Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (2000-2001)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 29

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 1er février 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Bernard Roman, président

SOMMAIRE

 

pages

- Proposition de loi de M. Alain Vidalies et les membres du groupe socialiste et apparentés relative aux droits du conjoint survivant (n° 2867) (M. Alain Vidalies, rapporteur) (rapport)


2

- Propositions de loi de M. Gérard Gouzes et les membres du groupe socialiste et apparentés relative au nom patronymique (n° 2709) ; de Mme Janine Jambu et les membres du groupe communiste et apparentés relative au nom patronymique (n° 132) et de Mme Marie-Jo Zimmermann, relative à la transmission du nom de famille et permettant de choisir pour les enfants le nom du père ou celui de la mère (n° 1012) (M. Gérard Gouzes, rapporteur) (rapport)





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- Information relative à la Commission

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La Commission a examiné, sur son rapport, la proposition de loi de M. Alain Vidalies et des membres du groupe socialiste et apparentés, relative aux droits du conjoint survivant (n° 2867).

Justifiant l'inscription, à la demande du groupe socialiste, de cette proposition de loi à l'ordre du jour de la séance mensuelle d'initiative parlementaire, M. Alain Vidalies, rapporteur, a indiqué que le dépôt, en 1991, puis en 1995, de projets de loi tendant notamment à revaloriser les droits du conjoint survivant, les travaux des groupes de travail animés par MM. Jean Carbonnier et Pierre Catala, d'une part, et par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, d'autre part, ainsi que l'opinion publique, qui découvre toujours avec surprise la réalité limitée de la vocation successorale du conjoint survivant, attestait de la nécessité d'une réforme. Après avoir rappelé que celle-ci n'avait cependant jamais pu aboutir, en raison des querelles byzantines sur les solutions juridiques à retenir, il a observé que la faiblesse des droits reconnus au conjoint survivant résultait du privilège donné par le droit successoral français au lien du sang et considéré que les dispositions du code civil relatives aux libéralités et aux régimes matrimoniaux permettaient, certes, d'améliorer le statut du conjoint survivant, mais offraient une protection encore imparfaite, notamment en cas de décès accidentel.

Evoquant ensuite le contenu de la proposition de loi, il a indiqué qu'elle tendait, tout d'abord, à placer le conjoint survivant plus favorablement dans l'ordre successoral. Il a ainsi précisé que la proposition de loi permettrait, désormais, au conjoint survivant de recevoir, si le défunt laissait des descendants, un quart de la succession en propriété, et non plus en usufruit comme c'est le cas aujourd'hui. En outre, il a souligné qu'il pourrait désormais recueillir la moitié de la succession en propriété en présence des père et mère du défunt, ou les trois quarts, si l'un des deux parents du défunt était prédécédé. Enfin, soulignant l'importance du changement ainsi opéré dans l'ordre successoral, il a indiqué que le conjoint survivant recueillerait la totalité de la succession, dès lors que le défunt ne laisserait ni descendants, ni père ou mère, les frères et s_urs du défunt ainsi que les ascendants ordinaires du défunt n'étant plus appelés à la succession en présence d'un conjoint successible.

Soulignant que la proposition de loi tendait également à octroyer au conjoint un droit d'habitation sur le logement qu'il occupe effectivement au moment du décès, ainsi qu'un droit d'usage sur le mobilier le garnissant, le rapporteur a précisé que ces dispositions répondaient à une attente des populations concernées, notamment de l'association des conjoints survivants, la FAVEC, et s'appuyaient sur la composition des successions, constituées pour 80 % d'un logement et pour 20 % seulement d'autres formes de biens. Rappelant que le code civil précisait déjà les droits et obligations incombant aux titulaires de droits d'usage et d'habitation, il a indiqué que, aux termes de la proposition de loi, le conjoint pourrait, dans un délai d'un an à partir du décès, manifester sa volonté de bénéficier de ces droits, qui s'imputeraient sur ceux qu'il aurait recueillis en propriété dans la succession, le conjoint pouvant, si ceux-ci se révèlent supérieurs à la valeur des droits d'usage et d'habitation, disposer du solde mais n'étant pas tenu de récompenser la succession, dans l'hypothèse inverse. Après avoir indiqué qu'un amendement du Gouvernement viendrait probablement préciser le barème applicable au calcul de la valeur des droits d'usage et d'habitation, le rapporteur a souligné que ce dispositif permettrait ainsi à une veuve âgée de demeurer dans son logement et de recueillir, le cas échéant, un complément de capital, dès lors que, compte tenu de son âge, la valeur des droits d'usage et d'habitation serait peu importante.

