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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 64

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 septembre 1999
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

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Audition de MM. Dominique Strauss-Kahn, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et Christian Sautter, Secrétaire d'État au budget, sur le projet de loi de finances pour 2000



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La Commission a procédé à l'audition de MM. Dominique Strauss-Kahn, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et Christian Sautter, Secrétaire d'État au budget, sur le projet de loi de finances pour 2000.

Le Président Augustin Bonrepaux a remercié les ministres de venir présenter le projet de loi de finances immédiatement après son adoption en conseil des ministres.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, a indiqué que le présent projet de loi de finances s'inscrivait dans la stratégie économique d'ensemble mise en _uvre depuis 1997, laquelle a permis, avec la création de l'euro, d'obtenir de bons résultats, meilleurs que ceux de nos partenaires. La crise survenue à la fin de 1998 est désormais surmontée et après ce « trou d'air », l'économie est assez fortement repartie : la pente de croissance est peut-être actuellement d'environ 3 %, ce qui se traduira, en moyenne annuelle pour 1999, par un résultat de l'ordre de 2,3 %. La prévision pour 2000, compte tenu des incertitudes qui subsistent encore, se situe dans une fourchette comprise entre 2,6 et 3 %, le projet de loi de finances se fondant sur le chiffre de 2,8 %. Les trois principales caractéristiques de la conjoncture actuelle autorisent à parler de « nouvelle croissance » : une progression soutenue de la demande intérieure, non seulement des ménages, mais désormais également des entreprises, de fortes créations d'emplois et un contenu élevé en innovation et en nouvelles technologies.

Le Ministre a ensuite précisé que malgré le ralentissement de la croissance enregistré au début de 1999, la marge budgétaire disponible en 2000 serait identique à celle de cette année, soit 60 milliards de francs en volume. En 1999, cette marge avait permis, pour un tiers, de réduire le déficit budgétaire, pour un autre tiers, de baisser les impôts et, pour le dernier tiers, d'augmenter les dépenses publiques d'1 %. En 2000, un tiers de la marge sera également affecté à la réduction du déficit tandis que les deux tiers restants seront exclusivement consacrés à des baisses d'impôts, soit 39 milliards de francs, ce qui représente la diminution la plus importante enregistrée depuis dix ans. En 2000, conformément aux engagements pris dans le cadre du programme pluriannuel transmis à nos partenaires européens, les dépenses resteront stables en termes réels. Au demeurant, il faut convenir que le soutien conjoncturel nécessaire en 1999, ne se justifiera plus en 2000.

M. Dominique Strauss-Kahn a ensuite présenté les allégements d'impôts contenus dans le projet de loi de finances pour 2000. Il s'agit d'abord de la baisse de la TVA sur les travaux dans les logements, qui constitue à la fois le respect d'un engagement politique, la satisfaction d'un souhait exprimé par l'Assemblée nationale et un instrument particulièrement efficace de développement de l'emploi, comme le montrent les études qui ont été récemment effectuées sur le sujet. Cette baisse bénéficiera aux 10 millions de ménages qui, chaque année, pour effectuer des réparations importantes ou non, recourent aux 263.000 artisans ou entreprises que compte ce secteur, lequel emploie 1.100.000 personnes. Outre l'effet sur l'emploi, il faut en attendre une réduction de l'économie souterraine, car une telle mesure permet de diminuer, ou même d'inverser, la rentabilité du travail au noir. Par ailleurs, une nouvelle baisse de 20 % des droits de mutation, visant à accroître la mobilité des personnes, interviendra en 2000 : ramenés de 6 % à 4,8 %, ils seront ainsi au niveau moyen constaté dans les pays voisins. Enfin, à l'initiative de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'Équipement, des Transports et du Logement, le droit de bail sera supprimé dès le 1er janvier 2000 pour tous les loyers inférieurs à 2.500 francs par mois, ce qui concerne immédiatement 80 % des locataires et 90 % des locataires de HLM. Les autres locataires bénéficieront de la suppression de ce droit à compter de 2001. Au total, ces trois mesures de justice fiscale, qui visent principalement à rééquilibrer la charge pesant sur les ménages, pourraient entraîner en même temps la création de 30.000 à 50.000 emplois.

