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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 38

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 1er février 2000
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, sur la réorganisation des services du ministère (Mission 2003) et l'aménagement du territoire



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La Commission a procédé à l'audition de M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, sur la réorganisation des services du ministère (Mission 2003) et l'aménagement du territoire.

Le Président Augustin Bonrepaux a précisé que cette audition avait pour but de répondre aux interrogations, voire aux inquiétudes, suscitées par le projet de réforme des administrations financières. Il a regretté le caractère tardif de cette audition, soulignant que les élus avaient d'abord été informés par la presse et les représentants syndicaux. Sur un sujet aussi sensible, il aurait été de l'intérêt général que les élus, appelés, sur le terrain, à expliquer la politique du Gouvernement, soient pleinement informés en temps utile.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, a souligné que le projet présenté par les ministres constituait une vraie réforme, tout en rappelant les préoccupations et les inquiétudes qu'elle suscitait.

Il est légitime que l'Etat se modernise. A ce titre, les mesures proposées s'inscrivent parfaitement dans la logique de réforme poursuivie par la Commission des finances et sa Mission d'évaluation et de contrôle (MEC). Toutefois, devant les préoccupations soulevées par ce projet, partagées par les agents des administrations financières et par les élus, le Rapporteur général a souhaité obtenir des précisions sur la portée des réformes envisagées.

Observant que la fusion des activités fiscales de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) auraient nécessairement des conséquences en termes de gestion des emplois, il a demandé si le Gouvernement envisageait l'élaboration d'un plan pluri-annuel de gestion des emplois pour accompagner la réforme. Ce plan se traduira-t-il par des suppressions d'emplois ? Peut-on évaluer l'ampleur des redéploiements de personnel entre la DGI et la DGCP qui vont nécessairement accompagner le transfert des compétences fiscales de la seconde vers la première ? Quelle sera la ventilation des emplois entre les activités de contact banalisé avec les redevables et celles relevant du traitement particulier des cas difficiles ou litigieux ? Ne risque-t-on pas de créer une nouvelle césure entre deux corps, alors que la réforme a pour but de mettre fin à ce type de cloisonnement ?

S'agissant des mesures d'ordre fiscal présentées dans le cadre du rapport de MM. Bert et Champsaur, le Rapporteur général, notant que la mise en _uvre de la retenue à la source pour l'impôt sur le revenu ne semblait pas envisagée à court terme, a demandé quelles étaient les autres orientations du Gouvernement, notamment en ce qui concerne le paiement de la vignette automobile à l'assureur, la réforme de la redevance de l'audiovisuel et la suppression des timbres fiscaux.

Ayant fait valoir que les politiques d'aménagement du territoire et de maintien des services publics de proximité, auxquelles la Commission des finances est particulièrement attachée, reposent, en partie, sur le maillage serré, sur l'ensemble du territoire, du réseau des trésoreries, lequel compte plus de 3.800 points d'accueil, il a souhaité savoir comment il était envisagé de concilier ces impératifs politiques avec les prévisions du rapport précité évoquant un réseau de moins de 1.000 hôtels des impôts des particuliers. Si une remise en cause globale du réseau du Trésor semble avoir été écartée, qu'en est-il du maintien des 2.000 centres de la comptabilité publique comptant six agents ou moins ? Dans le cadre du projet d'administration fiscale unique, quelle physionomie présenteront le réseau des hôtels des impôts des particuliers et ceux des entreprises ? Un maillage fin de ce dernier réseau, tourné vers les petites et moyennes entreprises, ne semble-t-il pas nécessaire ?

Notant que, selon le projet de réforme annoncé, le réseau du Trésor aurait vocation à se recentrer sur certaines activités, il a fait part de ses interrogations sur la portée de ces missions et l'avenir de ce réseau. La DGCP étant appelée, en sus de ses activités relatives aux comptabilités publiques, à amplifier son rôle de conseil aux collectivités locales, quelles pourraient être concrètement ces activités de conseil ? Quels sont les grands domaines pour lesquels les collectivités locales seront ainsi assistées par les agents du Trésor ? Quels sont les projets du Gouvernement concernant les activités bancaires du Trésor ? Comment appréhender aujourd'hui l'avenir de ce réseau bancaire de proximité ?

S'agissant de la situation indemnitaire des agents du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le Rapporteur général a rappelé que le récent rapport de la Cour des comptes sur la fonction publique de l'Etat a confirmé que moins d'une dizaine d'indemnités sur cinquante, servies aux agents de la comptabilité publique, reposaient sur une base légale et qu'aucune indemnité versée à ceux de la DGI n'avait de base légale, sauf pour les hypothèques et le cadastre. Il s'est enquis de la remise en ordre de la situation indemnitaire des fonctionnaires des finances.

Soulignant que la réorganisation du ministère devrait se traduire par certains avantages pour les agents, il a demandé aux ministres de préciser l'état des négociations menées sur ce point avec les syndicats.

Le Rapporteur général a enfin souhaité connaître les principales dispositions du contrat d'objectifs conclu entre la direction générale des impôts et la direction du budget.

Après s'être réjoui de la tenue de cette audition, qui allait permettre de dissiper les rumeurs et de calmer les inquiétudes, M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a rappelé qu'il se tenait, ainsi que Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, à la disposition des membres de la Commission des finances pour répondre aux questions suscitées par le projet de réforme de l'administration fiscale. Il a précisé, à cet égard, que le rapport de MM. Bert et Champsaur avait été transmis début janvier à la Commission.

Le ministre a ensuite présenté les quatre axes majeurs de cette réforme qui tend :

- à rénover la gestion publique, en permettant au réseau du Trésor de contribuer à ce que l'Etat dépense mieux et de renforcer son appui aux collectivités locales, le trésorier payeur général étant appelé à devenir l'interlocuteur unique du préfet et des collectivités locales au titre du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- à constituer un réseau d'appui et d'information au service des petites et moyennes entreprises ;

- à faire bénéficier les contribuables d'un service fiscal unifié, interlocuteur unique auprès duquel ils pourront recueillir toutes les informations nécessaires et accomplir toutes les formalités ;

- à engager avec l'ensemble des directions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie une démarche pluri-annuelle et contractuelle de modernisation, pour un service public de qualité au juste coût.

