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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 67

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 30 septembre 1999
(Séance de 17 heures 00)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Christian Sautter, secrétaire d'État au Budget, sur le projet de loi de finances pour 2000.


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La commission a procédé à l'audition de M. Christian Sautter, secrétaire d'État au Budget, sur le projet de loi de finances pour 2000.

Le Président Augustin Bonrepaux a d'abord évoqué l'article 29 du projet de loi de finances pour 2000. Cette disposition, qui affecte à la sécurité sociale les droits de consommation sur les tabacs, n'aura pas d'incidences immédiates sur la possibilité, à laquelle recourent traditionnellement les députés, de gager des amendements ayant pour effet de réduire les ressources publiques par une augmentation de ces droits. En effet, jusqu'à l'adoption définitive du projet de loi de finances, c'est le droit en vigueur qui continuera à s'appliquer ; ensuite, si l'article 29 est adopté en l'état, la situation demeurera inchangée, dans la mesure où les produits résultant d'une augmentation des droits sur les tabacs continueront à bénéficier au budget général, l'affectation prévue par le dispositif étant faite « dans la limite » de sommes qui correspondent à peu près à celles du produit actuel de ces droits.

Rappelant que le Ministre revenait devant la commission, notamment pour présenter les ressources affectées à la loi de financement de la sécurité sociale, le Président Augustin Bonrepaux a observé qu'à la différence du transfert des droits sur les tabacs, celui de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ne figurait pas dans le projet de loi de finances. Il s'est interrogé sur l'identité du ministre appelé à soutenir la discussion des articles fiscaux du projet de loi de financement de la sécurité sociale et a souhaité obtenir un chiffrage précis de l'extension de la TGAP.

Estimant que les modifications structurelles proposées tant pour le budget de l'État que pour les comptes sociaux avait éveillé un certain trouble au sein de la commission, M. Didier Migaud, Rapporteur général, s'est félicité de ce que les documents remis avec le projet de loi de finances permettent de raisonner à structures constantes. En l'absence, à ce stade, du rapport économique, social et financier, il est impossible d'établir la même cohérence pour les comptes sociaux et il serait donc souhaitable que le Gouvernement puisse fournir des indications, en termes consolidés, sur la dépense publique globale, les prélèvements obligatoires ainsi que les charges nettes pesant sur les ménages et sur les entreprises.

La mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des Finances a réfléchi sur la mise en place d'une comptabilité patrimoniale de l'État, tandis que le récent rapport de M. Jean-Jacques François, présenté, à tort, comme confidentiel, illustre la volonté du Gouvernement d'en savoir davantage sur la situation financière et la gestion de nos administrations. De quelle manière le Gouvernement entend-il donner un prolongement concret à ces réflexions ? Par ailleurs, la situation financière de la CNRACL se dégradant, quelles sont les orientations et les solutions envisagées par le Gouvernement pour y remédier ? Enfin, quels seront précisément les moyens affectés au fonds de réserve des retraites l'année prochaine ?

M. Christian Sautter, secrétaire d'État au Budget, a d'abord rappelé que 43,5 milliards de francs de droits sur les tabacs, dont le produit total est estimé pour 2000 à 46,2 milliards de francs, allaient être transférés à la sécurité sociale, afin de compenser, principalement, le transfert de la ristourne dégressive au fonds de compensation créé en loi de financement, mais aussi les mesures relatives à la couverture maladie universelle (CMU) et au fonds amiante. Dès l'adoption définitive de la loi de financement, la TGAP, ressource du fonds de compensation, sera affectée et ne fera plus partie, de ce fait, du périmètre des finances de l'État. Une disposition en loi de finances ne paraît pas nécessaire. Cette analyse est partagée par le secrétariat général du Gouvernement, et par le Conseil d'État qui a examiné le projet de loi de finances, mais si la représentation nationale ne se déclarait pas convaincue, le Gouvernement pourrait déposer un amendement au projet de loi de finances prévoyant expressément l'affectation de cette taxe au fonds de compensation. C'est la ministre de l'Emploi et de la Solidarité qui, au nom du Gouvernement tout entier, soutiendra la discussion de ces dispositions devant le Parlement, comme cela a déjà été le cas pour la CSG. Les précisions sur l'assiette et le taux de la TGAP ne pourront être fournies que lorsque le Conseil des ministres aura adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, étant précisé qu'il est prévu que son assiette connaisse une nouvelle évolution en 2001, dans le cadre de la taxation communautaire sur l'énergie.

