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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 66

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 30 septembre 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mmes Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité et Dominique Gillot, secrétaire d'État à la Santé et à l'Action sociale sur le financement de la sécurité sociale

- Examen de la proposition de résolution (n° 1331) de M. Dominique Paillé tendant à la création d'une commission d'enquête portant sur les suites données aux rapports publics de la Cour des comptes (Mme Nicole Bricq, rapporteur).

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- Informations relatives à la Commission

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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, sur le financement de la sécurité sociale.

Le Président Augustin Bonrepaux a exprimé ses souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires tchadiens, avant d'indiquer que la présentation en commission du projet de loi de financement de la sécurité sociale se déroulait avant son adoption par le Conseil des ministres prévue pour le 6 octobre prochain. Dans cette perspective, il convient notamment d'interroger Mesdames les Ministres sur le lien entre la loi de finances et la loi de financement, sur les affectations de recettes fiscales ou sur le Fonds de compensation des allégements de charges liées à la réduction du temps de travail.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le déficit du régime général de sécurité sociale s'établira à 4 milliards de francs pour 1999 - à comparer avec les 5 milliards prévus en mai dernier -, soit 0,3 % des dépenses de ce régime. Il aura ainsi été ramené de 57 milliards de francs à 4 milliards de francs en trois ans, sans diminution des remboursements ni augmentation des cotisations. Le compte des administrations sociales (régimes de sécurité sociale et d'indemnisation du chômage confondus) sera en excédent de 10 milliards de francs. L'objectif est de confirmer cet excédent, afin d'alimenter le fonds de réserve des retraites et d'améliorer les remboursements des assujettis dans des domaines comme l'optique ou l'odontologie. La prévision d'excédent pour l'an 2000 est évaluée à 2 milliards de francs.

Le redressement des comptes est lié à la bonne tenue des recettes, qui tire elle-même son origine :

- du retour de la croissance économique, grâce aux mesures prises par le Gouvernement en faveur de la consommation ;

- de la diminution du chômage en raison du succès des emplois-jeunes et des politiques d'insertion ;

- enfin, du transfert de la cotisation maladie sur la cotisation sociale généralisée (CSG) ainsi que de l'élargissement des prélèvements sociaux sur le patrimoine, dont le rendement dépasse les prévisions de 2 milliards de francs.

Les dépenses de maladie ont connu une inflexion notable. Ce résultat a été atteint par des accords avec l'ensemble des professions, comme les cardiologues ou les ophtamologistes, ou par accord bilatéral avec les hôpitaux ou les cliniques, et par des politiques structurelles. Le déficit de la branche maladie du régime général a été ramené à 12 milliards de francs, alors que certaines prévisions pessimistes avançaient un chiffre de 20 milliards de francs. Le montant des dépassements de l'objectif d'assurance maladie sera de 10,6 milliards de francs en 1999, dont 8,3 milliards de francs dus aux reports de 1998. Le dépassement propre à 1999 n'est donc que de 2,3 milliards de francs. Il faut par ailleurs noter que le régime général touchera, en 2000, 1 milliard de francs provenant de l'industrie pharmaceutique au titre des dépassements, selon le dispositif mis en place en 1999.

L'inflexion des dépenses se confirme également dans le domaine des médicaments, où la croissance sera seulement de 5 % en 1999, à comparer à 8 % en 1998. La France connaît pour la première fois une augmentation de ses dépenses inférieure à celle des autres pays développés. Cette inflexion résulte d'une politique concertée avec les médecins. En conséquence, le déficit de la branche maladie devrait être contenu à 3 milliards de francs en l'an 2000, l'ensemble du régime général de la sécurité sociale pouvant, pour sa part, connaître un excédent de 2 milliards de francs.

Le Gouvernement propose au Parlement d'augmenter l'ONDAM de 2,5 %, à raison de 2 % pour les soins de ville, 2,4 % pour les hôpitaux publics , 2,2 % pour les cliniques et 4,9  % pour le secteur médico-social. Pour celui-ci, l'effort de maîtrise doit viser les domaines où la croissance des dépenses est excessive. En premier lieu, il faut établir un meilleur contrôle des budgets alloués aux établissements d'accueil des personnes âgées ou des handicapés. Le Gouvernement souhaite que les caisses d'assurance maladie, l'État ou les départements puissent s'opposer, le cas échéant, aux crédits inscrits par les établissements dans leur budget, afin qu'ils soient conformes à l'ONDAM voté par le Parlement. Cette rigueur doit permettre de développer des structures d'accueil, particulièrement pour les traumatisés crâniens et les autistes, et de développer une politique de soins à domicile et, au-delà même de la prestation spécifique dépendance (PSD), une meilleure prise en charge de la dépendance.

Le deuxième domaine sur lequel doivent porter des efforts concerne la politique du médicament. La promotion des médicaments génériques et le droit de substitution devraient permettre une économie oscillant entre 600 millions et 1 milliard de francs. Le Gouvernement a également demandé au comité économique du médicament d'harmoniser les prix des produits constitués des mêmes molécules et appartenant à la même classe. Par ailleurs, il souhaite que les prix soient adaptés en fonction du service médical rendu et, à cette fin, que soient réévaluées toutes les spécialités pharmaceutiques. La commission de la transparence a déjà examiné 1.100 spécialités pharmaceutiques. La décision finale sera prise en octobre et pourrait entraîner une économie substantielle. Cette modernisation du secteur du médicament devrait permettre de ne plus rembourser des produits à effet médical faible et d'aider les laboratoires les plus innovants.

Le troisième domaine d'action porte sur les matériels médicaux, où les dépenses augmentent en moyenne de 15 % par an. Il est actuellement difficile d'apprécier la pertinence technique des nouveaux matériels. Aussi le comité économique du médicament deviendra le comité économique des produits de santé et conduira une politique conventionnelle avec les industriels concernés.