Répondant aux interrogations du Rapporteur général, le Ministre a précisé, s'agissant des conséquences en termes d'emplois de la fusion des activités fiscales de la DGI et de la DGCP, que ce projet n'avait pas pour but de supprimer des emplois, mais au contraire de mieux servir les contribuables, confrontés à un système administratif qu'ils jugent trop complexe. La réforme envisagée va donc confier à une administration fiscale unique les missions d'établissement et de recouvrement de l'impôt.

Ce projet fera l'objet de travaux prévisionnels, menés au niveau départemental. Ces travaux seront menés, en concertation avec les élus, par le trésorier-payeur général et le directeur des services fiscaux du département. Il n'est donc nullement question d'une réforme décrétée depuis Paris. Il s'agit, au contraire, d'élaborer, au plus près du terrain, des propositions en vue d'une nouvelle organisation de l'administration fiscale.

Un plan d'ensemble sera élaboré pour requalifier les emplois. Actuellement 49% des agents relèvent de la catégorie C, 30% de la catégorie B et 21% de la catégorie A. La réforme devrait permettre de rééquilibrer vers le haut la structure des emplois. Cet objectif sera atteint d'abord grâce au recrutement d'une plus grande proportion de fonctionnaires de catégories A et B, sachant que, dans les dix ans qui viennent, 40% des agents partiront à la retraite. D'autre part, un effort de formation qualifiante sera réalisé au profit des agents de catégorie C, afin de leur permettre d'intégrer les catégories supérieures.

S'agissant des d'effectifs, 9.600 agents de la direction générale de la comptabilité publique, actuellement affectés au recouvrement sont concernés par cette réforme. Tous les agents concernés bénéficieront de garanties individuelles en termes de statut et de carrière. Si la réforme conduit à une distinction entre les métiers de guichet et d'appui, les agents ne relèveront pas de statuts différents et n'auront pas de compétences spécialisées : chacun d'eux sera formé pour les exercer alternativement.

Le ministre a relevé qu'effectivement le rapport de MM. Champsaur et Bert avançait une série de propositions relevant de la simplification de la fiscalité. Au sujet de la retenue à la source de l'impôt sur le revenu, le ministre a expliqué qu'il est de tradition, dans notre pays, que la collecte des impôts soit du ressort de l'Etat et non des entreprises. Dès lors, il n'est pas, pour sa part, partisan de mettre en place un tel système, fût-il appliqué par certains pays européens. Pour ce qui est de la vignette automobile et de la redevance de l'audiovisuel, il n'est pas en projet de les modifier. Néanmoins, si la Mission d'évaluation et de contrôle issue de la Commission des finances, dans le cadre de son travail sur le recouvrement de l'impôt, présente des propositions sur ces sujets, le Gouvernement est prêt à les examiner.

Evoquant les conséquences de la réforme en matière d'aménagement du territoire, le ministre a expliqué que la structure en deux réseaux des administrations financières serait maintenue. D'abord, celui de la direction générale de la comptabilité publique, appelée à devenir une grande direction générale de la gestion publique, largement tournée vers les collectivités locales, ne sera pas bouleversé. Tant que 37.000 communes existeront dans notre pays, les 3.800 postes de cette direction seront nécessaires, étant précisé qu'il conviendra de remédier à une insuffisante présence dans les zones péri-urbaines. De fait, 80 à 90% de l'activité de ce réseau est déjà consacrée aux collectivités locales. Ensuite, le réseau de la direction générale des impôts, qui est aujourd'hui réparti entre 850 centres des impôts, préfigure effectivement le futur service fiscal unifié, sachant que les missions de recouvrement, actuellement assumées par la direction générale de la comptabilité publique et qui représentent environ un cinquième de l'activité de celle-ci, seront transférées à la direction générale des impôts. La concentration n'est donc pas l'objectif de la réforme : il s'agit d'améliorer le service aux usagers. Les actuels centres des impôts devraient, pour l'essentiel, constituer le support des futurs hôtels des impôts des particuliers. Une direction des grandes entreprises, fonctionnelle dès 2001, aura la responsabilité de la gestion de 17.000 d'entre elles. Le dispositif actuel, en raison, notamment, de la dispersion des filiales, faisant la part belle à l'optimisation fiscale, il s'agit ainsi de constituer une administration plus adaptée, en termes d'efficacité et de justice, face à l'internationalisation des activités des entreprises. Quant aux hôtels des impôts des entreprises, tournés vers les PME, ils seront implantés par référence au réseau actuel des centres des impôts.

Le ministre a ensuite tenu à souligner qu'il n'est pas question de bouleverser le réseau du Trésor public. Il a exposé quelles seraient les activités de ce réseau. Au côté de la mission classique de tenue des comptes des collectivités locales et de conseil financier à celles-ci, de nouveaux champs d'activités seront ouverts dans le domaine du conseil juridique. Les maires doivent, en effet, faire face à une insécurité juridique croissante liée à la complexité toujours plus grande des textes. Pour répondre à une réelle attente des élus locaux, le réseau du Trésor public sera donc chargé d'une activité  de conseil juridique sur les marchés publics ; à cet effet, sera engagé un processus de déconcentration concernant les affaires juridiques. Pour ce qui concerne l'activité d'épargne, la France a obtenu, par la négociation avec les autorités communautaires, que le monopole des dépôts des notaires soit réservé au réseau du Trésor. Celui-ci développera son rôle de correspondant de certaines institutions, comme les offices d'HLM et la Caisse des dépôts et consignations. S'agissant des activités bancaires de ce réseau, le choix était ouvert entre de lourds investissements pour assurer le passage à l'euro en 2001 et le transfert de ces activités à d'autres organismes, comme La Poste. C'est cette dernière formule qui sera retenue ; il ne sera évidemment pas procédé à la vente de ces activités. Enfin, le réseau du Trésor continuera à jouer un rôle de guichet fiscal en milieu rural, notamment pour les personnes souhaitant effectuer des règlements en espèces.

