Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (2000-2001)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 35

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 3 avril 2001
(Séance de 9 heures)

Présidence de M. Henry Jean-Baptiste

puis de M. Gérard Gouzes, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Proposition de loi organique, modifiée par le Sénat, après déclaration d'urgence, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (n° 2925) (nouvelle lecture)

- Proposition de loi relative à la médiation familiale (n° 2494) (rapport)

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La Commission a examiné, en nouvelle lecture, après déclaration d'urgence, sur le rapport de M. Bernard Roman, la proposition de loi organique, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.

Estimant inutile de revenir en détail sur le contenu d'un texte qui a déjà suscité de longs débats, le rapporteur a rappelé que la proposition de loi organique soumise à la Commission n'avait d'autre objet que d'organiser le rendez-vous démocratique de 2002 dans la clarté. Il a donc écarté les insinuations, déjà présentes dans la discussion en première lecture, selon lesquelles ce texte constituerait une man_uvre politique. Il a, par ailleurs, observé que la Constitution ne s'opposait pas à la possibilité de reporter la date des élections.

En réponse aux opposants qui dénoncent, au-delà de la man_uvre politique, un bouleversement des institutions, le rapporteur a précisé que s'il jugeait effectivement indispensable une réflexion sur les institutions, il considérait néanmoins qu'aucune modification ne devait avoir lieu sans débat démocratique préalable, et il a ajouté qu'il s'agissait, pour le présent, d'organiser le calendrier électoral de telle sorte que ce débat démocratique puisse avoir lieu dans la plus grande clarté.

Il a fait valoir que le seul motif qui avait guidé le choix de modifier l'ordre des élections législatives et présidentielle tenait au souci de préserver le fait majoritaire, observant que celui-ci permettait, à l'inverse du bipartisme, l'expression de sensibilités diverses au sein d'une majorité tout en générant entre toutes ces sensibilités une véritable capacité d'action. Dénonçant l'obstruction démesurée qu'avait conduite le Sénat, en première lecture, pour lutter contre cet apport pourtant essentiel des institutions de la Ve République, il a également insisté sur les conditions ubuesques dans lesquelles s'était tenue la commission mixte paritaire, rappelant les sénateurs, pourtant bien présents, avaient tenté d'expliquer que la réunion n'avait pas eu lieu. Constatant que, en dépit de ces arguments byzantins, l'échec de la commission mixte paritaire était indiscutable, il a proposé, en conséquence, à la Commission de rétablir, en nouvelle lecture, par voie d'amendements, le texte initial adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

Contestant le fait que l'inversion du calendrier électoral permettrait d'organiser les grands rendez-vous démocratiques de 2002 dans une plus grande clarté pour les citoyens, M. Michel Hunault a considéré que la proposition de loi organique aurait, en revanche, de fortes incidences sur les institutions de la Ve République ; il a donc estimé choquant qu'elle puisse être adoptée à l'occasion d'un débat précipité. Rappelant que l'ordre des élections qui doivent se dérouler en 2002 était connu depuis plusieurs années, il a observé qu'il aurait été plus légitime de s'interroger sur la question du calendrier électoral en général, lors des débats sur la réduction à 5 ans de la durée du mandat du Président de la République. S'agissant des travaux du Sénat, il a insisté sur leur grande qualité, jugeant qu'ils avaient, une nouvelle fois, démenti le qualificatif « d'anomalie » utilisé par le Premier ministre pour désigner la seconde chambre. Il a, en outre, considéré que la position des sénateurs sur la tenue d'une commission mixte paritaire était parfaitement fondée, ajoutant que le Conseil constitutionnel serait, en dernière analyse, juge de la validité des arguments respectivement défendus par le rapporteur de l'Assemblée nationale et les représentants de la majorité sénatoriale.

