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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 19

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 7 novembre 2001
(Séance de 17 heures 30)

Présidence de M. Yves Tavernier, Vice-président
et de M. Henri Emmanuelli, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002 (n° 3262)

· Culture

· Recherche

· Service du Premier ministre

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La Commission a poursuivi l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002 (n° 3262).

La Commission a tout d'abord examiné, sur le rapport de M. Jean-Louis Idiart, Rapporteur spécial, les crédits de la Culture.

M. Jean-Louis Idiart, Rapporteur spécial, a tout d'abord souligné qu'après la progression sensible de 2,37 % enregistrée en 2000 et celle, plus forte, de 3,98 % en 2001, le budget du ministère de la culture atteindra 2,602 milliards d'euros en 2002 au lieu de 2,54 milliards d'euros en 2001. Il s'agit, de nouveau, d'une augmentation significative, puisqu'elle représente 53,1 millions d'euros en valeur absolue, soit 2,08 % en valeur relative. Les autorisations de programme, quant à elles, baisseront de 5,77 %, passant de 0,6 milliard d'euros à 0,57 milliard d'euros. Les crédits de paiement avoisineront 0,98 % du budget de l'État, mais 1 % à structure constante 1998. L'année 2002 marquera, ainsi, la cinquième étape dans la reconstitution d'un vrai budget de la culture. L'objectif symbolique du « 1 % », annoncé par le Premier ministre lors de son discours de politique générale de juin 1997 sera donc atteint. Depuis 1997 et à structure 1998, le budget de la culture a progressé en valeur absolue de 267 millions d'euros et à structure non constante de 304 millions d'euros supplémentaires. Cette évolution a été plus favorable que celle suivie par les charges nettes du budget de l'État, ce qui confirme la priorité donnée à ce secteur par le Gouvernement depuis le début de la législature. Selon l'Effort financier de l'État dans le domaine culturel, les crédits du ministère représentent près de 45 % des crédits budgétaires réservés aux interventions de l'État dans le domaine culturel.

Les mesures de nomenclature, en 2002, seront limitées à trois opérations. En premier lieu, deux articles de prévision ont été créés sur le chapitre 36-60 - Subventions aux établissements publics : l'article 16 pour l'Institut national d'histoire de l'art et l'article 26 pour l'Institut national de recherche et d'archéologie préventive. En deuxième lieu, sur les chapitres 56-20 et 66-20 - Patrimoine monumental, les opérations déconcentrées ont été globalisées sur un seul article sur chacun des deux chapitres. Enfin, jusqu'à présent, les dotations au titre des subventions aux maîtres d'ouvrage locaux étaient réparties en loi de finances initiale sur les articles 19 - Patrimoine écrit et documentaire, 32 - Patrimoine muséographique et arts plastiques, 49 - Spectacles et 59 - développement culturel. Dès le début de gestion, les crédits ayant vocation à être déconcentrés sur les articles précités étaient basculés vers l'article 90 - Opérations déconcentrées. L'an prochain, ces dotations pourraient être directement inscrites sur l'article 90, pour permettre une meilleure lisibilité des documents budgétaires et simplifier la gestion sur ce chapitre.

Le budget de la culture reste marqué par l'importance des subventions aux établissements publics et par celle des dépenses d'intervention. Ainsi, en 1998, 22,5 % du budget étaient consacrés à financer les établissements sous tutelle et 30,5 % étaient destinés à assurer les moyens d'intervention du ministère. Les dépenses de personnel, hors dépenses de personnel des établissements publics, ne représentaient que 20 % du total et les dépenses de fonctionnement 5 %. Pour 2002, cet équilibre est grosso modo maintenu. En effet, les dépenses de fonctionnement représenteront 47,9 % du projet de budget de la culture. Les dépenses d'intervention, en hausse de 5 %, constitueront à elles seules 31,5 % de ce budget.

La création de 346 postes budgétaires nets en 2002 fera passer les effectifs du ministère de 14.968 postes en 2001 à 15.314 en 2002. Cette évolution fait suite à la création de 192 postes l'an passé. 47 emplois non budgétaires seront créés dans les établissements publics sous tutelle. S'y ajouteront 1.367 emplois non budgétaires créés par redéploiement, dont 1.351 emplois au profit du nouvel Institut national de recherche et d'archéologie préventive. Une partie importante de ces créations est gouvernée par le processus de résorption de l'emploi précaire, engagé en début de législature. 235 des 346 postes budgétaires nouveaux seront créés par transformation, à hauteur de 200 postes pour la stabilisation des emplois précaires et de 35 postes pour la stabilisation des agents recrutés par l'association pour les fouilles nationales et chargés de la réalisation de la carte archéologique.

Les moyens de fonctionnement, inscrits sur la quatrième partie du titre III, augmenteront de 4,15 %, progressant de 93,34 millions d'euros à 96,17 millions d'euros. Une partie importante de la progression provient de transferts sur le titre III de crédits liés au financement de la fête de la musique, d'un projet de communication ciblé sur la qualité architecturale et de la participation aux salons professionnels de la direction de l'architecture et du patrimoine. Les crédits « informatique » de l'administration centrale s'élèveront à 11,73 millions d'euros. Les moyens des services à compétence nationale et des archives représentent environ le tiers de la dotation. Ils sont attribués, à titre principal, aux musées nationaux qui ne sont pas constitués en établissements publics.

