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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 25

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 28 novembre 2001
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Jean-Pierre Brard , Vice-Président
puis de M. Yves Tavernier, Vice-Président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen de la proposition de résolution (n° 3303) de M. Alain Bocquet tendant à la création d'une commission d'enquête sur les pratiques de formation et de fixation des prix à l'occasion du passage à l'euro (M. Gérard Fuchs, Rapporteur)

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- Examen de la proposition de résolution (n° 3293) de M. Jean-Pierre Brard tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation du secteur des sociétés d'assurances françaises après les attentats aux États-Unis du 11 septembre 2001 et la catastrophe industrielle de Toulouse du 21 septembre 2001 (M. Jacques Guyard, Rapporteur)

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- Examen du rapport d'information sur la formation professionnelle en Suède (M. Jacques Barrot, Rapporteur spécial).

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- Informations relatives à la Commission

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La Commission a procédé, sur le rapport de M. Gérard Fuchs, Rapporteur, à l'examen de la proposition de résolution (n° 3303) de M. Alain Bocquet, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les pratiques de formation et de fixation des prix à l'occasion du passage à l'euro.

M. Gérard Fuchs, Rapporteur, a tout d'abord indiqué que les conditions juridiques de recevabilité de la proposition lui paraissaient remplies, en l'absence de poursuites judiciaires portant sur ce sujet, et même si la précision des faits mentionnés par la proposition pourrait être améliorée. Quant au fond de la question posée, il s'agit d'un problème qui mérite d'être examiné, car il concerne la consommation de l'ensemble des ménages. Le passage du franc à l'euro peut effectivement ouvrir aux commerçants diverses opportunités inflationnistes. Ainsi, l'arrondi de la conversion peut, mécaniquement, conduire à des augmentations, marginales, des prix. La conversion peut également inciter à des relèvements pour obtenir des prix simples, une fois exprimés en euros. De surcroît, les consommateurs prêtent aujourd'hui peu d'attention aux centimes de francs, alors que les centimes d'euros auront un poids supérieur, notamment pour des produits de faible prix unitaire. Par ailleurs, le passage à l'euro peut créer, pour les commerçants, des charges supplémentaires, qu'ils peuvent être tentés de répercuter dans leurs prix. A cet égard, il faut rappeler, d'une part, les dispositions fiscales favorables adoptées dans le cadre de la loi portant diverses mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, notamment en matière d'amortissement accéléré des équipements de caisse, et, d'autre part, la discussion en cours dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances visant à plafonner les commissions supportées par les commerçants sur les paiements de faible montant effectués par carte bancaire.

Ce risque inflationniste a été soulevé par la publication, en septembre dernier, d'un article d'une revue de consommateurs, qui a relevé certaines dérives ponctuelles sur des produits et services de consommation courante. Mais, parallèlement, leur incidence est réduite par des diminutions de prix sur d'autres postes. A l'échelle macroéconomique, l'indice de hausse des prix à la consommation, calculé par l'INSEE, demeure limité à 1,5% de septembre 2000 à septembre 2001, et à 1,8% d'octobre 2000 à octobre 2001. Hors produits volatils, tels que les produits pétroliers, dont les prix baissent, et les produits frais dont les prix tendent à augmenter, le taux d'inflation annuel n'atteignait que 1,8% en septembre.

De son côté, le Gouvernement a mis en place, au début de l'été, un dispositif rigoureux de contrôle de l'évolution des prix par les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, portant sur 21.000 produits dans 2.900 points de vente. Ces contrôles, initialement mensuels, et rendus bi-mensuels depuis octobre, ont permis de constater un ralentissement sensible des hausses de prix relevées pendant l'été, et une très faible proportion d'erreurs dans les calculs de conversion.

En conclusion, si le problème soulevé ne doit pas être sous-estimé, il faut néanmoins reconnaître, d'une part, que l'essentiel de ses effets est déjà passé, et, d'autre part, que le Gouvernement s'est doté des moyens de le suivre de près. En conséquence, la création d'une commission d'enquête ne s'impose pas, compte tenu en particulier de la lourdeur de ses procédures et du délai nécessaire à sa mise en _uvre, qui ne pourrait au mieux intervenir qu'en janvier 2002, après le début de la phase de double circulation des monnaies. Enfin, dans l'hypothèse d'une crise exceptionnelle, le Gouvernement conserve la possibilité de recourir à l'arme du blocage administratif des prix, prévue par l'article L.410-2 du code de commerce, utilisé pour la dernière fois en août 1991, pour une durée de deux mois pour les produits pétroliers, à la suite de l'invasion du Koweït par l'Irak.