Le Gouvernement souhaite enfin maîtriser la pertinence des dépenses d'indemnités journalières, qui croissent à un rythme d'environ 7 % par an. L'augmentation de la masse salariale a un effet mécanique sur ce type de dépenses, qui est fortement lié au contrat de travail. Ce domaine concerne au premier chef les partenaires sociaux, mais le Gouvernement, dans une première étape, proposera au Parlement de voter une disposition demandant au médecin d'apporter au service médical des caisses une justification des motifs de l'arrêt de travail.

L'hospitalisation publique a effectué de nombreux efforts de rigueur et tient désormais ses budgets grâce à un effort qu'il convient de saluer. Il importe que ce secteur s'adapte et améliore la qualité de ses prestations. Le Gouvernement entend anticiper la mise en place des schémas régionaux d'organisation de santé (SROS) de deuxième génération, qui devront permettre de recomposer le système hospitalier et de l'adapter aux besoins des populations, conformément aux priorités nationales : existence de plates-formes techniques d'excellence dans chaque région, priorité à la lutte contre la douleur ou certaines pathologies (cancérologie, cardiologie, périnatalité,...). Les SROS devront aboutir à réorganiser le système hospitalier, conformément aux réalités locales. De ce fait, les économies éventuelles résulteront d'une démarche plus rationnelle que la comparaison hâtive avec l'hospitalisation privée. Le Gouvernement souhaite à cet égard réfléchir à l'établissement d'une tarification liée à la pathologie, ce qui permettra des comparaisons plus pertinentes entre les systèmes public et privé.

L'hospitalisation privée respecte les prévisions et les objectifs de la loi de financement. En raison du caractère obsolète de cette tarification, le Gouvernement entend soumettre les cliniques privées au même type de fonctionnement que l'hôpital public : c'est pourquoi le projet de loi prévoit la mise en _uvre d'une définition nationale de l'évolution des tarifs en concertation avec les fédérations de cliniques. En contrepartie, les cliniques auront accès au fonds d'aide à la modernisation, à hauteur de 100 millions de francs.

La progression des honoraires de la médecine de ville respecte également les prévisions initiales, même s'il a fallu prendre un certain nombre de mesures correctives en ce qui concerne les spécialistes, notamment les cardiologues.

Mme Martine Aubry, a en outre indiqué que le projet de loi de financement de la sécurité sociale comportait un certain nombre de réformes structurelles. Comme le demandaient de nombreux professionnels et parlementaires et comme cela figurait dans le programme stratégique de la CNAM, les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé vont acquérir une pleine responsabilité sur la régulation de la médecine de ville. Un certain nombre d'instruments seront mis à leur disposition pour assurer le respect de l'enveloppe globale fixée par la loi de financement. Le partenariat entre les caisses et les professionnels de santé pour réguler l'évolution des honoraires sera renforcé (mécanisme incitatif en matière de prescription, possibilité de modifier la nomenclature des actes médicaux, etc). Tous les quatre mois, les caisses devront faire le point sur le respect de l'enveloppe globale, l'État n'intervenant qu'en cas de carence.

Par ailleurs, le Gouvernement prépare un projet de loi de modernisation du système de santé, qui pourrait être présenté au Parlement au printemps prochain. Les objectifs poursuivis portent sur la réduction des inégalités en matière de santé, la révision de la politique de prévention, la lutte contre les grandes causes de mortalité, la réforme de la formation initiale et continue des médecins et le renforcement des droits des malades.

Concernant la branche accidents du travail, beaucoup a été fait sur la reconnaissance des maladies professionnelles, notamment en ce qui concerne l'amiante. La cessation anticipée d'activité qui a d'abord été reconnue aux travailleurs des entreprises fabriquant l'amiante sera étendue à un certain nombre de secteurs utilisateurs de celle-ci, tels que, par exemple, les entreprises de flocage, de construction et de réparation navales. Il conviendra également de lancer une réflexion globale sur l'indemnisation des victimes de l'amiante.

En ce qui concerne l'assurance vieillesse, le Gouvernement s'en tient au calendrier et à la méthode déjà prévus. Les pistes suivies visent à conforter la retraite par répartition et à mettre en place une épargne salariale ouverte à tous. Le projet de loi de financement prévoit d'alimenter le fonds de réserve pour les retraites, déjà doté de 2 milliards de francs, en y affectant les excédents de la caisse nationale d'assurance vieillesse et, à hauteur de 4 milliards de francs, les produits de la réforme des caisses d'épargne : au début de 2001, ce fonds devrait donc, au total, atteindre au moins 15 milliards de francs. Les pensions augmenteront de 0,5  %, ce qui représente un « coup de pouce » de 0,3 point par rapport à l'évolution qui aurait été atteinte par la seule indexation sur les prix.

La branche famille, qui était déficitaire de 14 milliards de francs en 1997, sera en léger excédent en 1999 et 2000. Le projet de loi de financement lui assure une garantie de ressources pour l'avenir et prévoit de prolonger, jusqu'à 21 ans, le service de l'allocation logement et le complément familial. En outre, le Gouvernement entend mettre l'accent sur l'accueil des jeunes enfants. Par ailleurs, l'allocation de rentrée scolaire sera pérennisée à son niveau actuel, son transfert sur la branche famille devant être progressif. En réformant les cotisations employeurs, le Gouvernement réduira les charges sociales, donc le coût du travail, jusqu'à 1,8 fois le SMIC. Par rapport au mécanisme de la ristourne dégressive, la réforme engagée présente plusieurs avantages : éviter l'apparition d'une « trappe » à bas salaires et asseoir son financement sur les entreprises et non sur les ménages. Le Gouvernement souhaitant une contrepartie en terme d'emplois, la réforme des cotisations sera liée à l'existence d'un accord sur la réduction du temps de travail.

