Depuis le début de l'année, l'Europe a été touchée par le ralentissement de la conjoncture mondiale résultant du freinage de la croissance américaine : la croissance a reculé au Japon, et tous les pays ont été touchés par le ralentissement du commerce mondial. De plus, l'Europe a connu, au début de l'année, des hausses de prix qui ont pesé sur l'augmentation du pouvoir d'achat et, donc, sur la consommation des ménages. Les effets de ces tensions, comme celles du marché pétrolier ou la crise bovine, se sont progressivement dissipés au cours de cet été.

Dans ce contexte, les attentats ont fait naître des incertitudes nouvelles : risque financier : grâce à la réaction rapide et coordonnée des autorités financières et monétaires, une crise paroxystique immédiate a été évitée, mais il est trop tôt pour affirmer que les désordres sont derrière nous et pour en apprécier l'impact sur l'économie réelle, risque sur le pétrole aussi : grâce à l'attitude responsable des producteurs et des autorités, le mouvement brutal des prix a été maîtrisé, mais il convient de rester vigilants, surtout en cas d'une éventuelle riposte contre les commanditaires des attentats, risque sur le comportement des agents économiques et plus particulièrement des ménages : une contraction de leurs dépenses est possible, elle avait d'ailleurs été observée lors de la guerre du Golfe.

Les enseignements tirés de trois événements passés, certes de nature très différente - la guerre du Golfe, le tremblement de terre de Kobé et la tempête de 1999 - montrent qu'une période de reconstruction succède toujours à la destruction, et que le comportement des ménages constitue alors une donnée essentielle. Cependant, l'évolution du marché pétrolier est le facteur déterminant, s'agissant des conséquences économiques de tels événements, puisqu'il obère le pouvoir d'achat des pays consommateurs. Le prix du baril, passé de 28 à 30 dollars est revenu à 28 dollars environ aujourd'hui.

Si la tragédie américaine devait durablement peser sur l'activité économique et entraver son redémarrage, le Gouvernement adapterait alors sa politique selon trois axes : en laissant jouer les stabilisateurs économiques, en acceptant une baisse des recettes, mais sans couper dans les dépenses publiques ; en redéployant certains crédits publics vers les dispositifs les mieux adaptés au soutien de l'activité et de l'emploi ; enfin, en favorisant une nouvelle baisse des taux d'intérêt au niveau européen.

M. Laurent Fabius s'est néanmoins déclaré confiant dans la capacité de rebond des économies française et européenne. En effet, les fondamentaux de l'économie française sont bons : l'économie s'est renforcée, la croissance française a été supérieure à celle de nombre de nos partenaires et, depuis le début de l'année, est restée positive dans notre pays alors qu'on observait un recul en Italie et une quasi stagnation en Allemagne, l'emploi a fortement augmenté : 1.500.000 emplois ont été créés dans le secteur marchand de juin 1997 à juin 2001, dont 180.000 depuis le début de l'année les entreprises françaises ont réalisé un important effort d'équipement et leur rentabilité est satisfaisante. Le commerce extérieur reste excédentaire, les finances publiques sont solides et l'inflation est jugulée, ce qui permet de maintenir une évolution positive du pouvoir d'achat.

Dans ce contexte, la situation de l'économie française pourrait connaître un redémarrage partiel dès le dernier trimestre de cette année, et la croissance s'établirait à environ à 2,5  % en 2002, point moyen d'une fourchette dont le point bas serait de 2,25 %.

Pour ce faire, le Gouvernement entend agir en faveur de la baisse des taux d'intérêt, grâce à l'utilisation des marges de man_uvre créées par la maîtrise de l'inflation, poursuivre la politique de baisse des impôts, qui contribue à soutenir la croissance. Avec le versement de la prime pour l'emploi qui bénéficie à environ 8 millions de familles, ce sont près de 6 milliards d'euros qui sont reversés aux ménages ce mois ci. Les adaptations consenties aux petites entreprises montrent que le Gouvernement entend faire en sorte que le passage aux 35 heures se fasse avec les entreprises et non contre elles, et qu'il mobilise tous les instruments de la politique active de l'emploi.

Le budget pour 2002 entend conforter une croissance solidaire et durable autour de trois orientations principales.

