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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 43

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 5 mars 2002
(Séance de 16 heures)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président,
puis de M. Yves Tavernier, vice-Président,
et de M. Jean-Jacques Jégou, Secrétaire

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport d'information sur le recouvrement des aides à l'emploi indues aux entreprises (M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial)


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- Examen du rapport d'information sur le service de l'emploi en Martinique (M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial)


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- Examen du rapport d'information sur les premiers résultats de l'exécution du budget 2001 (M. Didier Migaud, Rapporteur général)


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- Examen du rapport d'information sur le bilan de la Mission d'évaluation et de contrôle (M. Didier Migaud, Rapporteur général)


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La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan a d'abord examiné, sur le rapport de M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial des crédits du travail et de l'emploi, un rapport d'information sur le recouvrement des aides à l'emploi indues aux entreprises.

M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial, a rappelé que la Mission d'évaluation et de contrôle de la Commission des finances s'était saisie de la question des aides à l'emploi aux entreprises lors de sa première session de travaux, pour rechercher la plus grande efficacité de ces aides, en évitant les effets d'aubaine et en préconisant les mesures les plus utiles au plan social. Il a indiqué qu'une suite allant dans le sens des conclusions de la MEC pouvait être vue dans la création de la commission nationale des aides publiques aux entreprises et des commissions régionales des aides publiques, instituées en application de la loi n° 2001-7 du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises. La première réunion de la commission nationale a d'ailleurs été très positive.

Un des problèmes majeurs du contrôle des aides à l'emploi tient à sa complexité, compte tenu de la pluralité des intervenants, particulièrement s'agissant du contrat initiative-emploi (CIE). En effet, dans le cas du CIE, l'agence nationale pour l'emploi (ANPE), la direction départementale du travail et l'URSSAF interviennent à la suite de la conclusion de la convention ou de sa résiliation. Il a en outre été constaté qu'un grand nombre d'employeurs s'abstenaient de demander la deuxième prime à laquelle ils avaient droit et ne signalaient pas non plus le maintien du salarié dans l'entreprise. Il a souligné la complexité supplémentaire résultant du fait que l'URSSAF n'est pas chargée de recouvrer les exonérations de cotisations devant être remboursées à la suite de la rupture du CIE. Il a rappelé que l'article 141 de la loi de finances initiale pour 2002 a supprimé l'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale au titre d'un salarié en CIE et lui a substitué un relèvement du montant de l'aide directe versé par l'Etat, ce qui règle la question.

Par ailleurs, on peut considérer comme abusif de réclamer au chef d'entreprise, qui a fait le choix du CIE, c'est-à-dire celui du recrutement d'un salarié durablement éloigné d'un emploi, la totalité de l'avantage en cas de rupture du contrat, sans tenir compte de la période passée dans l'entreprise. Il serait souhaitable d'abandonner le « tout ou rien » pour la sanction.

Après les observations du Président Henri Emmanuelli, de M. Augustin Bonrepaux et de M. Didier Migaud, Rapporteur général, M. Jean-Jacques Jégou a demandé des précisions sur les propositions formulées au regard des précédents travaux de la MEC.

M. Gérard Bapt a indiqué qu'il émettait trois types de propositions : la modulation de la sanction en cas de rupture du CIE, la simplification des modalités de recouvrement des aides à l'emploi indues et un allégement des formalités exigées.

M. Pierre Méhaignerie a souhaité aborder la question des aides à l'emploi accordées par les collectivités locales en considérant que le recouvrement des aides indues était rendu difficile lorsque l'entreprise avait disparu ou lorsque sa pérennité était rien moins qu'assurée.

M. Gérard Bapt a indiqué que son rapport n'abordait pas les aides accordées par les collectivités locales. Il a considéré que les commissions régionales de contrôle nouvellement instituées seraient d'un grand intérêt pour l'étude des aides des collectivités locales dans le sens d'une meilleure efficacité et d'un meilleur contrôle. Il a rappelé que la région Centre avait préfiguré cette orientation par la mise en place d'une commission dédiée à cette fin.

M. Jean-Jacques Jégou a demandé des précisions sur la proportion des aides indues récupérées par rapport aux aides globales.

M. Gérard Bapt a expliqué qu'il avait travaillé d'après les données de la mission d'aide au recouvrement et au contrôle (MIAREC) de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) qui ne visent que les allégements de cotisations sociales. Compte tenu du caractère foisonnant des aides à l'emploi, il est difficile d'établir un ratio synthétique. Il a considéré que, s'agissant des autres formes prises par les aides, les montants recouvrés représentaient une proportion faible des aides accordées par l'Etat.

La Commission a autorisé, en application de l'article 146 du Règlement, la publication du rapport d'information sur le recouvrement des aides à l'emploi indues aux entreprises.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial des crédits du travail et de l'emploi, un rapport d'information sur la territorialisation de la politique de l'emploi à partir de l'exemple de la Martinique.

Rappelant le fort taux de chômage, égal en décembre 2001 à 24%, qui touche cette île, et plus gravement encore les jeunes, M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial, a précisé que sa mission avait, d'une part, pour objet d'étudier les instruments de la territorialisation de la politique de l'emploi, et, d'autre part, d'analyser les difficultés rencontrées et les opportunités du Comité de bassin d'emploi (CBE) du Nord de la Martinique, en sa qualité de président du Comité de liaison des comités de bassin d'emploi.