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État à la Santé et à l'Action sociale, a présenté les grandes lignes de la politique que le Gouvernement entend mettre en _uvre en matière de santé, afin de progresser dans la voie de l'intégration sociale.

La réduction des inégalités de santé et la garantie d'un accès de tous aux soins constitue à cet égard la première priorité, tant certaines disparités entre régions ou entre catégories socio-professionnelles sont encore trop importantes. La réduction des inégalités passe d'abord par l'amélioration des connaissances, grâce notamment à la création de l'Institut de veille sanitaire et d'une direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques au sein du ministère. Elle passe également par une meilleure répartition des moyens. Malgré la complexité de la démarche, des progrès sont d'ores et déjà réalisés en ce domaine. Ainsi les dotations hospitalières régionales sont différenciées à partir d'indicateurs sanitaires. En ce qui concerne l'accès à des soins de qualité, la mise en _uvre de la loi relative à la couverture maladie universelle (CMU) constituera un progrès majeur.

S'agissant des actions de prévention et de promotion de la santé, d'importants programmes ont été lancés en 1999 en ce qui concerne :

- la prévention des dépendances dangereuses pour la santé ou la sécurité publique ; un plan triennal tenant compte des nouvelles modalités de consommation a été adopté en juin dernier, afin de réorganiser le dispositif de prévention et de soins ;

- l'amélioration de la prise en charge des personnes souffrant de maladies chroniques, le diabète et l'asthme faisant l'objet, dès l'année prochaine, d'expérimentations locales et régionales ;

- la diminution du nombre de grossesses non désirées et le renforcement de la politique de contraception ; il s'agit de mieux informer pour mieux maîtriser la contraception par une campagne nationale de communication, et de prévenir les interruptions volontaires de grossesse, tout en permettant qu'elles soient pratiquées sur l'ensemble du territoire ;

- la diminution des morts dues au suicide, l'objectif restant de passer en dessous de la barre symbolique des 10.000 morts par an.

En outre, il est nécessaire que les problèmes de nutrition, insuffisamment pris en compte dans notre pays, fassent l'objet d'une réflexion au niveau communautaire.

Le Gouvernement entend renforcer la lutte contre les grandes causes de mortalité. En ce qui concerne le cancer, les examens de dépistage bénéficient désormais d'une prise en charge à 100  % et les programmes de dépistage du cancer du sein et du col de l'utérus se mettent en place progressivement. La qualité de l'organisation des soins en cancérologie sera renforcée sur la base de la pluridisciplinarité, de la coordination et de la continuité des soins. En ce qui concerne les maladies transmissibles, les actions de lutte contre le Sida seront renforcées, en particulier par la mise à disposition précoce de nouveaux médicaments et de nouveaux tests pour les personnes malades en échec thérapeutique. Des programmes de prévention seront développés en particulier en direction des plus vulnérables. A partir de l'année prochaine le dépistage des maladies sexuellement transmissibles et des hépatites B et C sera entièrement pris en charge par l'assurance maladie.

Un ambitieux programme national de lutte contre l'hépatite C a été mis en place cette année. On peut estimer à environ 600.000 le nombre de personnes qui sont touchées, la moitié de celles-ci ignorant d'ailleurs qu'elles sont infectées. Ce programme, d'une durée de quatre ans, vise à obtenir que, d'ici 2002, plus de 75  % des personnes touchées par la maladie connaissent leur état sérologique ce qui permettra de réduire les risques actuels de nouvelles contaminations et d'améliorer les connaissances sur le virus et la maladie. En 2000, 15 millions de francs supplémentaires seront consacrés à ce programme national.

En matière de sécurité sanitaire, le dispositif instauré par la loi du 1er juillet 1998 est désormais opérationnel et des moyens importants, à hauteur de 495 millions de francs en 2000, soit 156 millions de francs supplémentaires, lui sont consacrés. La réorganisation de la transfusion sanguine est en cours, le nouvel Établissement français du sang succédera à l'agence française du sang le 1er janvier prochain. Par ailleurs, une agence santé-environnement sera créée afin de mieux expertiser et évaluer l'impact potentiel, sur la santé, des perturbations de l'environnement.

Enfin, le Gouvernement entend répondre aux besoins importants et évolutifs des personnes âgées dépendantes, des personnes handicapées et des familles : c'est pourquoi l'objectif de croissance des dépenses médico-sociales a été fixé à 4,9  % dans le cadre de l'ONDAM.

En ce qui concerne la dépendance, le Gouvernement entend améliorer le fonctionnement du secteur de l'aide à domicile. Le rapport de Mme Paulette Guinchard-Kunsler à ce sujet doit prochainement être remis au Premier ministre. L'entrée en vigueur de la tarification des établissements pour personnes âgées doit également être réalisée.

La politique conduite en faveur des 3 millions de personnes handicapées vise au développement des services ambulatoires et à l'amélioration de la prise en charge des plus gravement handicapées d'entre elles, notamment par la poursuite du plan pluri-annuel de créations de places d'accueil et par le renforcement des prises en charge spécifiques pour les autistes, les traumatisés crâniens et les handicaps dits « rares ».