Les priorités budgétaires concernent d'abord une politique active de l'emploi et de la formation professionnelle. 3,2 milliards d'euros seront consacrés au programme « nouveaux services emplois jeunes » qui aura bénéficié à 400.000 jeunes à la fin de 2002. Seront également mis en _uvre des programmes ambitieux de retour à l'emploi à destination des personnes en difficulté encore exclues du marché du travail. La mise en _uvre du programme d'aide au retour à l'emploi a été enclenchée avec les partenaires sociaux dès le mois de juillet, les contrats aidés seront relancés avec la création de 50.000 CES supplémentaires, tandis que les crédits et les effectifs du programme spécifique destiné aux jeunes en difficulté (programme TRACE) seront portés à 120.000.

Pour la première fois, le budget de l'Éducation nationale va dépasser 400 milliards de francs (61,4 milliards d'Euros), soit une augmentation de près de 4  %. La politique menée depuis 1997 vise à mieux encadrer les élèves, notamment dans l'enseignement scolaire, grâce à la création de 27.000 postes d'enseignants et de 70.000 emplois jeunes. En application du plan triennal pour l'éducation, 7.700 postes nouveaux seront créés en 2002. Par ailleurs, les moyens affectés aux universités seront accrus pour faciliter leur fonctionnement courant et faire face aux dépenses de rénovation et de mise en sécurité des bâtiments prévues dans le plan Universités du troisième millénaire (U3M).

La sécurité constitue une priorité majeure du Gouvernement. Les effectifs de policiers augmenteront de 3.000 en 2002 tandis que ceux de la gendarmerie progresseront de 1.000 emplois. Au total, ce sont donc plus de 250.000 policiers et gendarmes (ce qui représente une augmentation de 9  % depuis 1997) qui sont mobilisés pour assurer la sécurité de nos concitoyens, notamment grâce à la mise en place de la police de proximité et au redéploiement des effectifs vers les zones sensibles. Parallèlement, les crédits du ministère de la Justice augmenteront de près de 6  %, ce qui représente une progression de 25 % depuis 1997, 3.000 emplois seront créés en 2002 pour renforcer l'efficacité de la justice au quotidien.

Le budget du ministère de l'Environnement augmentera de 6 % en 2002, ce ministère bénéficiant de la création de 300 emplois supplémentaires. Enfin, le budget de la Culture atteindra 1  % du budget de l'État.

Les mesures fiscales proposées dans le projet de loi de finances s'inscrivent pleinement dans les orientations du Gouvernement en matière de baisse des impôts. Les mesures nouvelles représentent un montant de 6 milliards d'euros, grâce, notamment, au doublement de la prime pour l'emploi, à la poursuite de l'allégement de l'impôt sur le revenu (3,1 milliards d'euros), l'abaissement de l'impôt sur les sociétés pour les petites entreprises (0,6 milliard d'euros) et la poursuite de la suppression de la part salariale dans le calcul de la taxe professionnelle (1,3 milliard d'euros). Outre sa contribution au maintien de la croissance, la baisse des impôts constitue également un élément de solidarité sociale, car elle augmente la progressivité de l'impôt sur le revenu, permettant aux revenus des personnes les plus modestes de progresser deux fois plus vite que ceux des catégories les plus favorisées. Outre de nouvelles dispositions en faveur du logement, le projet de loi de finances entend encourager la maîtrise de l'énergie, grâce à la création d'un crédit d'impôt sur les dépenses d'isolation thermique et de régulation du chauffage et à l'amélioration significative du crédit d'impôt pour l'achat de véhicules propres. Un autre ensemble de mesures nouvelles est destiné à soutenir l'investissement grâce, notamment, à l'augmentation du plafond du plan d'épargne en actions et l'ouverture de celui-ci aux actions européennes. Conformément aux engagements pris à Abidjan en avril dernier, il est proposé la création d'un mécanisme d'encouragement à la recherche, par un amortissement exceptionnel des matériels, sur les maladies infectieuses, au premier rang desquelles le sida, affectant fortement les pays en développement et tout particulièrement le continent africain. Enfin, le projet de loi comporte également des mesures de simplification de l'impôt et des mesures en faveur des associations grâce à l'augmentation du plafond de déduction des dons de 6 à 10  % du revenu imposable, et la suppression des justificatifs pour les contribuables ayant opté pour une déclaration informatique.