Les établissements publics bénéficient d'importantes subventions de fonctionnement et d'investissement, qui représenteront, en 2002, près de 27,41 % du budget de la culture, avec 713,23 millions d'euros au lieu de 27 % en 2001. Les plus importantes concerneront la Bibliothèque nationale de France, l'Opéra national de Paris, le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, la Cité des sciences et de l'industrie et le Musée du Louvre. L'Établissement public du Musée du quai Branly verra ses crédits augmenter de 33,1 %. L'Établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels bénéficiera d'une mesure nouvelle de 1,42 million d'euros à 8,89 millions d'euros, soit une hausse de 19,07 %. La subvention destinée aux écoles d'architecture augmentera de 7,35 %. Les crédits de l'Opéra national de Paris augmenteront de 1,03 million d'euros, soit une progression de 1,17 %. Un nouvel article doté de 1,42 million d'euros sera créé au profit de l'Institut national d'histoire de l'art. En revanche, les crédits du Théâtre national de l'Odéon baisseront de 3,22 %. La subvention de la Bibliothèque nationale de France diminuera de 0,65 %, résultat de mesures d'économies sur le fonctionnement des bâtiments de la rue Vivienne. En 2002, pour la quatrième année consécutive, les établissements publics bénéficieront de mesures d'emplois d'envergure. 47 emplois non budgétaires seront créés, notamment au profit de l'Établissement public du Musée du quai Branly (17 emplois), du Musée du Louvre et du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou. 1.367 emplois non budgétaires seront créés, par ailleurs, par redéploiement de crédits, dont 1.351 au profit du nouvel Institut national de recherche et d'archéologie préventive et 10 emplois au profit du Centre Pompidou.

Les crédits pour dépenses d'intervention, avec 820,65 millions d'euros, progresseront de 5 % en 2002 : les interventions culturelles déconcentrées seront en augmentation de 5,7 %, tout comme les interventions culturelles d'intérêt national. En 2002, le développement culturel et les spectacles bénéficieront de 272,99 millions d'euros sur le chapitre 43-30 - Interventions culturelles déconcentrées, en progression de 14,61 millions d'euros ou 5,65 % par rapport à 2001, et de 106,96 millions d'euros sur le chapitre 43-20 - Interventions culturelles d'intérêt national, en hausse de 2,2 millions d'euros ou de 2,1 % par rapport à 2001. En 2002, les interventions dans le domaine du spectacle vivant et du cinéma verront leurs moyens s'accroître de 21,8 millions d'euros. Les crédits destinés aux arts plastiques susceptibles d'être engagés progresseront de 1,65 %, de 100,49 millions d'euros à 102,15 millions d'euros. Les seuls crédits d'intervention connaîtront une hausse de 3,3 %. Les crédits d'intervention destinés aux enseignements spécialisés et à la formation évolueront de + 6,3 %. Ces crédits relèvent de tous les secteurs : architecture, arts plastiques, livre et lecture, patrimoine monumental, patrimoine muséographique, théâtre et spectacles, musique, art lyrique et danse, cinéma et audiovisuel, développement culturel, archives. Les crédits déconcentrés atteindront 106,66 millions d'euros et les crédits centraux 30,81 millions d'euros. Les deux secteurs du patrimoine et de l'architecture passeront, en capacité d'engagement, de 350,93 millions d'euros en 2001 à 360,69 millions d'euros en 2002, soit une progression de 2,78 %.

Les dépenses en capital représenteront 20,6 % du total du projet de budget de la culture, en baisse de 4,6 %, évolution qui s'explique principalement par l'importance des reports prévisibles de crédits non consommés. Les investissements exécutés par l'État, avec 256,63 millions d'euros en crédits de paiement et 291,9 millions d'euros en autorisations de programme constitueront, comme les années précédentes, un peu plus de la moitié de ces crédits, tandis que les subventions d'investissement accordées par l'État représenteront l'autre moitié, avec 279,36 millions d'euros de crédits de paiement et 275,11 millions d'euros d'autorisations de programme. Cette dernière rubrique baisse, de manière significative, de 14,3 % par rapport à 2001, après avoir augmenté de 24,48 % l'an dernier. Les crédits destinés aux seuls établissements culturels subventionnés par l'État atteindront 129,95 millions d'euros en crédits de paiement, en hausse de 15,89 %, et 115,83 millions d'euros en autorisations de programme, en réduction de 21,25 %. Les crédits destinés à l'entretien et à la réparation des monuments affectés au ministère de la culture, à la direction du patrimoine ou à d'autres ministères atteindront, en 2002, 13,92 millions d'euros, soit une hausse de 10,02 % par rapport à la loi de finances initiale.

Les investissements exécutés par l'État sur des monuments lui appartenant pour des opérations d'intérêt national représenteront, en 2002, 88,02 millions d'euros en autorisations de programme et 82,26 millions d'euros en crédits de paiement. S'ajoutent à ces dotations les crédits destinés à financer les investissements exécutés par l'État pour des opérations déconcentrées auparavant répartis sur les articles 50 et 60 du chapitre 56-20. Une partie non négligeable de ces crédits est destinée à la restauration du patrimoine parisien. Ainsi, plusieurs grandes opérations seront poursuivies. Au-delà de l'installation de la Cité de l'architecture et du patrimoine dans le Palais de Chaillot, il faut signaler la continuation des travaux du Grand Palais, pour un total de 8,25 millions d'euros ou encore la restauration de l'Opéra Garnier pour un total de 6,81 millions d'euros. Mais, une grande partie des crédits visés bénéficie aux opérations situées en province. Ainsi, le plan de restauration des quatre-vingt-sept cathédrales sera concentré en 2002 sur la poursuite de la remise en état de la façade principale de la cathédrale de Bourges, la restauration de la flèche de la cathédrale de Strasbourg et la consolidation des cathédrales de Beauvais et d'Amiens. La restauration générale du domaine national de Versailles bénéficiera d'une enveloppe de 11,94 millions d'euros.

Les investissements exécutés par l'État sur des monuments ne lui appartenant pas pour des opérations d'intérêt national représenteront, en 2002, 9,63 millions d'euros en autorisations de programme et 9,55 millions d'euros en crédits de paiement, au lieu de, respectivement, 59,02 millions d'euros et 58,14 millions d'euros en 2001. Le traitement des urgences sera assuré. Une partie importante des crédits sera consacrée, par ailleurs, à des programmes relativement lourds, tels que la restauration de l'abbaye de Lavoûte-Chilhac (Haute-Loire), l'aménagement du site d'Alésia ou encore la restauration des grands monuments de la Ville de Paris (églises Saint-Eustache, Saint-Sulpice, de la Madeleine, tour Saint-Jacques, ancien couvent des Bernardins) et de Lille. Ces crédits d'investissements seront doublés de crédits d'intervention, inscrits sur le chapitre 43-30 - Interventions culturelles déconcentrées, à hauteur de 11,05 millions d'euros, en progression de 5 % par rapport à 2001.

