Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (2001-2002)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 1

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 3 octobre 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Bernard Roman, président

SOMMAIRE

 

pages

- Projet de loi, modifié par le Sénat, relatif aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes (n° 3051) (M. Bernard Derosier, rapporteur)

- Proposition de loi de M. Henri Cuq tendant à modifier l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 ainsi qu'à renforcer la protection des mineurs (n° 3122 rect.) (M. Henri Cuq, rapporteur)

- Proposition de loi relative à la réforme du divorce (n° 3189) (M. François Colcombet, rapporteur)

- Informations relatives à la Commission Informations relatives à la Commission


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La Commission a examiné, en deuxième lecture, sur le rapport de M. Bernard Derosier, le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes (n° 3051).

Rappelant que l'Assemblée nationale s'était prononcée sur ce texte en mars 2000, M. Bernard Derosier, rapporteur, a fait observer que les contraintes du calendrier parlementaire n'avaient permis son inscription à l'ordre du jour du Sénat qu'en mai dernier. Après avoir indiqué que l'Assemblée nationale avait approuvé, en première lecture, les dispositions statutaires proposées par le Gouvernement visant à aligner le régime des magistrats des chambres régionales des comptes sur celui des conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, il a souligné que l'Assemblée avait, dans le même temps, souhaité rendre obligatoire la mobilité des magistrats et renforcer le caractère contradictoire de la procédure suivie par les chambres régionales des comptes en matière de contrôle de gestion. Il a ensuite constaté que le Sénat avait également exprimé son accord sur l'essentiel des dispositions statutaires applicables aux magistrats des chambres régionales, tout en souhaitant que les dispositions relatives à la mobilité des magistrats soient moins contraignantes que celles précédemment adoptées par l'Assemblée. Sur ce point, il a considéré qu'il serait judicieux de conditionner l'avancement à l'accomplissement d'une mobilité, tout en permettant aux magistrats d'effectuer celle-ci à l'extérieur des seules juridictions financières, ajoutant qu'il ne fallait pas pénaliser les magistrats recrutés avant la publication de la présente loi.

Evoquant les dispositions nouvelles introduites par le Sénat, il a précisé que celles-ci portaient sur le statut des magistrats de la Cour des comptes ainsi que sur les attributions des chambres régionales des comptes. Sur le premier point, il a jugé préférable de définir un statut d'ensemble des magistrats de la Cour des comptes plutôt que de légiférer, en l'absence de concertation préalable avec les intéressés, sur les seules questions disciplinaires. Sur le second point, il a rappelé que le Sénat avait repris l'intégralité des dispositions de la proposition de loi déposée par M. Jacques Oudin, qui modifient radicalement les attributions des chambres régionales ainsi que le régime de la gestion de fait. Il a estimé que ces dispositions constituaient une remise en cause inacceptable du rôle joué par les juridictions financières et a donc proposé de revenir, pour l'essentiel, aux dispositions précédemment adoptées par l'Assemblée nationale. Il a néanmoins souligné que certaines dispositions introduites par le Sénat méritaient d'être prises en considération, exprimant le souhait que le dialogue entre les chambres soit constructif afin que le texte, dont les mesures statutaires doivent s'appliquer à compter du 1er janvier 2000, puisse être promulgué le plus rapidement possible.

M. René Dosière a considéré que les dispositions nouvelles introduites par le Sénat donnaient le sentiment d'un marchandage de mauvais aloi, subordonnant l'amélioration du statut des magistrats des chambres régionales des comptes à la remise en cause du rôle de ces juridictions financières. Il a observé que le Sénat menait campagne contre les chambres régionales depuis plusieurs années, alors même qu'elles constituent une institution fondamentale de la décentralisation, dont le rôle en matière de lutte contre la corruption est essentiel. Rappelant que leurs observations définitives étaient rendues publiques, il a souligné qu'elles permettaient aux citoyens de prendre connaissance des irrégularités commises et souligné qu'elles aboutissaient parfois à l'enclenchement de poursuites pénales. Il a ensuite fait remarquer que le rapport d'information sur les chambres régionales des comptes de M. Jacques Oudin critiquait l'action de ces juridictions, sans jamais rendre hommage au travail qu'elles accomplissent. Rejetant le procès en sorcellerie mené par la seconde chambre à l'encontre des chambres régionales, il s'est opposé à la définition du contrôle de gestion introduite par le Sénat et a souhaité que la plupart des dispositions nouvelles qu'il a adoptées soient supprimées par l'Assemblée.

M. Jacky Darne a estimé que les chambres régionales des comptes constituaient un outil indispensable à la décentralisation. Il a toutefois regretté qu'elles ne remplissent pas les fonctions de conseil, de prévention et d'analyse, dont les collectivités locales ont un réel besoin. Considérant néanmoins qu'il était nécessaire de commencer par améliorer le statut des magistrats des chambres régionales, avant de mener une réflexion d'ensemble sur le rôle et les attributions des juridictions financières, il a conclu son propos en souhaitant que le texte soit recentré sur les dispositions statutaires, sous réserve de quelques adaptations touchant à la procédure suivie devant les chambres.