Le ministre a répondu ensuite à la question du Rapporteur général concernant la remise en ordre de la situation indemnitaire des personnels des administrations financières. Il s'agit, premièrement, d'achever la réintégration dans le budget de toutes les ressources extra-budgétaires qui servaient à financer certaines indemnités. Il s'agit, ensuite, de donner une base juridique aux indemnités qui n'en ont pas. Il s'agit, enfin, d'appliquer le droit commun en matière de revenus. La réforme est menée de telle sorte que le niveau moyen de rémunération des agents par corps et par grade soit préservé et qu'il n'y ait pas de dégradation individuelle. De façon plus générale, la réforme annoncée doit globalement aboutir à offrir aux personnels des possibilités de promotion accrues et une aide sera apportée pour favoriser leur mobilité.

Le ministre a ensuite précisé qu'une convention avait été passée entre la direction du budget et la direction générale des impôts. Ce document, qui sera communiqué à la Commission des finances, a pour objet de permettre de réaliser des gains d'efficacité. Ceux-ci seront répartis dans trois directions :

- dégager de nouveaux moyens, pour le contrôle fiscal et l'accueil des usagers ;

- permettre une politique plus ambitieuse de qualification et de formation des agents ;

- transférer des emplois budgétaires à des administrations qui aujourd'hui en ont particulièrement besoin, comme celle de la justice.

Le Président Augustin Bonrepaux  a remercié le ministre pour les éclaircissements qu'il avait apportés, mais il a tenu à déplorer l'insuffisance de communication entre le Gouvernement et la Commission des finances. Le rapport de MM. Champsaur et Bert n'a pas fait l'objet d'une transmission officielle à la Commission et les commissaires qui l'ont reçu constituent l'exception. De même, le rapport de M. Jean-Jacques François, sur le système financier de l'Etat, demandé le 5 septembre 1999, n'a toujours pas été officiellement transmis.

M. Hervé Gaymard a précisé qu'il avait été très attentif aux propos du ministre, en particulier s'agissant des implantations locales du Trésor. Cependant, compte tenu des exigences de transparence et de véracité des comptes publics, il s'est interrogé sur la sincérité des conditions d'élaboration de la loi de finances pour 2000, puisque, comme l'avaient annoncé plusieurs orateurs de l'opposition, et notamment M. Philippe Auberger, ce qu'il est convenu d'appeler la « cagnotte fiscale » s'élèverait pour 1999 à environ 40 milliards de francs, soit un chiffre très supérieur à celui annoncé par le Gouvernement à l'automne dernier. Il serait donc souhaitable que les deux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat puissent se pencher sur les conditions de préparation du projet de loi de finances pour 2000.

M. Jean-Louis Idiart a tout d'abord observé que l'intervention de M. Hervé Gaymard ne rentrait pas dans le cadre de la présente audition et aurait eu mieux sa place au cours de l'audition tenue la semaine dernière sur les orientations budgétaires du Gouvernement.

S'agissant de la réorganisation des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, il apparaît nécessaire que le Gouvernement apporte des précisions et des garanties sur le maintien du réseau local du Trésor. En effet, le ministre vient d'indiquer qu'un nombre important de tâches serait retiré aux perceptions et l'on voit mal comment l'intégralité du réseau pourrait être maintenue dans ces conditions, d'autant que les perspectives liées au développement de l'activité de conseil semblent limitées, le réseau du Trésor donnant déjà, à cet égard, largement satisfaction. De même, la création de deux catégories d'hôtels des impôts destinés, d'une part, aux particuliers et, d'autre part, aux entreprises, paraît susceptible d'entraîner des transferts, voire la fermeture de certains centres des impôts.

En ce qui concerne, les modalités d'application de la réforme, il a souhaité que des instructions soient données aux responsables locaux des administrations financières pour qu'ils engagent une véritable concertation avec les personnels et les élus, observant qu'une telle concertation n'a pas été mise en _uvre par les deux auteurs du rapport et ne semble pas faire partie de la culture professionnelle des responsables en cause. Il conviendra d'être particulièrement vigilant sur l'application de la réforme, comme l'attestent les difficultés liées à la réorganisation du réseau de la Banque de France.

M. Jean-Jacques Jégou a souhaité, au nom du groupe de l'Union pour la Démocratie Française, que le Gouvernement modifie ses habitudes et tienne la Commission des finances mieux informée de ses projets. Observant que la réforme proposée était très complexe et avait des implications sur l'aménagement du territoire, il s'est interrogé sur la philosophie qui la sous-tend. Lors de la discussion du projet de loi sur les 35 heures, le Gouvernement a affirmé aux chefs d'entreprises que cette réforme serait pour eux l'occasion de moderniser leur organisation. Il est douteux qu'il fera preuve de la même pugnacité à l'égard de sa propre administration. En effet, les propos du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie semblent confirmer que les 40% de fonctionnaires partant à la retraite dans les dix prochaines années seront remplacés nombre pour nombre.

Il a rappelé que le programme de travail de la Mission d'évaluation et de contrôle, dont les travaux restent traités avec trop de légèreté par le Gouvernement, comportaient l'étude du coût du recouvrement de l'impôt en France. La réforme proposée a-t-elle pour objectif de réduire ce coût, notablement supérieur à celui de nos principaux partenaires ?

Abordant la question du service aux communes, il a jugé qu'une véritable réforme devait être mise en _uvre, dans la mesure où les conseils dispensés restaient trop embryonnaires, faute notamment d'un effort de formation suffisant des personnels. Quels seront les moyens réellement dégagés pour atteindre l'objectif d'amélioration poursuivi ?

M. François d'Aubert a souhaité revenir sur les 20 milliards de francs de plus-values fiscales supplémentaires pour 1999 annoncées le matin même par la presse. Rappelant qu'une audition sur ce sujet avait eu lieu la semaine précédente, il a jugé inadmissible le traitement réservé au Parlement et a souhaité connaître précisément l'importance de ces plus-values. L'augmentation du taux des prélèvements obligatoires depuis 1997 témoigne d'ailleurs de l'efficacité de l'administration fiscale.

Abordant la réforme du ministère, il a estimé que le projet présenté était ambitieux, voire téméraire. Il a posé plusieurs questions :

- La baisse du coût du recouvrement figure-t-elle parmi les objectifs de la réforme ?