Le projet de loi de finances s'inscrit dans une politique de gestion dynamique de la dépense publique.

En 2001, l'impact de l'affaiblissement de la conjoncture sur les recettes fiscales pourrait se traduire par une légère remontée du déficit budgétaire à moins de 32 milliards d'euros, les comptes sociaux devant rester excédentaires en raison de l'évolution favorable des salaires. Pour faire face au ralentissement de la croissance, le Gouvernement a choisi une voie équilibrée visant à mobiliser les ressources fiscales et non fiscales, sans peser sur la croissance par une baisse drastique des dépenses, tout en contenant les déficits.

D'une façon générale, l'objectif du Gouvernement est d'assurer un financement durable et solidaire des dépenses. L'évolution maîtrisée des dépenses de l'État (+ 0,5  % en volume) permettra de financer les besoins des services publics et d'alléger les impôts tout en réduisant les déficits.

Dans ces conditions, le déficit budgétaire de l'État devrait s'établir à moins de 30,5 milliards d'euros en 2002. Le déficit des administrations publiques s'établira à 1,4  % du PIB, tandis que le taux des prélèvements obligatoires (44,5  %) sera inférieur en 2002 à son niveau de 1996. La dette publique continuera de diminuer pour atteindre 56  % du PIB en 2002, au lieu de 59,3  % en 1997.

Le projet de loi de finances marque également une nouvelle phase de la modernisation de la gestion publique. Outre la poursuite de la politique de réforme de l'État, 19 articles de la loi organique sur les finances publiques entreront en vigueur en 2002, totalement ou partiellement, ce qui assurera le respect du principe de sincérité budgétaire. Désormais, les annulations de crédits se feront par décret et leur montant cumulé ne pourra excéder 1,5  % des crédits ouverts par la loi de finances. La discussion du projet de loi de finances devra succéder à celle du projet de loi de règlement de l'année précédente. Enfin, les parlementaires disposeront d'une information plus complète. Le projet de loi de finances permettra également d'anticiper sur certaines autres dispositions, en particulier la mise en place d'une instance consultative sur la comptabilité publique et la présentation de la gestion de la dette publique sous forme d'un premier programme, structuré en objectifs précis, accompagné d'indicateurs de résultats.

Le Gouvernement a pris de nombreuses dispositions pour faciliter le passage à l'euro, notamment en direction des publics fragiles et reste vigilant, tant en ce qui concerne un éventuel dérapage des prix qu'en matière de sécurité au cours de cette période sensible.

En conclusion, M. Laurent Fabius a souligné que la politique économique et budgétaire de la France s'inscrivait dans une démarche de respect : respect des Français en leur disant la réalité ; respect de l'avenir en agissant et en modernisant dans la durée ; respect des choix de la majorité, en réformant le pays dans la solidarité.

Le projet de budget est donc à la fois réaliste et volontaire. Le réalisme est toujours nécessaire et la volonté est un devoir face à la situation internationale. Il sera proposé au groupe d'action financière internationale (GAFI) de se saisir des aspects financiers de la lutte contre le terrorisme. Tous les responsables politiques et les acteurs économiques doivent avoir confiance dans la force de nos démocraties car il est impératif d'empêcher le terrorisme d'affaiblir nos économies.