Faisant référence à la position exprimée par le rapporteur sur l'intérêt du « fait majoritaire », M. Michel Hunault a observé que le groupe socialiste ne tenait, en l'occurrence, aucun compte de l'avis des autres composantes de la majorité plurielle, officiellement défavorables à l'inversion du calendrier électoral. Puis, s'adressant aux membres de l'opposition qui apportent leurs suffrages à l'adoption de ce texte, il a indiqué que s'il pouvait comprendre leur analyse institutionnelle sur l'ordre normal des élections, il regrettait néanmoins qu'ils contribuent au vote, dans la précipitation, d'une proposition de loi aux effets incertains. Dénonçant une man_uvre politique, il a observé que le texte n'apportait de réponse aux problèmes qu'elle entendait régler que pour la seule année 2002, l'ordre des élections étant hypothéqué, pour l'avenir, par l'existence du droit de dissolution et l'éventualité d'une interruption prématurée du mandat présidentiel.

Rappelant que c'est le général de Gaulle qui avait mis un terme à l'instabilité des régimes précédents, M. Gérard Gouzes a estimé que le refus du rétablissement du calendrier électoral dans son ordre logique tenait de la défense d'un parlementarisme débridé. Il s'est interrogé sur la nature d'une campagne électorale présidentielle qui suivrait les élections législatives, soulignant que, dans cette hypothèse, le débat entre les candidats perdrait nécessairement beaucoup de son intérêt. Il a ajouté que l'autorité d'un Président de la République, élu après l'Assemblée nationale, serait inévitablement affaiblie et jugé que l'institution présidentielle perdrait, de ce fait, son caractère majeur. Soulignant les contradictions de l'opposition à cet égard, il a considéré que le rétablissement du calendrier électoral constituait le prolongement logique de la réforme du quinquennat. Rejetant l'argument d'une modification des échéances qui résulterait d'une dissolution, il s'est étonné que l'opposition n'aille pas au bout de son raisonnement en demandant la suppression de cette prérogative présidentielle. Enfin, qualifiant l'attitude du Sénat de « coup d'état constitutionnel », il a jugé que le procédé de la majorité sénatoriale tentant de transformer le texte adopté par l'Assemblée nationale en loi organique relative au Sénat pour se donner les moyens d'y faire obstacle, était puéril et peu sérieux.

Jugeant que la réforme du quinquennat constituait une étape féconde de la réforme des institutions, M. Renaud Donnedieu de Vabres a cependant considéré qu'elle induisait une modification de l'équilibre institutionnel dont il était difficile de maîtriser les conséquences. Il a estimé que l'inversion du calendrier électoral, faisant suite à la révision constitutionnelle de 1962 et à celle qui a institué le quinquennat, déséquilibrait davantage les institutions au détriment du Parlement. Regrettant, par ailleurs, le choix d'un dispositif limité aux prochaines échéances électorales, il a jugé qu'il n'y avait pas d'urgence à modifier l'équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Il a fait observer que l'élection au suffrage universel direct du chef de l'Etat suffisait à asseoir sa légitimité et estimé, en conséquence, qu'il n'était pas nécessaire que son élection précède celle de l'Assemblée nationale. Il a considéré qu'à travers ce texte le groupe socialiste renonçait, en fait, à la mise en place d'institutions fondées sur l'équilibre des pouvoirs et se ralliait à un régime de présidentialisme renforcé.

M. Jean-Pierre Soisson a estimé que la modification du calendrier électoral n'avait pas pour objectif de garantir le bon fonctionnement des institutions, mais de favoriser le candidat de la majorité actuelle à l'élection présidentielle. Il a jugé que la motivation première de cette réforme était son caractère politiquement profitable et a réfuté tous les arguments institutionnels mis en avant par ses défenseurs.

