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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES, de la LÉGISLATION
et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 15

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 6 décembre 2000
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Bernard Roman, président

SOMMAIRE

 

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- Proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine (n° 2480) (rapport)

- Informations relatives à la Commission


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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Thierry Mariani, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine (n° 2480).

Constatant que le Sénat avait adopté à l'unanimité la proposition de loi soumise aujourd'hui à la Commission, M. Thierry Mariani, rapporteur, a indiqué que ce texte permettrait aux conseillers d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille de siéger au sein du conseil d'une communauté urbaine, introduisant ainsi un élément de souplesse dans le dispositif de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. Après avoir observé que cette loi avait beaucoup favorisé le développement de la coopération en instituant les communautés d'agglomération - cinquante ayant vu le jour depuis un peu plus d'un an -, il a rappelé que le débat de 1999 avait été marqué par la question de l'élection ou non au suffrage universel des membres des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et souligné que l'hypothèse d'une telle élection avait suscité alors des interrogations sur la place des structures intercommunales par rapport aux communes et aux départements. Considérant qu'un compromis équilibré avait pu être trouvé, l'organe délibérant de l'établissement de coopération intercommunale étant désormais composé de délégués élus par les conseils municipaux des communes parmi leurs membres, il a relevé que cette règle nouvelle revenait sur les dispositions jusqu'alors en vigueur qui autorisaient les communes à désigner tout citoyen réunissant les conditions requises pour faire partie d'un conseil municipal. Puis, évoquant la proposition de loi soumise à la Commission, le rapporteur a indiqué qu'elle se justifiait par trois raisons : la nature particulière des communautés urbaines, l'organisation originale de Paris, Lyon et Marseille et le souci de permettre, à Marseille, l'application du mode de désignation actuel des délégués communaux en cas d'élargissement du territoire de la communauté urbaine. Il a ainsi fait observer que les communautés urbaines constituaient une avancée considérable et tangible dans la coopération intercommunale, leur nombre étant aujourd'hui de quatorze, depuis que Nantes et Marseille ont rejoint cette catégorie en 2000. Il a insisté également sur le fait que les conseillers d'arrondissement disposaient d'une légitimité forte puisqu'ils sont élus au suffrage universel direct, ajoutant que, confrontés aux demandes des citoyens, ils étaient, par définition, très proches de leurs préoccupations et répondaient au mieux à leurs besoins. Il a constaté, enfin, que la proposition de loi permettrait à Marseille de désigner les 107 délégués nécessaires si la communauté urbaine devait s'étendre, comme cela est prévu à court terme, alors même que le conseil municipal de cette ville ne compte que 101 membres. Il a conclu en insistant sur le fait que cette proposition s'inscrivait dans une répartition mieux équilibrée des charges publiques, le cumul du mandat municipal et du mandat communautaire étant de ce point de vue très lourd.

Rappelant que, lors de la discussion de la loi du 12 juillet 1999 relative à la simplification et au renforcement de la coopération intercommunale, le principe de la désignation des seuls conseillers municipaux pour siéger au sein des conseils des communautés urbaines avait fait l'objet d'un débat particulièrement approfondi, M. Jacky Darne a souligné qu'à aucun moment l'hypothèse d'y faire participer les conseillers d'arrondissement, comme y invite la proposition de loi, n'avait été évoquée. Il a ajouté que, lors de la première lecture de ce projet de loi devant l'Assemblée nationale, il avait proposé, à titre personnel, qu'à l'occasion des élections municipales, les conseillers municipaux susceptibles de siéger au sein de la communauté urbaine soient clairement identifiés parmi la liste des différents candidats afin que les citoyens en soient pleinement informés, mais n'avait pu emporter l'adhésion de ses collègues en raison de leur hostilité à tout dispositif pouvant tendre à la « supracommunalité ». M. Jacky Darne a estimé que la proposition de loi apportait une réponse fort peu satisfaisante à la question réelle de l'articulation des décisions émanant des communautés urbaines avec celles prises par les communes. Soulignant que les conseillers d'arrondissement ne participaient pas au vote de l'impôt municipal, il a considéré qu'il serait paradoxal de leur confier ce droit au sein des conseils des communautés urbaines, alors même qu'en matière fiscale leurs compétences peuvent être plus étendues que celles des communes. Jugeant que le dispositif de la proposition de loi ne serait ni compris ni accepté par les citoyens, il s'est interrogé sur les motivations réelles de ses auteurs, exprimant la crainte que certains n'aient d'autres soucis que de permettre l'accès à des fonctions à leurs amis politiques. Tout en appelant la commission à ne pas adopter cette proposition de loi, il a conclu son propos en reconnaissant qu'il serait sans doute opportun de revoir la loi du 31 décembre 1982, relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon, dite « PLM » pour clarifier les pouvoirs respectifs du conseil d'arrondissement et du conseil municipal.