- Quels résultats sont attendus du renforcement annoncé du contrôle fiscal ?

- Dans le cadre de la mise en _uvre d'une gestion prévisionnelle des effectifs du ministère, jugée nécessaire par la Cour des comptes, quels seront les effectifs de celui-ci dans cinq ans et dans dix ans et comment se répartiront-ils entre les grandes directions ?

- Une priorité plus affirmée devant être accordée au réseau local, quelle est l'évolution prévue de la répartition entre administration centrale et administration déconcentrée ?

- Quelles missions seront réellement dévolues aux services locaux, afin qu'il soit garanti qu'ils ne subiront pas le sort réservé aux réseaux de La Poste et de la Banque de France, où l'on assiste à des phénomènes de dépérissement ?

- Quels sont le calendrier et les modalités précises de concertation avec les élus locaux ?

Il a ensuite abordé trois points particuliers.

S'agissant du service de la redevance de l'audiovisuel, il a noté que sa mission relevait surtout de la gestion des exonérations et qu'il convenait de réfléchir à sa reconversion.

Il s'est ensuite interrogé sur les modalités pratiques d'application de l'ensemble de la réforme en Corse.

Evoquant la reconversion des personnels du ministère vers une mission davantage tourné vers le conseil aux collectivités locales, il a fait part de sa crainte que cette mission puisse dériver vers une sorte de contrôle préalable de légalité.

M. Gérard Saumade a estimé qu'on ne pouvait séparer la réforme du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie de celle de la fiscalité elle-même, et tout particulièrement de la fiscalité locale, devenue incompréhensible, même pour les agents des impôts.

Il a fait part des inquiétudes des personnels du réseau du cadastre, rappelant que les missions de cette administration étaient indispensables pour les collectivités locales, notamment dans les zones rurales et péri-urbaines. L'Institut géographique national (IGN) n'est pas en mesure de se substituer au réseau du cadastre. L'accentuation du conseil aux collectivités locales est très importante, mais on peut effectivement craindre une interférence avec le contrôle de légalité réalisé par le préfet.

En réponse aux intervenants, M. Christian Sautter a précisé que le but de la réforme des missions confiées au réseau local du Trésor n'était pas de surveiller les collectivités territoriales, mais bien de leur apporter une sécurité juridique accrue. Les modalités précises doivent encore être discutées avec les élus concernés. De nombreuses missions nouvelles sont à développer, notamment pour faire face aux conséquences de la nouvelle loi sur l'intercommunalité, qui a déjà débouché sur la création de cinquante-et-une communautés d'agglomérations.

Il a noté que les missions de recouvrement de l'impôt et de gestion de l'épargne dans les implantations rurales ne représentaient, en fait, qu'un cinquième au maximum de leur activité et que leur disponibilité serait donc accrue pour faire face à de nouvelles missions sans que le maillage de ce réseau soit menacé. La centralisation départementale du recouvrement de l'impôt sur les sociétés a déjà été réalisée sans poser de problèmes notables. La spécialisation des hôtels des impôts permettra d'apporter aux contribuables un service public de qualité.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, a souligné que la réforme serait gérée au plus près du terrain sur la base des propositions des trésoriers-payeurs généraux et des directeurs départementaux des services fiscaux, en concertation avec les comités paritaires et avec les élus. Elle a proposé que le futur secrétaire général pour la réforme de l'administration fiscale, en charge de la mise en _uvre de la réforme, vienne rendre compte régulièrement à la Commission des finances ou à la MEC de l'évolution de cette concertation. Des réunions formelles au niveau local seront en outre organisées.

La secrétaire d'Etat a enfin tenu à démentir les rumeurs malveillantes faisant état d'une intention de démantèlement du réseau local.

M. Christian Sautter a ensuite fait valoir que, si M. Jean-Jacques Jégou pensait que la méthode gouvernementale manquait d'audace parce qu'elle ne prévoyait pas la diminution des effectifs, le Gouvernement n'avait effectivement pas l'intention d'entreprendre la réforme contre les fonctionnaires, mais en associant les agents, les usagers et les élus. Il a rappelé que le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale de juin 1997, avait fixé comme objectif la stabilité des effectifs civils de fonctionnaires. Ainsi, des transferts de postes budgétaires sont possibles, comme ceux de 600 emplois du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministère de la justice, en 2000, mais non des suppressions d'emplois. La plupart des fonctionnaires partant à la retraite seront donc remplacés.

La réforme a pour objectif la modification en profondeur des qualifications et des métiers pour réaliser des gains d'efficacité. Dans ce contexte, la Mission d'évaluation et de contrôle de la Commission des finances, en se penchant sur le recouvrement de l'impôt, pourrait s'interroger sur le coût de ce recouvrement, qui est proche de celui de l'Italie, mais plus élevé que dans d'autres états européens comparables comme la Suède.

Le ministre a ajouté que les comptes définitifs de l'exercice de 1999 seraient arrêtés dès la mi-février, ce qui est tôt, compte tenu de l'achèvement de la période complémentaire d'exécution des dépenses le 31 janvier 2000. Des gains d'efficacité pour l'administration fiscale seront permis par l'automatisation des procédures de gestion des contribuables sans problème, associée au renforcement du contrôle fiscal des autres contribuables, avec la constitution d'équipes spécialisées en vue du contrôle et du recouvrement forcé. Des contrats d'objectifs sur trois ans doivent être passés par chaque grande direction, à l'image de celui conclu entre la DGI et la direction du budget. Il existe effectivement un risque d'hypertrophie de certaines administrations centrales que le Gouvernement entend corriger.

Le ministre a insisté sur l'indispensable concertation avec les agents, les élus et les usagers qui marquera la mise en _uvre de la réforme et a invité la Mission d'évaluation et de contrôle de la Commission des finances à se pencher sur le fonctionnement du service de la redevance de l'audiovisuel.

Le Rapporteur général a rappelé qu'il était prévu que la MEC aborde cette question.

M. Christian Sautter a ensuite salué les efforts remarquables déployés depuis trois ans par l'administration fiscale en Corse, efforts qui ont permis une augmentation très significative des taux de recouvrement des impôts.