Le Ministre a souligné que le projet de loi de finances pour 2000 entendait également soutenir une croissance plus innovante, mentionnant à cet égard la suppression des impôts sur les créations d'entreprises, et marque une nouvelle étape dans la mise en place d'une fiscalité écologique, avec la stabilisation des taxes sur l'essence sans plomb, à la différence de ce que l'on constate chez nos partenaires et malgré la hausse des prix du pétrole, la poursuite du rattrapage sur le gazole, soit une hausse de 7 centimes, et l'extension de la TGAP par une écotaxe qui, destinée à financer les allégements de charges sur les bas salaires, figurera dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Il a annoncé que le projet de loi de finances pour 2000 traduit en outre un effort en faveur de l'emploi, avec la poursuite de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, qui bénéficiera à 200.000 entreprises supplémentaires, ce qui portera à 90 % la proportion d'entreprises désormais exonérées de cette part, et la fin du démantèlement de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés, qui avait été instaurée afin d'assurer le respect des critères de convergence requis pour participer au lancement de l'euro. Enfin, 49 impôts seront supprimés, ainsi que 40 articles du code général des impôts et 5.200.000 formulaires. 1,5 million de familles bénéficieront ainsi de la suppression des frais d'inscription aux examens du second degré.

Les prélèvements obligatoires d'État seront ramenés de 17,5 % à 16,9 % du PIB, mais les finances publiques doivent encore être considérées comme convalescentes. Le déficit budgétaire, réduit de 21 milliards de francs, soit 0,3 % du PIB, s'élèvera à 215 milliards de francs. Le concept d'excédent apparaît donc comme un objectif encore lointain et il faudra attendre plusieurs années de croissance pour que la France connaisse, comme les Etats-Unis, un excédent budgétaire. En 1999, le déficit des administrations publiques atteindra 2,2 %, pour une prévision initiale de 2,3 %, tandis qu'en 2000, conformément à la projection triennale, il devrait être ramené à 1,8 %. D'autres indicateurs permettent de montrer que le garrot se desserre : entre 1997 et 2000, la part de la dépense publique dans le PIB est passée de 54,9 % à 53,1 %, et il faudra poursuivre dans ce sens. Enfin, comme cela avait été annoncé dès 1997, c'est en 2000 que le ratio dette/PIB commencera à diminuer, pour la première fois depuis vingt ans.

M. Christian Sautter, secrétaire d'État au Budget, a d'abord rappelé que les dépenses du projet de loi de finances pour 2000 resteraient stables en volume. Cette rigueur est tempérée de deux manières : d'abord par l'allégement des charges financières à hauteur de 4 milliards de francs, et par des efforts d'économies et de redéploiements d'un montant total de 30 milliards de francs. En ce qui concerne la méthode adoptée, on soulignera un effort pour moderniser la gestion budgétaire, notamment par la passation de contrats de gestion pluriannuels, par la globalisation des crédits et par l'institution d'indicateurs de performance, de manière exemplaire en ce qui concerne le budget de l'environnement. Le Gouvernement prend, en outre, en compte les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle.

La croissance des budgets prioritaires est nettement plus rapide que celle des autres budgets. Les budgets de l'emploi et de la solidarité, de l'éducation, de la justice, de la sécurité, de l'environnement et de la culture progressent, globalement, quatre fois plus vite que l'ensemble des dépenses de l'État.

Le budget de l'emploi et de la solidarité connaît une hausse de 4,3 % et devient ainsi le deuxième budget de l'État. Il finance 100.000 emplois-jeunes supplémentaires afin d'atteindre à la fin de l'an 2000 l'objectif de 350.000 emplois-jeunes. Il finance également la réduction du temps de travail à hauteur de 7 milliards de francs, les actions menées par l'ANPE et l'AFPA, et la création de la couverture maladie universelle, à hauteur de 7 milliards de francs. En particulier, les crédits de la politique de la ville progressent très sensiblement.