Après avoir constaté que l'hypothèse de croissance de 2,5 %, avec un creux éventuel à 2,25 %, retenue par le Gouvernement rejoignait celle formulée par les différents instituts de conjoncture et que le projet de budget pour 2002 poursuivait les mesures intervenues en 2001, M. Didier Migaud, rapporteur général, a souligné la continuité de la politique budgétaire, s'agissant des baisses d'impôt comme de la stabilisation de la dépense publique, dont l'augmentation prévisionnelle est de 0,5 %. Il convient de s'interroger sur l'impact des stabilisateurs automatiques en 2002, tant en recettes qu'en dépenses, et sur les différences éventuelles entre les prévisions qui ont fondé le projet de loi de finances et celles incluses dans le programme pluriannuel relatif aux finances publiques 2001-2004, qui prévoyait un retour à l'excédent budgétaire en fin de période. Ces différences conduiront-elles à repousser la date de réalisation des objectifs fixés dans ce programme ? Est-il possible de préciser l'impact budgétaire, en 2002, du passage aux trente-cinq heures, d'une part, dans la fonction publique de l'État et, d'autre part, dans la fonction publique hospitalière ? Par ailleurs, si la réforme de l'ordonnance de 1959 a été menée à bien, des modifications de périmètre du budget et des lois de financement de la sécurité sociale et des redéfinitions de compétence doivent-elles encore être envisagées ? Les données d'exécution pour l'exercice 2001 ont-elles été modifiées depuis le débat d'orientation budgétaire, notamment en ce qui concerne le déficit budgétaire et l'évolution probable des principales recettes fiscales ?

M. Laurent Fabius a tout d'abord indiqué que, depuis quatre ans, le choix avait été fait d'une politique budgétaire centrée sur une norme de dépenses, qui permettait de voir si la gestion était tenue et si les stabilisateurs automatiques pouvaient jouer. Sur la période 1997-2002, la croissance a atteint 18 % et les dépenses de l'État n'ont progressé que de 1,8 %. Un soutien non négligeable à la croissance est assuré par les baisses d'impôt. À ce propos, la direction de la prévision estime que l'impact des réductions d'impôt sur le PIB peut être chiffré de 0,5 à 1 point. En 2002, en raison de moindres recettes, le déficit public sera stabilisé à 1,4 % du PIB, au même niveau qu'en 2001, alors qu'une baisse en pourcentage du PIB était attendue. En revanche, la perspective d'augmentation des dépenses sera tenue, avec une norme d'évolution fixée à 0,5 %. Dans ces conditions, il est certain que l'objectif de consolidation des dépenses publiques à moyen terme sera réalisé, même si le chemin pour y parvenir, compte tenu du ralentissement de la croissance économique, sera plus difficile.

La réduction du temps de travail dans la fonction publique d'État aura un impact budgétaire limité, dès lors que le Gouvernement a privilégié la progression de la productivité et la réorganisation des services. Le problème ne se pose pas de la même façon que dans le secteur privé. La réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière devrait avoir un coût d'un milliard d'euros à terme, en raison du financement d'un grand nombre de créations de postes. En 2002, le budget ne sera pas mis à contribution. Cependant, les établissements médicaux et médico-sociaux étant financés par l'assurance maladie, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) devra augmenter dès l'année prochaine. Aujourd'hui, il n'existe pas de raison de modifier les prévisions de recettes annoncées lors du débat d'orientation budgétaire. En effet, on peut observer, comme prévu, une diminution des recettes de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, du fait du ralentissement de la consommation, ainsi qu'une augmentation des remboursements de taxe sur la valeur ajoutée, un impôt sur le revenu stable et des rentrées de l'impôt sur les sociétés conformes aux prévisions.

Mme Florence Parly a confirmé que les moins-values fiscales pour 2001 s'élèveraient à 25 milliards de francs environ et qu'il en serait de même pour 2002, ce chiffre intégrant les prévisions de croissance économique et le coût des baisses des impôts.

M. Philippe Auberger a donné acte au Gouvernement de l'impossibilité d'évaluer les conséquences des attentats aux États-Unis. Mais les prévisions économiques faites antérieurement n'étaient déjà pas fiables et pas sincères. Compte tenu de ce que l'on sait déjà de 2001, ont peut prévoir que la croissance économique n'atteindra pas 2,3 %. Le gouverneur de la Banque de France a laissé entendre que la réalité serait en deçà, et le Fonds monétaire international table désormais sur un chiffre de 2,1 %. Or le Gouvernement s'était fondé sur une prévision irréaliste pour 2001. Pour 2002, il affirme qu'il y aura une reprise de la croissance économique, ce que nul ne peut avancer avec certitude. En tout état de cause la reprise de la croissance ne peut pas provenir des États-Unis.