Sur la proposition de son Rapporteur, la commission a ensuite rejeté la proposition de résolution.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Jacques Guyard, Rapporteur, la proposition de résolution (n° 3293) de M. Jean-Pierre Brard, et plusieurs de ses collègues, tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation du secteur des sociétés d'assurances françaises après les attentats aux États-Unis du 11 septembre 2001 et la catastrophe industrielle de Toulouse du 21 septembre 2001.

M. Jacques Guyard, Rapporteur, a d'emblée indiqué que la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Brard était juridiquement recevable dans la mesure où aucune procédure judiciaire n'était en cours en la matière et qu'elle visait des faits précis.

Le Rapporteur a évoqué les conséquences des attentats du 11 septembre, aux États-Unis, et de la catastrophe de Toulouse, dont les causes sont toujours indéterminées, mais qui sont susceptibles d'évaluation. En effet, les incidences de l'attentat contre le World Trade Center sont estimées de 30 à 70 milliards de dollars. L'amplitude de cette fourchette est due à l'imprécision du montant des futures indemnisations, qui couvriront :

- les dommages aux personnes (capital décès, blessures, incapacités de travail, qui concernent les passagers des avions et les personnes travaillant dans les tours ou à proximité) ;

- les dommages aux biens (destruction des tours, des biens mobiliers, des avions) ;

- les pertes d'exploitation économique, ce dernier point étant le plus difficile à chiffrer.

Les sociétés ont précisé que ce coût ne remettait pas en cause leur situation financière. Les sociétés françaises ont estimé leurs pertes à 1,5 milliard de dollars, environ. Le métier d'assureur et de réassureur consiste, en effet, à répartir les risques entre plusieurs sociétés et à les provisionner. Mais l'ampleur inégalée des dommages a fragilisé les comptes d'exploitation pour les exercices 2001-2002, ainsi que les bilans.

La réaction des sociétés d'assurances a été de deux ordres : d'une part l'augmentation des primes d'assurances, de 40 à 80 % selon les secteurs, d'autre part, la diminution des garanties apportées. Le secteur du transport aérien a particulièrement été touché par ces mesures. Ainsi, le coût des assurances pour la France est passé de 35 à 110 millions d'euros. De manière générale cependant, les compagnies d'assurance et de réassurance sont capables d'absorber le coût des suites des attentats et de faire face à leurs obligations, mais si de nouvelles catastrophes d'ampleur survenaient, elles ne pourraient être couvertes par le secteur de la réassurance.

M. Jacques Guyard, Rapporteur, a considéré qu'il n'était pas nécessaire de constituer une commission d'enquête sur des faits déjà connus. Il a rappelé que le problème essentiel résidait plus dans l'avenir du secteur des assurances et qu'une commission d'enquête, à cet égard, n'était pas l'instrument pertinent d'analyse. En outre, l'article 19 du projet de loi de finances rectificative pour 2001 permettra au Parlement de débattre des conséquences des attentats du 11 septembre pour le secteur des assurances.

M. Jean-Pierre Brard a estimé qu'il était indispensable de mesurer de façon fiable la réalité des dommages financiers subis par les compagnies d'assurances dans la mesure où le ministère des finances a d'ores et déjà accepté un certain nombre de revendications de la fédération française des sociétés d'assurances, alors que M. Denis Kessler, président de cette fédération, n'a guère habitué le Parlement à des comportements de réciprocité. Les dispositions prévues par le projet de loi de finances rectificative pour 2001 sont loin d'être anodines, le Gouvernement ayant accepté l'aménagement du régime des provisions d'égalisation et de la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d'assurance et de réassurance de dommages. S'il est nécessaire d'accompagner financièrement les secteurs de l'économie qui ont subi les conséquences des événements du 11 septembre, il faut en revanche avoir une connaissance précise des pertes financières des compagnies d'assurance, mais il n'est pas possible de s'en remettre à ces seules compagnies pour l'évaluation des dommages. En effet, la fourchette du coût des sinistres est extrêmement large, les sociétés ont déjà relevé les tarifs de leurs primes et enfin, la Commission européenne les soupçonne d'une éventuelle entrave aux règles de la concurrence. La légitimité de l'article 19 du projet de loi de finances rectificative est très discutable et répond aux jérémiades d'un secteur qui a les moyens de surmonter les crises.