Le rapporteur a ensuite souhaité évoquer l'opportunité de donner au conjoint des droits en usufruit et d'en faire un héritier réservataire, soulignant que les débats suscités par ces deux points expliquaient sans doute qu'aucune réforme des droits du conjoint survivant n'ait été menée à bien jusqu'à ce jour, l'extrême diversité des situations rencontrées en matière successorale permettant, de surcroît, de tirer parti d'un cas particulier pour critiquer tel ou tel dispositif retenu. Tout en jugeant légitime de s'interroger sur la solution consistant à donner au conjoint survivant un droit d'usufruit, il a cependant exprimé la crainte qu'elle ne conduise à élaborer une véritable « usine à gaz ». Après avoir souligné les difficultés que poserait la conversion de l'usufruit, notamment lorsque le conjoint survivant est âgé, il a considéré que la gestion de l'usufruit pourrait se révéler délicate et source de conflits entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, notamment lorsque celui-ci est un enfant issu d'un autre lit, cette éventualité devenant plus probable avec la multiplication des familles recomposées. En outre, il a observé que l'allongement de la vie risquait de faire des descendants des « nus-propriétaires à vie », particulièrement lorsque, en cas de remariage du défunt, il n'existe pas de différence d'âge importante entre le conjoint survivant et les enfants du défunt.

Observant que l'octroi d'un droit de réserve au conjoint survivant était fréquemment demandé, le rapporteur a indiqué qu'il était difficilement concevable de vouloir protéger le conjoint survivant contre la volonté du défunt si celui-ci entend le déshériter, alors que la proposition de loi, en le plaçant dans une position plus favorable dans l'ordre successoral, tendait à faire primer une logique de l'affection sur celle du sang. A cet égard, il n'a pas jugé pertinente la comparaison avec les ascendants et les enfants, estimant que leur qualité d'héritiers réservataires tenait au simple fait que l'on ne choisit pas ses parents et que l'on ne change pas d'enfant, ce qui n'est pas le cas du conjoint. Soulignant que ce droit de réserve serait potentiellement acquis dès le mariage, il a observé qu'il pourrait avoir des incidences, par exemple, dans le calcul d'une prestation compensatoire octroyée en cas de divorce. Rappelant que les parents et les enfants bénéficient déjà de droits de réserve, qui ne peuvent entrer en concurrence, puisqu'ils sont des héritiers successifs, il a jugé peu opportun d'y ajouter un droit de réserve pour le conjoint. En revanche, il a proposé à la Commission de prévoir que, en l'absence de descendants et d'ascendants, les libéralités consenties par le défunt qui laisserait un conjoint survivant, ne puissent excéder les trois quarts des biens du disposant. En effet, rappelant que, en l'absence d'enfants ou de parents du défunt, son conjoint devient héritier du premier rang, il a jugé légitime que ce dernier se voit alors garantir un quart des biens.

Soulignant, en conclusion, que le statut successoral actuel du conjoint survivant en France semblait, à la lumière du droit comparé, particulièrement peu favorable et jugeant qu'il relevait de principes d'un autre âge, le rapporteur a souhaité que cette proposition de loi puisse être adoptée, afin de répondre à l'attente de l'opinion publique.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a indiqué que la Délégation partageait le point de vue exprimé par M. Alain Vidalies sur un texte qu'elle a jugé simple et équitable. Observant que seuls les couples aisés étaient suffisamment informés sur ces sujets et organisaient leur succession en conséquence, elle a souhaité qu'une information sur les droits du conjoint survivant soit délivrée au moment du mariage, par un document annexé au livret de famille. Elle a ajouté que la Délégation recommandait que l'article 767-5 du code civil prévoit que les droits d'habitation et d'usage reconnus au conjoint survivant ne peuvent être convertis en rente viagère ou en capital que d'un commun accord entre ce conjoint et les héritiers. Elle a, également, émis le v_u que la durée de jouissance gratuite du logement et du mobilier reconnue au conjoint survivant soit portée de douze à dix-huit mois. Elle a conclu en souhaitant que la proposition de loi soit mise en application dès sa promulgation, puisqu'elle répond à une véritable attente de nos concitoyens.