Le budget de l'éducation s'élève à 361 milliards de francs et progresse de 3,3 %. L'augmentation du premier budget de l'État permet de créer 3.300 emplois d'enseignants du second degré, d'assurer la montée en charge du « plan social étudiant » et de réaliser le plan d'« universités du troisième millénaire ».

Les crédits de la justice augmentent de 4 %. Ces crédits permettront notamment de renforcer la protection judiciaire de la jeunesse et d'augmenter les moyens de l'administration pénitentiaire. Les crédits de la sécurité publique se montent à 54,2 milliards de francs et augmentent de 3 %, ce qui contribuera à mettre en place une véritable police de proximité. Les crédits de fonctionnement de la police augmentent, pour leur part, de 5 %, et les crédits d'équipement de 38 %.

Il faut également noter que le budget de l'environnement croît de 8 % et que le budget de la culture (+ 2 %) pourra atteindre le seuil d'1 % du budget de l'État d'ici la fin de la législature. En ce qui concerne le budget de la défense, si l'effort d'économie est marqué, les moyens d'engagements militaires s'élèveront à 87,5 milliards de francs. Les crédits attribués au ministère des Affaires étrangères sont en hausse, ainsi que les crédits destinés au ministère de l'Équipement, des Transports et du Logement, tandis que les moyens de la sécurité routière progressent de 18 %.

Le projet de loi de finances modifie le périmètre technique de présentation du budget de l'État. En 1998, 46 milliards de francs ont été réintégrés, pour tenir compte d'une décision du Conseil constitutionnel. En 2000, 10 milliards de francs seront réintégrés, cette somme comprenant notamment le financement de la couverture maladie universelle et du « fonds amiante ». Quatre comptes spéciaux du Trésor sont par ailleurs supprimés.

Le Président Augustin Bonrepaux a félicité les ministres pour la réduction du déficit et de l'endettement de l'État, résultats conformes aux dernières orientations triennales et qui devraient recueillir un large assentiment. Les dépenses connaissent une croissance nulle en volume, tout en autorisant la progression des moyens destinés aux budgets prioritaires. En ce qui concerne la police, on ne peut que souligner le fait que le Gouvernement ait repris une suggestion lancée par le Rapporteur spécial des crédits de la sécurité, M. Tony Dreyfus, dans le cadre des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle : le redéploiement des agents de police sur le terrain. Enfin, il s'est déclaré particulièrement heureux de la baisse du taux de TVA applicable aux travaux dans les logements alors qu'un certain scepticisme avait accueilli cette proposition, formulée au sein de la Commission au mois de juin. On ne peut donc que se féliciter de l'aboutissement de cette demande.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, s'est associé à la satisfaction du Président Augustin Bonrepaux, s'agissant de la baisse du taux de TVA sur les travaux dans les logements et de la reprise de propositions de la mission d'évaluation et de contrôle.

L'effort de maîtrise des dépenses, qui n'est pas incompatible avec le financement des priorités du Gouvernement, est positif. Il faut en effet souligner l'important redéploiement des crédits effectué par le projet de loi de finances. On peut néanmoins s'interroger sur les suites données à la volonté exprimée par le Gouvernement de remettre à niveau les dépenses d'investissement de l'État, alors que la montée en puissance des grands programmes de la législature conduit à augmenter les dépenses d'intervention. La question est de savoir si l'on pourra compter uniquement sur la modération de la charge de la dette pour tenir les engagements en matière de croissance des dépenses de l'État, ou s'il faudra agir sur les dépenses de fonctionnement de l'État.

En ce qui concerne la conjoncture, il convient de ne pas mésestimer les facteurs de risque qui pourraient peser sur le niveau de la croissance économique.