La réforme des dispositions relatives aux modes d'accueil collectif de la petite enfance interviendra prochainement. Parallèlement, le délégué interministériel à la famille a été chargé de proposer des mesures de simplification et d'harmonisation des différentes aides relatives à l'accueil du jeune enfant.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis, a observé que la densité des lois de financement de la sécurité sociale successives ne diminuait pas, ce qui démontrait la volonté de réforme du Gouvernement. Il s'est félicité que, compte tenu des éléments connus du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, ce projet n'accroisse pas les prélèvements obligatoires nets, puisque la création de la contribution sociale sur les bénéfices des entreprises et l'extension de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) compensent les nouveaux allégements de charges sociales. Les mesures de simplification telles que les conventions destinées à garantir la neutralité en trésorerie des flux État-sécurité sociale et la simplification du mécanisme de la répartition de la contribution sociale généralisée (CSG) maladie entre les caisses concernées, sont également positives. Certains points méritent toutefois d'être clarifiés. Le premier est d'ordre juridique et concerne les modalités d'affectation de la TGAP à la sécurité sociale dans la loi de financement, qui contrarient les dispositions de l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Si le déficit du régime général de la sécurité sociale dû à l'assurance maladie ne conduit pas à une reprise de la dette, y aura-t-il une majoration du plafond des avances consenties ou une modification des règles d'attribution de la CSG ? Une clarification de la contribution de l'industrie pharmaceutique paraît nécessaire après la suppression de la participation prévue par le « plan Juppé » à la suite de sa condamnation par la Cour de justice des Communautés européennes pour non-respect des règles de concurrence et de sa censure par le Conseil constitutionnel à l'occasion de l'examen par ce dernier de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Sur la médecine de ville, le financement du mécanisme d'incitation à la cessation d'activité des médecins (MICA), dont le coût s'élève à environ 800 millions de francs, paraît assuré jusqu'en 2004, mais il conviendrait que la commission des Finances soit informée sur l'évolution future de la contribution des médecins. Enfin, si la CSG a été jugée par le Conseil constitutionnel comme relevant de la catégorie des « impositions de toutes natures », la Cour de justice des Communautés européennes pourrait opter pour une qualification de « contribution sociale ». Il serait souhaitable que le Gouvernement fasse connaître ses intentions, en cas de condamnation de la France, notamment en ce qui concerne la perception de la contribution auprès des travailleurs frontaliers.

En réponse, Mme Martine Aubry a apporté les précisions suivantes :

- le fonds de financement des allégements de charges a pour objet de compenser les exonérations de cotisations sociales et la réforme des charges vise essentiellement à réduire le coût du travail pour les salaires inférieurs à 1,8 fois le SMIC. Son montant probable sera, à terme, de 105 à 110 milliards de francs, chiffre qui inclut la ristourne dégressive précédemment instituée qui représente 40 milliards de francs. La réforme n'a pas seulement pour objet d'accompagner la réduction du temps de travail, puisqu'elle prévoit une contrepartie en termes d'emplois.

- le financement par l'État de l'élargissement des allégements de charges, soit 7,5 milliards de francs, devrait être assuré par la contribution sociale sur les bénéfices à hauteur de 4,3 milliards de francs et la TGAP à hauteur de 3,2 milliards de francs.

- la part de l'UNEDIC est provisionnée à hauteur de 5 à 6 milliards de francs. C'est la seule incertitude actuelle du financement des 35 heures. En effet, des négociations sont en cours avec l'UNEDIC. L'État continue à respecter ses engagements vis-à-vis de celle-ci, qui représentent 35 milliards de francs, mais trois dossiers doivent être discutés : les emplois-jeunes, les cotisations de retraite des chômeurs et le doublement de la « taxe Delalande ».

S'agissant de la TGAP, le Conseil d'État et le Secrétariat général du Gouvernement ont estimé que l'article 18 de l'ordonnance de 1958 n'interdisait pas une affectation par la seule loi de financement de la sécurité sociale, ce dispositif ne prohibant que les affectations à l'intérieur du budget. Toutefois, rien n'interdit qu'un dispositif d'affectation figure dans la loi de finances. La taxe, qui finance actuellement le budget de l'État et qui rapporte 2 milliards de francs, devrait produire, après l'extension de son assiette applicable aux extractions de graviers, aux lessives, aux produits phytosanitaires et aux installations classées, 3,2 milliards de francs en 2000.

La contribution sociale sur les bénéfices sera instituée pour les sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs et qui payent plus de 5 millions de francs au titre de l'impôt sur les sociétés. Elle devrait rapporter, pour sa part, 4,3 milliards de francs en 2000 et, à terme, 12,5 milliards de francs.

L'affectation d'une part de la CSG à l'assurance maladie, dont le régime devrait être modifié par l'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne devrait pas affecter les recettes de la Caisse nationale d'assurance maladie pour 2000.

La contribution de l'industrie pharmaceutique a été jugée non compatible avec le droit communautaire par la Cour de justice des communautés le 8 juillet 1999, l'affaire étant en délibéré devant le Conseil d'État. S'il faut la supprimer, ce qui est probable, cela entraînera une perte de 1,2 milliard de francs de recettes et il serait paradoxal que les laboratoires pharmaceutiques n'aient ainsi pas participé à l'effort de stabilisation des comptes. Afin de remédier à cette situation, une contribution exceptionnelle à leur charge, destinée au financement de la Caisse nationale d'assurance maladie, devrait être perçue le 1er septembre 2000 pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 100 millions de francs. Les entreprises nouvellement créées en seront exonérées. La clause de sauvegarde applicable à l'industrie pharmaceutique, votée l'année dernière dans la loi de financement, devrait rapporter 600 millions de francs.

Les négociations pour la modification du MICA n'ont malheureusement pas abouti. On peut envisager un mécanisme variable en fonction des régions et des spécialités.

On ne peut qu'être sensible à la question de la nature juridique de la CSG et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Le risque existe de voir, en effet, la qualification d'imposition remise en cause. Le Gouvernement en tirerait alors toutes les conséquences. Toutefois, le versement de la CSG n'est plus requis des frontaliers depuis 1994 et, s'agissant de la CRDS, le Gouvernement a donné des instructions de sorte que des personnes en difficultés obtiennent des mesures aménagées.