M. Jean-Pierre Brard a ensuite cité l'exemple du groupe de réassurance SCOR qui a enregistré une augmentation de 45 % de son chiffre d'affaires pendant les neuf premiers mois de l'année 2001 (25 % de hausse à périmètre constant) et qui a annoncé sa capacité à faire face aux sinistres qu'il doit réassurer. Il semble que l'intervention de l'État, par le biais de dispositions fiscales de caractère général, réclamée par les plus grands libéraux, lesquels, par ailleurs, vilipendent cette intervention, ne serait donc pas nécessaire pour l'ensemble des groupes d'assurance. Les sociétés d'assurance doivent prendre leur part dans le coût des catastrophes. En revanche, est-il normal que les contribuables financent, par le montant de leur police d'assurance une première fois, puis par le biais des impôts qu'ils paient, une seconde fois, les dividendes versées aux actionnaires des sociétés d'assurance ?

Mme Nicole Bricq a indiqué qu'une partie notable des questions posées par M. Jean-Pierre Brard était couverte par les travaux en cours de la commission d'enquête sur les risques industriels, présidée par M. Jean-Yves Le Déaut. Une audition récente de M. Denis Kessler a permis de constater que certaines grandes sociétés, dont Total Elf Fina, assuraient leurs activités soit par le biais de filiales se livrant elles-mêmes à l'activité d'assurance, soit par des pratiques d'auto assurance, ce qui pose à l'évidence un risque de sous-évaluation.

M. Gérard Saumade a déclaré que cette proposition de résolution mettait en lumière un problème politique constant, à savoir que les libéraux souhaitent l'intervention de l'État pour augmenter leurs profits mais refusent de contribuer aux pertes enregistrées dans les secteurs économiques et sociaux et tentent de les faire assumer par le contribuable.

M. Jean-Pierre Brard a jugé qu'une commission d'enquête sur le secteur des assurances serait utile pour analyser certains comportements de ce secteur, par ailleurs familier des paradis fiscaux, et qu'il serait utile qu'une commission d'enquête soit constituée.

En réponse aux intervenants, M. Jacques Guyard a confirmé qu'aucune société d'assurance n'était menacée financièrement par les conséquences des attentats du 11 septembre et que le problème concernait surtout la réassurance, qui serait incapable de faire face à un nouveau risque d'ampleur similaire. Une commission d'enquête serait inutile dans la mesure où le Parlement dispose déjà de tous les éléments d'évaluation nécessaires. Le débat est donc politique et l'article 19 du projet de loi de finances rectificative sera l'occasion, pour le Parlement, de prendre sa décision.

La Commission a ensuite rejeté la proposition de résolution.

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La Commission a, enfin, examiné le rapport d'information de M. Jacques Barrot, rapporteur spécial, sur la formation professionnelle en Suède.

Après avoir rappelé que sa mission en Suède s'inscrivait dans le cadre de ses prérogatives de Rapporteur spécial, M. Jacques Barrot a souligné que l'effort de ce pays pour la formation continue est exemplaire puisque 1,9 million de salariés ont suivi une formation en 2000, soit près de 50 % d'entre eux. De plus, la Suède explore aujourd'hui les pistes actuellement envisagées en France, comme le développement de la formation continue dans l'enseignement supérieur et la création d'une épargne-formation individuelle. Les partenaires sociaux français ont longuement réfléchi à cette question et le principe de la création d'un compte épargne formation individuel et transférable semble acquis. Sur place, ont été rencontrés les deux principaux syndicats représentatifs des employés et des ouvriers, la confédération patronale, l'agence gouvernementale chargée de la formation des chômeurs ainsi que deux entreprises : le constructeur de camions Scania, et la compagnie financière Skandia.