Rappelant que cette question était débattue depuis de longues années, Mme Christine Lazerges a considéré que la situation du conjoint survivant devait être améliorée dans le sens d'une plus grande équité. Elle s'est déclarée en accord avec la recommandation de la Délégation tendant à insérer dans le livret de famille des informations sur les successions, mais a souhaité qu'elles portent également sur les règles relatives à l'autorité parentale. Constatant qu'il existe des situations familiales et patrimoniales diverses, elle a, cependant, rappelé que le patrimoine moyen des couples était constitué d'un logement d'une valeur de 600 000 F et d'un livret d'épargne s'élevant de 30 000 à 50 000 F et précisé que la proposition de loi visait surtout à régler la situation des veuves ou des veufs se trouvant dans ce type de situation et non le cas des grandes fortunes. Dans cette perspective, elle a insisté sur la nécessité d'assurer au conjoint survivant le maintien dans le logement pendant une durée d'un an, le droit d'habitation et d'usage étant préférable à l'usufruit, parce qu'il impose moins de charges à son titulaire. Elle a ajouté que la proposition prévoyait également que le conjoint survivant puisse bénéficier d'un quart du patrimoine en pleine propriété, lorsque ce patrimoine est suffisant. Estimant que ces solutions répondaient de manière simple, équilibrée et équitable à la diversité des situations, elle a conclu qu'elles étaient de nature à limiter le développement du contentieux et des conflits entre les enfants et les conjoints survivants.

Observant, elle aussi, que le débat n'était pas nouveau, Mme Nicole Catala a regretté que la proposition de loi ne reprenne qu'une partie seulement des propositions élaborées depuis une quinzaine d'années en matière de droit des successions. Elle a rappelé que, sous l'égide de M. Jean Carbonnier, une commission de travail avait été constituée auprès du garde des Sceaux, pour traiter de manière globale ces questions, le problème du conjoint survivant n'étant pas alors au centre du débat. Elle a donc déploré que l'on traite isolément du cas des veuves et des veufs, au détriment d'une réflexion d'ensemble sur le droit des successions, privilégiant ainsi une vision beaucoup trop partielle de cette problématique, écueil que le projet de loi déposé en 1995 par le Gouvernement de M. Edouard Balladur avait su éviter. Elle a constaté, notamment, que la proposition de loi ne réglait nullement la situation de l'enfant adultérin, alors même que des juridictions ont récemment écarté l'application d'articles du code civil établissant une discrimination à leur encontre en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme. Observant que la proposition de loi présentée par le groupe socialiste semblait s'inspirer essentiellement des travaux menés par la profession notariale, elle a regretté que les conclusions de la commission de travail présidée par M. Jean Carbonnier n'aient pas fait l'objet d'une plus grande attention. Elle s'est, en outre, inquiétée que la proposition examinée aujourd'hui ne reprenne même pas les conclusions des notaires concernant l'aide alimentaire que les héritiers devraient verser aux ascendants dans le besoin, autres que le père et la mère. Par ailleurs, elle a constaté que le conjoint survivant n'était pas assuré de bénéficier des droits sur le logement et le mobilier le garnissant dès lors que, en cas de dégradation des rapports entre les époux avant le décès, le survivant pouvait en être privé par le testament du défunt. Enfin, elle a jugé que, sans créer de réserve au profit du veuf ou de la veuve, il serait nécessaire de reconnaître un droit sur le logement et sur le mobilier, si ce conjoint survivant se révèle être dans le besoin et regretté que la proposition n'aborde pas la question du droit à pension pour ce conjoint, alors que les travaux de la commission de travail de M. Jean Carbonnier le prévoyaient.

Considérant qu'il était normal que le Parlement fasse preuve d'initiative quand une réforme envisagée depuis trente ans n'avait pu encore être menée à bien, M. Emile Blessig a insisté sur la difficulté d'apporter une réponse universelle à une situation éminemment complexe et variée, et souhaité, en conséquence, que l'on confère à la législation une certaine souplesse. Evoquant le cas du conjoint survivant se trouvant dans le besoin, il a observé que l'article 207-1 du code civil, qui prévoit une pension alimentaire en sa faveur, avait été rendu inopérant par la jurisprudence, qui impose que les difficultés de subsistance du conjoint existent avant le décès de son époux pour emporter une obligation alimentaire. Enfin, il a proposé, en l'absence d'enfant commun, que les droits du conjoint survivant ne s'appliquent que si le mariage a eu une certaine durée, évoquant, à cet égard, des expériences menées à l'étranger.