M. Philippe Auberger a regretté le découpage de réformes connexes en trois textes législatifs distincts : loi sur les 35 heures, loi de financement de la sécurité sociale et loi de finances. Cette situation doit être prise en compte s'agissant de la réflexion sur l'ordonnance du 2 janvier 1959. Il a estimé que la création d'un établissement public administratif, structure lourde, destinée au financement de l'allégement de charges était tout aussi contestable que l'affectation de recettes fiscales, en l'occurrence l'impôt sur les tabacs qui est un impôt sur les ménages, à des dépenses qui n'ont aucun rapport avec elles. Il a ensuite posé des questions sur :

- les modalités de calcul des 7 milliards de francs prévus dans le budget général pour le financement des allégements de charges liés au passage aux 35 heures et le nombre d'emplois créés grâce à l'aide spécifique ;

- la taxation des heures supplémentaires ;

- l'évolution de la TGAP créée l'année dernière et déjà modifiée cette année et le détail permettant d'aboutir à une recette supplémentaire d'1,2 milliard de francs ;

- les comptes de l'UNEDIC, le Gouvernement annonçant un excédent de 2 milliards de francs alors que l'UNEDIC annonce un déficit de 2 milliards de francs en 1999 ;

- le coût de l'allégement des charges pour les salariés dont le salaire est inférieur à 1,8 fois le SMIC, un coût de 85 milliards de francs ayant été avancé ;

- la création du fonds pour le financement de la CMU, qui a été annoncée mais ne paraît toujours pas créé, et le niveau et la nature des recettes destinées à financer la CMU ;

- l'évolution récente des dépenses de RMI, le décret d'avance ayant prévu un crédit de 3,5 milliards de francs.

Mme Martine Aubry a indiqué que cette dernière prestation ne relevait pas de la loi de financement de la sécurité sociale et qu'Elle était naturellement à la disposition de la commission pour présenter le budget de son ministère.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, a, tout d'abord, souhaité connaître l'état des réflexions du Gouvernement sur les possibilités de dispenser certaines catégories sociales du paiement de la CSG, notamment celles qui y ont été assujetties sans bénéficier en contrepartie de la réduction des cotisations d'assurance maladie. Il a ensuite posé des questions sur :

- l'état des négociations avec les partenaires sociaux sur l'abondement du Fonds de réserve pour les retraites ;

- l'avancement du contentieux relatif à certains refus de validation en vue du calcul de la retraite complémentaire opposéS à certains salariés en préretraite ;

- la renégociation du mécanisme de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE).

Rappelant qu'en sa qualité de rapporteur de la commission sur le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale il avait, avec ses collègues de l'actuelle opposition, engagé le processus d'individualisation du financement de chaque branche, et qu'il avait toujours voulu différencier loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale, M. Jean-Pierre Delalande a souligné que la matière devenait de plus en plus compliquée et de moins en moins lisible, notamment s'agissant de la répartition des compétences entre ces textes. L'ACOSS reconnaît elle-même qu'elle ne peut, compte tenu du caractère de plus en plus complexe des feuilles de paye, fournir des chiffres bien arrêtés et qu'en conséquence, les erreurs ont tendance à se multiplier et la discussion ne peut avoir lieu que sur la base de chiffres approximatifs. Cette situation pourrait perdurer jusqu'en 2003. Il est donc nécessaire d'engager une action tendant à une véritable simplification des feuilles de paye. Le second problème touchant l'ACOSS concerne les conditions de financement de l'allocation de rentrée scolaire, qui est aujourd'hui avancé par cet organisme au prix d'un découvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations qui s'est, ces dernières années, accru de 11 milliards à 29 milliards de francs ; il faut que cette situation, qui n'est pas neutre en termes de trésorerie, soit clarifiée.

Une deuxième série de problèmes concerne l'articulation entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. D'une part, alors que le Conseil d'État a récemment affirmé que le rapport annexé à la loi de financement n'a pas valeur législative, il faudrait donc que l'on s'oriente vers des appréciations fondées, non sur les objectifs contenus dans l'annexe, mais sur les dépenses constatées. Ces chiffres seront-ils intégrés dans les annexes ? La discussion sur des chiffres non arrêtés et susceptibles d'importantes modifications dans le courant de l'année devient virtuelle. D'autre part, il faut regretter que l'ensemble du mécanisme de financement de la réduction du temps de travail ne soit pas clairement expliqué, dès lors qu'il est réparti entre de multiples sources : le budget de l'État, la loi de financement de la sécurité sociale à hauteur de 1,5 milliard de francs - alors même que les conseils d'administration des cinq branches s'y sont opposés - et, potentiellement, les fonds de l'UNEDIC. Ce manque de lisibilité semble témoigner d'un certain essoufflement de la logique de la réduction du temps de travail, qui ne paraît pas avoir les effets escomptés, bien que son coût pour l'Etat, la sécurité sociale et l'économie s'avère colossal.

Enfin, il est annoncé que 15 milliards de francs viendront alimenter le Fonds de réserve pour les retraites, alors même que les 2 premiers milliards de francs prévus n'y sont pas encore, dans les faits, affectés. De fait, les décisions sont donc repoussées, alors que contrairement aux affirmations du Premier ministre, le problème est immédiat, compte tenu de l'inertie à long terme qui s'attache au financement des retraites.

Il faut saluer les efforts qui sont faits pour organiser les relations entre les hôpitaux et les services sociaux. Mais comment améliorer la prise en charge des personnes âgées hospitalisées à la sortie de leur séjour en établissement de soin ? En effet, un grand nombre d'entre elles retournent chez elles aujourd'hui sans conditions d'accueil satisfaisantes.

Mme Nicole Bricq, soulignant également les difficultés d'articulation entre les deux textes, a voulu attirer l'attention sur les problèmes de fonctionnement des caisses d'allocations familiales (CAF), se traduisant par des listes d'attente très importantes, qui ne seront résorbées qu'à la fin de l'année. Si les difficultés peuvent être imputées à la mise en place d'un nouveau système informatique, il existe également un véritable problème structurel, lié au fait que les CAF sont devenues des acteurs de référence dans le domaine de la précarité et qu'elles ont du mal à s'adapter. Le fait d'ouvrir les négociations sur les 35 heures dans les organismes qui gèrent des fonds très importants ne permettrait-il pas de trouver les adaptations nécessaires au fonctionnement d'un service qui est devenu plus complexe, dans des régions où la mobilité est particulièrement importante, comme en Île-de-France ?