L'organisation générale du système de formation montre que les Suédois ont bien compris que l'élévation culturelle et intellectuelle était la clé de la réussite économique dans un monde concurrentiel. Ils ont su s'appuyer sur une action efficace des autorités publiques. C'est ainsi que les universités, certes liées à des fondations bien dotées, développent des politiques de recherche qui placent la Suède au premier rang européen en matière de biotechnologies, par exemple. De même, la télévision publique propose des programmes d'une extrême qualité, contribuant à la formation continue à distance. S'agissant de l'organisation même de la formation continue, l'essentiel de cette compétence revient aux communes, lesquelles ont l'obligation de proposer des cours pour les adultes de plus de 20 ans. Ces formations sont très populaires et jouissent d'une excellente réputation. Par ailleurs, l'État sait jouer un rôle de régulateur particulièrement efficace, en se gardant d'un excès de réglementation. C'est ainsi que le ministère du travail ne compte que quelques centaines de fonctionnaires hautement qualifiés. Il faut dire que la responsabilité de la formation des salariés incombe aux employeurs, l'État n'ayant pour mission que la formation des seuls chômeurs. Pour plus de souplesse, cette mission est non seulement déléguée à une agence, mais aussi largement déconcentré à l'échelon départemental. C'est à ce niveau que des commissions départementales passent des contrats avec des prestataires de formations, très souvent privés, régulièrement mis en concurrence afin de vérifier leur adéquation avec les besoins du marché local du travail.

De plus, l'État a lancé un programme national permettant aux salariés ayant abandonné leurs études d'atteindre le niveau du baccalauréat afin de pouvoir s'inscrire à l'université. En effet, la part des 55-64 ans ayant suivi des études supérieures est plus forte que celle des 25-54 ans. Cette observation étonnante s'explique par la relative facilité de l'accès à l'emploi dans les années 1970 et 1980, qui a incité de nombreux jeunes à ne pas poursuivre leurs études. C'est donc pour tous ces salariés que l'État a mis en place et financé le programme dit « d'élévation des compétences », leur permettant d'atteindre le niveau du bac. Au total, ce programme a concerné 500.000 personnes, dans un pays comptant 8,9 millions d'habitants.

Scania, une entreprise industrielle qui produit des camions, a développé un programme très complet de formation à l'égard de ses salariés. Cette entreprise s'est dotée de son propre lycée professionnel qui lui permet de proposer régulièrement des mises à niveau pour l'ensemble de son personnel. L'équipe de direction souhaite que ses salariés soient polyvalents et puissent occuper tous les postes de production. En outre, elle a pris conscience du fait que la responsabilité de l'amélioration des compétences est désormais partagée entre le salarié et son employeur. C'est pourquoi des dialogues sont régulièrement organisés permettant, d'une part, d'aider à la construction de parcours professionnels individuels et d'autre part, d'informer les salariés sur les compétences dont l'entreprise aura besoin à l'avenir. La formation continue chez Scania semble particulièrement efficace puisque l'un des cinq membres de la direction générale de la société a commencé sa carrière au lycée professionnel.

Skandia est une société d'assurance née en 1855 récemment transformée en compagnie financière globale. Elle a développé une approche de la formation continue qui l'a conduite à révolutionner sa gestion des ressources humaines, qui se fonde sur un constat établi par son équipe de direction. Tout d'abord, la durée des connaissances scientifiques est de plus en plus limitée : cinq ans après l'achèvement de ses études, un ingénieur en électronique, en génétique ou en robotique ne peut plus utiliser que 50 % de ses connaissances puisque l'autre moitié est devenue caduque du fait des progrès de la science. De même, 90 % des revues ou livres scientifiques aujourd'hui disponibles ont été publiés au cours des dix dernières années. De plus, la mondialisation de l'économie oblige à repenser l'organisation des entreprises. Désormais, elles se doivent d'être rapides, flexibles et de s'adapter aux évolutions du marché. Un graphique reproduit dans le rapport montre qu'en 2002 et 2003, l'humanité produira plus d'informations qu'au cours des 42.000 ans précédents. Enfin, comme la France qui devrait connaître des flux de départs annuels en retraite de 150.000 à 300.000 personnes, voire 600.000 à moyen terme, la Suède doit faire face à un enjeu démographique majeur accentué par la faible proportion de salariés ayant suivi des études supérieures.

Les formations financées par l'entreprise sont organisées sous forme de modules afin que les salariés puissent apprendre « juste à temps » et « juste assez. » De plus, l'entreprise constate que la distinction entre les formations qui n'intéressent que l'employeur et celles qui n'intéressent que le salarié tend à s'estomper, dressant ainsi le même constat que les partenaires sociaux français. Pour atteindre ce but, Skandia a ouvert la possibilité à ses salariés d'ouvrir un compte épargne compétence, leur permettant de financer des formations ultérieures. Le salarié y place de 2 à 5 % de son salaire brut, défiscalisés. L'employeur ajoute une somme équivalente, exonérée de charges. Bien évidemment, ce mécanisme d'abondement est favorable aux salariés les mieux payés, qui sont généralement les mieux formés. Aussi, pour corriger cet effet, l'entreprise verse-t-elle un abondement représentant trois fois la cotisation des salariés qui n'ont pas le baccalauréat, qui sont âgés de plus de 45 ans et qui travaillent chez Skandia depuis plus de 15 ans.