Mme Nicole Bricq a rappelé que Mme Martine Aubry, entendue le matin même par la commission, s'était, à sa grande surprise, déclarée « incompétente s'agissant des dispositions fiscales de la loi de financement ». La TGAP ne peut être comparée à la CSG, dans la mesure où elle a été inscrite, l'année dernière, en loi de finances et qu'elle est transférée, cette année, en loi de financement. Même si cette taxation est, sur le fond, pertinente, il y a un indéniable défaut d'articulation entre les deux ministères concernés et entre les textes.

Soulignant sa volonté de coopérer avec la commission, M. Christian Sautter, secrétaire d'État au Budget, a indiqué qu'il se tenait à la disposition des commissaires pour venir commenter, le cas échéant avec la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, les dispositions fiscales du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dès son adoption par le Conseil des ministres. De nombreux projets de loi comportent également des dispositions fiscales, mais ne soulèvent d'ailleurs pas de difficultés.

Le projet de loi de finances pour 2000 adopte une présentation claire, à la fois synthétique et détaillée, à structures constantes et intégrant les changements de périmètre. Ainsi, côté dépenses, les exigences de transparence et les recommandations de la Cour des comptes ont été respectées, avec la rebudgétisation de trente-neuf fonds de concours représentant 8,6 milliards de francs, la suppression de quatre comptes spéciaux du Trésor pour un montant de 1,1 milliard de francs, la compensation de la baisse des droits de mutation à titre onéreux et le transfert de la ristourne dégressive. Côté recettes, le transfert des droits sur les tabacs et de la TGAP se fait dans la clarté. De toute façon, le rapport économique, social et financier sera transmis au Parlement dès le 4 octobre, permettant ainsi aux commissaires de disposer d'une vision synthétique des comptes publics.

Le rapport de M. Jean-Jacques François sur la comptabilité patrimoniale de l'État n'est en rien secret et le Gouvernement va s'en inspirer en ouvrant plusieurs chantiers : la rénovation du cadre de la procédure budgétaire et l'amélioration de l'efficacité de la gestion publique, en harmonie avec les travaux de la MEC, l'enrichissement du système d'information budgétaire et comptable, notamment pour la gestion du parc immobilier de l'État, l'évolution, grâce au logiciel ACCORD, vers une comptabilité en droits constatés, la présentation de comptes de charges en cours d'année et l'amélioration de la présentation des participations et des garanties de l'État.

Plusieurs commissaires ont alors fait remarquer que le rapport de M. François n'avait pas été transmis à la Commission.

M. Christian Sautter a souligné que le groupe de travail réunissant l'État et les élus locaux a conclu, en mai dernier, à la nécessité d'un effort partagé entre les employeurs et l'État, afin de ramener les comptes de la CNRACL à une meilleure situation. Le plafond de besoins de trésorerie de cette caisse, fixé à 2,5 milliards de francs, ne pourra pas être tenu, et il convient donc, par un effort partagé, de retourner à l'équilibre en plusieurs exercices.

M. Philippe Auberger s'est interrogé sur les points suivants :

- en premier lieu, les prévisions de recettes, pour 1999 portent sur un excédent de 6 milliards de francs en intégrant la mesure d'allégement de la TVA qui doit, en principe, avoir un effet considérable, de l'ordre de 30 à 40 milliards de francs. Par ailleurs, les prévisions pour 2000 font état d'une croissance des recettes de 30 milliards de francs auxquels s'ajoutent 39 milliards de francs, au titre de l'allégement de la TVA, soit un montant total de 70 milliards de francs. Or, sur la période 1998-1999, on constate une croissance des recettes de 100 milliards de francs, en incluant la mesure d'allégement à hauteur de 20 milliards de francs. Dès lors que la conjoncture économique est favorable, la croissance prévue des recettes est, pour le moins, paradoxale.