M. Pierre Méhaignerie s'est rallié à l'expression du malaise lié à l'opacité des liens entre financement de la sécurité sociale et budget de l'État. Si le parti est pris d'examiner l'évolution du budget à structure constante, il faut constater que les recettes augmentent de 4 %, soit une progression plus rapide que la richesse nationale, tandis que les dépenses progressent de 75 milliards de francs et non de 15 milliards de francs, comme il a été annoncé. Le Gouvernement a reporté certaines dépenses d'un budget à l'autre, pour afficher un accroissement des dépenses budgétaires de 0,9 % qui ne correspond donc pas à la réalité.

Dans l'application obligatoire de la réduction du temps de travail, alors que des mécanismes optionnels auraient été préférables dans les régions où le taux de chômage s'établit à 5-6 %, si aucune mesure de mutualisation à 130 heures par mois n'intervient, seront créés de véritables goulots d'étranglement et les entreprises auront de grandes difficultés à trouver la main-d'_uvre nécessaire. Enfin, ne peut-on pas envisager, qu'après deux refus de prendre un travail, le bénéficiaire de prestations sociales perde le bénéfice de ces prestations ?

M. Gilles Carrez a souhaité soulever de nouveau les principes d'articulation entre le budget de l'État et le financement de la sécurité sociale. L'essentiel du financement de la réduction du temps de travail à 35 heures est traité par des prélèvements sur recettes, ce qui permet optiquement au Gouvernement de présenter une dépense maîtrisée à moins de 1 % et de faire croire que les prélèvements obligatoires sont stabilisés, alors qu'ils ne le sont pas, dès lors qu'on prend en compte un certain nombre de taxes affectées au financement de la sécurité sociale, telles que la TGAP ou bien la contribution sociale sur les bénéfices des entreprises. C'est pourquoi, il serait utile que le Rapporteur général fasse, dans son rapport écrit, un tableau de correspondance qui mette en évidence les dépenses et les recettes du budget de l'État qui vont être affectées aux financement de la sécurité sociale, afin de mieux mettre en lumière l'impasse du financement des 35 heures et de l'allégement du coût du travail. En effet, le solde, évalué entre 13 et 14 milliards francs attendus de l'UNEDIC, est loin d'être acquis. Il faudrait donc que soit opérée une remise en cohérence globale et une présentation consolidée des comptes.

Se réjouissant de l'hommage rendu par la ministre aux hôpitaux publics, notamment sur la rigueur de leur gestion, M. Yves Tavernier a souligné que, si le taux de croissance globale de 2,4 % des dépenses hospitalières pour 2000 était satisfaisant, il convenait de s'assurer que la péréquation régionale d'une part, et la péréquation à l'intérieur même d'une région d'autre part, ne se fassent pas au détriment de certains établissements, à l'exemple des hôpitaux de la « Grande Couronne » qui ont subi l'an passé une ponction de 1,5 million de francs, entraînant un développement du secteur privé, qui tend à avoir un monopole de fait dans les domaines jugés rentables, tels que la cardiologie. De la même manière, il convient d'être attentif à l'attribution de moyens financiers suffisants pour la mise en _uvre des SROS de deuxième génération.

S'agissant de la TGAP, l'objectif de cette taxe est dissuasif et à terme, si ses dispositions ont un effet, la taxe doit disparaître. En conséquence, elle ne peut devenir la variable d'équilibre de la sécurité sociale. Dès lors que la taxation sur les nitrates est renvoyée à la future loi sur l'eau, comment parviendra-t-on à obtenir un montant prévu de recettes en 2000 de 3,2 milliards de francs ?

M. Louis Mexandeau s'est inquiété de certains dysfonctionnements constatés dans les caisses d'assurance maladie, se traduisant notamment par l'arrêt injustifié de prestations et l'impossibilité de trouver un interlocuteur, même et surtout au téléphone. Si la responsabilité de ces problèmes est difficiles à déterminer, ils n'en sont pas moins intolérables.

M. Gérard Bapt a demandé où en était l'élaboration de la réforme du décret de 1956 liant l'effectif des personnels soignants non plus au nombre de malades, mais au nombre de lits.

Le Président Augustin Bonrepaux a interrogé la Ministre sur ses intentions concernant le plafond d'avances de trésorerie dont peut bénéficier la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) : la reconduction de ce plafond à 2,5 milliards de francs lui semble paradoxale, compte tenu de la situation démographique et des perspectives de ce régime.

Il a ensuite souligné les problèmes d'interprétation posés par la notion d'absence d'abus dans la prise en charge des cures thermales. Tout en se félicitant du maintien du principe du remboursement, on peut s'interroger sur les conséquences de la procédure d'entente préalable. Les caisses primaires ne risquent-elles pas de donner une définition restrictive, alors que le Gouvernement n'a pas arrêté sa position sur la suppression définitive de la demande d'entente préalable ?

Enfin, complétant la question posée par le Rapporteur général, il a suggéré la mise en place d'un abattement à la base de la CSG pour les catégories les moins favorisées.

En réponse, Mme Martine Aubry a apporté les précisions suivantes :

- la réforme des cotisations patronales est délicate, même si le point central en est clairement déterminé et concerne l'assiette, essentiellement salariale, de ces cotisations. Les reproches de M. Philippe Auberger relatifs à l'utilisation, estimée excessive, des chiffres prévisionnels sont parfaitement immérités, tant il est vrai que les prévisions sont toujours incertaines mais que, dans la mesure où on ne peut s'en passer, il faut en accepter les éventuelles erreurs, sans qu'il soit possible pour autant de parler d'incapacité ou d'opacité de la part du Gouvernement.