Mais il faut surtout relever que ce compte est à l'origine d'une profonde révolution dans la gestion des ressources humaines et des compétences qui ne peut être envisagée sans une planification des carrières et une réflexion prévisionnelle de l'entreprise sur les qualifications dont elle aura besoin à l'avenir. Depuis la mise en place du compte, des dialogues trimestriels entre le salarié et son encadrement ont été institués : ils permettent au salarié d'exprimer ses souhaits, à l'entreprise d'évaluer les potentialités de son employé et d'établir conjointement une démarche prévisionnelle de gestion des carrières. En somme, le salarié construit sa carrière à la carte.

L'utilisation de l'épargne est, elle aussi marquée par le dialogue approfondi entre le salarié et son supérieur. En effet, l'épargne ne peut être débloquée qu'en cas d'accord entre les deux parties. Si l'entreprise considère que la formation envisagée est intéressante, elle peut même prendre en charge tout ou partie des frais pédagogiques, ainsi que des frais annexes. L'entreprise ne peut pas empêcher un salarié de consacrer son épargne à une formation sans relation aucune avec Skandia. En revanche, il ne pourra, bien évidemment, prétendre à aucune participation complémentaire de Skandia. En outre, pour éviter tout blocage de l'épargne en cas de désaccord entre le supérieur et le salarié, l'entreprise a mis en place de Comités de compétences paritaires, qui sont amenés à régler d'éventuels litiges individuels.

La Suède a pris conscience que la gestion du « capital intellectuel » (notion inventée chez Skandia) est le moteur de la société de la connaissance dans laquelle nous sommes entrés et probablement le facteur clé de la compétitivité.

M. Yves Tavernier, président, a souligné que la Suède a su préserver un service public de télévision de qualité.

M. Jacques Guyard a jugé ce rapport particulièrement intéressant. Il s'est demandé quelle part de leur chiffre d'affaire les entreprises suédoises consacraient à la formation.

Après avoir rappelé que l'argent de la formation professionnelle n'était pas toujours bien employé en France, et parfois même totalement détourné de ses finalités, M. Jean-Pierre Brard s'est interrogé sur les modalités du contrôle de l'utilisation de ces fonds en Suède.

M. Gérard Bapt a souligné que la révolution de la gestion des effectifs ne devait pas conduire à accroître les écarts entre les salariés des grosses entreprises qui en bénéficieraient et ceux des plus petites, qui en seraient exclus. Il s'est en outre demandé si la gestion des politiques de formation professionnelle était territorialisée en Suède.

M. Jérôme Cahuzac s'est interrogé sur le chiffre de 600.000 départs en retraite annuels évoqué par le Rapporteur, alors même que les classes d'âge correspondant n'atteignent que 800.000 personnes.

En réponse aux différents intervenants, M. Jacques Barrot, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- l'effort des entreprises suédoises en faveur de la formation est supérieur d'environ cinq points à celui de leurs homologues françaises. De plus, l'originalité du modèle suédois repose sur la mise en place d'une véritable cogestion des carrières ;

- la démocratie sociale est très développée en Suède, ce qui explique que la régulation du secteur de la formation soit opérée par les partenaires sociaux eux-mêmes. L'État surveille, quant à lui, la mise en concurrence des prestataires privés de formation ;

- un projet de loi visant à étendre le principe du compte épargne compétence doit être discuté en janvier 2002, afin d'en étendre l'application à tous les salariés ;

- la politique de formation des chômeurs est territorialisée, les mises en concurrence de prestataires ont lieu dans chaque département. Même si les prestataires n'ont pas de lien direct avec les entreprises du bassin d'emploi, ils entretiennent des relations informelles avec celles-ci. C'est ainsi que les formations qu'ils proposent sont en adéquation avec les besoins, permettant à 70 % des chômeurs formés de retrouver un emploi.

En application de l'article 146 du Règlement, la Commission a alors décidé de la publication du rapport.

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Informations relatives à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan, a désigné M. Didier Migaud, Rapporteur général, rapporteur d'information sur la rémunération pour copie privée.

Elle a également désigné M. Gérard Fuchs, rapporteur pour avis, sur le projet de loi portant approbation de la décision du Conseil sur les ressources propres des Communautés européennes.

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