_ S'agissant de la règle d'affectation des recettes, il a rappelé qu'elle se justifie par l'existence d'un lien entre la recette concernée et la dépense à financer. Or, le lien entre l'écotaxe et l'allégement des charges sur les bas salaires ne relève pas d'une évidence, ce qui conduit à considérer les transferts constatés comme sortant du champ de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

_ La création d'un établissement public pour gérer les allégements de charges, financé par des recettes fiscales telles que les droits sur les tabacs ou l'écotaxe, qui représentent en tout plus de 50 milliards de francs, les recettes non fiscales n'abondant ledit fonds que pour un montant de 11 à 16 milliards de francs, est irrégulier et contestable et s'apparente à un véritable démembrement du budget de l'État.

_ On ne peut pas comparer impôts, taxes et contributions de toute nature, en indiquant comme l'a fait le Secrétaire d'État que le transfert de la TGAP s'inspire de celui de la CSG, dont la nature juridique est différente.

- En matière de dépenses, l'intégration de la « ristourne dégressive », évaluée à 40 milliards de francs, dans les comparaisons effectuées entre les dépenses pour 2000 et celles de 1999 mérite d'être éclaircie : la progression des dépenses de l'État ne peut, en effet, atteindre 0,9 % si cette ristourne ne figure plus dans le projet de budget pour 2000.

_ Des précisions sont, en outre, souhaitables sur la contribution du budget de l'emploi au financement de la mise en place des 35 heures, en particulier sur son montant, plusieurs chiffres (4,3 ou 7 milliards de francs) ayant été mentionnés.

_ De la même manière, la taxe de 10 % sur les heures supplémentaires sera-t-elle imputée sur le fonds d'allégement des charges sociales ou sur le budget de l'État et quel sera son montant prévisionnel ?

_ Les modalités de financement de la CMU, dont le coût est évalué à environ 10 milliards de francs, ne sont pas clairement précisées.

- Enfin, l'évaluation des crédits affectés au financement du revenu minimum d'insertion (RMI) ne semble pas pertinente, si l'on prend en compte la réévaluation de 3,5 milliards de francs qui s'est imposée en cours d'année, réalisée par le dernier décret d'avances. Cette hausse de 13 % de la dotation ne s'explique pas par celle des minima sociaux (+ 3 %). Dans ces conditions, les crédits prévus pour 2000, d'un montant de 28,7 milliards de francs, paraissaient être largement sous-estimés.

_ quelles seront les recettes et les dépenses prévisibles du compte d'affectation des cessions d'actifs ?

_ on peut difficilement considérer que la diminution de 20 milliards de francs du déficit de l'État en 2000 permettra de diminuer le ratio d'aide publique sur PIB.

M. Jean-Jacques Jegou a exprimé le souhait qu'une présentation conjointe du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale puisse être effectuée l'année prochaine devant la commission des Finances. Il a ensuite regretté la faible prise en compte des travaux de la MEC, mise en place cette année, dans les propositions du Gouvernement, par exemple dans le domaine des autoroutes et dans celui de la police où le constat d'un nécessaire redéploiement des effectifs n'a pas orienté les axes du budget du ministère de l'Intérieur pour 2000. Puis, il a déploré la faible lisibilité du périmètre du budget pour 2000, indiquant être parvenu, pour sa part, à une augmentation de 3,3 % des dépenses publiques contre 0,9 % dans les prévisions du Gouvernement. Ce manque de lisibilité peut être illustré par l'examen des crédits du titre III, qui connaissent une augmentation de 3,7 % correspondant à plus de 20 milliards de francs pour les dépenses civiles et 10 milliards de francs pour les dépenses militaires.

Rappelant sa qualité de membre du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, M. Jean-Jacques Jegou a également évoqué la situation alarmante de la CNRACL dont les bénéficiaires ne sont pas dans une situation paritaire avec les autres salariés de la fonction publique. Enfin, il a souhaité obtenir des précisions sur l'alimentation du fonds de réserve pour les retraites en indiquant qu'avant de se réjouir de la dotation de 15 à 18 milliards de francs annoncée par la Ministre des Affaires sociales, il convient de s'assurer que le décret lui apportant 2 milliards de francs soit bien signé, ce qui n'est pas actuellement le cas. En tout état de cause, ces montants sont bien inférieurs aux besoins qui apparaîtront après 2005, environ dix fois supérieurs.

M. Gilbert Gantier a considéré que les grands principes budgétaires sont mis à mal par la présentation faite, cette année, du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale et a souhaité qu'une discussion commune des deux textes puisse avoir lieu. Rejoignant des observations déjà formulées, il a estimé que les dépenses augmentent en réalité de plus de 0,9 %, soulignant, par ailleurs, que les dépenses de fonctionnement augmentent alors que les dépenses d'investissement diminuent. De même, il n'est pas possible de dire que les impôts baissent de 40 milliards de francs, sans tenir compte de ce qui se passe en dehors de la loi de finances.