M. Pierre Hériaud, après avoir relevé l'importance de l'évolution du titre IV, a demandé des précisions sur la création, par redéploiement, de 1.367 emplois non budgétaires.

En réponse, le Rapporteur spécial a indiqué que ces emplois seront financés par la transformation d'emplois inscrits sur le budget propre du ministère de la culture en emplois non budgétaires inscrits sur le budget du nouvel établissement public chargé des fouilles préventives.

La commission a ensuite adopté, sur la proposition du Rapporteur spécial, les crédits de la culture.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Christian Cuvilliez, Rapporteur spécial, les crédits de la Recherche.

M. Christian Cuvilliez, Rapporteur spécial, a tout d'abord précisé que le budget de la recherche fait cette année l'objet de la procédure d'examen en commission élargie. Il a rappelé que si, de 1978 à 1993, le taux de croissance de la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) a été plus élevé que celui du PIB, la situation s'est inversée entre 1993 et 1997, véritable période de renoncement en matière de dépenses publiques pour la Recherche. A partir de 1997, des efforts budgétaires, faibles mais réels, ont eu lieu, mais ce n'est qu'à partir de la loi de finances pour 2001 qu'un retournement de tendance s'est dessiné. La France se situe au quatrième rang des pays de l'OCDE pour la part de PIB consacrée à la recherche (2,19%), derrière le Japon (3,04%), les Etats-Unis (2,64%) et l'Allemagne (2,44%). Toutefois, l'effort public de recherche (civil et militaire) reste supérieur à ce qu'il est dans les autres pays de l'OCDE, même si le financement de la Recherche par les entreprises est devenu plus important. Il s'agit là d'une tendance lourde dans notre pays où les fonds publics reculent devant les investissements privés. Entre 1993 et 1997, le budget civil de recherche et développement (BCRD) n'a progressé que de 0,9% en moyenne, puis il a progressé de 1,4% en 1998, 1,7% en 1999 et 1,3% en 2000.

La progression du BCRD pour 2002 en crédits de paiement est identique à celle qui avait été constatée l'an dernier (2,2%). Les crédits du BCRD pour 2002 devraient s'élever à 8,72 milliards d'euros (57,23 milliards de francs). En autorisations de programme, la progression du BCRD est encore plus forte. Elles s'élèvent à 3,83 milliards d'euros (25,15 milliards de francs), soit une augmentation de 2,9% par rapport à 2001. Toutefois, cette progression plus importante des autorisations de programme par rapport à celle des crédits d'investissement qui seront véritablement disponibles en 2002, constitue peut-être la faiblesse de ce budget.

Au sein du BCRD, les crédits inscrits au fascicule « Recherche » s'élèvent à 6,21 milliards d'euros (40,73 milliards de francs) en crédits de paiement soit une augmentation de 0,9%. Ces crédits représentent 71,2% du BCRD et sont répartis entre l'agrégat « organismes de recherche » dont la dotation s'élève à 5,65 milliards d'euros (37,06 milliards de francs) et l'agrégat « actions d'incitation et fonds d'intervention » doté de 557,03 millions d'euros (3.653,88 millions de francs).

Le Rapporteur spécial a regretté que les crédits de la Recherche en 2002 ne fassent pas partie des priorités retenues par le Gouvernement, même si leur progression est supérieure à la hausse du budget de l'Etat.

En matière d'emplois scientifiques, le projet de budget prévoit la création de 463 emplois dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), dont 100 postes de chercheurs, contre 265 créations de postes en 2001, 18 en 2000 et 140 en 1999. Par ailleurs, le ministre a annoncé un plan décennal de gestion prévisionnelle de l'emploi scientifique avec la création de 1000 postes de 2001 à 2004. Si ces créations d'emplois prennent en compte les nombreux départs à la retraite, la résorption de la précarité et les nouveaux débouchés nécessaires pour les jeunes chercheurs, elles ignorent les difficultés créées dans les laboratoires par la réduction du temps de travail, source de conflits latents.

Les mesures en faveur des jeunes scientifiques méritent d'être soulignées avec la revalorisation de 5% des allocations de recherche à compter du 1er janvier prochain, même si l'augmentation individuelle reste faible.

S'agissant des moyens de fonctionnement et d'investissement des établissements publics de recherche, ils enregistrent en autorisations de programme une progression de 5% après quatre années de stagnation. Toutefois, les crédits de paiement restent pour leur part à leur niveau 2001. De plus, les laboratoires publics pourront bénéficier, en sus de leurs dotations, de soutiens financiers du Fonds national de la Science (FNS) et du Fonds de la Recherche technologique (FRT), dotés chacun de 152,45 millions d'euros (1.000 millions de francs) en autorisations de programme, même si ces attributions font l'objet de débats parmi les chercheurs.

L'effort en faveur de la Recherche universitaire s'amplifie également avec une hausse de 19,3% des autorisations de programme pour l'équipement et le fonctionnement des laboratoires.

Enfin, les soutiens à la recherche industrielle, y compris l'ANVAR, progressent de 5,9% en DO+AP. Ils contribuent à financer les réseaux de recherche technologique, à développer les partenariats public-privé et les incubateurs d'entreprises. Le budget consacré aux programmes aéronautiques civils augmente de 10,1% en crédits de paiement, afin de financer l'avion de grande capacité A-380 et ses équipements. Le secteur spatial voit ses crédits stabilisés avec un budget pour le CNES de 1.343,08 millions d'euros (8.810,03 millions de francs) identique à celui de l'an dernier.

Ainsi le projet de budget pour 2002, s'il n'apporte pas toutes les réponses attendues aux problèmes auxquels sont confrontés les laboratoires et les organismes de recherche, confirme la volonté d'une progression durable de la dépense publique dans ce secteur.