- la baisse des charges doit comprendre la compensation d'une partie du coût de la réduction du temps de travail et traduira une volonté de réforme plus profonde. Il faut donc rechercher des modes de financement permettant une diminution des charges sur les bas salaires et la réduction de la part financée sur les salaires, la CSG ayant réalisé un premier pas dans cette direction. Dans cette perspective, le Gouvernement a décidé que le financement reposerait sur deux nouvelles impositions portant, l'une sur les entreprises polluantes, l'autre sur celles réalisant de gros profits.

- à l'issue du processus de réduction du temps de travail, la baisse des charges devrait coûter environ 105 milliards de francs : 40 milliards de francs proviennent déjà de la ristourne dégressive, 40 milliards auront pour origine le « recyclage » des fonds perçus en plus, ou dépensés en moins, par les divers organismes sociaux du fait de la reprise de la croissance, les 25 milliards restant seront couverts par les prélèvements sur les entreprises, notamment les nouvelles taxes sur les activités polluantes et sur les profits, taxes qui ne constituent nullement un prélèvement complémentaire touchant l'ensemble des entreprises mais qui vont au contraire permettre une redistribution entre les entreprises. Il n'y a donc pas globalement de prélèvement complémentaire ;

- pour 2000, le coût de la réduction des charges est évalué à 65 milliards de francs, 40 milliards étant d'ores et déjà couverts par la ristourne dégressive. Le financement de 25 milliards complémentaires sera assuré à hauteur de 7,5 milliards de francs environ par le produit des nouvelles impositions dont la montée en puissance devrait se réaliser par tiers, et pour 17,5 milliards de francs par le « recyclage » d'autres recettes : 4,3 milliards de francs proviendront des rentrées fiscales supplémentaires par rapport aux prévisions, 5,6 milliards de francs seront financés grâce aux recettes supérieures enregistrées par la sécurité sociale, et figurent donc en loi de financement de la sécurité sociale ; quant aux 5 à 6 milliards de francs restants, ils devraient être versés par l'UNEDIC. La négociation est actuellement en cours sur ce dernier point. C'est parce que l'accord n'a pas encore été trouvé que le détail de ce financement ne figure pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais une solution sera trouvée d'ici l'examen du projet en première lecture devant l'Assemblée nationale ;

- la création d'un établissement public administratif destiné à percevoir les nouvelles recettes fiscales ne répond qu'au souci de respecter les règles des finances publiques ;

- le coût de la réduction du temps de travail est inscrit dans le budget du ministère de l'Emploi, à hauteur de 7 milliards de francs, conformément à des prévisions confirmées par les faits en 1999. Fin 2000, 4 millions de personnes devraient bénéficier de la réduction du temps de travail, alors qu'elles ne seront que 700.000 à la fin de 1999 ;

- l'affectation au financement de la sécurité sociale des droits prélevés sur le tabac n'est pas une nouveauté, mais elle était auparavant limitée à 9 % environ de leur produit. Si l'affectation de la quasi totalité de ces droits ne répond à aucune logique stricte, on peut en dire autant de leur affectation au budget général. Ce dispositif répond à une volonté de clarification ;

- le financement de la CMU ne pose aucune difficulté puisqu'il est assuré par un fonds créé par la loi, alimenté en partie par le budget de l'État, à hauteur de 7 milliards de francs figurant dans le budget du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, et en partie par une taxation portant sur les organismes complémentaires ;

- l'idée de la mise en place d'un abattement à la base sur la CSG n'est pas exclue : elle fait partie des possibilités offertes au Gouvernement par l'apparition de nouvelles marges de man_uvre budgétaires. Une baisse des prélèvements directs peut être envisagée, et pourrait concerner la CSG. Cette dernière présente néanmoins l'avantage de l'universalité, qu'il convient de ne pas écorner en multipliant les exceptions. De plus, rien ne saurait être entrepris dans cette matière sans des travaux techniques préalables, l'application d'un tel abattement étant délicate lorsque le ménage assujetti possède plusieurs sources de revenus ;

- le Fonds de réserve pour les retraites créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 bénéficiera du versement de 2 milliards de francs, dès la parution du décret fixant les modalités de placement des sommes mises à sa disposition, et devrait, au 1er janvier 2001, disposer de 15 milliards de francs ;

- les conseils d'administration de l'ARRCO et de l'AGIRC se sont opposés à la signature de l'accord récemment négocié afin de fixer la participation de l'État au financement de la part des retraites correspondant aux périodes de pré-retraite ou de chômage en régime de solidarité. Ces régimes ont en effet présenté une demande complémentaire qui devrait faire l'objet d'une décision rapide ;

- la présentation des comptes de la sécurité sociale qui, au demeurant, a toujours établi des soldes par branche, doit être améliorée dans le sens d'une simplification, d'une meilleure consolidation entre les branches et d'une accélération de la production des comptes de l'ACOSS ;

- l'allocation de rentrée scolaire a été réformée avec l'accord des associations familiales et selon une décision arrêtée en conférence de la famille. Son financement sera progressivement transféré vers la branche famille. Une ligne de partage claire sera cependant maintenue entre le budget de la sécurité sociale et celui de l'État, ce dernier prenant à sa charge certaines dépenses comme le Fonds d'aide sociale aux travailleurs immigrés et à leurs familles (FASTIF), dont on voit mal pourquoi il était supporté par la branche famille ;

- les difficultés actuellement rencontrées par les caisses d'allocations familiales et les caisses primaires d'assurance maladie sont liées à l'implantation des nouveaux systèmes informatiques et à la complexité des prestations familiales. Les perturbations induites dans la gestion des dossiers devraient être résolues dans un délai d'un mois ;