S'agissant du contrôle de légalité, le ministre a fait valoir que le fait que le trésorier-payeur général devienne l'interlocuteur unique du préfet au titre de l'ensemble du ministère devrait permettre d'éviter tout risque de redondance.

Il a indiqué que la simplification des impôts était un objectif gouvernemental qui s'était concrétisé notamment par la suppression en deux étapes du droit de bail et que, d'ici au printemps 2000, le Gouvernement pourrait prolonger la réflexion sur la simplification fiscale avec la Commission des finances.

Le ministre a souhaité dissiper un malentendu à propos du rapport de M. Guy Lengagne sur l'administration du cadastre, en indiquant que la gestion de ce service resterait naturellement de la compétence de l'administration fiscale.

Il a conclu, en soulignant que les nouvelles missions de conseil du Trésor public seraient inspirées par la volonté d'aider les collectivités locales, et non de durcir le contrôle de légalité.

M. Maurice Adevah-Poeuf a considéré que la réforme se heurterait à une double difficulté. D'une part, la capacité des personnels à la mettre en _uvre sera fonction des efforts de communication et de négociation déployés par les autorités responsables. D'autre part, il existe un risque que les objectifs de cette réforme, auxquels il souscrit, ne soient pas réalisés, à défaut d'une réelle rupture avec les méthodes habituelles de gestion de l'administration. En effet, le maintien de la présence territoriale des administrations financières est une question importante qui suscite une véritable inquiétude, voire une certaine méfiance. Or, l'ensemble des services de la République est marqué par une prégnance centralisatrice qui a pour conséquence que les ajustements de personnels, lorsqu'ils sont mis en _uvre, sont imputés d'abord dans les zones rurales fragiles, puis dans les petites villes, puis dans les villes moyennes, les zones urbaines et centrales étant traditionnellement les moins affectées.

Il faut donc obtenir des garanties sur la définition de missions nouvelles pour les postes de terrain, afin d'éviter qu'ils ne passent en-dessous du seuil d'équilibre minimal de fonctionnement. La déconcentration des missions est indispensable à l'heure où le progrès technique permet la localisation de tâches informatisées aussi bien en zone rurale qu'en zone urbaine.

M. Maurice Adevah-P_uf a conclu en soulignant la nécessité de dissiper l'inquiétude des personnels et des élus sur le maintien des postes de terrain de façon à ce que les progrès souhaitables ne soient pas vécus négativement.

M. Thierry Carcenac a remarqué que certains passages du rapport de la « Mission 2003 » indiquaient clairement que la concertation avec les élus était peu utile dès lors que la réforme n'avait pas vocation à modifier les relations entre les réseaux du Trésor et les collectivités locales. Le rapport de cette mission suscite également d'autres questions :

- Quelle sera l'ampleur de l'effort à réaliser pour la formation des agents, dans la mesure où il sera nécessaire d'aboutir à un véritable changement des mentalités ?

- La séparation des ordonnateurs et des comptables, pierre de touche du droit de la comptabilité publique, sera-t-elle périmée dans le cadre de la réforme engagée ?

- Comment vont s'articuler, dans le temps et du point de vue de la gestion des personnels, la création d'une direction des grandes entreprises et la mise en place du réseau d'hôtels des impôts des entreprises ?

- Comment concilier sans heurt les orientations générales de la réforme et d'autres décisions plus concrètes, comme la suppression de 600 emplois budgétaires dans le cadre de la loi de finances pour 2000 ?

- Le pilotage de la réforme, assuré au niveau central par un secrétariat général, ne devrait-il pas être appuyé, à l'échelon local, par la mise en place d'un correspondant unique, travaillant de concert avec le trésorier-payeur général et le directeur départemental des services fiscaux ?

Il faut, selon lui, clarifier le « cahier des charges » de la réforme, pour que chacun sache où l'on va, notamment dans trois domaines.

En premier lieu, son champ d'application reste encore imprécis: plusieurs domaines, comme l'administration des douanes et des droits indirects, avaient été exclus du périmètre d'investigation de la « Mission 2003 » ; cela veut-il dire qu'ils n'entrent pas dans le champ de la réforme ? De même, certaines propositions présentées dans le rapport de la mission ont été retenues par le Gouvernement, alors que d'autres ont été écartées ; la ligne de partage est-elle complètement stabilisée ?

En deuxième lieu, les conséquences de la réforme méritent d'être précisées :

- en termes d'emplois : comment évaluer les transferts d'emplois qui seront induits par la réforme ? Qu'adviendra-t-il du millier de recettes du Trésor qui comptent actuellement trois agents ou moins et qui ne feront plus de recouvrement d'impôt, mais seulement de l'encaissement, à titre résiduel ?

- en termes de coût : les restructurations des services financiers qui ont eu lieu dans le passé ont montré que les considérations de coût ne doivent pas être ignorées dans le processus de décision. On évoque, pour l'intégration des systèmes informatiques, la somme de 8 milliards de francs. La mise en place des hôtels des impôts des entreprises devrait nécessiter de nombreux transferts, générant ainsi des charges financières. Enfin, la création des centres d'appel téléphonique et des centres d'encaissement interrégionaux suppose de consentir un volume d'investissements important.

En dernier lieu, le calendrier de la réforme reste encore flou, alors que le rapport de MM. Champsaur et Bert retenait l'horizon 2003.

M. Philippe Auberger a indiqué que le groupe RPR était tout à fait ouvert à l'idée d'une réforme des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, lui-même ayant plaidé en ce sens, en d'autres temps. Cependant, le projet de réforme actuellement débattu ne concerne que deux réseaux alors qu'il en existe quatre, au nombre desquels l'administration des douanes et des droits indirects.

Le Gouvernement commet une grave erreur de méthode. D'ailleurs, le Rapporteur général de la Commission des finances a parfois eu, au début de la présente audition, les accents d'un « procureur général ». Le rapport remis au Gouvernement est un rapport purement technocratique, marqué par l'absence de concertation avec les élus. Des décisions ont déjà été prises, sur cette base, et un simulacre de concertation a eu lieu avec les syndicats. Ainsi s'explique le malaise qui s'exprime aujourd'hui au sein de la Commission des finances.