M. Pierre Forgues s'est étonné de la présentation faiblement enthousiaste de ce budget par le Rapporteur spécial, alors que, si les crédits de la Recherche n'ont progressé que de 0,9% entre 1993 et 1997, ils évoluent beaucoup plus vite depuis, considérant que la hausse de 5% de l'allocation de recherche n'est pas négligeable. Il a demandé si les crédits en stagnation annoncés pour le CNES et la part qui sera reversée à l'Agence spatiale européenne, allaient permettre de renforcer le programme Ariane 5.

M. Yves Tavernier, Président, a demandé si, s'agissant du FRT, la non-couverture des autorisations de programme par des crédits de paiement constatée par le passé, perdurait.

En réponse, le Rapporteur spécial a apporté les précisions suivantes :

- les crédits publics alloués à la Recherche ont été très dynamiques jusqu'en 1980, puis ont régressé relativement jusqu'en 1997. Si en 2001 et 2002, on constate un redémarrage, il n'est pas suffisant pour combler les retards accumulés. S'agissant des bourses de Recherche, l'augmentation par bénéficiaires n'est que de 60,98 euros (400 francs), ce qui est assez faible ;

- les crédits alloués au CNES, comme au CEA, stagnent au motif qu'ils ont bénéficié de surdotations au cours des années antérieures. Toutefois, le financement des programmes du CNES et d'Ariane 5 ne devrait pas être menacé ;

- la couverture en crédits de paiement des autorisations de programme ouvertes aux fonds d'intervention a été réalisée en 2000.

La Commission a ensuite adopté, sur la proposition du Rapporteur spécial, les crédits de la Recherche.

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La Commission a enfin examiné, sur le rapport de M. Georges Tron, Rapporteur spécial, les crédits des Services généraux du Premier ministre, du Plan, du Conseil économique et social et du budget annexe des Journaux officiels.

M. Georges Tron, Rapporteur spécial, a indiqué que le rapport dont il était chargé comportait un contenu assez éclectique, puisqu'il est relatif au Conseil économique et social, au budget annexe des Journaux officiels, à une partie du fascicule des Services généraux du Premier ministre, et aux crédits du Plan. Leur point commun réside toutefois dans le fait que les crédits examinés relèvent tous de l'autorité du Premier ministre.

S'agissant des crédits du Conseil économique et social, le Rapporteur spécial a relevé qu'ils demeuraient quasiment stables, puisqu'il n'est prévu qu'une augmentation de 1,6 % de ceux-ci. Les crédits d'indemnités des membres du Conseil, qui représentent près de 66,2 % des dépenses du Conseil économique et social, augmentent quant à eux de 2 %. Les dépenses de personnel s'accroissent de 2,8 %, l'effectif du personnel demeurant stable. Enfin les dépenses de matériel, qui avaient fortement augmenté l'an dernier, subissent une diminution de 3,9 %. Les crédits pour travaux demeurent, pour leur part, stables.

Le Rapporteur spécial a ensuite évoqué l'activité du Conseil. Il a regretté qu'il ne soit pas plus consulté sur les projets de loi. Il ne l'a pas été sur le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, sur le projet de loi sur l'épargne salariale, ou encore sur le projet de loi instituant la couverture maladie universelle. Par ailleurs, il est regrettable que le Gouvernement ne fasse pas suffisamment connaître les suites qu'il entend réserver aux avis du Conseil.

Celui-ci fournit pourtant des contributions au débat public d'une grande qualité et le président Jacques Dermagne s'attache d'ailleurs à les faire connaître grâce à une active politique de communication : publication des avis et rapports, « Bulletins d'Iéna », « Notes d'Iéna », projets de lettres d'actualité mensuelles ou bi-mensuelles, service minitel, et site internet.

S'agissant des activités internationales du Conseil, il convient de rappeler que celui-ci a tissé des liens étroits avec une soixantaine de conseils économiques et sociaux et institutions similaires dans le monde. Une intense politique de coopération est poursuivie en direction de l'Afrique noire.

S'agissant des Journaux officiels, il convient de rappeler qu'ils font l'objet d'une direction d'administration centrale, financée sur les crédits des Services généraux du Premier ministre, et d'un budget annexe. C'est une société anonyme à capital variable de composition et d'impression des journaux officiels qui est chargée des tâches matérielles de production, d'impression et de correction. Les relations que cette société coopérative entretient avec la direction ont fait l'objet d'un rapport récent d'un membre du Conseil d'État, jugeant qu'elles ne respectaient guère le droit communautaire de la concurrence et le code des marchés publics. Une transformation de la direction des journaux officiels en établissement public à caractère public et commercial est même suggérée. Le Rapporteur spécial a souhaité que le Gouvernement présente les conclusions qu'il tire du rapport, compte tenu notamment des nouvelles orientations données aux Journaux officiels. L'activité de ceux-ci est marquée par un déclin des abonnements aux publications papier et corrélativement par une baisse du chiffre d'affaires lié à ses activités traditionnelles. En revanche, le site internet connaît une explosion de ses fréquentations.

Dans cette perspective, un déclin des recettes d'exploitation est prévisible (- 11,9 % par rapport au montant figurant dans la loi de finances pour 2001 et - 12,2 % par rapport au montant effectivement réalisé en 2000). Quant aux charges, elles devraient progresser de 4,4 % en 2002, les principaux facteurs de hausse étant liés au fonctionnement informatique et aux salaires.

Les comptes devraient permettre de dégager un excédent d'exploitation de 12,97 millions d'euros (85,1 millions de francs). Celui-ci est classique. Les excédents conduisent traditionnellement à des reversements au Trésor. Ceux-ci ont atteint, en neuf ans, plus de 121,96 millions d'euros (800 millions de francs). Il serait sans doute opportun de limiter ces versements, au profit d'un abaissement du coût des annonces des marchés publics ou d'une amélioration de l'équipement informatique.