Observant que l'opinion publique n'était pas dupe des arrière-pensées de chacun et renvoyait dos à dos l'opposition et la majorité dans ce débat, M. Pascal Clément a constaté que la question de l'inversion du calendrier était la conséquence directe de l'adoption du quinquennat en 2000. Rappelant qu'il était personnellement opposé à cette réforme, il a jugé qu'on ne pouvait mesurer, pour l'instant, les conséquences d'un système aussi bâtard. Il a considéré que les électeurs seraient de plus en plus réticents à se déplacer à deux reprises, à quelques semaines d'intervalle, pour aller voter. Faisant le constat que les Français étaient attachés à la cohabitation, alors que les politiques la rejetaient, et refusant de porter un jugement sur cette attitude, il a observé que l'organisation consécutive d'élections présidentielles et législatives rendait peu probable cette cohabitation, jugeant, en revanche, que la simultanéité de ces élections était, sans doute, le seul cas de figure qui permettrait de respecter cette aspiration exprimée à plusieurs reprises par les Français. Considérant que le quinquennat avait été proposé pour des raisons démagogiques, il a regretté qu'on ait, à l'époque, tronqué le débat institutionnel, comme on le fait également aujourd'hui. Constatant que la majorité n'avait pas osé aller jusqu'au bout de la logique imposée par la mise en place d'un mandat présidentiel de cinq ans, il a prédit que la simultanéité des élections législatives et présidentielles serait tôt ou tard imposée par le peuple.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  Il est surprenant que les membres de l'opposition reconnaissent la légitimité de la démarche de ceux de leurs collègues qui sont favorables au rétablissement du calendrier électoral alors qu'ils ne l'acceptent pas venant de la majorité.

-  On peut difficilement soutenir que les débats du Sénat sur la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale marquent un grand moment de la vie parlementaire ; ce n'est pas en tout cas pas l'avis des juristes, ni de bon nombre de sénateurs.

-  Il aurait certainement été préférable d'aborder la question du calendrier électoral lors des débats sur le quinquennat. Il faut rappeler cependant que le président de la République s'était alors déclaré opposé au dépôt de tout amendement, limitant, de ce fait, la discussion parlementaire à la seule question de la réduction de la durée du mandat présidentiel.

-  La position de M. Pascal Clément en faveur de la simultanéité des élections présidentielle et législative, déjà exprimée en première lecture, est originale, mais n'est pas dénuée de risque. Si, en 1997, les deux élections avaient eu lieu concomitamment, on peut penser que les Français auraient élu un président de droite avec une majorité législative de gauche ; il semble préférable d'éviter une telle situation même si elle résulte du choix des électeurs.

-  La proposition de loi ne concerne pas uniquement les élections de 2002. En effet son article 1er modifie l'article L.O. 121 du code électoral et dispose que les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le troisième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection. Il a vocation à s'appliquer de façon permanente. C'est l'article 2 de la proposition qui rend cette disposition applicable à l'Assemblée nationale élue en juin 1997.

-  Il serait effectivement souhaitable de modifier les institutions de la Ve République pour renforcer le rôle du parlement. On peut regretter de n'avoir pu en débattre à l'occasion de l'institution du quinquennat, mais le cadre était contraint. Il sera certainement nécessaire de procéder à une révision des institutions dans l'avenir, mais une telle réforme doit susciter un débat et être validée par le peuple à l'occasion d'un rendez-vous clair. Lors de l'élection présidentielle, les électeurs pourront ainsi se prononcer en faveur du programme de leur choix et élire par la suite une Assemblée nationale pour le soutenir.

-  Il n'est pas certain que le rétablissement du calendrier électoral favorise la majorité plurielle ; les pronostics sont difficiles à établir. L'objet de la proposition de loi est simplement de fixer un cadre clair pour les électeurs.

La Commission a rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 de M. Jean-Louis Debré.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles de la proposition de loi organique.

Article premier [art. L.O. 121 du code électoral] : Prolongation des pouvoirs de l'Assemblée nationale :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur reprenant le texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture, au terme duquel les pouvoirs de l'Assemblée nationale expireront, désormais, le troisième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection.

Article 2 : Application à la législature en cours :

La Commission a rétabli cet article, supprimé par le Sénat, qui prévoit que la prolongation des pouvoirs de l'Assemblée nationale s'applique à la présente législature.