Par ailleurs, le projet de réforme souffre de très nettes insuffisances, qui dénotent un manque de réflexion au fond sur les articulations nécessaires entre l'organisation des services ministériels et la politique d'aménagement du territoire. En cela, les inquiétudes qui se manifestent aujourd'hui sont un écho de celles qui se sont manifestées à propos de la restructuration territoriale de la gendarmerie, en 1999, comme des hôpitaux ou des tribunaux de commerce actuellement.

Par exemple, il faut réfléchir aux conséquences du développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication sur le fonctionnement même des administrations. Il ne suffit pas de dire « soyez modernes : payez votre impôt sur Internet » ! L'administration doit, naturellement, tirer parti des nouvelles technologies ; elle ne doit cependant pas se fermer au besoin toujours plus fort de contacts directs exprimé par les usagers, notamment les entreprises sur des sujets techniques comme le traitement fiscal des provisions.

De même, l'administration fiscale risque de s'éloigner encore plus des PME, poursuivant en cela une tendance déjà bien établie : le recouvrement de l'impôt sur les sociétés a été, dans les années récentes, centralisé au chef-lieu du département. En conséquence, le contentieux de l'impôt sur les sociétés pose beaucoup de difficultés aux PME.

Cette démarche générale de centralisation se traduit également par le transfert à l'échelon central de trop nombreux dossiers, ce qui provoque un blocage du système. Le projet de réforme n'apporte aucune réponse à ce problème.

Il faut donc reprendre en profondeur l'architecture de la réforme, sous les angles géographique, fonctionnel et hiérarchique.

Deux questions, apparemment accessoires, ne doivent pas être négligées :

- Le maintien du service du cadastre est une bonne décision, mais sera-t-il susceptible de connaître une concentration géographique ? Une modernisation des méthodes est-elle envisagée, notamment l'implantation et la généralisation des systèmes numériques ?

- Faut-il maintenir en l'état les conservations des hypothèques ? Faut-il remanier la carte de leurs implantations ?

Enfin, il conviendra de veiller à ce que les trésoriers-payeurs généraux soient effectivement présents dans leur département, si l'on veut en faire le « pivot » local de la réforme. Ce n'est pas le cas dans certain département qu'il connaît bien.

Mme Nicole Bricq a déclaré approuver l'esprit et les objectifs de la réforme, qui vise à améliorer l'efficience du service public et à simplifier les démarches du contribuable. Cependant la vraie réforme du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie doit reposer sur la mise en _uvre de la retenue à la source pour l'impôt sur le revenu. La décision du Gouvernement de ne pas retenir cette proposition du rapport de MM. Champsaur et Bert ne signifie pas, pour elle, que le débat est clos.

Le principal enseignement qu'il faudra retenir de la présente audition est que tout reste à faire en matière de concertation : au mieux, elle a été inégale au sein même du ministère ; au pire, elle a été inexistante avec les élus. Cependant, il est satisfaisant d'avoir entendu le ministre se dire prêt à la mettre en _uvre désormais.

Le flou des premières propositions gouvernementales est source d'inquiétudes, qui devront être levées :

- sur le maillage du territoire : les problèmes rencontrés en zone péri-urbaine sont similaires à ceux rencontrés en zone rurale ; il est heureux que le ministre se soit montré sensible à cette situation ;

- sur les fonctions des trésoreries : il est important qu'elles puissent continuer d'encaisser des versements, notamment en espèces, ce qui constitue une fonction d'intérêt général dans une société où la précarité est un phénomène marquant ;

- sur les relations avec les collectivités locales : celles-ci représentent les quatre cinquièmes de l'activité du réseau du Trésor public, selon le rapport de MM. Champsaur et Bert. Il faudra donc proposer des cheminements professionnels, des possibilités de formation et d'évolution de carrière aux agents concernés, si l'on envisage de recentrer ce réseau sur les fonctions d'appui aux collectivités locales ;

- sur la concertation décentralisée : on ne voit jamais, sur le terrain, les trésoriers-payeurs généraux ni les directeurs départementaux des services fiscaux. Il faut donc formaliser un lieu de rencontre et de concertation, qui pourrait être la commission départementale du service public ;

- sur le champ de la réforme : le service de la redevance de l'audiovisuel, qui relève de la direction générale de la comptabilité publique et compte plus d'un millier d'agents, a été écarté de la réforme présentée par le Gouvernement. Ceci n'est pas de nature à lever les incertitudes relatives à l'avenir de la taxe et du service chargé de son recouvrement. Cette ambiguïté provoque des malentendus, alors même que les agents souhaitent une réforme.

M. Michel Inchauspé a considéré que la concertation qu'impliquait la mise en place de l'administration fiscale unifiée devait être traitée dans le cadre de la commission d'organisation et de modernisation des services publics, compétente notamment pour le milieu rural. Par ailleurs, le cas des départements « bicéphales », caractérisés, entre autres, par l'existence de deux chambres de commerce ou de deux succursales de la Banque de France, devrait faire l'objet d'une solution établie avec le plus grand soin, pour éviter toute difficulté.

Il s'est ensuite inquiété de l'avenir des perceptions en milieu rural, la réforme devant se traduire par une centralisation du recouvrement des impôts et le projet de suppression des perceptions comptant moins de six emplois ayant été évoqué, même si le ministre avait précédemment rappelé que le réseau local des trésoreries ne serait pas bouleversé.

Il a ensuite souhaité savoir ce qu'il adviendrait de la participation du Crédit agricole à la collecte des fonds des notaires.

M. Pierre Hériaud a d'abord indiqué qu'au regard des éléments qui lui avaient été communiqués par les cadres et agents des administrations financières, il apparaissait clairement que la concertation, s'il y en avait eu une, n'avait pas été suffisante. C'est cette carence qui est à l'origine des inquiétudes que chacun peut constater. Or, une telle réforme devrait être parfaitement claire dans ses objectifs afin de pouvoir être comprise par les personnels.

Puis, il a demandé quelles économies budgétaires le Gouvernement entendait retirer de la réforme, dans la mesure où l'efficacité maximale ne serait pas déjà atteinte, et a souhaité connaître les perspectives d'évolution des effectifs.