Le budget des Services généraux du Premier ministre connaît, quant à lui, une augmentation de 3,7 %. L'agrégat Administration générale, qui n'en est qu'une composante, quoique essentielle, augmente pour sa part de 14,5 %. Cette hausse s'explique par une augmentation des crédits pour les dépenses ordinaires (+ 18,53 %). L'augmentation est liée au remplacement des personnels militaires du contingent, à la croissance très forte des crédits d'actions en faveur des victimes des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (+ 110 %), et au renforcement des moyens d'études de la Mission interministérielle de l'effet de serre. Les crédits destinés aux dépenses en capital diminuent en revanche.

S'agissant des organismes rattachés, au nombre de 56 en 2000, 19 restent financés par les services généraux. Le maintien de ces organismes devrait être réexaminé avec soin.

Les crédits des Services généraux financent également la direction de la Documentation française. Cependant, celle-ci dispose aussi d'un compte de commerce. Il serait souhaitable que le Gouvernement fasse part de ses intentions à son sujet, compte tenu de la réforme opérée par la loi organique du 1er août 2001, d'une part, et des observations récurrentes de la Cour des comptes sur l'inadaptation de ce compte spécial, d'autre part.

Le chiffre d'affaires a augmenté, en 2000, de 6,3 %, les activités traditionnelles étant, là aussi, concurrencées par la diffusion de documents sur le réseau internet (portail de l'administration française : service-public.fr). Les résultats du compte de commerce ont été marqués par une progression de 5,1 % des recettes et par une progression de 6,2 % des dépenses. Pour 2002, les crédits inscrits au budget général devraient diminuer de 1,58 %, pour atteindre 13,08 millions d'euros (85,80 millions de francs), les dépenses de personnel devant rester relativement stables. Le compte de commerce devrait connaître des recettes s'élevant à 18,3 millions d'euros (120 millions de francs), le découvert étant porté de 1,52 million d'euros (10 millions de francs) à 2,28 millions d'euros (15 millions de francs).

Les crédits des sept autorités administratives indépendantes, également financées sur le budget des services généraux du Premier ministre, connaissent des évolutions contrastées. Le rapport écrit les analysera en détail. Il convient de s'interroger sur l'existence de certaines redondances.

Les autres organismes, qui ne sont pas des autorités indépendantes au sens juridique de l'expression, sont encore plus nombreux et variés. Les principaux sont l'Institut français des relations internationales, qui bénéficie de 1,41 million d'euros, soit 9,25 millions de francs, le Service d'information du Gouvernement, les Centres interministériels de renseignements administratifs et le Conseil d'analyse économique.

Le fascicule consacré aux crédits du Plan constitue un ensemble relativement hétérogène, puisque les crédits qui y sont inscrits financent, outre le Commissariat général du Plan, le Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le Conseil national de l'évaluation et, au travers de subventions, d'autres organismes comme le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie ou l'Observatoire français des conjonctures économiques. L'ensemble constitue une nébuleuse assez vaste dont les crédits diminuent de 0,1 %, pour atteindre 25,8 millions d'euros (169,76 millions de francs).

Le Rapporteur spécial s'est interrogé sur le positionnement administratif du Commissariat général du Plan au sein de celle-ci. Une lettre du 9 janvier 1999, adressée par le Premier ministre au nouveau Commissaire au Plan, a précisé la place du Plan dans le dispositif français de préparation des décisions gouvernementales. Il n'en demeure pas moins que son rôle paraît concurrencé, sur certains points, par celui de la direction de la prévision, de l'INSEE ou de la DATAR. En outre, il n'y a plus de projet loi de plan et le schéma national d'aménagement du territoire prévu par la loi du 4 février 1995 a été supprimé pour être remplacé par neuf schémas de services collectifs, qui peinent à être publiés et qui comportent peu d'orientations précises. Reste le rôle du Commissariat général du Plan en matière d'évaluation des politiques publiques, et notamment des contrats de plan État-régions. Toutefois, les crédits prévus pour cette évaluation ne sont pas consommés comme ils devraient l'être.

Le Rapporteur spécial a achevé son exposé en présentant les crédits des fonds spéciaux, qui relèvent du fascicule des services généraux du Premier ministre. Il a toutefois tenu à rappeler tout d'abord qu'en tant que Rapporteur spécial, depuis 1997, il avait évité toute polémique sur le sujet, et s'en était tenu à une règle de discrétion, comme d'ailleurs l'avait fait son prédécesseur, M. Jean-Pierre Balligand. Il a indiqué que ses efforts pour obtenir des informations complémentaires sur les fonds spéciaux ont été à chaque fois vains. C'est ainsi que ses deux rendez-vous avec le secrétaire général du Gouvernement s'étaient réduits à des entretiens de courtoisie. Le questionnaire budgétaire adressé le 6 juin 2001 au secrétariat général du Gouvernement n'a fait l'objet de réponses que le 17 octobre, alors qu'elles étaient attendues pour le 11 septembre, celles concernant les fonds spéciaux, pourtant aussi lacunaires que par le passé, ne parvenant que le 22 octobre dernier. Le Rapporteur général n'a pas été plus heureux avec les réponses fournies à son questionnaire relatif au projet de loi de règlement pour 2000. Dans ces conditions, il faut se contenter du communiqué du Premier ministre du 18 juillet 2001 et du rapport de M. François Logerot, Premier président de la Cour des comptes, remis au Premier ministre le 19 octobre 2001.

Le régime des fonds spéciaux est actuellement fondé sur l'article 42 de la loi n° 46-854 du 27 avril 1946 et sur le décret du 19 novembre 1947 relatif au contrôle des fonds spéciaux relevant de la sécurité extérieure. Ces deux textes ne doivent d'ailleurs pas être confondus comme l'a fait Mme Florence Parly, Secrétaire d'État au budget, dans l'entretien accordé au Journal Le Monde paru ce jour. Il n'est cependant pas possible d'indiquer dans quelle mesure ces deux textes sont appliqués. M. François Logerot a constaté qu'aucun reliquat n'était reversé au budget de l'État, comme l'exige la loi de 1946.