Saluant une approche pragmatique sur un sujet d'une extrême difficulté, M. Gérard Gouzes a appelé l'attention des membres de la Commission sur le risque de créer des injustices si une règle trop rigide était fixée, qui s'applique à une variété de situations familiales. Observant que, face à une législation imparfaite, les couples avaient su ménager leurs intérêts en transformant souvent, en fin de vie, leur régime matrimonial en communauté universelle, il a constaté que la proposition de loi permettrait de résoudre de nombreuses difficultés en apportant des garanties au conjoint survivant, sans pour autant l'ériger en héritier réservataire. Surpris par les critiques de Mme Nicole Catala à l'encontre de ce texte, il a estimé, à l'inverse, qu'il contenait des avancées réelles, rappelant, par ailleurs, que l'obligation alimentaire due aux ascendants existait dans le code civil. Evoquant enfin la question des enfants adultérins, il a souhaité qu'elle soit abordée lors du débat en séance publique.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a tout d'abord fait état d'un amendement présenté par Mme Christine Lazerges à l'article 2 clarifiant la rédaction des dispositions relatives à la conversion des droits d'habitation et d'usage en une rente viagère ou en un capital, afin de préciser qu'elle ne peut résulter que d'un commun accord entre le conjoint bénéficiaire et les autres héritiers. Constatant que les juridictions tiraient déjà les conséquences de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme, le 1er février 2000, il a jugé indispensable de supprimer dans le code civil toutes les dispositions établissant des discriminations en matière successorale au détriment des enfants adultérins et indiqué qu'il présenterait un amendement en ce sens. Puis il a précisé qu'il proposerait également un amendement pour ouvrir aux ascendants ordinaires du défunt une créance d'aliments contre la succession de l'époux décédé, afin de compenser la suppression de leurs droits successoraux en présence d'un conjoint survivant, qui n'est, au demeurant, tenu à aucune obligation alimentaire à leur égard.

Exprimant des réserves sur la possibilité de porter à dix-huit mois la durée pendant laquelle le conjoint survivant pourrait avoir la jouissance gratuite du logement qu'il occupe au moment du décès, il a, en revanche, approuvé les observations de la Délégation relatives à la nécessité d'améliorer l'information des couples sur la situation du conjoint survivant en cas de décès de l'un des époux. Puis, écartant l'adoption d'un dispositif qui garantirait au conjoint survivant le maintien de ses conditions de vie, il a, cependant, jugé souhaitable de lui permettre, en cas de besoin, de réclamer des aliments à la succession, les dispositions de l'article 207-1 du code civil semblant, à cet égard, insuffisantes, compte tenu de la lecture restrictive qu'en fait la jurisprudence.

Puis la Commission est passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article additionnel avant l'article premier : Coordinations et abrogations au sein du code civil :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur procédant à diverses coordinations et abrogations au sein du code civil pour tenir compte des nouveaux droits reconnus au conjoint survivant.

Article premier (section VII du chapitre III du titre premier du livre troisième du code civil) : Place du conjoint survivant dans l'ordre successoral et étendue de ses droits :

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur.

-  Article 765 : Définition du conjoint survivant - Conditions dans lesquelles il est appelé à la succession :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jean-Pierre Michel tendant à étendre aux partenaires d'un pacte civil de solidarité les droits nouveaux reconnus au conjoint survivant. Le rapporteur a estimé que cet amendement était prématuré, cette question n'ayant pas été réglée dans la proposition de loi instituant le PACS et le bilan de ce nouveau dispositif n'ayant pas encore été établi. Il a, cependant, considéré qu'il s'inscrivait dans la logique du nouveau dispositif, qui fait primer les liens affectifs sur les liens du sang, tout en marquant sa préférence pour un dispositif qui tiendrait compte des particularités du PACS. M. Bernard Roman, président, a rappelé que deux rapporteurs d'information désignés par la commission des Lois et la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales travaillaient à établir un premier bilan du PACS et jugé qu'il serait donc préférable d'attendre leurs conclusions pour traiter du problème soulevé par le présent amendement que la Commission a rejeté.