Par ailleurs, le pouvoir d'achat des ménages a progressé de 0,8 % en moyenne annuelle. L'essentiel de la consommation est donc dû à des créations d'emploi dont l'effet est passé. Or la diminution du taux de chômage va s'atténuer, et l'on constate, en outre, que le taux d'épargne est en augmentation. Il est donc illusoire d'escompter une hausse de la consommation. En conséquence, le Gouvernement ne dispose d'aucune marge et racle les fonds de tiroirs en prélevant des recettes sur différents organismes comme la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), EDF ou GDF, ce qui s'apparente à la politique de la terre brûlée.

Si le déficit s'établit à 1,4 % du PIB, la programmation triennale ne sera pas tenue. La prévision est irréaliste sur une durée de deux ans, d'autant que les comptes sociaux s'avèrent difficiles à équilibrer. Par ailleurs, l'application de la réforme de l'ordonnance organique de 1959 sur les lois de finances exige une consolidation des comptes sociaux. Cette consolidation n'apparaît pas dans le projet de loi de finances. Ainsi le Parlement ne dispose-t-il pas des comptes du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales (FOREC) dans le cadre du financement des 35 heures. Le minimum de correction serait de fournir ces comptes. En outre, il est nécessaire de clarifier les relations financières entre le Fonds de solidarité vieillesse et le FOREC, alors que le financement des 35 heures et des retraites est aujourd'hui un méli-mélo peu satisfaisant. Deux excellents rapports -celui de M. Frédéric Lavenir, inspecteur des finances, et celui de M. Michel Charzat- viennent d'être publiés et le projet de loi de finances n'en tire aucune conséquence. Quelle est donc l'utilité de tels documents ?

Enfin, il faut s'interroger sur la capacité de la législation boursière à contrôler et à annuler des opérations en bourse qu'auraient effectuées les terroristes sur le marché des options, la notion de délit d'initié apparaissant insuffisante pour de telles opérations.

M. Pierre Méhaignerie a déclaré que le projet de loi de finances pour 2002 lui rappelait ce qui s'est produit avec le budget de 1993. Tout semble fait pour cacher la vérité à partir de prévisions de croissance et de recettes peu fiables. Or un langage de vérité serait le meilleur moyen de relancer la croissance économique.

Le niveau du déficit budgétaire comme la baisse des impôts constituent des trompe-l'_il. Le déficit 2002 sera supérieur au chiffre annoncé. De nombreuses réformes ne sont en effet pas encore financées et nos concitoyens risquent de devenir incrédules lorsqu'ils devront acquitter leurs impôts locaux. Le coût de plusieurs réformes est en effet à la charge des collectivités locales. Enfin, on ne peut que constater que ce projet ne ménage pas de marges budgétaires.

M. François d'Aubert a jugé que les prévisions de conjoncture étaient irréalistes. Il a demandé si l'hypothèse de croissance de 2,5 % pour 2002 intégrait la diminution de l'activité économique actuelle, compte tenu du décalage des recettes fiscales de la fin de 2001. L'hypothèse d'un prix du pétrole à 23 dollars le baril est irréaliste alors que les conséquences des événements aux États-Unis ne pourront qu'en augmenter le prix. Quelle est par ailleurs la position du Gouvernement sur un assouplissement du programme pluriannuel des finances publiques européennes ? Enfin quel est le coût exact des 35 heures et cette dépense, de l'ordre de 100 milliards de francs, ne serait-elle pas plus utile dans d'autres secteurs comme la sécurité, le renseignement ou la lutte contre le terrorisme ?

M. Laurent Dominati a affirmé que l'on était en présence d'un budget paravent plutôt que d'un budget transparent. Il a jugé que le Gouvernement exprimait trois aveux dans les documents présentés : l'accroissement du déficit pour 2001, contrairement à ses prévisions initiales mais conforme aux affirmations de l'opposition ; le niveau des prélèvements obligatoires, 44,9 % du PIB en 2001, qui ne constitue en fait que l'annulation des augmentations qui se sont produites depuis 1997 ; enfin la diminution du déficit de l'État qui s'établissait à 2,5 % en 1999 et qui est évalué à 2,4 % pour 2002. Il ne s'agit pas réellement d'une diminution de déficit mais plutôt d'une interruption de la volonté de le réduire.