L'annonce, par le Premier ministre, de l'existence d'un tel reliquat, au statut juridique incertain, estimé à 110 millions de francs, est d'ailleurs surprenante, puisque les lois de règlement laissent à penser que tous les crédits ont été consommés, compte tenu des abondements (entre 15 % et 25 % des crédits initiaux ) dont le chapitre 37-91- Fonds spéciaux - est régulièrement bénéficiaire grâce à des mouvements de crédits non publiés au Journal officiel.

Le Rapporteur spécial a rappelé que le vote des crédits des fonds spéciaux suivait une procédure classique, mais que leur régime de contrôle était par trop dérogatoire, puisque les règles de la comptabilité publique n'étaient pas applicables à ces crédits et que le Parlement n'avait aucun droit de regard sur ceux-ci. Le Premier ministre en est seul responsable et il n'y a aucun contrôle juridictionnel opéré par la Cour des comptes.

Le projet de loi de finances ne présente aucune réforme de ce régime et ne modifie pas le montant global du chapitre des fonds spéciaux. Les crédits restent bloqués à 393 millions de francs, soit 0,02 % des crédits destinés aux opérations à caractère définitif de l'État. Une partie est destinée aux « fonds spéciaux du Gouvernement ». Elle est en baisse par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2001. Une autre est consacrée pour moitié aux dépenses de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et pour moitié à des « dépenses diverses ».

Pourtant le statut des fonds spéciaux doit évoluer. Les crédits inscrits au chapitre 37-91 n'ont aucune unité : 24 millions de francs sont destinés à l'Élysée, 36 millions de francs à Matignon, 12 millions de francs à des actions humanitaires. Aucun contrôle parlementaire n'est possible. Les crédits consommés sont sans rapport avec les crédits votés.

Il convient d'extraire du chapitre, au travers d'une profonde modification de la nomenclature budgétaire, les crédits qui n'ont aucune relation avec la sécurité intérieure ou extérieure de l'État. Dans cette perspective, les crédits qui servent, en pratique, à compléter la rémunération des ministres et aux indemnités des membres des cabinets doivent être répartis dans les budgets ministériels idoines. Cette opération ne doit pas se traduire par une pénalisation des intéressés. Il est notamment souhaitable de rémunérer convenablement, et donc reconnaître le travail - souvent harassant - fourni dans les cabinets ministériels.

Le décret de 1948, qui encadre le nombre de membres des cabinets ministériels, doit être revu.

La commission de contrôle prévue par le décret de 1947 doit être élargie aux parlementaires. Il convient d'y intégrer, en effet, les rapporteurs spéciaux des deux assemblées. Elle devrait être chargée de préparer un rapport adressé aux présidents et rapporteurs généraux des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, ainsi qu'aux présidents des commissions parlementaires chargées de la défense. Enfin, il serait souhaitable d'améliorer substantiellement le « jaune » consacré aux cabinets ministériels, son dépôt devant intervenir avant l'examen des crédits et non pas, comme l'an dernier, après la fin de la discussion budgétaire, en décembre.

Le Président Henri Emmanuelli a fait remarquer que la création de ce « jaune » est une initiative de l'actuel Gouvernement.

M. Georges Tron, Rapporteur spécial, a souligné que les pistes de réforme ne peuvent pas être toutes traduites par des amendements. Ceux qui sont proposés ont, en effet, pour vocation d'être complétés par des amendements du Gouvernement augmentant les lignes budgétaires consacrées aux pouvoirs publics et aux moyens de fonctionnement des différents départements ministériels.

M. Charles de Courson a apporté des précisions sur la manière dont les fonds spéciaux versés à la DGSE sont contrôlés. Ce contrôle est effectué par une commission présidée par un président de chambre à la Cour des comptes et composée de membres de cette juridiction et du Conseil d'État. Ceux-ci, munis de faux passeports, sont chargés de contrôler sur place l'utilisation des fonds par les ambassades. Les 200 millions de francs dépensés pour notre sécurité extérieure servent, notamment, à verser des rentes aux familles des correspondants des services secrets décédés. Il est néanmoins clair que la commission prévue par le décret de 1947 n'est pas en mesure de vérifier si les fonds sont effectivement versés à ces personnes. Les pièces comptables fournies ne sont, en aucun cas, des pièces justificatives des dépenses, et ne permettent pas de certifier l'absence de détournement des fonds. Il est nécessaire que l'ensemble des fonds spéciaux non affectés à la DGSE soient rebudgétisés. Il s'agit, en premier lieu, des quelque 70 millions de francs servant à rémunérer les ministres et les membres de leur cabinet.

Il a précisé qu'à titre personnel, en qualité de membre d'un cabinet ministériel, il avait refusé de percevoir des sommes en espèces et demandé que sa rémunération lui soit versée sous forme d'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires, soumise à l'impôt et à cotisations sociales. Depuis 1983, le versement de rémunérations en espèces est interdit dans les cabinets relevant du ministère des Finances. Il n'est pas normal que certains ministres utilisent l'indemnité qui leur est versée pour assurer leur train de vie, par des dépenses personnelles. Au-delà des 70 millions de francs utilisés sous forme de rémunérations, restent environ 130 millions de francs affectés aux fins les plus diverses, et notamment à des financements politiques, sans garantie d'absence d'enrichissement personnel. Au total, il est donc indispensable que l'ensemble des 200 millions de francs qui ne sont pas versés à la DGSE sorte des fonds spéciaux et soit inscrit sur des chapitres budgétaires de droit commun.

M. Georges Tron, Rapporteur spécial, a précisé que les rentes aux familles des informateurs sont également financées sur des crédits du chapitre 42-37 du budget des Affaires étrangères, doté, pour 2002, de 2 millions d'euros, et que les fonds spéciaux versés à la DGSE ne financent pas ce seul type de dépenses. Il a estimé que l'amendement qu'il a déposé avec M. Charles de Courson afin de modifier la composition de la commission prévue par le décret de 1947 est de nature à permettre au Parlement d'être informé sur l'utilisation des fonds versés à la DGSE.