-  Article 766 : Droits successoraux du conjoint survivant en présence de descendants du défunt :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Emile Blessig visant à mettre en place un régime successoral du conjoint survivant différencié pour les familles composées d'enfants communs aux deux conjoints et d'enfants non issus du mariage. Son auteur a indiqué qu'il souhaitait prendre en compte la diversité des situations familiales en écartant l'usufruit lorsque le défunt ne laisse que des enfants qui ne sont pas issus du mariage, tandis que le conjoint survivant pourrait, dans les autres cas, exercer au contraire, un droit d'option entre l'usufruit sur la totalité et la pleine propriété sur le quart des biens existants formant la quotité disponible, assortie de la réserve des enfants communs. Le rapporteur ayant estimé que le système proposé par cet amendement était trop complexe, qu'il ne permettait pas véritablement de couvrir toutes les situations familiales existantes et risquait d'accroître les recours au juge, la Commission l'a rejeté avant d'adopter un amendement rédactionnel du rapporteur.

-  Article 767 : Droits successoraux du conjoint survivant en présence des père et mère du défunt :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur. Elle a ensuite été saisie d'un amendement de M. Emile Blessig visant à attribuer au parent survivant du défunt la part qui serait échue à l'autre parent prédécédé. Le rapporteur ayant indiqué que la proposition de loi visait à améliorer le sort du conjoint survivant et non celui du parent survivant, il a jugé qu'il était contraire à l'esprit du texte. La Commission a rejeté cet amendement.

-  Article 767-1 : Droits successoraux du conjoint survivant en l'absence de descendants et de père et mère du défunt :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

-  Article 767-2 : Créance d'aliments contre la succession de l'époux prédécédé :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur instituant une créance d'aliments contre la succession de l'époux prédécédé au bénéfice des ascendants du défunt autres que ses père et mère, qui se trouveraient désormais exclus de la succession.

Puis elle a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2 (art. 767-2 à 767-6 du code civil) : Droit au logement viager :

-  Article 767-2 : Conditions d'attribution au conjoint d'un droit viager au logement - Modalités d'exercice :

La Commission a été saisie de deux amendements, l'un de Mme Christine Lazerges, tendant à garantir un droit au logement d'une année pour tous les conjoints survivants, l'autre de M. André Gerin relatif au transfert au conjoint survivant du bail à loyer de l'habitation et prévoyant, sur décision du juge, une contribution de la succession au loyer et aux charges. Mme Christine Lazerges a indiqué que son amendement visait à étendre le droit au logement temporaire à tous les conjoints survivants, alors que le dispositif de la proposition de loi n'ouvrait le bénéfice de ce droit qu'au seul conjoint survivant auquel le défunt a refusé le bénéfice du droit au logement viager. Le rapporteur ayant déclaré qu'il était favorable à cet amendement, la Commission l'a adopté avant de rejeter, en conséquence, celui de M. André Gerin.

Elle a ensuite été saisie d'un amendement de M. Emile Blessig prévoyant que le droit d'habitation et d'usage reconnu au conjoint survivant peut revêtir des formes allant de l'usufruit à la location. Le rapporteur ayant fait observer qu'un tel dispositif serait source de contentieux et imposerait un recours systématique au juge, la Commission a rejeté cet amendement. Elle a, en revanche, adopté un amendement rédactionnel de Mme Christine Lazerges ainsi qu'un amendement de précision du rapporteur. Elle a également adopté un amendement du rapporteur supprimant du dispositif définissant les droits d'habitation et d'usage du conjoint survivant la référence à l'article 632 du code civil.

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement du rapporteur donnant au conjoint successible et aux autres héritiers la possibilité de faire dresser un inventaire des meubles et un état de l'immeuble soumis aux droits d'usage et d'habitation et accordant au conjoint survivant, qui dispose de l'usufruit d'un logement, le droit de louer ce bien, si son état de santé requiert son hébergement dans un établissement spécialisé. Mme Christine Lazerges a fait part de son accord sur le principe d'un dispositif spécifique aux personnes âgées, mais elle s'est interrogée sur les conséquences de cet amendement en termes d'obligation alimentaire des descendants et en matière fiscale. Le rapporteur ayant fait observer que cette disposition ne jouerait qu'en cas de mésentente entre le conjoint survivant et ses enfants, il a estimé qu'elle apportait une solution satisfaisante à la situation des personnes âgées concernées. La Commission a adopté cet amendement.

-  Art. 767-3 : Imputation de la valeur des droits d'habitation et d'usage sur la valeur des droits en propriété recueillis par le conjoint :

La Commission a adopté deux amendements d'ordre rédactionnel présentés par le rapporteur.