Article 3 [nouveau] [art. L.O. 130-1 du code électoral] : Inéligibilité du défenseur des enfants :

Le rapporteur ayant constaté que cette disposition, comme les suivantes, constituaient de véritables « cavaliers législatifs », sans lien avec l'objet de la proposition de loi organique, la Commission a adopté l'amendement qu'il a présenté, supprimant cet article qui rend inéligible le défenseur des enfants dans toutes les circonscriptions.

Article 4 [nouveau] [art. L.O. 131 du code électoral] : Inéligibilité des membres du corps préfectoral aux élections législatives :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article étendant les cas d'inéligibilité, pour les élections à l'Assemblée nationale, à certains membres du corps préfectoral dans les circonscriptions comprises dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins d'un an.

Article 5 [nouveau] [art. L.O. 133 du code électoral] :  Autres inéligibilités :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article rendant inéligibles, pour les mêmes élections, les titulaires d'un certain nombre de fonctions publiques.

Articles 6 [nouveau] : Application des inéligibilités aux territoires d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article, qui rend applicables aux territoires d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, les inéligibilités prévues aux articles 3 à 5.

Article 7 [nouveau] [art. L. 195 du code électoral] : Inéligibilités applicables aux élections au conseil général :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article introduisant de nouvelles inéligibilités pour les élections cantonales.

Article 8 [nouveau] [art. L. 231 du code électoral] :  Inéligibilités applicables aux élections au conseil municipal :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article introduisant de nouvelles inéligibilités pour les élections municipales.

Article 9 [nouveau] : Entrée en vigueur des dispositions relatives aux inéligibilités :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi organique ainsi modifiée.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Bernard Perrut, la proposition de loi relative à la médiation familiale (n° 2494).

Soulignant que la médiation familiale relève, tout à la fois, de la procédure judiciaire et de la politique familiale, M. Bernard Perrut, rapporteur, a précisé qu'elle pouvait être spontanée, c'est-à-dire organisée en dehors de tout litige, ou être ordonnée par le juge, et donc s'inscrire dans le cadre défini par le nouveau code de procédure civile, qui précise les conditions dans lesquelles se déroule une médiation judiciaire civile. Observant qu'elle était fréquemment évoquée, notamment dans le rapport du groupe de travail présidé par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, dans les propositions de Mme Ségolène Royal en vue de la réforme de l'autorité parentale ou dans l'avis budgétaire de M. Jacques Floch sur les crédits de la justice pour 2001, il a indiqué que la médiation familiale restait, cependant aujourd'hui encore, de l'aveu des différents intervenants dans ce secteur, une pratique confidentielle, malgré la consécration de la médiation judiciaire par la loi n° 95-125 du 8 février 1995, les efforts consentis par des structures telles que les caisses d'allocations familiales et l'intérêt croissant des avocats, des magistrats et des notaires.

Rappelant que les litiges portés devant le juge aux affaires familiales représentent 55 % des affaires renvoyées aux tribunaux de grande instance et que le nombre de demandes consécutives au prononcé d'un divorce ou d'une séparation de corps va croissant, le rapporteur a considéré que, en offrant aux parties l'occasion d'aborder des sujets aussi essentiels que le sort des enfants et de trouver elles-mêmes les termes d'un accord, au lieu de s'en remettre à une décision judiciaire, la médiation familiale permettrait d'éviter les saisines récurrentes des juges aux affaires familiales ou de trouver des solutions en amont des procédures contentieuses. En outre, il a relevé que, étant fondée sur une responsabilisation des parties et permettant de restaurer le dialogue entre les protagonistes d'un conflit familial, la médiation familiale était mieux adaptée à l'idéal de « co-parentalité » qui se développe aujourd'hui.