Il a enfin abordé la question de la taxe sur les entrepôts en Ile-de-France en faisant part d'un recensement qui démontre une perte d'activité en Ile-de-France et a demandé si la révision de cette taxe serait évoquée au cours de la discussion budgétaire.

En réponse, M. Christian Sautter, Secrétaire d'État au budget, a apporté les précisions suivantes :

- pour l'an 2000, la hausse prévisionnelle des recettes, hors changement de législation, est de + 4,1 %, ce qui suit l'évolution prévue pour le PIB.

- le lien entre les droits sur les tabacs et l'allégement des cotisations sociales n'est pas moins évident que celui qui unit les droits sur les alcools et l'allocation vieillesse dans le fonds de solidarité vieillesse ; pour ce qui concerne la CSG, la jurisprudence du conseil constitutionnel a posé le principe qu'elle constituait une « imposition de toutes natures ».

- la « ristourne Juppé » est incluse dans le tableau d'équilibre du projet de loi de finances pour 2000. La hausse des dépenses de 0,9 % à structure constante en tient donc compte. Il n'est pas possible, de ce fait, d'affirmer que la présentation de ce budget ne serait pas sincère.

- s'agissant du financement de la réduction du temps de travail, la première part est constituée par la ristourne de 40 milliards de francs précitée, la seconde part étant constituée par l'allégement structurel de charges, financé par le « recyclage », soit pour la part de l'État 4,3 milliards de francs de crédits inscrits au budget de l'emploi sur un total à financer de 15  milliards de francs. Enfin, l'allégement supplémentaire de charges, correspondant au troisième étage, représente en 2000 une charge de 7,5 milliards de francs couverte par le produit de la TGAP qui sera relevé de 2,1 milliards de francs actuellement à 3,2 milliards de francs en 2000 et celui de la contribution sociale sur les bénéfices qui représentera 4,3 milliards de francs en 2000.

M. Philippe Auberger a alors observé que, selon ce propos, les aides à la réduction du temps de travail atteignent bien 7 milliards de francs de la part de l'État, alors que le dossier de presse du ministère porte mention d'un chiffre de 4,3 milliards de francs.

M. Christian Sautter, Secrétaire d'État au budget a indiqué que le chiffre total de 7 milliards de francs incluait cette dernière somme, à laquelle il convient d'ajouter 2,7 milliards de francs au titre de la compensation due à la loi dite « Robien ».

- Le financement de la CMU bénéficiera d'apports de 3,5 milliards de francs correspondant au transfert d'une tranche supplémentaire de droits sur les tabacs, ainsi que de ressources complémentaires de 7 milliards de francs en provenance de l'État pour financer la couverture complémentaire maladie des exclus, également financée par une contribution des mutuelles.

- Les différences de chiffres relatives au service du RMI proviennent de la non reconduction en 2000 de la prime de Noël versée en 1999 (1,8 milliard de francs).

- En ce qui concerne les effectifs de police, ceux-ci ont connu un redéploiement, l'État ayant renforcé leur présence sur le terrain en leur adjoignant 4.000 adjoints de sécurité. A cet égard, le Ministre a réaffirmé le caractère très positif des travaux de la MEC, dont il pense et dont il dit du bien.

- S'agissant du nécessaire redressement de la CNRACL, il convient de ne pas faire porter exclusivement l'effort sur les employeurs.

M. Francis Delattre a rappelé que l'État avait prélevé dans les années passées 10 milliards de francs sur les réserves de cette caisse.

M. Christian Sautter a enfin indiqué que le Gouvernement n'était pas hostile à un réexamen de la taxe sur les entrepôts et commerces en Ile-de-France dans le cadre du débat budgétaire. Cette région ne bénéficie pas, globalement, d'un traitement défavorable, s'agissant notamment des contrats de plan. Son éligibilité aux fonds européens sera de nature à lui apporter des ressources supplémentaires. En outre, il faut bien insister sur la forte inégalité existant entre les collectivités territoriales de cette région, ce qui rend nécessaire la mise en place de mécanismes de péréquation.

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