Rappelant, en préambule, qu'il avait eu l'honneur de rapporter la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et la simplification de la coopération intercommunale, M. Gérard Gouzes s'est étonné que le Sénat ne prenne l'initiative de revenir sur des dispositions adoptées après de longues heures de discussion en réunion de commission mixte paritaire. Après avoir souligné que l'obligation de choisir l'ensemble des membres des organes délibérants des structures intercommunales parmi les conseillers municipaux des communes membres constituait une avancée essentielle de la loi, il a observé que la proposition de loi en discussion allait à l'encontre de cette disposition dans le seul objet de régler le cas particulier de Marseille ; il a estimé qu'en faisant référence, pour la répartition des sièges entre les communes au sein de l'organe délibérant, à un accord amiable entre les communes, la loi du 12 juillet 1999 devait permettre à la communauté urbaine de Marseille de trouver un compromis acceptable pour toutes les communes. Contestant, en outre, un dispositif qui aurait vocation à s'appliquer à Paris, Lyon et Marseille, alors même que Paris n'était pas concernée dans les mêmes termes par la dynamique de l'intercommunalité, il a, en conclusion, exprimé son hostilité à l'encontre d'une proposition de loi revenant finalement à reconnaître à l'arrondissement le statut de collectivité à part entière.

Dénonçant le sort commun réservé à toutes les propositions de loi présentées par l'opposition, M. Pascal Clément a émis le souhait que la majorité gouvernementale sorte à leur égard de son attitude de refus systématique et reconnaisse le bien fondé des initiatives parlementaires, quelle que soit leur origine ; il a regretté le manque d'autonomie du Parlement face aux volontés du Gouvernement, tout en admettant que cette dérive était, sans doute, inhérente aux institutions de la Ve République. Il a rappelé, faisant référence aux propos de M. Jean-Jacques Hyest devant le Sénat, que la possibilité de nommer des représentants au sein des organes délibérants des établissements de coopération intercommunale non issus des conseils municipaux des communes membres, qui avait longtemps été admise par la loi, était donc autrefois de pratique courante. Reconnaissant que le dispositif proposé dans la proposition de loi permettait de régler un problème spécifique à Marseille, il a cependant observé que la question pourrait également surgir à Lyon et, éventuellement, à Paris si la capitale décidait de s'ouvrir à l'intercommunalité, dans le cas où le nombre d'élus municipaux serait insuffisant par rapport au nombre de représentants appelés à siéger dans les établissements de coopération intercommunale. Evoquant l'unanimité qui avait présidé à l'adoption de la loi du 12 juillet 1999, il a observé que l'ensemble des parlementaires s'était rejoint sur les finalités à atteindre, consistant à encourager le mouvement de création de structures intercommunales. Soulignant que la proposition de loi en discussion ne remettait pas en cause les principes de ce texte mais procédait à un simple aménagement pour garantir aux villes-centre une représentation à la hauteur de leurs engagements financiers, il a jugé que la position du groupe socialiste n'était guère satisfaisante. Evoquant la suggestion de M. Jacky Darne consistant à modifier la loi « PLM », il a observé que de simples ajustements à la loi sur l'intercommunalité étaient préférables à des bouleversements qui iraient bien au-delà de l'objectif recherché. Considérant en définitive que la présence d'élus « de deuxième classe », puisque c'était ainsi que l'on s'évertuait à désigner les conseillers d'arrondissement, était préférable à une solution privant la commune d'une représentation adéquate au sein de l'établissement public de coopération intercommunale, il a vivement déploré l'attitude partisane et idéologique des députés socialistes et s'est félicité qu'une telle attitude n'ait pas prévalu au Sénat.

Considérant que le problème soulevé par la présente proposition de loi pourrait être résolu par l'élection au suffrage universel direct des membres des structures intercommunales, M. Bernard Derosier a rappelé que le Sénat s'y était opposé lors de la discussion de la loi du 12 juillet 1999 renforçant la coopération intercommunale. Après avoir approuvé le dispositif actuel, qui écarte la possibilité de désigner les conseillers d'arrondissement pour siéger au sein de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale bien qu'ils soient élus du suffrage universel, il a jugé, a fortiori, qu'il était choquant que d'autres organes, tels que des établissements publics fonciers, puissent lever l'impôt sans que les membres de leur conseil d'administration soient élus au suffrage universel direct.