- les chiffres présentés par M. Pierre Méhaignerie ne sont sans doute pas, en eux-mêmes, inexacts mais aboutissent à une présentation erronée, dans la mesure où ils comptabilisent les exonérations de charges sociales dans les dépenses. Contrairement à une idée répandue, la mise en place des 35 heures n'entraîne pas de grandes difficultés pour les petites entreprises qui ont compris que le gain de la réforme sera supérieur à son coût. Prenant l'exemple de l'accord récemment signé avec l'Union professionnelle artisanale, la Ministre a estimé que le passage aux 35 heures constitue une opportunité de renforcer l'attractivité de certaines entreprises grâce à une modification de leurs conditions de travail. Les horaires actuellement pratiqués par certaines professions se révèlent en effet particulièrement dissuasifs notamment pour les jeunes. A l'exception, d'une partie du secteur du bâtiment, les autres branches accueillent bien ces perspectives ;

- à structure constante, c'est-à-dire y compris la ristourne dégressive, le budget du ministère passera de 162 milliards de francs en 1999 à 161,5 milliards de francs en 2000. En revanche, hors ristourne dégressive, il augmente de 2,3 % passant de 119,3 à 122,4 milliards de francs, les priorités du Gouvernement en matière d'emploi étant financées par redéploiements ;

- s'agissant des inégalités hospitalières entre régions, les critères ont été modifiés en 1999 et un nouvel indicateur de mortalité a été institué afin de rétablir une meilleure répartition sur l'ensemble du territoire. En outre, un effort est prévu pour réduire les inégalités constatées au sein d'une même région, voire d'un même département, notamment en Île-de-France.

- la réforme de la TGAP pose des problèmes de fiscalité qui sont de la compétence du secrétaire d'État au Budget et non de la compétence du ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

Monsieur Philippe Auberger s'est alors étonné de la différence faite entre la TGAP et les droits sur les tabacs au regard des principes d'affectation.

La Ministre a poursuivi ses réponses :

- le déficit de la CNRACL devrait passer de 1,6 milliard de francs en 1999 à 3,7 milliards de francs en 2000. Le rétablissement de ses comptes s'effectuera sous la responsabilité du ministre de l'Intérieur, par réduction de la surcompensation ;

- l'excédent des administrations de sécurité sociale devrait atteindre, en 1999, 1 milliard de francs. Pour sa part, bien qu'elle présente des comptes déficitaires, l'UNEDIC dispose de réserves et de provisions très importantes ;

- s'agissant du thermalisme, la suspension de la procédure d'entente préalable sera prolongée d'un an afin d'attendre les conclusions de l'étude demandée sur les effets de cette mesure. Si des effets pervers étaient constatés, le Gouvernement envisagerait naturellement les adaptations nécessaires.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la Santé et à l'action sociale, a ensuite précisé que la réforme du décret de 1956 est suspendue à l'aboutissement des négociations en cours. Par ailleurs, le Gouvernement souhaite améliorer les conditions de vie des personnes âgées, non seulement pour faciliter la phase suivant la sortie des hôpitaux mais aussi pour éviter les hospitalisations pour raisons sociales. Cet effort doit être généralisé à toutes les formes de dépendance, et notamment aux personnes handicapées.

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Puis la Commission a procédé à l'examen, sur le rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteur, de la proposition de résolution de M. Dominique Paillé, tendant à la création d'une commission d'enquête portant sur les suites données aux rapports publics de la Cour des comptes.

Mme Nicole Bricq, rapporteur, a d'abord expliqué que, selon les règles en vigueur, cette proposition de résolution était juridiquement recevable et qu'il restait donc à en examiner l'opportunité. Deux arguments principaux permettent de proposer le rejet de son adoption. D'abord, les derniers rapports publics de la Cour des comptes ont connu des suites substantielles, et trois exemples illustrent cette affirmation. Les aides à l'emploi, après le rapport public de la Cour des comptes de 1995, ont fait l'objet d'une commission d'enquête créée par l'Assemblée nationale, puis d'un rapport d'information parlementaire et, enfin, d'un rapport présenté devant l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques. La Cour des comptes ayant dénoncé, dans son rapport public de 1997, les modalités de la politique d'aide en faveur du cinéma, une modification de la réglementation intervenue en 1998 a refondu le système du soutien financier de l'État à l'industrie cinématographique. Enfin, la gestion financière de l'AFPA, sévèrement critiquée par la Cour des comptes, a été par la suite substantiellement améliorée.

Le deuxième argument est le succès rencontré par la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) mise en place le 3 février 1999. D'abord, les membres de la MEC ont bénéficié du concours et de l'assistance technique de la Cour des comptes. Ensuite, de nombreuses recommandations d'actions présentées par les rapporteurs de la MEC visent à accroître le rôle de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, par exemple en ce qui concerne le contrôle des politiques de formation menées par les régions. Afin de jouer pleinement son rôle, la MEC devra cependant accroître la coordination avec les travaux de la Cour des comptes et consacrer quelques auditions aux suites données à ses précédentes conclusions.

En conclusion, la création d'une telle commission d'enquête, visant en quelque sorte à « contrôler le contrôle », apparaît inutile et inadaptée aux modalités de fonctionnement de la Cour des comptes.

La Commission a ensuite, sur la proposition du Rapporteur et du Président Augustin Bonrepaux, rejeté la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête portant sur les suites données aux rapports publics de la Cour des comptes.

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Informations relatives à la Commission

La Commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a désigné M. Yves Tavernier comme candidat titulaire pour siéger au Comité de gestion du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien.

Puis, elle a nommé M. Yves Tavernier rapporteur sur la proposition de résolution (n° 1456 rectifié) de M. Philippe de Villiers tendant à créer une commission d'enquête sur la gestion, les activités et le fonctionnement de l'entreprise Elf-Aquitaine.

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