S'agissant de l'aménagement du territoire, la réforme ne paraît guère cohérente avec le projet de création de maisons du service public qui devrait permettre de rapprocher l'administration du citoyen.

Il a enfin souhaité savoir dans quel cadre territorial serait organisée l'information des personnels ainsi que des élus : seraient-ce les départements ou bien les pays, parfois appelés bassins de vie ?

M. Jean-Pierre Delalande a préalablement regretté que les réponses du ministre montrent qu'une attention était accordée aux seules interrogations des parlementaires de la majorité et que les interventions des députés de l'opposition ne soient pas prises en considération, alors même que certains d'entre eux étaient favorables à certaines des orientations annoncées.

Evoquant ensuite les termes de la fiche de présentation de la réforme du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie figurant en tête du dossier d'information présenté par le ministère, il a craint que la réforme projetée ne conduise en fait à ne rien modifier, alors que le départ en retraite de 40% des fonctionnaires du ministère dans les dix prochaines années offre l'opportunité, qu'il a qualifié de « chance historique », de procéder à une véritable modernisation. Il conviendrait ainsi de procéder à une réflexion préalable avec les personnels et les « usagers » des services fiscaux, de manière à développer une culture de la réforme et d'aborder la question de la transparence du régime indemnitaire. Le fait de donner une base juridique aux indemnités qui en sont dépourvues n'est pas suffisant, certains pouvant avoir le sentiment que l'on risque de légaliser des pratiques qui ne sont pas saines.

Concluant son intervention, il a jugé que le sentiment de malaise face à la réforme proposée, partagé par la majorité comme par l'opposition, provenait clairement de l'importance des non-dits et du sentiment qu'une occasion était manquée. Dans ce contexte, il est difficile, pour les ministres, d'emporter la conviction.

Faisant usage de la faculté que lui confère l'article 38, alinéa premier, du Règlement, M. Marc Dolez a d'abord jugé qu'une réforme telle que celle annoncée ne saurait réussir à défaut de concertation avec les élus et avec les personnels concernés, et a insisté sur le fait que ceux-ci étaient inquiets et même irrités. Il a regretté que les élus n'aient été informés que par la presse d'une opération qui risquait de se traduire par la fermeture de plusieurs dizaines de perceptions. Le malaise profond des personnels rappelle la situation de 1989, année au cours de laquelle un conflit social important avait mobilisé les agents des impôts. Il est alimenté par le caractère extrêmement flou du volet social de la réforme. Les choix qui ont été arrêtés en matière d'organisation se traduiront, en effet, par des suppressions d'emplois, lesquelles sont appelées « gains d'efficacité », mais les chiffres correspondant ne sont pas rendus public. Il semble, a poursuivi M. Marc Dolez, que les « gains » aillent, au sein de la direction générale des impôts, au-delà des 3.200 emplois évalués avant la réforme, à la fin de l'année 1999, et dont la moitié devait être restituée à l'Etat. Il conviendrait en conséquence de rendre publiques les nouvelles projections effectuées en matière d'effectifs.

Puis, M. Marc Dolez a fait part du sentiment des élus et des fonctionnaires selon lequel la réforme était déjà prête dans toutes ses implications. Les directeurs départementaux des services fiscaux et les trésoriers-payeurs généraux paraissent déjà connaître l'organisation future des services, qu'il ne reste plus qu'à mettre en _uvre. La réunion d'un comité technique paritaire tenue la semaine dernière a ainsi laissé aux personnels le sentiment que le rapport établi par MM. Bert et Champsaur constituait un outil de décision déjà validé par le ministre, puisque celui-ci n'avait pris de distance avec ses conclusions que sur des éléments ponctuels tels que la retenue à la source.

Il est indispensable de reprendre le dossier à l'origine, en envoyant en direction des élus et des personnels un signal fort indiquant que ce rapport ne constitue rien d'autre qu'un rapport. Il a indiqué que, selon lui, cette démarche permettrait d'engager avec les organisations syndicales, sur la base de ce que doivent être les missions de service public des administrations financières, de réelles négociations, en vue d'établir un véritable projet de réforme. Il ne pourrait, en effet, y avoir d'amélioration du service public dans un contexte de suppressions d'emplois et de remise en cause du réseau de proximité.

Concluant son intervention, il a indiqué qu'il considérait que, faute de mise en _uvre de ces suggestions, le ministre ne saurait avoir le soutien des députés de la majorité pour mener à bien une telle réforme.

Mme Béatrice Marre a considéré que le délai entre le dépôt du rapport et l'annonce de la réforme, soit vingt jours, a été trop court et n'a pas permis une véritable concertation. Elle a souligné l'inquiétude suscitée, chez les élus locaux, par une possible confusion entre la fonction de conseil et le contrôle de légalité. Par ailleurs, la spécificité de la fiscalité des agriculteurs sera-t-elle prise en compte dans la nouvelle architecture administrative proposée ?

M. Eric Besson a, à son tour, évoqué une attente forte de concertation. Mais, pour autant, l'esprit de la réforme, qui place l'usager au c_ur des préoccupations de l'administration, doit être défendu. Un correspondant fiscal unique, la simplification des procédures et, plus généralement, un « mieux d'Etat », vont évidemment dans le bon sens.

M. Jean Launay, faisant usage de la faculté que lui confère l'article 38, alinéa premier, du Règlement, tout en considérant qu'il y a eu un début de négociation au niveau des comptables publics, a estimé qu'il fallait donner des indications plus claires sur l'impact de la réforme, notamment s'agissant des trésoreries rurales. Le nouveau maillage territorial pourrait s'inspirer de l'évolution qui a entraîné un rapprochement entre les collectivités locales ayant constitué des communautés urbaines ou des syndicats de communes.

M. Christian Sautter a tout d'abord réaffirmé que la réforme était nécessaire, parce qu'elle allait dans le sens de la simplification souhaitée par les usagers, mais il a admis qu'il faudrait lutter contre « la prégnance centralisatrice de l'administration ». Il reste, en effet, à trouver, sur le terrain, des modalités de négociation et des moyens concrets pour débattre au niveau départemental, tant avec les personnels concernés qu'avec les élus. Le ministre a réaffirmé que les cartes qui circulent n'ont aucun fondement et que la réforme n'entraînera pas de bouleversement pour les postes comptant trois agents ou moins. Au niveau national, l'interlocuteur du Gouvernement pourrait être la MEC. Un vrai changement de mentalités est en cours, qui permettra de passer du service public au service du public.