M. Jean-Michel Boucheron s'est déclaré favorable à une réintégration, dans les crédits budgétaires de droit commun, des fonds spéciaux utilisés à des fins autres que la sécurité extérieure. Il a cependant attiré l'attention de la Commission sur les dangers d'une modification des modalités de contrôle des fonds spéciaux versés à la DGSE. La solution prévue par l'amendement présenté par le Rapporteur spécial ne peut pas fonctionner. Si cette partie des dépenses de la DGSE passe par les fonds spéciaux, c'est bien pour échapper aux règles habituelles de contrôle de la dépense publique. Les sommes versées aux indicateurs servent à l'achat ponctuel de renseignements dont, en tout état de cause, une commission de contrôle, quelle qu'elle soit, ne pourra pas être informée. Les parlementaires qui pourraient siéger dans une telle commission ne disposeront pas de cette information.

Le Président Henri Emmanuelli s'est étonné de ce qu'un membre de la commission des Finances, chargé de vérifier la bonne utilisation des fonds publics, envisage de renoncer à tout contrôle des fonds spéciaux. La France est le seul pays qui adopte une telle solution. Le contrôle des fonds secrets fonctionne en Allemagne, en Autriche et en Grande-Bretagne. Aux États-Unis, cette tâche incombe à des commissions constituées dans chacune des chambres et composées de membres de la majorité et de l'opposition. Dans le cas français, les scandales que l'on a pu connaître par le passé n'ont jamais été suscités par des membres du Parlement, et il n'y aurait que des avantages à instituer une commission parlementaire chargée de contrôler les fonds spéciaux servant à la sécurité extérieure du pays.

M. Jean-Michel Boucheron a expliqué ses réserves par le souci d'éviter que des parlementaires ne soient réduits à un rôle de figuration, sans avoir la possibilité de vérifier réellement la dépense. Une commission de contrôle des fonds de la DGSE ne peut que se limiter à avaliser une somme globale de dépenses, instaurant ainsi une simple apparence de contrôle qui, sur le fond, ne changera rien à la situation actuelle.

Le Président Henri Emmanuelli a estimé que rien ne doit échapper, par nature, au contrôle. S'il n'est, bien entendu, pas question que des parlementaires demandent la liste des correspondants de la DGSE, il est légitime qu'ils puissent être informés de l'utilisation des fonds en cause.

M. Charles de Courson a fait état de son expérience de magistrat de la Cour des comptes, fonction qui l'a conduit à contrôler des marchés d'armement. Devant le refus opposé par le Gouvernement à toute forme de contrôle sur les commissions versées pour remporter de tels marchés à l'étranger, un accord avait finalement pu être trouvé sur le contrôle de quelques marchés précis, les contrôles effectués ayant prouvé la légitimité des versements. L'esprit doit être le même s'agissant des fonds spéciaux : il n'est, évidemment, pas question de diffuser des informations secrètes, mais d'avoir accès à de telles informations pour être en mesure de dire, publiquement, si ces fonds sont ou non employés à bon escient.

La Commission a alors abordé l'examen des amendements.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale confère aux députés d'assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, M.  Alain Tourret a présenté l'amendement de M. Guy Lengagne visant à réduire les crédits de 28,5 millions d'euros. Il a rappelé que la commission des Lois s'était prononcée, à son initiative, à l'occasion de l'examen des crédits de la Fonction publique et de la réforme de l'État, dont il est le Rapporteur pour avis, en faveur d'une importante réduction des fonds spéciaux hors DGSE, idée d'ailleurs déjà évoquée à l'Assemblée nationale dans un amendement déposé en 1978 par M. Henri Emmanuelli. L'amendement présenté ne laisse subsister sur le chapitre 37-91 que les seuls crédits destinés à la DGSE : le secret n'a besoin d'être gardé que lorsqu'il est réellement justifié.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, a remercié le Rapporteur spécial pour le caractère mesuré de son intervention, et a déclaré partager l'analyse selon laquelle existe sur le sujet une double tradition critiquable : la culture du secret pratiquée par les gouvernements successifs et une démission des parlementaires à l'égard de leurs pouvoirs de contrôle. Toutes les informations souhaitées, hormis celles relevant du secret de la défense nationale, leur étaient déjà accessibles et le seront d'une manière plus nette encore avec l'entrée en vigueur de la loi organique du 1er août 2001. Trop souvent, l'on s'est contenté d'informations générales, et l'actualité est venue à point nommé remettre en cause cette mauvaise habitude. Le Premier ministre a lui-même pris un certain nombre d'engagements à cette occasion. L'intention du Rapporteur spécial, comme celle de M. François Logerot, sont très largement les bonnes : il faut que les actuels fonds spéciaux soient réintégrés dans le droit commun, exceptés les crédits de la DGSE. S'agissant du non-respect de la loi du 27 avril 1946 et de l'absence d'annulation des reliquats constitués sur les fonds spéciaux, il faut souligner que ces pratiques existent quasiment depuis l'origine et non depuis quelques années seulement. Or, c'est la première fois qu'un Premier ministre évoque publiquement le sujet et s'engage à restituer ces reliquats au budget de l'État, ce qui mérite d'être salué. Cette intention est donc la bonne, et elle motive l'amendement présenté par le Gouvernement. Il conviendrait donc d'adopter celui-ci - d'ailleurs mieux rédigé -, ce qui ferait tomber les autres amendements.

Le Président Henri Emmanuelli et M. Didier Migaud, Rapporteur général, sont convenus que l'amendement du Gouvernement répond parfaitement à la question posée. Ajoutant que demeure entier le thème du contrôle à exercer sur l'utilisation des fonds qui garderaient le caractère de fonds spéciaux, le Rapporteur général a insisté sur la légitimité dont disposent les parlementaires en la matière, et exprimé sur ce point son désaccord avec M. Jean-Michel Boucheron. Encore faut-il toutefois adapter les modalités du contrôle à la spécificité de tels fonds ; ce sujet mérite plus ample réflexion et fera l'objet de propositions précises d'ici la semaine prochaine.