Les efforts déployés par les services de l'Etat en faveur de la territorialisation de la politique de l'emploi sont notables, au travers de son organisation administrative et au moyen des instruments de soutien à l'emploi utilisés : contrats emploi solidarité, contrats emploi consolidé, par exemple. S'y ajoutent deux aides spécifiques créées par la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'Outre-mer avec le projet initiative jeune (PIJ), sous la forme d'aides à la création d'entreprise ou d'aides à la mobilité, et le congé de solidarité, qui permet à des salariés de cinquante-cinq ans au plus et justifiant de dix années d'activité salariée de bénéficier d'une préretraite à la condition que des jeunes soient embauchés pour les remplacer.

Les efforts de l'ANPE locale ainsi que du Conseil général, qui a créé une agence départementale d'insertion particulièrement active, participent également à cette territorialisation.

Cette organisation est complétée par l'intervention des CBE ; il faut souligner, à cet égard, la volonté originale et intéressante, de calquer les structures locales existantes sur le découpage des « pays », créés dans le cadre des conseils de développement. Le Nord de la Martinique a développé en ce sens des initiatives exemplaires. Le premier CBE qui avait été créé en septembre 2000, en réponse à une situation économique ponctuelle et non pas dans le cadre d'une volonté d'action et de concertation partagée par tous les acteurs, devrait être prochainement réformé pour inscrire son action dans le cadre du conseil de développement du Nord de l'île. Ainsi, l'idée de confier aux CBE le travail d'analyse, de proposition et d'expérimentation d'actions en faveur de l'emploi, dans le cadre des conseils de développement, semble pertinente et pourrait à bon escient être reproduite.

Le Rapporteur spécial a également rappelé le rôle et la composition pluripartite originale des CBE en indiquant que son rapport présente plusieurs actions innovantes menées par certains d'entre eux.

M. Pierre Hériaud a souhaité connaître les atouts et handicaps de l'économie martiniquaise.

M. Gérard Bapt a considéré que la Martinique souffre à la fois de la concurrence, pour sa production agricole, des autres marchés proches des Antilles, de la faiblesse du secteur productif, conjuguée à une pression démographique forte, et des limites auxquelles se heurte le développement du tourisme, avec la saturation du marché aérien et le prix élevé des billets de transport.

La Commission a autorisé, en application de l'article 146 du Règlement, la publication du rapport d'information.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Didier Migaud, Rapporteur général, un rapport d'information sur les premiers éléments disponibles concernant l'exécution du budget en 2001.

Le Rapporteur général a rappelé que, depuis l'année 2000, il présentait un rapport sur les premiers éléments de l'exécution du budget de l'année précédente. Le présent rapport d'étape repose notamment sur un contrôle effectué en février dernier auprès de l'agence centrale comptable du Trésor (ACCT) et de la direction générale de la comptabilité publique. Il constitue un préliminaire au rapport sur l'exécution du budget 2001 qui sera présenté par le Rapporteur général à la lumière du rapport de la Cour des comptes et du projet de loi de règlement relatifs à l'exécution du budget 2001.

Il a souligné qu'en matière de recettes, comme lors de deux précédents contrôles, il avait souhaité obtenir deux catégories d'information. Dans un premier temps, il s'agissait de disposer des principaux résultats constatés en exécution. Par ailleurs, et tout particulièrement en ce qui concerne les recettes non fiscales, il importait de vérifier dans quelle mesure auraient pu être opérées des imputations différées, comme on a pu le constater dans le passé.

De ce dernier point de vue, l'examen des documents comptables fait apparaître que, pour la seconde année consécutive, les recettes non fiscales n'ont pas supporté d' « ajustements » en cours de période complémentaire, visant à opérer des décalages d'imputation entre les exercices. Par ailleurs, les comptes d'imputation provisoires sont en forte diminution, de 12 milliards de francs en recettes et de 14 milliards de francs en dépenses.

S'agissant des résultats d'exécution, il apparaît que les recettes nettes du budget général sont supérieures à ce qui avait été anticipé lors de la présentation du projet de loi de finances rectificative pour 2001 (+ 0,9%), le « surplus » de recettes, même si cette expression doit être entendue avec toutes les précautions d'usage, s'élevant ainsi à 14,04 milliards de francs.

En ce qui concerne les recettes fiscales nettes, si les résultats de l'exercice 2001 se traduisent par des encaissements de recettes fiscales nettes supérieurs aux prévisions révisées (+10,3 milliards de francs), cette « bonne surprise » ne doit pas masquer le fait que ces mêmes recettes sont en recul de 1,6% par rapport aux estimations figurant dans la loi de finances initiale.

Il a rappelé que ce ralentissement de la croissance des recettes fiscales nettes avait été anticipé tôt au cours de l'année 2001 et intégré dans les évaluations révisées.

Les résultats en exécution font apparaître que, pour la TIPP, les encaissements sont légèrement plus élevés que prévu lors du collectif. De même, les recettes au titre de l'impôt sur le revenu sont extrêmement proches des évaluations révisées. Toutefois, s'agissant de l'impôt sur les sociétés net et de la TVA nette, l'effet du ralentissement de la conjoncture économique a été sensible. L'impact de cette détérioration a toutefois été atténué par des progressions significatives des encaissements des autres impôts d'Etat sur rôles et des autres impôts directs.