-  Art. 767-5 : Conversion des droits d'habitation et d'usage en une rente viagère ou en un capital :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de Mme Christine Lazerges précisant les conditions dans lesquelles les droits d'usage et d'habitation peuvent être convertis en une rente viagère ou en capital.

-  Art. 767-6 : Attribution au conjoint du droit au bail du logement et d'un droit d'usage sur le mobilier :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur permettant au conjoint survivant qui occupait au moment du décès un logement loué, de bénéficier d'un droit d'usage sur le mobilier le garnissant.

Après avoir adopté un amendement modifiant les références à divers articles du code civil, en conséquence de ses décisions antérieures, la Commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 (art. 767-7 du code civil) : Droit au logement temporaire :

La Commission a adopté un amendement de Mme Christine Lazerges supprimant cet article par coordination.

Articles additionnels après l'article 3

- Article 207-1 du code civil : Devoir de secours à l'égard du conjoint survivant :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Emile Blessig prévoyant que le devoir de secours à l'égard du conjoint survivant peut être mis à la charge de la succession sous la forme d'une pension alimentaire. Son auteur a indiqué que cet amendement visait à revenir sur une jurisprudence restrictive, qui subordonne l'octroi d'un droit au secours à la charge de la succession à l'existence d'un état de nécessité antérieur au décès. Il a, par ailleurs, fait remarquer que son amendement prévoyait une condition suspensive de cette obligation nouvelle en cas de manquement grave du conjoint survivant à ses devoirs envers le défunt. Le rapporteur ayant approuvé cet amendement, la Commission l'a adopté.

- Article 832 du code civil : Attribution préférentielle de la propriété au conjoint survivant :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur accordant au conjoint survivant bénéficiant d'un droit d'habitation sur le logement, le droit d'en devenir propriétaire par préférence à tout autre héritier.

- Article 914 du code civil : Réserve au profit du conjoint survivant :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que les libéralités consenties par une personne ne pourront excéder les trois quarts des biens si, à défaut de descendant et d'ascendant, le défunt laisse un conjoint survivant.

- Article 1751 du code civil et article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 : Droit au bail du conjoint survivant :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur reconnaissant expressément au conjoint survivant l'exclusivité du droit au bail après le décès de son époux cotitulaire du bail et permettant au juge, lorsque les conjoints n'ont jamais vécu ensemble dans l'habitation louée et en fonction des intérêts en présence, de se prononcer sur le transfert du bail auquel peuvent prétendre les personnes visées dans l'article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Puis la Commission a été saisie d'un amendement de M. Emile Blessig réservant le bénéfice des dispositions nouvelles applicables aux conjoints survivants aux époux mariés depuis trois ans lorsque ceux-ci n'ont pas d'enfant issu de leur union. Son auteur a souligné le risque d'un détournement de la loi en l'absence d'une durée minimale du mariage requise. Le rapporteur a jugé qu'il était préférable de ne pas restreindre le nombre de bénéficiaires du nouveau dispositif dans le seul but d'éviter d'éventuels détournements de la loi. Mme Christine Lazerges a fait observer que la crainte de la captation d'héritage pourrait conduire à exclure du dispositif des personnes dont le mariage a été interrompu précocement pour des raisons accidentelles. La Commission a rejeté cet amendement.

Article 4 (art. 1481 et 1491 du code civil) : Coordinations :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur donnant à cet article une nouvelle rédaction, afin de procéder, dans le code civil, à différentes coordinations rendues nécessaires par l'adoption des dispositions nouvelles relatives au conjoint survivant.

Article additionnel après l'article 4 : Suppression des discriminations successorales applicables aux enfants adultérins :

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur supprimant les différentes dispositions du code civil établissant une discrimination successorale au détriment des enfants adultérins. Indiquant que cet amendement tirait la conséquence de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme pour discrimination à l'égard des enfants adultérins, le rapporteur a observé qu'il ne permettait pas toutefois de résoudre le cas des enfants incestueux qui continueront à subir une inégalité en matière de succession puisqu'il reste impossible d'établir leur filiation à l'égard de leurs deux parents. M. Bernard Roman, président, ayant considéré que cet amendement constituait une avancée décisive, la Commission l'a adopté.