Par ailleurs quelles sont les justifications avancées par le Gouvernement pour opérer des prélèvements sur l'UNEDIC, la CADES, EDF ou les caisses d'épargne ? Quelle est la position du Gouvernement sur une révision éventuelle des perspectives financières pluriannuelles de l'Union européenne et sur la taxe Tobin ?

Après avoir rappelé que la prévision est un exercice toujours délicat, comme en témoigne la note de M. Alain Juppé en 1997, rédigée au moment de son départ, M. Jean-Pierre Brard a souligné que les conséquences des attentats aux États-Unis ne devaient pas être survalorisées, car le volume de nos échanges avec ce pays ne représente qu'un point et demi de PIB, même si l'importance des relations économiques entre les États-Unis et l'Allemagne peut entraîner un effet de ricochet pour la France. Néanmoins, des conséquences négatives sur la consommation sont envisageables. Les baisses d'impôts ont eu des effets contrastés. Si le revenu des ménages les plus modestes a progressé plus vite que les autres, il n'en demeure pas moins qu'il reste très bas, alors que, dans le même temps la réduction du taux des tranches supérieures de l'impôt sur le revenu ne semblait pas nécessaire.

L'évocation de nouvelles baisses d'impôts appelle, par ailleurs, une réflexion sur la mise en _uvre des mesures votées. Au moment où la réforme de l'ordonnance de 1959 rééquilibre les relations entre le Parlement et l'exécutif, l'administration empêche la mise en place de la mesure fiscale incitant à l'achat de véhicules propres. Il est inacceptable qu'un texte voté par le Parlement ne soit pas mis en _uvre par l'administration.

Afin de mieux anticiper les conséquences de la conjoncture économique, il convient de favoriser la consommation, ce qui aurait une influence bénéfique sur l'emploi. Une rallonge de la prime pour l'emploi, versée aux plus modestes, aurait un effet immédiat sur la consommation. Comme dans les années 1998 et 1999, il ne faut pas hésiter à utiliser la dépense publique pour amorcer une dynamique positive. Alors que la croissance économique se ralentit, des mesures concrètes doivent être prises, sans attendre, dans cette loi de finances.

Après avoir rappelé que la conjoncture plus difficile devait conduire à la prudence, M. Augustin Bonrepaux a souligné qu'il ne fallait pas, pour autant, susciter des craintes inutiles. La prévision de croissance fixée à 2,5 % est crédible, d'autant plus qu'en 1998 et 1999, la croissance a dépassé les prévisions. La majorité maintient le cap qu'elle s'est fixé en poursuivant la réduction du déficit tout en tenant compte de la situation actuelle. Les baisses d'impôts se poursuivent puisque la taxe professionnelle, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés diminuent. Les petites entreprises n'ont jamais connu de taux d'imposition aussi bas. De plus, la prime pour l'emploi va être doublée. Les priorités budgétaires sont clairement identifiables : l'éducation, la formation professionnelle, dont les crédits progressent de 4 %, la justice et la sécurité, avec une augmentation des crédits de la police, mais aussi de la gendarmerie, dont la présence est particulièrement cruciale en zone rurale. Cette orientation volontariste est de nature à maintenir la confiance.

Les recettes des collectivités locales progressent sans augmentation des taux, ce qui leur permet de soutenir la croissance par leurs investissements. Parallèlement, l'État doit poursuivre son effort. La DGF a progressé de 3 % en 2001, elle augmentera de 2,65 % en 2002. Il conviendra, dans la présente loi de finances, de favoriser l'intercommunalité en corrigeant les effets négatifs qui la pénalisent, notamment dans les zones rurales.

M. Charles de Courson s'est interrogé sur l'augmentation de 5,6 milliards d'euros des recettes non fiscales et notamment sur les prélèvements de 1,1 milliard d'euros opéré sur la CADES et de plus de 1 milliard d'euros opéré sur la Caisse d'amortissement de la dette publique (CADEP). Par ailleurs, la mise en place des 35 heures génère un déficit de 30 milliards en 2001 et 2002 sur le FOREC.