S'agissant des recettes non fiscales, les résultats sont proches des évaluations révisées figurant dans le collectif de fin d'année, avec une plus-value de 2,76 milliards de francs. Lors du contrôle, certaines lignes susceptibles de pouvoir faire l'objet de décalages d'imputation ont été particulièrement examinées. Il apparaît notamment que dans la catégorie « divers », les encaissements ont suivi au plus près les prévisions révisées.

Comme les recettes, les dépenses n'ont pas fait l'objet de décisions d'opportunité qui auraient excédé les limites des règles budgétaires et comptables normalement applicables aux opérations de fin d'exercice. C'est donc dans le respect des textes qu'ont pu être utilisées les marges d'appréciation laissées au Gouvernement pour l'utilisation de la période complémentaire, notamment en matière de « règlements réciproques » entre l'Etat et les organismes publics.

Les dépenses du budget général nettes de remboursements et dégrèvements ont progressé de 2,4% par rapport à 2000. Mesurée à cette aune, l'année 2001 apparaît comme un millésime budgétaire sans relief particulier : le taux d'évolution des dépenses, sensiblement inférieur à celui enregistré en 1995 et 1996, n'égale pas les performances de 1997 et 1998, mais reste inférieur au taux observé en 1999 (+ 3,1%). L'année 2000 était exceptionnelle, puisque les dépenses nettes du budget général avaient diminué de 0,3%, en raison de changements de structures importants.

Il a noté que, pour autant, la loi de finances initiale pour 2001 avait, elle aussi, procédé à des changements de périmètre du budget de l'Etat, qui ont conduit au total à grever les charges du budget général de 12,4 milliards de francs.

Pour savoir si le Gouvernement a respecté son objectif d'une progression de 0,3% des dépenses, en volume, il convient de faire référence à l'agrégat qui était précisément ciblé par cette norme, à savoir les dépenses nettes hors recettes d'ordre venant en atténuation des charges de la dette. Selon l'INSEE, l'indice des prix à la consommation (hors tabac) devrait avoir augmenté de 1,6% en moyenne annuelle pendant l'année 2001. Dans ces conditions, les résultats de l'exécution budgétaire montrent que les dépenses se sont accrues de 1,9% en valeur, soit 0,3% en volume, compte tenu de l'estimation d'inflation la plus récente effectuée par l'INSEE. Le Gouvernement a donc respecté la norme d'évolution des dépenses qu'il s'était fixée dans la loi de finances initiale.

Les dépenses ordinaires civiles ont progressé de 2,5%, soit 36,3 milliards de francs. La contribution des dépenses de personnel représente 16,7 milliards de francs, le dynamisme des charges de pension (+ 3,8%) excédant celui des rémunérations d'activité (+ 2,9%). Le rythme d'évolution de la charge nette est identique à celui observé en 2000, soit + 2,8%. Les dépenses d'intervention augmentent de 10,5 milliards de francs : prises dans leur ensemble, les modifications de périmètre effectuées en 2001 expliquent à elles seules cette évolution, mais, bien entendu, cela ne signifie pas que les autres postes de dépenses sont restés inchangés, au franc près, sur chaque chapitre.

Les dépenses civiles en capital se sont élevées à 106,9 milliards de francs, en augmentation de 3,6% par rapport aux dépenses définitives de la gestion 2000. Le renversement de tendance engagé en 1999 semble donc confirmé, ce qui est particulièrement opportun, s'agissant de dépenses qui ont un effet avéré sur le potentiel productif de la Nation. Les dépenses relatives aux infrastructures de transports progressent de 2,2 milliards de francs par rapport à 2000, traduisant un réel effort dans ce domaine.

Les dépenses militaires de personnel atteignent 86,9 milliards de francs (+ 1,4%) et les dépenses de fonctionnement courant représentent 24,7 milliards de francs (- 2,4%).

Les dépenses militaires en capital progressent de 1,3% et s'élèvent à 71 milliards de francs. La problématique des dépenses d'équipement de la Défense est complexe. On doit cependant noter la forte diminution des dépenses consacrées au soutien des forces et à l'entretien des matériels. Inversement, l'entretien programmé des matériels de l'armée de terre et le maintien en condition opérationnelle des moyens aériens de la gendarmerie ont mobilisé des ressources supérieures de 128,7 millions de francs et 178,1 millions de francs, respectivement, à celles utilisées en 2000.

En matière de comptes spéciaux du Trésor, le collectif de fin d'année avait prévu un excédent au titre des comptes spéciaux du Trésor de 10,35 milliards de francs, soit un montant supérieur de 1,18 milliard de francs par rapport aux prévisions initiales. Les opérations définitives des comptes spéciaux du Trésor étant pratiquement à l'équilibre, la presque totalité de cet excédent résultait des opérations temporaires. Les résultats d'exécution montrent une situation sensiblement différente, puisque l'ensemble des opérations des comptes spéciaux du Trésor se traduit par une charge nette de 2,76 milliards de francs, répartie entre un excédent de 1,01 milliard de francs au titre des opérations définitives et une charge de 3,77 milliards de francs pour les opérations temporaires.