Soulignant que, malgré des initiatives ponctuelles, le manque d'information sur la médiation familiale constituait actuellement l'un des obstacles majeurs à son développement, il a précisé que la proposition de loi soumise à l'examen de la Commission avait pour premier objectif de systématiser l'information en prévoyant une séance d'information gratuite sur cette procédure pour les personnes présentant une requête devant le juge aux affaires familiales et indiqué que, à l'instar des expérience menées dans certains pays, cette séance d'information serait obligatoire, l'instance pouvant ensuite être suspendue pendant six mois pour les parties qui engageraient une procédure de médiation, sous réserve toutefois qu'elles en soient d'accord, afin d'éviter qu'une médiation ne soit engagée par l'une des parties à des fins dilatoires. Après avoir indiqué qu'un millier de médiateurs familiaux et deux cents services étaient aujourd'hui recensés en France et observé qu'ils étaient particulièrement présents dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, il a souligné qu'un recours plus fréquent à la médiation familiale exigeait une organisation du secteur, afin d'assurer une prestation de qualité aux personnes qui décideraient d'engager une procédure de ce type. Dans ce but, il a indiqué qu'il souhaiterait proposer à la Commission un amendement instituant un conseil supérieur de la médiation familiale, qui aurait notamment pour fonction de se prononcer sur l'agrément des personnes et des services habilités à exercer ces activités de médiation familiale.

En conclusion, il a insisté sur l'intérêt de la proposition de loi dont l'objectif est d'accorder à la médiation familiale toute la place qu'elle mérite, face à l'engorgement des tribunaux et compte tenu du temps limité dont disposent les juges aux affaires familiales pour examiner les dossiers qui leur sont soumis.

M. François Colcombet a considéré que la médiation était une procédure séduisante. Il a constaté, à cet égard, qu'elle faisait l'objet d'expérimentations de plus en plus nombreuses, y compris en matière de droit administratif. Il a estimé, toutefois, qu'elle ne devait pas être mise en _uvre sans un certain nombre de précautions et, de ce point de vue, a exprimé la crainte que la proposition de loi présentée par M. Bernard Perrut n'apporte pas toutes les réponses nécessaires. Il a jugé que le contenu même de la médiation familiale n'était pas suffisamment défini, observant que l'on ne pouvait pas se contenter de labelliser des pratiques existantes. Il a ajouté que le fait de prévoir un agrément ministériel pour que des organismes puissent intervenir en la matière n'était pas une garantie suffisante. Il s'est demandé, de manière plus générale, si le fait d'imposer une information sur la médiation familiale en préalable à tout divorce ou séparation de corps d'un couple ayant des enfants mineurs ne risquait pas d'allonger la durée des procédures ou de renchérir leur coût. Tout en indiquant que le dispositif de médiation familiale mis en place au Canada prévoyait la gratuité de cette séance d'information, il a souligné le coût considérable de cette mesure et relevé qu'elle supposait la mise en place de structures adéquates dans toutes les juridictions. En conclusion, il a réaffirmé que, sans être hostile au principe de la médiation familiale, il jugeait préférable d'approfondir la réflexion initiée par le rapporteur et d'aborder cette question dans le cadre plus global d'une réforme de l'autorité parentale et du divorce, au demeurant souhaitée par la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

M. Pascal Clément a salué, à titre personnel, l'initiative de M. Bernard Perrut. Il s'est félicité que la famille redevienne enfin un sujet de préoccupation pour les hommes politiques. Il a jugé que le fait de privilégier la médiation et, partant, de faire appel au sens de la responsabilité des parents d'enfants mineurs, était effectivement opportun car, dans ces situations, la procédure ne peut être identique à celle qui prévaut lorsque les enjeux sont exclusivement financiers. Il a ajouté que si l'introduction de la médiation pouvait effectivement, dans certains cas, allonger la durée des procédures de divorce, elle permettrait aussi de leur apporter des solutions plus satisfaisantes et donc de limiter les risques de différends ultérieurs.