Article additionnel après l'article 4 : Entrée en vigueur de la loi :

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur prévoyant que les dispositions relatives aux droits des conjoints survivants entreront en vigueur à l'issue d'un délai de six mois. Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a souhaité que le délai soit ramené à quatre mois et que le droit au maintien dans les lieux soit d'application immédiate. Le rapporteur a déclaré que le délai de six mois était indispensable du fait de la complexité des mesures réglementaires nécessaires à la mise en _uvre des dispositions nouvelles ; il a indiqué, en revanche, qu'il présenterait ultérieurement un amendement permettant l'application immédiate des dispositions relatives au droit au logement temporaire. La Commission a adopté cet amendement.

Puis, la Commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Gérard Gouzes, les propositions de loi de M. Gérard Gouzes et les membres du groupe socialiste et apparentés relative au nom patronymique (n° 2709) ; de Mme Janine Jambu et les membres du groupe communiste et apparentés relative au nom patronymique (n° 132) et de Mme Marie-Jo Zimmermann, relative à la transmission du nom de famille et permettant de choisir pour les enfants le nom du père ou celui de la mère (n° 1012).

Le rapporteur a considéré que la règle de droit coutumier en vertu de laquelle les enfants prennent, en France, à la naissance, le nom de leur père, était aujourd'hui fortement contestée. Il a rappelé, en effet, que ce principe, qui peut s'analyser comme une forme moderne de loi salique, a été forgé à une époque lointaine, lorsque seule la famille légitime, placée sous l'autorité du mari, détenait le monopole de la reconnaissance sociale. Il a constaté que l'exclusion du matronyme n'était plus adaptée, parce qu'elle porte atteinte au principe de l'égalité entre les femmes et les hommes, consacre des disparités de traitement entre les enfants légitimes et naturels, et favorise un appauvrissement onomastique. Il a ajouté que cette règle n'était pas compatible avec les normes constitutionnelles françaises et avait été récusée, au nom de l'égalité des sexes, par la Cour européenne des droits de l'homme. Il a donc considéré qu'une réforme était indispensable et, en s'inspirant des différentes propositions de loi déposées sur ce sujet, ainsi que des expériences étrangères, il a préconisé la mise en place d'une nouvelle législation, reposant sur les principes de liberté, d'égalité et de non-discrimination. Il a souhaité que les enfants puissent prendre soit le nom de leur mère, soit celui de leur père, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre qu'ils choisissent, tout en recommandant que les frères et s_urs continuent à porter le même patronyme.

Mme Yvette Roudy, rapporteure de la Délégation aux droits des femmes et a l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, s'est déclarée favorable à la proposition du rapporteur tendant à donner aux parents la liberté de choisir, pour leurs enfants, soit le nom de la mère, soit celui du père, soit leurs deux noms accolés dans un ordre qu'ils déterminent ensemble. Elle a toutefois souhaité qu'ils puissent aussi, à la naissance de leur enfant, choisir de donner à celui-ci le nom d'un ascendant, en limitant éventuellement ce choix au quatrième ou cinquième degré. Elle a également suggéré que cette faculté soit ouverte aux majeurs au cours de leur vie, soulignant que ces propositions permettraient, notamment, d'éviter que des noms ne disparaissent. Elle a, en effet, insisté sur les risques d'appauvrissement du patrimoine anthroponymique, rappelant que, à l'occasion de son vingtième anniversaire, en 1979, la société française d'onomastique avait estimé que, d'ici deux cents ans, 210 000 des 250 000 noms existants auraient disparus, chiffres confirmés en 1991 par le docteur Jacques Ruffié, selon lequel tous les Français finiront par s'appeler « Martin ». Puis, elle a salué l'initiative de Mme Denise Cacheux, qui avait tenté d'introduire, dès 1985, les propositions formulées par le rapporteur aujourd'hui, et finalement obtenu l'ouverture d'une brèche dans l'état du droit. Elle a rappelé, en effet, que l'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens permet à toute personne d'ajouter à son nom, à titre d'usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien.