Au total, le solde général d'exécution, s'établit à 210,24 milliards de francs, soit une légère amélioration de 2,24 milliards de francs par rapport aux prévisions du collectif de fin d'année mais qui ne masque pas la dégradation de 23,68 milliards de francs entre la loi de finances initiale et l'exécution.

La détérioration du solde s'explique donc avant tout par la charge nette des opérations temporaires des comptes spéciaux du Trésor et par l'effet du ralentissement économique sur les recettes nettes du budget général, même si ces dernières ont fait preuve d'une meilleure tenue que prévu en collectif de fin d'année. Selon les perspectives économiques 2002-2003, parues en février dernier, le besoin de financement des administrations publiques devrait passer à 1,5 point de PIB en 2001. Le jeu des stabilisateurs économiques ne remet toutefois pas en cause l'objectif de rétablissement des comptes publics à moyen terme, et notamment de réduction de la dette publique.

Le Rapporteur général a souligné en conclusion que ce rapport d'étape devrait être complété à la lumière des informations présentées dans le rapport préliminaire de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances 2001 et du projet de loi de règlement.

M. Pierre Hériaud a souhaité obtenir des précisions sur la progression des dépenses civiles en capital, dans la mesure où ces dernières comprennent des dépenses directes pour environ 25 milliards de francs et des subventions de l'ordre de 80 milliards de francs.

Le Rapporteur général a confirmé que la progression de deux milliards de francs, soit +12%, s'appliquait aux seules dépenses directes d'investissement, tandis que les subventions d'investissement accordées par l'Etat ont progressé de 1,1 milliard de francs. Il a estimé qu'il serait d'ailleurs intéressant qu'un Rapporteur spécial concerné fasse le point sur l'exécution des contrats de plan.

Le Président Henri Emmanuelli a jugé qu'il serait également opportun de connaître le montant des investissements hors contractualisation.

M. Pierre Méhaignerie a souhaité connaître la date de dépôt du rapport de la Cour des comptes.

Le Rapporteur général a précisé que ce dépôt devrait avoir lieu en avril ou en mai pour le rapport préliminaire et au mois de juin pour le rapport définitif.

M. Pierre Méhaignerie a ensuite redemandé les chiffres concernant les dépenses de personnel et de pension.

Le Rapporteur général a indiqué que les dépenses de personnel avaient progressé de +2,9%, tandis que les dépenses de pension ont atteint 199 milliards de francs, soit +3,8%.

Le Président Henri Emmanuelli a considéré que ces chiffres devaient conduire à s'abstenir de promesses inconsidérées.

M. Michel Bouvard s'est interrogé sur l'évolution du compte de privatisation.

Le Rapporteur général a observé que si ce compte a enregistré un excédent de 1,98 milliard de francs, le volume de ses opérations a été nettement inférieur aux prévisions initiales. En effet, les recettes ont représenté 13,76 milliards de francs et les dépenses 11,78 milliards de francs, alors que la loi de finances tablait sur 26,5 milliards de francs, tant en recettes qu'en dépenses.

Les recettes encaissées en raison des ventes de titres, parts et droits de sociétés ont atteint 11,55 milliards de francs, dont 4,75 milliards de francs au titre du dividende de Thomson SA, 3,12 milliards de francs au titre de la cession de la banque Hervet, 2,47 milliards de francs au titre de la cession de titres EADS et de la soulte versée par le groupe Lagardère et 632 millions de francs au titre de l'ouverture du capital d'Air France. Les reversements d'avances d'actionnaires ou de dotations en capital et produits de réduction de capital ou de liquidation ont, pour leur part, représenté 2,17 milliards de francs, dont 1,9 milliard de francs reversés par la Société de gestion de garanties et de participations (SGGP - ex GAN-SC) suite à la privatisation du GAN.

Les dépenses ont été réparties à hauteur de 11,56 milliards de francs pour les dotations en capital et avances d'actionnaire, 83,98 millions de francs pour les dépenses afférentes aux ventes de titres et 98,2 millions de francs pour les investissements réalisés directement ou indirectement dans des fonds de capital-investissement.

Les principaux bénéficiaires des dotations en capital sont Réseau ferré de France, avec 7 milliards de francs, GIAT Industries (2 milliards de francs), la BDPME (331,2 millions de francs), la SFP (317,8 millions de francs), l'Entreprise minière et chimique (275 millions de francs), la Compagnie générale maritime et financière (205 millions de francs), Voies navigables de France (200 millions de francs) et Aéroports de Paris (150 millions de francs).

Le Rapporteur général a également noté que les versements ont été particulièrement limités au cours de la période complémentaire. Il a enfin constaté que des excédents sont enregistrés au titre de comptes d'affectation spéciale - sur le Fonds national pour le développement du sport, par exemple - ce qui illustre un problème récurrent de consommation des crédits.

La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport d'information sur les premiers éléments disponibles concernant l'exécution du budget en 2001.

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Le Rapporteur général a ensuite présenté un rapport d'information sur le bilan de l'activité de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC), soulignant les progrès des travaux de l'Assemblée nationale concernant les finances publiques, rendus possibles par les initiatives de la majorité et de l'ensemble de la représentation nationale.

Après avoir rappelé les conclusions du groupe de travail initié, le 27 janvier 1999, par M. Laurent Fabius, alors président de l'Assemblée nationale, qui ont conduit à la création de la MEC, le Rapporteur général a souligné les réelles avancées concernant le renforcement des pouvoirs d'investigation et de contrôle des membres de la Commission des finances, l'optimisation du calendrier budgétaire et l'expérience encourageante des commissions élargies.