S'agissant de la prétendue « cagnotte » de recettes fiscales pour 1999, un débat surréaliste s'est engagé. Il convient donc de faire un point précis sur les plus-values de recettes en 1999, et sur leurs conséquences sur l'année en cours et l'année à venir. Même si l'on peut s'interroger sur la pertinence de cet indicateur, il serait intéressant de connaître le montant des prélèvements obligatoires pour 1999 et la différence avec le chiffre qui a été prévu à la fin de l'année 1998.

La baisse du taux de TVA sur les travaux dans le bâtiment est une bonne mesure, large et visible, mais un doute peut subsister sur les éventuels compromis intervenus lors du dernier conseil européen et sur les conditions dans lesquelles cet accord pourra être parachevé le 8 octobre prochain. Une extension de la mesure à d'autres secteurs est-elle envisageable, par exemple au secteur de la restauration ?

En ce qui concerne les prélèvements directs, un chantier fiscal sur les prélèvements sur les ménages, dans lequel la Commission accompagne l'action du Gouvernement, a été ouvert. Deux questions sont cependant particulièrement préoccupantes : celle de la nécessité de réduire la charge des contribuables modestes dont la cotisation d'impôt se révèle trop lourde et celle de la coordination entre le système fiscal et les transferts sociaux, afin d'éviter la création de « pièges à pauvreté », décourageant la reprise d'activité.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, a reconnu que les facteurs de risque pesant sur la conjoncture demeuraient, mais qu'ils étaient moins importants qu'en 1999, en raison du retour de la croissance en Asie et de la stabilisation - certes à un niveau bas - de la situation économique russe. Le principal facteur de risque est constitué par l'évolution de l'économie américaine, la durée exceptionnellement longue de son cycle de croissance justifiant une grande prudence. La prévision de croissance pour l'économie française prend en compte un ralentissement assez sensible de la croissance aux États-Unis, soit une croissance deux fois plus faible en 2000 qu'en 1999 - prévision qui peut paraître pessimiste en cas d'atterrissage en douceur de l'économie américaine.

Le débat, apparu cet été, sur l'existence d'une éventuelle « cagnotte » est surréaliste. En effet, la comparaison entre les recettes perçues en 1999 et celles qui l'ont été en 1998 n'a aucune pertinence, puisque seule la comparaison entre les recettes effectives de 1999 et les prévisions de la loi de finances initiale est correcte. L'évolution des recettes de l'État n'est pas tenue secrète puisque des statistiques sont publiées chaque mois. Les rentrées de TVA et d'impôts sur le revenu sont globalement en phase avec les prévisions, le léger retard des premières étant compensé par la légère avance des secondes. Par contre, les recettes liées à l'impôt sur les sociétés dépassent les prévisions initiales, puisque les bénéfices des entreprises constatés en 1998 ont été plus élevés que prévu, grâce à une croissance plus soutenue. Cependant, pour établir une prévision annuelle, il ne faut pas multiplier par deux les résultats constatés à la fin du mois de juin, puisque le troisième versement d'impôt sur les sociétés, intervenant à l'automne, est ajustable, les entreprises pouvant en reporter une partie sur le solde qui sera acquitté en 2000. Compte tenu de cette incertitude, il est possible de tabler sur un excédent de recettes d'impôt sur les sociétés d'environ 12 milliards de francs. La moitié de cette somme servira à financer l'application, dès 1999, de la baisse de la TVA et des droits de mutation. Quant au solde, il ne sera en aucun cas utilisé à augmenter les dépenses et l'engagement pris par le Gouvernement, en 1999, de limiter l'augmentation de celles-ci à 1 % en volume sera tenu.