M. Georges Tron, Rapporteur spécial, a indiqué que si un consensus s'établit autour des grandes orientations de réforme, les points de vue divergent sur leur mise en pratique : l'amendement du Gouvernement ne règle que la moitié du problème, en restant muet sur les fonds spéciaux non affectés à la DGSE et à Matignon. En revanche, l'amendement qu'il a présenté traite de l'ensemble de la question.

Après que M. Alain Tourret eut exprimé son accord sur le fond, et que M. Charles de Courson se fut étonné de l'écart entre les montants figurant dans les différents amendements, la Commission, sur proposition du Rapporteur spécial, a rejeté l'amendement de M. Guy Lengagne.

Elle a ensuite examiné les deux autres amendements portant sur les crédits, le premier de M. Georges Tron, le deuxième du Gouvernement (n° II-110).

Elle a rejeté l'amendement de M. Georges Tron, conformément à l'avis du Rapporteur général et contre l'avis du Rapporteur spécial qui a souligné la grande lisibilité du dispositif proposé, consistant à supprimer l'actuel chapitre 37-91, et à créer deux chapitres distincts : 37-93 destiné aux seuls crédits de la DGSE, et 37-94 regroupant les crédits destinés aux primes et indemnités des cabinets ministériels, ces crédits devant, dans un deuxième temps, être répartis entre les ministères par arrêtés de transfert.

M. Georges Tron, Rapporteur spécial, a approuvé l'esprit de l'amendement n° II-110 du Gouvernement, mais en a souligné les lacunes : le régime même des fonds spéciaux n'est nullement modifié, la nomenclature budgétaire demeure floue ; il subsiste une part de fonds spéciaux, hors crédits de la DGSE, que l'on n'identifie pas. Comment la répartition du solde de l'amendement, soit 9,5 millions d'euros, s'effectue-t-elle, et sur quel fondement ? L'amendement du Gouvernement n'indique pas le montant des crédits qui seront réservés à la présidence de la République et aux différentes sections ministérielles. Le dispositif proposé par l'amendement qu'il a déposé apportait bien plus de précisions.

La commission a adopté l'amendement n° II-110.

Elle a ensuite adopté, contre l'avis du Rapporteur spécial, les crédits des services généraux du Premier ministre, du Plan, du Conseil économique et social et ceux du budget annexe des Journaux officiels figurant aux articles 33 et 34 du projet de loi de finances.

Elle a ensuite examiné les amendements portant articles additionnels après l'article 76.

Elle a tout d'abord examiné deux amendements identiques abrogeant l'article 42 de la loi du 27 avril 1946 fixant le régime des fonds spéciaux, présentés, l'un par M. Guy Lengagne, l'autre par le M. Georges Tron, Rapporteur spécial.

M. Alain Tourret, a indiqué qu'il était nécessaire de prendre acte de l'obsolescence du régime actuel des fonds spéciaux en supprimant l'article 42 de la loi du 27 avril 1946.

Le Président Henri Emmanuelli et M. Didier Migaud, Rapporteur général, se sont prononcés pour le rejet de ces amendements, dans l'attente de propositions plus complètes de leur part permettant d'assurer un contrôle parlementaire efficace.

M. Charles de Courson a regretté que l'on remette au stade de réunions ultérieures le débat de fond sur un sujet si délicat.

Les amendements ont été alors rejetés par la Commission.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. Guy Lengagne, soutenu par M. Alain Tourret, créant une Commission de contrôle des crédits destinés à la sécurité intérieure et extérieure de l'État. Une telle réforme vise à éclairer le Parlement et à renforcer la démocratie.

M. Georges Tron, Rapporteur spécial s'est étonné de ce que le Gouvernement attende la deuxième partie du rapport de M. François Logerot pour se prononcer sur la question du contrôle. Cette prérogative constitue l'une des missions essentielles du Parlement. Toutefois, il importe de ne pas aller trop loin dans son exercice. Il est à craindre que la composition de la Commission, proposée dans l'amendement de M. Guy Lengagne, soit trop large. L'amendement qu'il présente est plus satisfaisant, parce qu'il place les rapporteurs spéciaux des deux assemblées au centre du dispositif de contrôle.

Après que le Président Henri Emmanuelli eut observé que la composition proposée dans l'amendement de M. Guy Lengagne faisait une place beaucoup trop grande aux magistrats, au détriment des parlementaires, la commission a rejeté cet amendement.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, s'est prononcé contre l'amendement présenté par M. Georges Tron, Rapporteur spécial. Il a réitéré son intention de proposer très prochainement une réforme globale, sans attendre le rapport définitif de M. François Logerot, car la Commission des finances a naturellement vocation à _uvrer d'elle-même en ce sens.

La Commission a ensuite rejeté l'amendement de M. Georges Tron.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. Guy Lengagne visant à plafonner la rémunération des membres des cabinets ministériels, en proportion de celle des directeurs d'administration centrale.

Après avoir exprimé son étonnement, à titre personnel, que l'on puisse attendre la note complémentaire de M. François Logerot pour agir, M. Alain Tourret, présentant cet amendement, a précisé qu'il convenait d'aller au-delà du règlement de la question des indemnités des membres des cabinets ministériels et de fixer un véritable statut pour ceux-ci.

M. Charles de Courson a critiqué l'imprécision de la rédaction de l'amendement, tant sur les pourcentages qu'il retient que sur la référence à « un directeur d'administration centrale », notion qui ne recouvre pas une catégorie homogène de rémunérations.

M. Georges Tron, Rapporteur spécial, a déclaré partager cet avis. La Commission a ensuite rejeté cet amendement.

Elle a également rejeté un amendement de M. Georges Tron, Rapporteur spécial, tendant à créer une annexe au projet de loi de finances, spécifique aux cabinets ministériels. Contrairement au Président Henri Emmanuelli et à M. Didier Migaud, Rapporteur général, qui estiment que la réforme, attendue par tous, a encore besoin d'être mûrie, M. Georges Tron, Rapporteur spécial, a regretté que quatre mois après l'ouverture du débat public elle ne puisse aboutir dès aujourd'hui.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, a répondu qu'il présentera prochainement une initiative, de nature à assurer l'effectivité du contrôle parlementaire sur les fonds spéciaux.

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