Ainsi, dans le premier collectif budgétaire pour 2000, les précisions juridiques nécessaires ont été apportées pour lever certains obstacles à l'exercice des pouvoirs d'investigation des rapporteurs de la Commission des finances, notamment en ce qui concerne l'exception du secret professionnel. En outre, force est de constater que les rapporteurs ont fait preuve de moins de réticence que par le passé devant l'utilisation de ces pouvoirs. La loi organique du 1er août 2001 a consolidé ce nouveau cours en consacrant expressément les pouvoirs de contrôle propres des membres de la Commission des finances. Elle prévoit aussi que la Cour des comptes répond aux demandes d'assistance formulées par le Président et le Rapporteur général de notre Commission pour l'exercice des missions de contrôle et d'évaluation. Ces dispositions sont applicables depuis le 1er janvier 2002. Il appartiendra aux acteurs de la nouvelle législature de les mettre en _uvre.

Il a par ailleurs relevé qu'à l'initiative des présidents successifs de la Commission des finances, MM. Augustin Bonrepaux et Henri Emmanuelli, ces membres pourraient à brève échéance disposer d'un outil permettant de procéder à des simulations fiscales. Une préfiguration des capacités de cet outil devrait être disponible pour les débats relatifs au projet de loi de finances pour 2003.

S'agissant du calendrier budgétaire, le Rapporteur général a considéré que la cohérence du cycle budgétaire annuel est désormais mieux assurée : le premier semestre de l'année est ainsi consacré au recueil et à l'étude des premiers éléments concernant la gestion de l'exercice budgétaire précédent, puis, le cas échéant, à un débat d'orientation budgétaire qui permet aux membres de l'Assemblée nationale d'examiner les premiers éléments de l'exécution du budget en cours, les principales évolutions affectant les finances publiques et les principaux choix envisagés par le Gouvernement.

A l'automne, ce cycle budgétaire se poursuit, depuis deux ans maintenant, avec la règle de l'antériorité de la discussion du projet de règlement de l'avant-dernière année par rapport à celle du projet de loi de finances. Ces progrès ont été rendus possibles grâce aux efforts de la Cour des comptes et du Gouvernement pour déposer les documents indispensables, dès le début du mois de juin et du mois de juillet. A partir de cette année, la loi organique du 1er août 2001 consacre cette obligation de « chaînage vertueux ».

Enfin, après la discussion du collectif de fin d'année, le cycle budgétaire se clôture et le prochain s'ouvre avec la présentation, par les ministres en charge de l'économie et du budget, de la programmation triennale des finances publiques à la Commission des finances, avant sa transmission à la Commission européenne, comme la pratique s'en est instaurée depuis trois exercices.

S'agissant des commissions élargies, le Rapporteur général a rappelé que l'objectif poursuivi par cette réforme était de « revivifier » le débat budgétaire, d'une part, en approfondissant sensiblement les travaux menés au sein des commissions saisies pour avis et, d'autre part, en concentrant les débats menés en séance publique sur les grandes orientations de la politique sectorielle examinée, tout en accroissant, parallèlement, la capacité d'expression des députés. L'expérimentation engagée, qui a concerné, à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2002, pas moins de sept budgets, a commencé de redonner vie au débat budgétaire. Il semble que cette expérience des commissions élargies ait recueilli l'adhésion des députés en dépit de quelques insatisfactions exprimées à propos du débat en séance publique. Il est apparu, en effet, à l'occasion de l'examen en commission élargie puis en séance publique du budget de la défense, que les interventions successives des nombreux rapporteurs spéciaux et pour avis de ce budget avaient constitué un frein à l'animation et à la vivacité du débat.

On pourrait donc imaginer, moyennant quelques aménagements, d'élargir la procédure à d'autres budgets. Là encore, il appartiendra aux acteurs de la prochaine législature d'en décider.

S'agissant toujours de la discussion parlementaire relative à la deuxième partie du projet de loi de finances, le Rapporteur général a estimé que la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 constituera très certainement un changement crucial, puisqu'il sera possible à l'initiative parlementaire, à compter de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, d'augmenter, au sein d'une même mission, les crédits d'un programme, pourvu qu'il soit prévu une compensation consistant en une baisse des crédits d'un autre programme.

En outre, le Rapporteur général a déclaré qu'il serait erroné de penser que l'entrée en vigueur complète des dispositions de la nouvelle loi organique pour la discussion de la loi de finances 2006 laisse une plage de temps substantielle. Au contraire, les délais d'adaptation sont très serrés et nécessitent une forte mobilisation des différents acteurs. Il s'agit d'un défi important pour tous : le Gouvernement, l'administration et les députés de la prochaine législature auxquels il appartiendra de suivre ce processus avec toute l'attention qu'il requiert, au premier rang d'entre eux, les membres de la Commission des finances.

Dans cette perspective d'ensemble, la MEC a constitué l'instrument « d'apprentissage de l'évaluation parlementaire » de l'Assemblée nationale. Elle a, de fait, permis de mettre en _uvre des méthodes nouvelles, le copilotage et la coprésidence entre la majorité et l'opposition, un recours accru à l'expertise de la Cour des comptes, des auditions publiques sans complaisance et à un rythme soutenu. Les travaux ainsi organisés ont abouti à l'élaboration de diagnostics et de propositions.