Le Ministre a indiqué s'attendre à des débats sur le niveau du taux de prélèvements obligatoires en 1999. Pourtant, son augmentation s'explique aisément par trois causes mécaniques. D'une part, la croissance du dénominateur est plus faible que prévu en raison du non respect des prévisions de croissance et de hausse des prix (on s'attend respectivement à un retard de 0,4 point et de 0,7 point). A l'inverse, l'excédent de recettes lié à l'impôt sur les sociétés vient augmenter le numérateur. Enfin, la forte croissance des salaires entraîne une augmentation des recettes de cotisations sociales, même sans modification des taux. Donc, le taux des prélèvements obligatoires ne sera pas stabilisé en 1999, mais il diminuera en 2000.

S'agissant de la baisse de la TVA, la France a obtenu le réexamen de l'annexe H alors qu'initialement la plupart des autres États membres de l'Union y était hostile, ne souhaitant pas rouvrir chez eux un débat sur cette question. Cependant, la discussion a abouti en juillet à l'élaboration d'une liste d'une dizaine d'items, chaque État membre ayant la possibilité d'en retenir deux. Elle a rebondi au début du mois lorsque le Portugal a souhaité rajouter le secteur de la restauration à cette liste, cherchant ainsi à régulariser la baisse de la TVA que ce pays avait, en fait, mise en _uvre dès 1996. Le refus initial des Allemands a été à l'origine d'un blocage qui a pu être levé ce week-end et la liste établie en juillet a été adoptée, son éventuel élargissement étant renvoyé à une prochaine réunion, programmée le 8 octobre. La mesure prévue dans le présent projet de loi de finances n'encoure donc aucun risque juridique.

Le Premier ministre a souhaité que la réflexion sur une baisse des impôts directs en 2001 fasse l'objet d'une concertation la plus large possible. Le système français présente en effet de nombreux inconvénients et comporte un grand nombre d'effets de seuil. Ces derniers peuvent avoir des conséquences lourdes, en rendant par exemple plus difficile le retour à l'emploi de personnes défavorisées qui deviennent brutalement imposables. S'agissant d'un sujet à la fois vaste, compliqué et sensible, le Gouvernement sera ouvert à toutes les suggestions avant d'arrêter ses décisions pour l'élaboration du projet de loi de finances pour 2001. Le débat sera donc ouvert au début de l'année prochaine.

M. Christian Sautter, secrétaire d'État au Budget, a indiqué que les crédits d'investissements de l'État augmenteront de 2 % en 2000, alors qu'ils avaient reculé de 20 % entre 1993 et 1997. Le Gouvernement prend en considération les futurs contrats de plan puisque, tous financements confondus, les crédits consacrés aux transports collectifs progresseront de 6 % et ceux destinés aux investissements routiers de 15 %.

S'il a admis une certaine amélioration de la situation de l'emploi, M. Philippe Auberger a cependant noté qu'il faudrait, à ce rythme, quatre années pour revenir au taux de chômage moyen de l'Union européenne et que le travail temporaire est à l'origine du tiers des emplois créés. S'agissant des 35 heures, les crédits inscrits dans le budget de 1999 étaient destinés à financer la création de 40.000 emplois supplémentaires. Ces prévisions seront-elles atteintes ? Quelles sont celles retenues pour la fixation des crédits inscrits pour 2000 ? Les premiers résultats de la diminution progressive de la part salariale de la taxe professionnelle sont-ils en phase avec les prévisions initiales, à savoir 40.000 emplois créés la première année et 100.000 sur cinq ans ?

Il a regretté que la proposition de supprimer les préretraites FNE, formulée par la mission d'évaluation et de contrôle, n'ait pas été retenue par le Gouvernement. Il s'est également demandé si l'augmentation de 3,5 milliards de francs, par le récent décret d'avance, des crédits destinés au RMI ne s'expliquait que par l'augmentation du nombre de ses bénéficiaires, ce qui représenterait 100.000 personnes de plus, et témoignerait d'un malaise social inquiétant. Enfin, l'utilité de la création d'un fonds spécial pour les allégements de charges sociales est tout à fait contestable, d'autant que les informations relatives à ses dépenses et à ses recettes ne sont guère précises. De plus, l'existence d'un tel fonds spécial ne témoigne pas d'une bonne coordination entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale, alors que la réforme de 1996 vise précisément à la cohérence des deux textes.