Jugeant que la médiation serait amenée à connaître à l'avenir un développement grandissant, à l'image de ce que l'on constate dans les pays anglo-saxons, M. Jean-Pierre Soisson a estimé que l'adoption de la proposition de loi de M. Bernard Perrut ne nuirait en rien, bien au contraire, à ces développements futurs ; évoquant les interventions précédentes faisant état d'un projet de loi en cours d'élaboration, qui reprendrait éventuellement le thème de la médiation familiale, il a considéré que l'adoption de la proposition de loi, dès à présent, permettrait de montrer l'intérêt du législateur pour les procédures de médiation. Il a, par ailleurs, estimé que la procédure proposée pour l'agrément et le contrôle des associations, qui prévoit un arrêté conjoint du garde des Sceaux et du ministre chargé de la famille, constituait un dispositif prudent, présentant suffisamment de garanties pour répondre aux réticences exprimées par certains parlementaires.

Reconnaissant l'intérêt qui s'attache à développer davantage la médiation, M. Gérard Gouzes a souligné les avantages que présentaient ces procédures, aussi bien en matière pénale qu'en matière civile ; il a néanmoins souligné que leur succès reposait sur le volontariat et l'accord des parties. Il s'est interrogé, dans ces conditions, sur les propositions émises par M. Bernard Perrut visant à rendre la procédure plus systématique et a exprimé la crainte que l'instauration d'une obligation ne contrevienne finalement à l'objectif recherché. Il s'est également déclaré perplexe sur les chances de réussite du dispositif, dans un contexte très difficile pour la justice aujourd'hui.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a indiqué que, s'il ne concevait pas la médiation familiale comme une « formule miracle », il considérait cependant, notamment à la lumière des auditions qu'il avait conduites sur ce sujet, que cette procédure présentait un intérêt indéniable, en particulier pour limiter le nombre de demandes consécutives au prononcé d'un divorce ou d'une séparation de corps. Soulignant que, sans être intangibles, les accords résultant d'une médiation pouvaient être homologués par le juge à la demande des parties, il a précisé que la proposition de loi ne rendait pas obligatoire la médiation elle-même, mais seulement la participation à une séance d'information sur cette procédure. Observant que le financement des associations de médiation familiale ne semblait pas présenter de garantie de pérennité et indiquant que le prix moyen d'une séance de médiation était de 350 francs par personne, il a proposé que le coût de la séance d'information soit pris en charge par l'Etat. Soulignant que l'organisation du secteur serait de nature à éviter les dérives, il a jugé qu'elle serait d'autant plus difficile à mettre en place qu'elle se ferait tardivement. Enfin, il a insisté sur l'intérêt que présente la médiation familiale pour préserver les intérêts de l'enfant, évoquant notamment son utilité pour résoudre des situations liées à l'homoparentalité.

La Commission a ensuite engagé un débat sur l'opportunité de passer à l'examen des articles de la proposition de loi.

M. François Colcombet a jugé que de nombreux points devaient encore être éclaircis - l'objet exact de la médiation, l'éventuelle sanction à la non participation à la séance d'information, l'encadrement des professionnels assurant la médiation, la formation des magistrats en la matière et le moment de la procédure auquel il est opportun de recourir à la médiation - et estimé que la question pourrait plus utilement être évoquée à l'occasion des discussions qui pourraient être engagées prochainement sur la réforme des procédures de divorce ou de l'exercice de l'autorité parentale. M. Pascal Clément a estimé que la seule discussion générale de la proposition de loi ne suffirait pas à influencer les réflexions poursuivies par le Gouvernement sur ce sujet ; il a jugé qu'il serait préférable que ce texte soit voté, au moins en première lecture. M. Jean-Pierre Soisson a formulé le v_u que cette proposition de loi puisse être adjointe à la discussion des textes qui seront ultérieurement déposés sur le droit de la famille. M. Gérard Gouzes a considéré qu'il s'agirait, en effet, de la meilleure solution.

Puis la Commission a décidé de ne pas procéder à l'examen des articles et, en conséquence, de ne pas formuler de conclusions.

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