L'expérience acquise, à l'issue de ces trois années de fonctionnement, montre encore la difficulté d'aborder une politique sous l'angle très concret d'une appréciation coût/efficacité. Le penchant « naturel » demeure puissant d'aller plutôt à une approche générale, axé sur les grands objectifs d'une politique, en délaissant la question, sans doute aride, parfois, des résultats mesurables. C'est vrai des ministres et de leur administration. Il faut toutefois reconnaître que cela demeure encore vrai du Parlement, comme le montrent, parfois, certaines approches du contrôle budgétaire parlementaire et certaines conclusions qui en sont tirées.

A la lecture des documents et des bilans communiqués à la MEC par les différents ministères, il ressort encore l'impression d'une difficulté, de leur part, à prendre la pleine mesure de la nature exacte de la démarche et des préoccupations de la Mission. Les réponses tendent encore plutôt à convaincre des progrès accomplis et du bien fondé des actions entreprises ou à venir qu'à apporter des éléments de réponse précis.

Par ailleurs, il faut constater la pertinence avec laquelle la MEC « cible » les insuffisances ou les dysfonctionnements d'une politique ou d'un service public, ses observations ou ses critiques étant rarement contestées. En revanche, si les ministres approuvent certaines recommandations, leur mise en _uvre tarde encore à voir le jour et, lorsque les recommandations sont appliquées, elles se traduisent encore rarement par des réductions de coûts.

Le Rapporteur général a ensuite insisté sur la dynamique de long terme créée par la MEC. Son apport, irremplaçable, sous cette législature, aura d'abord été celui de trois années de pratique d'un contrôle budgétaire rénové et de ses méthodes. L'efficacité de la MEC pourra trouver toute sa mesure lorsque la loi organique du 1er août 2001 sera entrée en vigueur et permettra le changement complet dans la façon d'aborder le volet dépenses de la loi de finances, dans une logique de contrôle de la performance, avec la prise en compte des objectifs poursuivis et des résultats obtenus par les gestionnaires. Le suivi des propositions de la MEC prendra alors toute sa dimension.

Le Rapporteur général a ensuite évoqué l'avancée de la réforme-modernisation mise en _uvre, depuis deux ans, au sein des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, en soulignant les avancées réelles de la réforme de Bercy.

Les administrations fiscales sont engagées dans un processus de réforme en profondeur qui porte progressivement ses fruits. L'échec, en 2000, de la tentative de réforme issue de la « Mission 2003 » a servi de révélateur, pour ses promoteurs comme pour ses adversaires, de l'impossibilité du statu quo et de la nécessité d'une nouvelle stratégie de modernisation. La nouvelle méthode retenue a déjà permis d'importants acquis, en termes de réorganisation, qui se traduisent par une amélioration de la qualité du service rendu au contribuable et un renforcement de l'efficacité des services.

Il existe désormais un véritable pilotage stratégique, autour du secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. L'activation du comité des directeurs, réuni tous les mois, y contribue également. Par ailleurs, le pilotage se fait avec un important souci de concertation avec les agents.

Dans le domaine de l'évaluation au plus près du rapport efficacité/coût et de la qualité du service rendu, que la MEC avait appelée de ses v_ux, les progrès sont appréciables. Grâce à la définition d'indicateurs de résultats, il est désormais possible de formuler précisément des objectifs et des échéances, puis de vérifier à quel point ils ont été respectés. Ainsi, les administrations fiscales ont désormais un objectif général, celui de réaliser le compte fiscal simplifié, qui donnera la possibilité, à chaque contribuable et à chaque agent habilité de la DGI et de la DGCP, d'accéder directement à un compte fiscal, tous impôts confondus, grâce à un identifiant fiscal unique.

L'engagement dans une démarche de contractualisation constitue un autre instrument mobilisateur au service de la modernisation. Ainsi, la DGI a désormais formalisé avec la direction du budget un contrat d'objectifs et de moyens.

La DGCP et le réseau du Trésor public ont pour leur part entrepris des efforts de modernisation qui permettent d'envisager leur entrée dans la démarche de contractualisation. Par exemple, la DGCP a développé, depuis trois ans, un dispositif de pilotage par objectifs de son réseau déconcentré, articulé autour de la généralisation de la pratique de lettres de mission aux trésoriers-payeurs généraux. En 2002, tous les TPG seront engagés dans cette démarche qui leur fixe des objectifs à atteindre. Il faut par ailleurs relever que trois à quatre trésoreries générales devraient, à brève échéance, bénéficier d'un dispositif de globalisation des crédits équivalent au dispositif aujourd'hui applicable à un grand nombre de préfectures.

En ce qui concerne la DGDDI, la réflexion ouverte par le projet « La Douane à l'horizon 2005 » vise la définition de nouveaux axes de lutte contre la fraude, l'amélioration du service rendu aux usagers, la modernisation des services et la définition d'indicateurs d'activité, de coût et de performance.

Enfin, dernière composante de la méthode adoptée au titre de la réforme-modernisation, l'approche expérimentale s'est avérée très fructueuse, en permettant de vérifier l'applicabilité concrète des réorganisations envisagées et aussi de familiariser les agents avec une réalité nouvelle.