Rappelant que le Gouvernement avait renoncé à réformer l'impôt sur le revenu en raison du caractère injuste d'une telle réforme, M. Philippe Auberger s'est enfin interrogé sur le caractère social de la baisse de la TVA sur les travaux dans le logement, contesté, y compris dans des rapports officiels. En effet, il est évident qu'elle bénéficiera avant tout aux propriétaires. Quelles seront ses incidences sociales et son coût, estimé à 19 milliards de francs, n'est-il pas exagéré ?

Après avoir exprimé sa satisfaction sur le contenu de la loi de finances et sur les résultats économiques, sociaux et budgétaires, M. Jean-Louis Idiart a estimé que la réduction du taux de TVA sur les travaux de restauration de logements aura certainement une portée sociale réelle : elle favorisera l'emploi et la lutte contre le travail au noir et ne profitera pas seulement aux couches les plus aisées de la population, puisque ce sont surtout les personnes vivant dans des conditions de logement difficiles qui en bénéficieront. La réduction des droits de mutation semble une mesure juste, tandis que l'impact positif de l'abaissement de la TVA sur les services à domicile dépendra de la définition retenue pour ces derniers, le danger étant de pénaliser les services rendus par des collectivités territoriales ou des associations. La poursuite de la modification de l'assiette de la taxe professionnelle et la mise en place d'une fiscalité écologique sont indéniablement positives.

Pour ce qui est des dépenses, trois points doivent retenir l'attention : les transferts financiers au profit des collectivités locales, qui jouent un rôle important en matière d'investissement, les négociations relatives aux nouveaux contrats de plan et la réalisation des engagements pris en faveur des anciens combattants et des retraités agricoles.

M. Pierre Méhaignerie a insisté sur le caractère convalescent de l'économie française dont le taux de chômage demeure parmi les plus élevés d'Europe, le niveau des prélèvements obligatoires considérable et la croissance de long terme inférieure à celle de nos voisins européens. Si le projet de budget peut donc apparaître satisfaisant à court terme, de mauvaises surprises peuvent, à plus long terme, apparaître. Des omissions, dont certaines contradictions témoignent déjà, risquent rapidement de se faire jour, comme ce fut le cas en 1999.

Le projet recèle, en effet, beaucoup d'omissions, comme le fait que l'augmentation des crédits d'équipement routier sera partiellement financé par une augmentation des péages. On ne peut non plus être satisfait de l'articulation des dépenses de l'État et de celles de la sécurité sociale s'agissant du financement des 35 heures, sujet sur lequel une audition du ministre des finances devant la Commission est réclamée par l'opposition. Les ressources des collectivités locales représentent un autre sujet d'inquiétude, dans la mesure où l'État remet en cause droits de mutation et taxe professionnelle, deux de leurs recettes dont la croissance sera désormais liée au taux d'inflation. Ne serait-il pas logique, dans ce contexte, de proportionner les dépenses que l'État impose aux collectivités locales au niveau de leurs ressources ?

Enfin, les petits salaires constituent un véritable problème, en particulier dans l'industrie : il pourrait être résolu par un système de franchise sur les charges sociales que des conventions de branche pourraient permettre de répercuter sur les bas salaires.

Après s'être félicité de la clarté des priorités du Gouvernement, en particulier en matière d'éducation et de politique de la ville, qui traduisent une rupture par rapport à la politique de régression précédemment menée, M. Jean-Pierre Brard a proposé d'utiliser les marges de man_uvre budgétaires en faveur des minima sociaux, des collectivités locales, dont les finances n'ont guère bénéficié de la reprise économique, et de la modification de certains impôts directs. La fiscalité doit en effet être avant tout un levier pour l'emploi. Ainsi faudrait-il pénaliser les entreprises qui licencient tout en dégageant des bénéfices, en les assujettissant à un taux de 50 % d'impôt sur les sociétés. Les réflexions relatives à la taxation des mouvements de capitaux spéculatifs et à la taxe « Tobin » doivent être poursuivies, tandis qu'il convient d'engager une discussion sur la création d'un impôt négatif afin de ne pas décourager le retour à l'emploi. La marge budgétaire doit être utilisée en ce sens.