S'agissant de la séparation de l'ordonnateur et du comptable, le ministre a considéré que si elle est justifiée en matière de dépenses, elle doit être adaptée en matière de recettes. Il faut donc effectuer, en ce domaine, un regroupement des agents pour assurer une meilleure coordination. Les trésoriers-payeurs généraux ont une obligation de résidence ; leur présence sur le terrain et leur implication dans la concertation seront exigées. En ce qui concerne le calendrier, d'ici la fin du semestre en cours, une concertation aura lieu avec les élus locaux. Il s'agit d'une responsabilité de nature politique qui sera assumée par le ministre et la secrétaire d'Etat.

Dès 2001, sera mise en place la direction des grandes entreprises, celle des hôtels des impôts des entreprises devant intervenir d'ici 2003. L'année 2003 verra également l'installation, dans certains départements volontaires, des premiers hôtels des impôts des particuliers, dont le réseau correspondra, globalement, à celui des centres des impôts. Dans le même temps, assiette et recouvrement passeront, sur l'ensemble du territoire, sous la responsabilité unique de la nouvelle direction générale en charge des impôts.

Le ministre a fait valoir que, pour la première fois peut-être dans le ministère dont il a la charge, une réforme d'ampleur aura fait l'objet d'une importante concertation, car elle a été débattue pendant neuf mois avec un grand nombre d'agents et l'ensemble des organisations syndicales, tant au niveau national que local.

Le ministre a ensuite indiqué que la modernisation du cadastre était en cours et se déroulerait jusqu'en 2003. Il en va de même pour les conservations des hypothèques : leur « numérisation » se développe au rythme de dix services tous les mois.

S'agissant des hypothèses de réformes fiscales contenues dans le rapport de MM. Bert et Champsaur, et notamment de la retenue à la source de l'impôt sur le revenu, il peut revenir à la MEC d'en débattre en son sein, mais, pour ce qui le concerne, il reste attaché à la tradition française de recouvrement par l'Etat. Ces remarques sont valables pour la vignette automobile et la redevance de l'audiovisuel.

Il a rappelé que la Commission de Bruxelles avait accepté que le réseau du Trésor assume le monopole des dépôts des notaires.

Il a indiqué qu'il laissait à M. Jean-Pierre Delalande la responsabilité de ses propos sur la timidité de la réforme. En tout état de cause, cette réforme fait l'objet d'une réelle concertation et elle est politiquement assumée.

Au sujet des indemnités, il a considéré que la rémunération des agents des services financiers devait être correcte, d'autant que certains d'entre eux sont pécuniairement responsables sur leurs propres deniers. Il a rappelé que certaines indemnités dérogatoires ont été mises en place dès 1947 et 1948.

M. Jean-Pierre Delalande a expliqué que cette question était d'une grande importance. Il avait lui-même, dans le passé, déposé une proposition de loi tendant à mettre fin aux pratiques peu transparentes de rémunération des membres des cabinets ministériels. Il est temps de mettre un terme à des pratiques sans base légale et qui heurtent l'opinion.

M. Christian Sautter a répondu à M. Marc Dolez que le document établi par MM. Bert et Champsaur n'était effectivement qu'un rapport. En revanche, les décisions présentées au comité technique paritaire ministériel étaient bien les décisions des ministres. Le but de la réforme est la simplification de la vie de l'usager ; elle est conforme à l'intérêt général et permettra des gains d'efficacité. Les moyens pour y parvenir sont, eux, à négocier et la négociation se poursuivra. Certains exemples étrangers illustrent à l'évidence que, pour vivre et se développer, le service public ne doit pas rester immobile.

Mme Florence Parly a enfin apporté les précisions suivantes :

- Les cartes qui circulent actuellement et qui présentent de prétendues restructurations du réseau du Trésor ne correspondent à aucune réalité : ce sont des « élucubrations technocratiques ».

- Ce réseau sera maintenu. Il s'agit d'un réseau de qualité et de proximité qui n'a aucune raison d'être mis en cause du fait de l'unification des administrations fiscales. En effet, 20% de son activité seulement relève du recouvrement. Cette moyenne est encore plus faible dans les postes comptant trois agents ou moins.

- Ce réseau aura pour nouvelle mission un meilleur service aux élus. Il continuera à être le garant de la bonne utilisation des 1.500 milliards de francs de dépenses publiques qui y transitent chaque année.

Mme Florence Parly a ensuite expliqué que, si le diagnostic avait relevé de la mission de MM. Bert et Champsaur, la décision avait été, elle, un choix politique. Cette décision s'articule autour de quatre objectifs :

- une gestion publique rénovée ;

- un interlocuteur économique unique pour les PME ;

- une administration fiscale unifiée ;

- une réforme de l'administration centrale.

La concertation, a-t-elle conclu, est devant nous, avec les élus, les organisations syndicales et les agents.

Revenant sur certains propos concernant les résultats de l'exercice budgétaire 1999, le Rapporteur général a estimé que la Commission des finances n'avait pas à organiser ses travaux en fonction des supputations des uns ou des autres. Rappelant cependant que d'ici le 15 février devraient être arrêtés les comptes définitifs de l'exercice 1999, il a souhaité que la Commission des finances ait la primeur de cette information.

Le Président Augustin Bonrepaux a considéré que les grandes orientations de la réforme envisagée étaient bonnes. C'est l'information qui a manqué, alors même que l'on constate une certaine désinformation au sujet de projets de restructuration du réseau dont il s'est réjoui que les ministres aient pu confirmer l'inexistence. Il a cependant exprimé une certaine inquiétude liée à la constatation que, sur le terrain, trop souvent, l'application de bonnes réformes n'est pas conforme aux intentions de leurs promoteurs. Il a donc appelé le Gouvernement à un effort de concertation pour dissiper les inquiétudes qui se manifestent à l'échelon local.


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