In fine, il apparaît que nombre de réformes sont d'ores et déjà acquises, qu'elles résultent ou non d'expérimentations. A cet égard, le Rapporteur général a précisé qu'il avait pu se rendre récemment au siège de la nouvelle direction des grandes entreprises qui constitue réellement, pour celles-ci, un interlocuteur fiscal unique.

Par ailleurs, la MEC n'avait pas manqué de souligner qu'une part du coût du recouvrement de l'impôt pouvait être réduite par une simplification de la loi fiscale. Au terme de la législature, il apparaît que d'importantes et nombreuses simplifications de notre fiscalité ont été menées à bien. S'agissant de l'action à mettre en _uvre durant la prochaine législature, la simplification du code général des impôts pourrait constituer un objectif pertinent, même s'il peut apparaître comme très ambitieux.

S'agissant du bilan financier de l'ensemble de la démarche de modernisation des administrations fiscales et de la mesure des progrès réalisés, au regard notamment du constat de départ sur le surcoût relatif des prestations françaises, on peut considérer que les administrations fiscales réalisent un véritable effort de productivité, même si cet effort ne se traduit pas par une diminution absolue des moyens mis à la disposition des services.

Au total, il est indéniable que la réforme-modernisation a permis de lancer ou de réaliser de véritables changements dans les administrations fiscales, comme dans l'ensemble du ministère, tout en recueillant l'adhésion des agents.

En conclusion, le Rapporteur général a estimé que l'action en vue d'améliorer, durant la prochaine législature, les conditions du travail parlementaire de contrôle et d'évaluation de la dépense publique pourrait utilement se poursuivre, par exemple, en pérennisant la MEC et son mode de fonctionnement, qui, notamment, associe les membres de l'opposition et de la majorité ; en améliorant les capacités propres d'évaluation de la Commission des finances et de la MEC, par la mise en _uvre du futur dispositif d'évaluation fiscale mis à la disposition de la Commission des finances et sans doute la réalisation d'audits extérieurs, comme le fait le Sénat ; en mobilisant les rapporteurs spéciaux pour suivre la préparation de la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 ; en associant plus étroitement les rapporteurs pour avis des autres commissions permanentes de l'Assemblée nationale aux travaux d'évaluation et de contrôle mis en _uvre par la Commission des finances et en reconduisant le dispositif des commissions élargies pour privilégier l'échange direct entre les ministres et les députés, par exemple, en supprimant les propos liminaires des ministres lors de telles réunions.

M. Michel Bouvard a souligné qu'à travers la problématique du contrôle et de l'évaluation, une part importante de la fonction parlementaire devait se renouveler. L'absorption progressive par les institutions européennes de la compétence législative transforme le Parlement en organe chargé de transposer les directives communautaires. Si l'on n'y prend garde, il ne restera bientôt plus aux parlements nationaux qu'à débattre des questions d'urbanisme, de justice et de budget de l'Etat. Une forte culture de contrôle - trop absente en France - est donc nécessaire pour asseoir la légitimité du Parlement.

L'Office d'évaluation des politiques publiques aurait pu contribuer à l'apparition de cette culture. Malheureusement, les élections anticipées de 1997 ont coupé les ailes de cette trop jeune institution. Le groupe RPR a manifesté sa bonne volonté lors de la création de la MEC. Cependant, après s'être interrogé sur l'opportunité de sa participation, au vu des résultats obtenus lors de la première année d'existence de la MEC, il a décidé de poursuivre l'expérience, notamment à travers la coprésidence assurée par M. Jean-Pierre Delalande, auquel il convient de rendre un juste hommage pour son attachement au développement des pratiques d'évaluation et de contrôle.

Les perspectives sont désormais plus ouvertes, avec notamment la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances et le modèle micro-économique dont la réalisation a été commandée par la Commission des finances. Cependant, l'absence de suite donnée aux conclusions des travaux de la MEC est toujours aussi insatisfaisante. Pourquoi n'y a-t-il aucune action entreprise à la suite d'une MEC, alors que les conclusions des travaux sont souvent votées à l'unanimité ? N'oublions pas que la loi organique relative aux lois de finances ne se développera pleinement qu'à partir de 2006. Entre-temps, il faut revitaliser la MEC et s'efforcer d'en faire le point de départ de certaines réformes. Il est significatif, par exemple, que le « droit de suite » qui était, aux débuts de la MEC, fermement revendiqué par M. Laurent Fabius, alors Président de l'Assemblée nationale, ne suscite plus qu'une ardeur atténuée, passé l'enthousiasme des commencements.

Il faut maintenant affronter sans détour plusieurs problèmes. La levée du secret professionnel est acquise, ce qui devrait faciliter certaines investigations et éviter des blocages complaisants de la part des administrations. En revanche, il est impératif de renforcer les moyens affectés aux rapporteurs spéciaux. Il est également nécessaire de développer une approche plus collégiale : on ne peut se contenter d'une simple association - souhaitable, au demeurant - entre les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis. Il faut aller au-delà et organiser, autour du Rapporteur général, une force parlementaire de réflexion et de proposition. Enfin, le Parlement et la Cour des comptes ont pris l'excellente initiative de développer des travaux communs, mais un sentiment d'amertume prévaut devant le peu de cas fait du rapport public établi, chaque année, par la Cour des comptes. Il conviendrait au moins d'organiser un débat sur celui-ci, dans l'hémicycle ou à la Commission des finances. Ce rapport est une clef précieuse pour approcher l'efficacité - ou l'inefficacité - de l'Etat.