M. Gérard Gouzes a salué le travail de Mme Yvette Roudy, indiquant qu'il s'en était inspiré dans sa proposition. Rappelant qu'il avait, à l'époque, soutenu l'initiative de Mme Denise Cacheux, il a, cependant, insisté sur le fait que la loi du 23 décembre 1985, permettant l'ajout du nom de l'autre parent à titre d'usage, n'autorisait pas pour autant sa transmission héréditaire. Il a d'ailleurs observé qu'une confusion était souvent faite entre nom légitime et d'usage, soulignant qu'une femme mariée ne prend le nom de son époux qu'à tire d'usage. S'agissant de la possibilité de prendre le nom d'un ascendant, il a fait remarquer que l'article 61 du code civil, relatif aux demandes de changement de nom, autorisait déjà une personne à prendre celui de l'un de ses ascendants jusqu'au quatrième degré. Il a toutefois reconnu que cette procédure mériterait d'être assouplie car elle reste lourde et restrictive. Il a enfin précisé, s'agissant de l'application dans le temps de sa proposition, qu'il avait prévu que les mineurs portant aujourd'hui le nom de leur père pourraient demander à porter également celui de leur mère, par une simple requête auprès du juge aux affaires familiales.

La Commission est ensuite passée à l'examen du texte de la proposition de loi.

Elle a été saisie d'une proposition de rédaction présentée par le rapporteur, déclinant, pour les enfants légitimes, naturels et adoptifs, le principe du choix pour l'attribution du nom aux enfants, entre celui du père, celui de la mère ou les deux noms accolés.

Article premier (art. 57 du code civil) : Détermination du nom et inscription dans l'acte de naissance :

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. André Gérin s'inscrivant dans la logique de la proposition de loi n° 2709 initiale, qui prévoyait l'attribution aux enfants du double nom des parents, précisant que l'ordre dans lequel ils sont accolés l'un à l'autre est librement fixé par ceux-ci, cet amendement étant satisfait par la nouvelle rédaction proposée par le rapporteur.

Puis, elle a adopté l'article premier dans le texte proposé par le rapporteur.

Articles 2 (art. 333-5 du code civil) : Effets sur le nom d'une légitimation par autorité de justice, 3 à 5 (art. 334-1, 334-2 et 334-5) : Filiation naturelle et détermination du nom, 6 et 7 (art. 357 et 363) : Effets sur le nom de l'adoption :

La Commission a adopté sans modification ces articles dans le texte présenté par le rapporteur.

Après l'article 8 :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Marc Dolez tendant à permettre que les naissances et les décès intervenus dans un centre hospitalier communal situé sur le territoire d'une autre commune et figurant sur une liste établie par décret soient déclarés à l'officier d'état civil de la commune de rattachement. Son auteur a expliqué que, pour des besoins de superficie, des centres hospitaliers étaient implantés dans des communes autres que celles à laquelle ils sont rattachés, ce qui entraîne une situation complexe, car une lourde charge est ainsi imposée aux services d'état civil de la commune d'implantation, et paradoxale, puisque la présidence du conseil d'administration du centre hospitalier revient au maire de la commune de rattachement. Il a précisé que le problème qu'il entendait résoudre se posait dans une vingtaine d'agglomérations. Mme Nicole Feidt a estimé que cette proposition était intéressante. M. Bernard Roman, président, a indiqué que le problème évoqué se posait à Lille, trois maternités ayant été transférées du centre de la ville vers une commune périphérique. Il a souligné que beaucoup de Lillois étaient, en conséquence, privés de la possibilité de se déclarer de Lille, tandis que la commune d'implantation supportait une très lourde charge d'état civil. M. Marc Dolez a ajouté que les personnes qui changeaient de ville par la suite ne s'adressaient jamais à la commune dans laquelle leur naissance avait été déclarée mais à la ville dans laquelle ils avaient vécu. Le rapporteur, soutenant sur le fond cette initiative, a cependant estimé qu'elle était étrangère à l'objet de sa proposition. Il a donc exprimé le souhait que l'amendement de M. Marc Dolez ne soit pas retenu, à ce stade, s'engageant à l'examiner favorablement lors de la réunion que la Commission tiendra en application de l'article 88 du Règlement. Compte tenu de ses observations, M. Marc Dolez a retiré son amendement, faisant part de son intention de le déposer ultérieurement.

Articles 8 (art. 1er de la loi du 2 juillet 1923) : relèvement du nom des morts pour la France, et 9 à 11 (art. 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985) : Dispositions de coordination et mesures transitoires :

La Commission a adopté ces articles dans le texte proposé par le rapporteur.

Elle a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction présentée par le rapporteur.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

-  M. Gérard Gouzes, rapporteur pour les propositions de loi :

· de Mme Janine Jambu et les membres du groupe communiste et apparentés relative au nom patronymique (n° 132) ;

· de Mme Marie-Jo Zimmermann, relative à la transmission du nom de famille et permettant de choisir pour les enfants le nom du père ou celui de la mère (n° 1012).

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