M. Gilbert Gantier a regretté que, dans une situation similaire à celle de 1988 où les recettes fiscales étaient plus fortes que prévues, le Gouvernement ne profite pas de l'amélioration de la conjoncture pour faire des économies et élaborer des réformes de structure. Les dépenses de l'État sont présentées comme stables mais les moyens des services augmentent, ce qui laisse supposer une réduction, mal venue, des investissements. Indépendamment des baisses ponctuelles de taux de TVA, cette dernière souffre de problèmes structurels dus au trop grand écart qui sépare taux normal et taux réduit, ce qui est particulièrement ressenti dans le secteur de la restauration, pourtant potentiellement très créateur d'emplois.

D'autre part, des risques conjoncturels demeurent : si les Etats-Unis ont atteint l'équilibre de leurs finances publiques, l'importance de leur déficit commercial ne manquera pas d'avoir des conséquences internationales. La prudence commanderait donc de réduire réellement les charges de l'État, de travailler à une diminution, et pas seulement à une stabilisation de la dette, et de réduire un déficit qui reste trop élevé et supérieur aux critères de Maastricht.

M. Gérard Saumade a jugé le projet de loi de finances intéressant, même s'il suscite quelques réserves. Le soutien à la consommation est insuffisant ainsi que les crédits en faveur de la police et de la sécurité. Il paraît par ailleurs nécessaire de se livrer à une « défense et une illustration de l'impôt ». Il est, certes, possible d'abaisser les prélèvements obligatoires mais un tel thème, démagogique ne doit pas masquer que ce serait alors au détriment de dépenses d'éducation, de sécurité ou de santé, comme on le constate, par exemple, aux États-Unis. Un discours fondé sur la baisse des impôts rencontre évidemment toujours le succès, mais nombre de nos concitoyens sont parfaitement en mesure de payer facilement leurs impôts. L'État ne doit pas augmenter les charges des collectivités locales, lesquelles doivent faire face à des problèmes de civilisation, comme l'enseignement ou l'élimination des déchets ménagers. Or, les contrats de plan traduisent une forme de désengagement de l'État, dans la mesure où ils impliquent un apport des collectivités locales aux routes nationales. S'agissant des déchets ménagers, une baisse de la TVA permettrait de respecter la loi qui prévoit l'élimination des décharges en 2002, mais il faudrait accompagner leur suppression d'une campagne auprès de nos concitoyens, pour les sensibiliser à la question du coût de telles opérations.

En réponse, M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, a insisté sur les points suivants :

- le nombre d'emplois par point de croissance supplémentaire s'établit à environ 100.000, ce qui montre un enrichissement en emplois de la croissance ;

- l'allégement des charges sociales résultant de la deuxième loi relative à la réduction du temps de travail sera retracé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, avec lequel le projet de loi de finances est en parfaite cohésion. Les sommes nécessaires à cet allégement s'élèvent de 6 à 8 milliards de francs, qui seront financés par une cotisation sociale sur les bénéfices des entreprises et par une « écotaxe ». L'effet sur les prélèvements obligatoires sera donc nul, puisque l'allégement de charges est équivalent au financement ainsi dégagé. Il n'y a donc pas de doubles comptes.

Répondant à M. Pierre Méhaignerie, le Président Augustin Bonrepaux a souligné qu'il n'avait été saisi d'aucune demande d'audition sur ce projet de loi. En revanche, il y a eu une demande de saisine pour avis de la Commission. Cependant, une réponse négative doit être faite à cette demande d'avis dans la mesure où aucun article du projet de loi ne relève à proprement parler du champ de compétence de la Commission et que le fonds de compensation, qui doit financer les allégements de charges sera prévu par la loi de financement de la sécurité sociale, dont la Commission est saisie pour avis.

