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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 53

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 9 mai 2000
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport d'information de M. Michel Destot sur l'innovation en France.

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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a examiné, sur le rapport d'information de M. Michel Destot sur l'innovation en France.

M. Michel Destot, rapporteur spécial, a d'abord souligné l'importance qu'il y avait à faire le point sur la situation de l'innovation en France deux ans après la tenue des assises de l'innovation. Il a rappelé que de nombreux rapports avaient été consacrés à cette question, celui de M. Henri Guillaume, La Technologie et l'Innovation, qui fait référence en la matière, mais aussi, plus récemment, le livre de Mme Edith Cresson, Innover ou subir, le rapport parlementaire de M. Eric Besson sur la création de très petites entreprises, et les travaux de Mme Nicole Bricq, d'une part, de MM. Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld, d'autre part.

Il a souligné le rôle moteur de l'innovation en matière de croissance et de création d'emplois. L'innovation stimule la croissance et l'apparition de nouveaux emplois, même si certains emplois deviennent parallèlement caducs, elle est au c_ur de la « nouvelle croissance », qui est une croissance riche en emplois durables et qui répond aux besoins de la société. Le Rapporteur s'est félicité du fait que la distinction entre innovation et recherche soit désormais mieux prise en compte et il a insisté sur le fait que l'innovation ne doit pas être seulement technologique mais aussi sociale.

La bonne position de la France en matière de croissance, d'inflation et de balance des paiements ne se traduit pas encore suffisamment en termes d'emplois. Cette situation est liée au fait que les conditions nécessaires à la prise de risques et à l'innovation ne sont pas réunies, même si le capital-risque a considérablement crû ces derniers mois et si la place de la France en matière de biotechnologies est très bonne. Ainsi, la position de la France en matière de recherche ne cesse de s'améliorer au sein de l'OCDE, alors que sa part dans les brevets et sa place sur le marché international régressent.

Des exemples étrangers mettent pourtant en avant l'impact de l'innovation sur la création d'emplois. Aux États-Unis, par exemple, entre 1995 et la fin de 1998, 5 millions d'emplois ont été créés dans le secteur des technologies de l'information. Le Japon s'est appuyé sur l'innovation pour sortir de la crise ; l'innovation a été le moteur du décollage économique israélien. Les montants investis dans le capital-risque en Grande-Bretagne, en Allemagne et aux Pays-Bas, ces derniers occupant la première place européenne en matière de capital-risque (0,17 % du produit national brut), montrent la voie à suivre. Beaucoup a déjà été fait depuis le rapport Guillaume, dont 90 % des préconisations ont aujourd'hui été mises en _uvre.

A la suite de nombreux entretiens avec les ministres compétents, des représentants du monde de la recherche et du monde des entreprises, il a pourtant semblé nécessaire au Rapporteur de présenter de nouvelles orientations pour poursuivre l'effort en faveur de l'innovation. Le premier axe à suivre concerne l'accès aux compétences : il convient d'orienter les formations vers l'innovation mais aussi de stimuler l'esprit d'entreprise, notamment par des mesures relatives à l'assurance-chômage et en faveur de la participation de grands dirigeants d'entreprise au conseil d'administration de « start-up », et de faciliter le recrutement de personnels formés de manière adéquate.

Pour ce qui est de l'accès au financement, M. Michel Destot a proposé la création d'un « crédit d'impôt innovation » sur le modèle du crédit d'impôt recherche, mais réservé aux PME-PMI et prenant en compte les dépenses liées aux études, au marketing, au design et aux prototypes. Parallèlement, la prise de risques doit être rendue plus attractive par des mesures fiscales adaptées, s'agissant notamment de la taxation des capitaux réinvestis dans les entreprises innovantes, pour lesquels il est souhaitable de ne taxer les plus values qu'à la sortie du circuit de financement, et du nécessaire déplafonnement de la réduction d'impôt pour les contribuables investissant dans les entreprises innovantes.

L'accès au marché sera plus aisé si la mise en adéquation de la recherche et des besoins des entreprises s'améliore, ce qui peut passer par la création d'unités mixtes entre le CNRS et les PME et par la présence systématique d'industriels dans les comités scientifiques des laboratoires publics. Les aides financières à l'innovation devraient être réorientées en fonction du potentiel de création d'emplois et gérées au niveau régional, plus proche du terrain. Il est souhaitable que les régions de haute technologie, les plus à même de créer de l'emploi, soient ouvertement éligibles à certains fonds communautaires dont elles sont actuellement privées. Enfin, le dispositif d'aide doit être simplifié et rendu plus lisible. Il convient d'envisager un rapprochement des structures dépendant actuellement de divers ministères, voire une fusion à terme. Il est souhaitable qu'un site internet unique soit instauré, ce qui facilitera les réponses aux demandes des entreprises.

La prochaine présidence française de l'Union européenne offre l'occasion de mettre en avant la question de l'innovation, dans le cadre de l'ensemble des politiques communautaires.

M. Didier Chouat s'est demandé si la proposition du Rapporteur consistant à orienter davantage les aides communautaires vers les secteurs fortement innovants ne remettait pas en cause toute la philosophie qui sous-tend l'action européenne, qui s'était jusqu'à présent attachée à favoriser le rattrapage des territoires en difficulté.

M. Éric Besson s'est félicité de la qualité et de la cohérence du travail accompli par le Rapporteur, tout en jugeant assez iconoclaste sa proposition de redéployer les fonds communautaires destinés aux zones défavorisées vers les secteurs innovants. Il a souhaité savoir si le Rapporteur avait pu avoir accès à des statistiques récentes permettant d'éclairer la question controversée du rapport entre l'innovation et la création d'emplois et si les critiques sur l'absence d'un plan ambitieux de développement des « incubateurs » étaient fondées.

Le Président Henri Emmanuelli a ajouté que des économistes américains avaient, depuis 1998, émis des doutes sur le lien entre les créations d'emplois et les entreprises innovantes.

M. Thierry Carcenac a indiqué qu'aux États-Unis et en Israël, la césure entre l'éducation, la science et les loisirs était moins affirmée qu'en France et que ceci se traduisait par une optimisation de l'utilisation des équipements informatiques et scientifiques. Il a souhaité que l'on développe une ouverture à l'innovation dans la formation initiale, notamment par la mise à disposition de matériels informatiques dans le système scolaire.

Le Rapporteur spécial a alors apporté les réponses suivantes :

- Il faut élargir le bénéfice des fonds européens aux secteurs ou aux zones de haute technologie sans remettre en cause le principe du soutien à la reconversion des territoires en difficulté ; la France trouvera son compte à cette ouverture limitée qui évitera des détournements de procédure au titre du soutien à la recherche.

- On ne dispose pas encore d'un bilan précis de l'action des « incubateurs » créés en France en raison de leur faible nombre et de leur récente existence ; en dépit de ce faible nombre, les résultats sont cependant prometteurs ; une des questions qui se pose est celle de la formation adéquate des dirigeants de nouvelles entreprises, l'observation des expériences comparables à l'étranger et notamment au Royaume-Uni montre que le recours aux « incubateurs » permet d'atténuer les risques et les ruptures que rencontrent traditionnellement les entreprises naissantes, entre l'apparition d'une découverte scientifique et la consolidation de la société qui a été créée pour l'exploiter.

- Les données fournies par des enquêtes et publiées dans le rapport démontrent l'impact positif de l'innovation sur l'emploi en France au moins pour les périodes de 1990 à 1998.

La Commission a enfin autorisé la publication du rapport d'information sur l'innovation en France.

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