S'agissant des modalités de désignation des représentants intercommunaux, M. Pascal Clément a estimé que le Sénat avait fait le choix de la prudence, en écartant, dans l'immédiat, le recours au suffrage universel, considérant qu'un tel choix devait répondre à une attente des citoyens et non être vécue comme une agression, dont le seul objectif serait de rayer de la carte l'échelon communal.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les éléments d'information suivants :

-  Cette proposition de loi a été votée à l'unanimité au Sénat et fait l'objet d'un consensus parmi les différentes forces politiques à Marseille.

-  M. Jean-Jack Queyranne, qui représentait le Gouvernement lors de la discussion au Sénat, a convenu que ce texte permettrait de répondre à la question de la lourdeur de l'exercice simultané des charges de conseiller municipal et de conseiller communautaire. Il a également constaté que la loi du 12 juillet 1999 avait bien omis de traiter le cas particulier de Paris, Lyon et Marseille.

-  Déclarer que la légitimité des conseillers d'arrondissement serait moindre que celle des autres élus, alors même que le suffrage universel les désigne, est pour le moins surprenant et même d'un certain point de vue insultant à leur égard.

-  Si l'on diminuait le nombre de délégués représentant Marseille au sein de la communauté urbaine, on serait contraint de réduire également la représentation des plus petites communes, pour respecter les équilibres démographiques, cette solution n'étant évidemment pas satisfaisante.

-  A l'heure où l'on fustige le cumul des mandats, la proposition de loi va évidemment dans le bon sens et il est surprenant et décevant de constater que la majorité rejette ce texte au seul motif qu'il est présenté par l'opposition.

A l'issue de ce débat, la Commission a rejeté la proposition de loi n° 2480, adoptée par le Sénat, tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

-  Mme Nicole Feidt, rapporteure pour la proposition de résolution de M. Alain Bocquet et les membres du groupe communiste et apparentés, tendant à créer une commission d'enquête sur les tortures commises durant la guerre d'Algérie (n° 2747).

-  M. Jacky Darne, rapporteur pour la proposition de résolution n° 2670 de Mme Michèle Rivasi sur le Livre vert de la Commission européenne sur la responsabilité civile du fait des produits défectueux (COM [1999] 396 final - E 1296).

-  Mme Christine Lazerges, rapporteure pour la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à faciliter l'indemnisation des condamnés reconnus innocents et portant diverses dispositions de coordination en matière de procédure pénale (n° 2740).

-  M. Bernard Roman, rapporteur pour les propositions de loi organique : de M. Jean-Marc Ayrault modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (n° 2773) ; de M. Gérard Gouzes relative à la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (n° 2757) ; de M. Hervé de Charette relative à l'organisation des élections présidentielles et législatives (n° 2756) ; de M. Raymond Barre modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (n° 2741) ; de M. Bernard Charles et plusieurs de ses collègues visant à modifier l'article L.O. 121 du code électoral en vue de la concomitance de l'élection présidentielle et des élections législatives (n° 2665) ; de M. Georges Sarre et plusieurs de ses collègues, relative à l'antériorité de l'élection présidentielle par rapport à l'élection législative (n° 2602).

La Commission a ensuite procédé à la désignation des candidats à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale. Ont été désignés :

· membres titulaires : MM. Bernard Roman, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Feidt, MM. Georges Tron, Jean-Pierre Foucher, Jean Vila, Gérard Saumade.

· membres suppléants : M. Jacques Floch, Mme Raymonde Le Texier, MM. François Colcombet, René Dosière, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Luc Warsmann, Pierre Cardo.

Puis la Commission a procédé à la désignation des candidats à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en _uvre certaines dispositions du droit communautaire. Ont été désignés :

· membres titulaires : MM. Bernard Roman, Jacques Floch, Jean-Paul Chanteguet, Didier Quentin, Jean-Pierre Foucher, Roger Meï, Jean-Pierre Michel.

· membres suppléants : M. Jean-Yves Caullet, Mmes Nicole Feidt, Raymonde Le Texier, MM. François Colcombet, René Dosière, Thierry Mariani, François Goulard.

La Commission a désigné M. Bernard Derosier pour siéger au conseil d'orientation de l'observatoire de l'emploi public.

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