M. Dominique Strauss-Kahn a poursuivi ses réponses :

- en ce qui concerne la baisse de la TVA sur les travaux, près de 10 millions de ménages bénéficieront chaque année de cette mesure. Ces ménages se retrouvent dans toutes les catégories assujetties à l'impôt sur le revenu. L'effet sur l'emploi sera indéniable. Il est en tout cas paradoxal d'affirmer à la fois que la TVA est en elle-même injuste mais que sa baisse ne profiterait, en l'espèce, qu'aux ménages les plus favorisés ;

- le produit des droits de mutation pourrait augmenter de 20 % pour les collectivités locales grâce à la diminution de leur taux, qui entraînera une augmentation corrélative du volume des transactions.

M. Pierre Méhaignerie a alors estimé que les effets positifs de la croissance économique pourraient être consacrés à des actions diminuant les charges sur les bas salaires et d'augmenter ceux-ci, alors que le projet de loi sur la réduction du temps de travail ne permettra pas d'atteindre un tel résultat.

M. Dominique Strauss-Kahn, rappelant qu'il était personnellement favorable, dans son principe, à la création d'une « taxe Tobin » a toutefois souligné les difficultés concrètes que les modalités de sa mise en place pourraient poser.

Il a ensuite fourni les réponses suivantes :

- le projet de loi de finances pour 2000 est l'un des rares, ces dernières années, qui prévoit la stabilisation de la dépense publique. En effet, le budget pour 1993 se caractérisait par leur augmentation de 2 %. Pour les années suivantes, les chiffres s'établissent à : 1994, + 3 % ; 1995, + 1 % ; 1996, + 3 % ; 1997 et 1998, 0 % ; 1999, + 1 % ;

- ce n'est pas parce que nous connaissons une période de croissance économique qu'il faut obligatoirement diminuer la dépense publique, ni qu'il est plus facile de la diminuer. Celle-ci, si elle est moins indispensable au soutien de la croissance, demeure cependant nécessaire ;

- il est certain que l'écart entre le taux de TVA de 20,6 % et le taux de 5,5 % est trop important mais il est très difficile de le réduire. Il convient d'ajouter que le taux de 20,6 % n'a pas été mis en place par l'actuel Gouvernement ;

- la croissance soutenue en l'an 2000 devrait permettre d'envisager de nouvelles baisses d'impôts.

Après avoir précisé que le taux de chômage avait baissé deux fois plus en France que chez nos partenaires, M. Christian Sautter, secrétaire d'État au budget, a fourni les réponses suivantes :

- 3 milliards de francs dans la loi de finances pour 1999 et 7 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2000 seront consacrés à la réduction du temps de travail ;

- le rapport sur la taxe professionnelle sera fourni au Parlement, comme prévu, avant le début du débat budgétaire ;

- le décret d'avances majore les dépenses de 8 milliards de francs, dont 4 milliards traduisent les opérations au Kosovo et 3 milliards de francs sont affectés au revenu minimum d'insertion du fait d'une augmentation du niveau des minima sociaux ;

- les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle ont eu des répercussions, notamment en ce qui concerne la police ;

- s'agissant des préretraites, la dépense budgétaire porte principalement sur le « stock » des préretraités, le flux annuel se réduisant depuis deux ans parallèlement à des plans sociaux et des licenciements collectifs ;

- la non-taxation des associations, qui constituent les principales structures de services à domicile, doit être préservée et la mesure d'allégement de TVA ne portera que sur les quelques entreprises qui _uvrent dans ce secteur ;

- les autorisations de programme sur crédits d'État pour les routes vont passer de 2,9 milliards de francs à 3,5 milliards de francs ;

- les autorisations de programme de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) vont croître de 8 %, ce qui permettra à l'Agence de financer un programme de 19 milliards de francs d'ici 2003 et d'apporter des réponses à la question du traitement des déchets.

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