Toutes les composantes politiques de l'Assemblée nationale peuvent se retrouver sur ces grands objectifs. D'ailleurs, un Etat mal géré et dispendieux est une source de discrédit pour l'institution parlementaire dans son ensemble.

S'agissant de la réforme du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, on peut tout à fait comprendre que l'échec de la Mission 2003 - véritable traumatisme - ait conduit à mettre en _uvre une politique de « petits pas ». Il faudra bien, cependant, passer à la vitesse supérieure et engager les réformes profondes qui sont nécessaires sinon, au rythme actuel, deux législatures n'y suffiraient pas. Des questions comme le coût de la collecte de l'impôt ou la structure du ministère sont aujourd'hui bien cernées, ainsi que leurs solutions. Les prochaines échéances électorales offrent à cet égard une « fenêtre » d'opportunité qu'il ne faudrait pas laisser se refermer : il est toujours plus facile de réformer en début de législature, lorsque la majorité élue dispose de la plus forte légitimité politique.

M. Jean-Jacques Jégou s'est voulu optimiste même s'il comprend que le bilan effectif de la MEC puisse susciter quelque amertume. Mais, avec la création de la MEC, l'Assemblée nationale s'est engagée dans une voie encore inexplorée, ce qui est, en soi, un élément essentiel.

Pour autant, l'amélioration de l'efficacité du travail parlementaire passe par plusieurs actions. Les outils et moyens mis à la disposition de la Commission des finances doivent être renforcés pour, au moins, soutenir la comparaison avec ceux dont dispose le Sénat. Il faut également réformer le règlement intérieur et, surtout, faire naître une forte détermination politique pour donner à la Commission des finances les « hommes de bonne volonté » dont elle a besoin. Une montée en puissance de la MEC est importante pour améliorer l'image du Parlement : elle doit être institutionnalisée et mieux reconnue par les groupes politiques.

En définitive, cette législature a permis d'amorcer une dynamique réelle, qu'il conviendra de confirmer. Le développement du travail collégial est une piste judicieuse, tout comme le positionnement de la MEC comme force de réflexion et de proposition pour inspirer au Gouvernement des réformes d'efficacité. Aujourd'hui, la France veut un Gouvernement qui gouverne et un Parlement qui travaille : il faut savoir répondre à cette attente, alors que l'image du Parlement dans le public ne correspond pas du tout à la réalité.

M. Augustin Bonrepaux a exprimé son accord avec les réflexions des intervenants quant à la nécessité de poursuivre l'expérience de la MEC. L'opinion publique n'est pas correctement informée des réalités du travail parlementaire : elle voit la politique à travers le prisme déformant de quelques mauvais exemples. Réconcilier les Français et leur Parlement suppose que celui-ci se fasse mieux connaître.

Le Rapporteur général a estimé que le nombre n'était pas tout, mais que la réussite des actions entreprises par les parlementaires les plus concernés tiendrait surtout à leur motivation et à leur détermination. La législature qui s'achève aura fait avancer, au sein même de l'institution parlementaire, la cause du contrôle et de l'évaluation. Certes, des critiques peuvent être portées, ça et là, contre des imperfections que nul ne conteste. Mais des progrès notables ont été enregistrés, notamment au regard des outils dont la Commission des finances entend se doter. Il importe de compléter ces progrès, en se donnant les moyens de faire réaliser des travaux à l'extérieur de l'Assemblée nationale.

Renforcer la dimension collégiale des activités de contrôle et d'évaluation est une bonne initiative. Cependant, elle doit aller de pair avec une implication toujours plus forte des rapporteurs spéciaux dans leur domaine de compétence. À cet égard, on peut estimer que la MEC est une forme de réponse déjà bien adaptée aux enjeux de la collégialité.

Le rapport public de la Cour des comptes est, effectivement, une source d'information et d'inspiration pour toute instance parlementaire ayant vocation à évaluer les politiques publiques. L'utilisation du rapport public dans les travaux parlementaires s'accroît, d'ailleurs, depuis quelque temps. La Cour des comptes veut aller plus loin, ce qui ne pourra conduire qu'à des progrès supplémentaires. Dans cette même perspective, la revitalisation du « droit de suite » de la MEC s'impose d'elle-même. L'année écoulée a d'ailleurs été l'occasion de relancer et d'interpeller les ministres sur les problèmes soulevés par la MEC et la mise en _uvre des solutions qu'elle a préconisées.

En définitive, s'imprégner de la culture, nouvelle, du contrôle et de l'évaluation demande du temps. La loi organique relative aux lois de finances est un outil formidable pour la réforme de l'Etat, qu'il va falloir utiliser au mieux de ses capacités. Pour cela, il revient à chacun de rester vigilant et déterminé.

M. Jean-Jacques Jégou a noté qu'il convenait d'autant plus d'associer les rapporteurs pour avis aux travaux de la MEC que le sens de sa démarche n'était manifestement pas encore suffisamment bien compris par les autres commissaires, ni d'ailleurs au sein de la plupart des groupes politiques.


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