En réponse aux différents intervenants, M. Laurent Fabius a apporté les précisions suivantes :

- Il faut garder à l'esprit que le budget peut être symbolisé par un triangle dont les trois côtés sont les dépenses, les recettes et le solde. Certains constatent que le solde n'est pas aussi bon que ce qu'ils espéraient, mais ils ne prennent pas en compte, dans leurs analyses, le niveau de la dépense publique. De même, d'autres souhaitent des baisses d'impôts supplémentaires, mais cela nécessite aussi une certaine maîtrise de la dépense. Il faut donc prendre en considération les trois côtés du triangle, simultanément.

- Les hypothèses de croissance sont crédibles, d'autant que ce projet de loi de finances intègre dans son élaboration une perspective de croissance aux États-Unis de 2 % alors même que le ministre des finances américain a déclaré qu'elle sera de 3 % ; le Gouvernement fait donc preuve de mesure et de vigilance.

- Le pouvoir d'achat, comme l'emploi, progressent.

- Le niveau des recettes non fiscales résulte d'un choix. En effet, ces dernières années, les recettes fiscales étaient abondantes et les entreprises publiques n'ont pas été appelées à contribuer au budget de l'État à la hauteur de leurs résultats. Alors que la situation est plus difficile pour 2002, il est logique d'opérer ces prélèvements afin que des trésoreries dormantes ne soient pas constituées. Pour EDF, la progression du prélèvement correspond très exactement à l'augmentation du dividende que l'État reçoit en tant que propriétaire de l'entreprise. En ce qui concerne la CADES, l'État demande simplement à son emprunteur de rembourser plus vite le prêt qu'il a accordé à la Sécurité sociale, compte tenu du bon rendement de la CRDS, effet de la politique économique du Gouvernement.

- La COB et les autres organismes concernés analysent d'éventuels profits boursiers réalisés par les terroristes. Actuellement, aucune indication certaine en ce sens n'a été apportée.

- Une norme de dépense a été fixée. En cas d'ajustement à effectuer en cours d'année, des contrats de gestion seront passés avec les ministères pour éviter des blocages de crédits sous forme de couperets. Cette procédure a notamment été utilisée dans la gestion des suites de la tempête de 1999 et de la crise de la vache folle.

- Les collectivités locales doivent poursuivre leur effort de modération de la fiscalité.

- L'hypothèse d'un prix du baril de pétrole pour 2001 à 25 dollars s'est révélée exacte. Si aucun pays pétrolier n'est concerné par une riposte, la prévision de 23 dollars n'est donc pas déraisonnable.

- Les critères du pacte de stabilité ne doivent pas être remis en cause. Ce texte prévoit la consolidation budgétaire et l'existence de marges de man_uvre.

- La réduction du temps de travail induit un coût sous forme d'allégements de charges. Il convient cependant de rappeler que la moitié du coût des allégements de charges est due aux mesures prises par M. Alain Juppé.

- Les allégements d'impôts décidés l'an dernier ont incontestablement encouragé la consommation. Pour autant, on ne peut pas sortir du cadre budgétaire, au risque de faire monter les taux d'intérêts, ce qui augmenterait le chômage et qui, in fine, engendrerait une baisse de la consommation.

- Les orientations dégagées par ce budget ont pour vocation de soutenir la croissance. Par ailleurs, ce budget est très positif pour les collectivités locales.

Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, a indiqué qu'en 2002 les collectivités locales bénéficieraient de 8 milliards de francs de dotations supplémentaires par rapport à ce qu'elles auraient reçu en application du « pacte Juppé ». Le souhait du Gouvernement est de pérenniser les ressources des collectivités locales, en particulier pour financer la montée en puissance de l'intercommunalité. La DGF y pourvoira.

S'agissant des recettes non fiscales prélevées sur les entreprises publiques, le reproche que l'on pouvait entendre en 1999-2000 était celui d'une absence de prélèvement. Le Gouvernement avait alors jugé que ces recettes étaient superflues, compte tenu de l'ampleur des recettes fiscales. La croissance économique, qui a bénéficié aux Français, a également été favorable aux entreprises publiques. Il est donc normal que ces dernières contribuent, en 2002, à abonder les recettes du budget, conformément à ce qui était prévu, alors que les recettes fiscales diminuent.

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