M. Pascal Clément a considéré que les contrôles effectués par les chambres régionales des comptes portaient davantage sur l'opportunité des dépenses que sur la régularité des comptes. Constatant que les effets des rapports de la Cour des comptes restaient mesurés, il a, en revanche, souligné que les observations des chambres régionales avaient des effets dévastateurs, pouvant même aboutir à des poursuites judiciaires, alors qu'un grand nombre des remarques formulées étaient infondées. Après avoir fait observer que les chambres régionales étaient une institution jeune, composées d'un grand nombre de magistrats recrutés au tour extérieur, il a jugé qu'il n'était pas illégitime de joindre à la réforme statutaire proposée des mesures relatives au fonctionnement de ces juridictions.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

Article 1er (art. L. 111-10 du code des juridictions financières) : Inspection des chambres régionales et territoriales des comptes :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la possibilité pour les personnes mises en cause dans le cadre du contrôle de gestion effectué par les chambres régionales des comptes de saisir la Cour des comptes des difficultés rencontrées. Puis elle a adopté cet article ainsi modifié.

Article 1er bis (nouveau) (article L. 112-7 du code des juridictions financières) : Statut des rapporteurs à la Cour des comptes :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur donnant à cet article une rédaction nouvelle définissant les catégories d'agents publics pouvant exercer les fonctions de rapporteur auprès de la Cour des comptes.

Article 2 (art. L. 112-8 et L. 112-9 du code des juridictions financières) : Institution d'une Commission consultative de la Cour des comptes - Participation de magistrats honoraires à des commissions ou des jurys de concours :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant la durée du mandat et le régime de suppléance des membres élus de la Commission consultative de la Cour des comptes. Elle a ensuite adopté un amendement du même auteur précisant que, lorsque la situation d'un membre élu de la Commission figure à l'ordre du jour, ce dernier ne peut y siéger. Puis la Commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 bis A (nouveau) (chapitre III nouveau du titre II du livre 1er du code des juridictions financières) : Règles disciplinaires applicables aux magistrats de la Cour des comptes

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article.

Article 4 (art. L. 122-5 du code des juridictions financières) : Nomination des magistrats de chambre régionale au grade de conseiller référendaire à la Cour des comptes :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant les conditions requises pour les nominations au tour extérieur à la Cour des comptes. Puis elle a adopté cet article ainsi modifié.

Article 5 (art. L. 212-3, L. 262-17 et L. 272-17 du code des juridictions financières) : Statut des présidents de chambre régionale des comptes et du vice-président de la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, puis l'article 5 ainsi modifié.

Article 7 (art. L. 212-5 du code des juridictions financières) : Détachement et intégration de fonc-tionnaires dans le corps des magistrats des chambres régionales des comptes :

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur prévoyant que les magistrats de l'ordre judiciaire peuvent être détachés et intégrés dans le corps des magistrats des chambres régionales des comptes ainsi qu'un amendement du même auteur étendant ces dispositions statutaires aux fonctionnaires des assemblées parlementaires. La Commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 8 (art. L. 212-5-1 (nouveau) du code des juridictions financières) : Mise à disposition des rapporteurs dans les chambres régionales des comptes :

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier permettant la mise à disposition des magistrats de l'ordre judiciaire auprès des chambres régionales des comptes, le second appliquant ce dispositif aux fonctionnaires des assemblées parlementaires. Puis elle a adopté cet article ainsi modifié.

Article 9 bis (art. L. 212-8, L. 262-22 et L. 272-22 du code des juridictions financières) : Interdiction pour un magistrat d'exercer ses fonctions plus de sept années dans une même chambre régionale des comptes :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière définissant le régime de la mobilité applicable aux magistrats des chambres régionales des comptes. Rappelant que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale en première lecture instituait une mobilité obligatoire et systématique, son auteur a estimé que le dispositif sénatorial, conditionnant l'avancement à l'accomplissement d'une mobilité, était préférable. Il a toutefois précisé qu'il ne fallait pas limiter les possibilités de mobilité au sein des seules juridictions financières, ni appliquer le nouveau dispositif aux magistrats recrutés avant la publication de la loi. Il a enfin souligné que cet amendement prévoyait que la nomination des magistrats au grade de président de section ne pouvait être prononcée dans la chambre dont le magistrat est issu. Le rapporteur ayant indiqué qu'il était favorable à cet amendement, la Commission l'a adopté. Puis, elle a adopté cet article ainsi modifié.

Articles 11 (art. L. 212-16 du code des juridictions financières) : Extension des attributions du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes et 12 (art. L. 212-17 du code des juridictions financières) : Modification de la composition du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article 14 (art. L. 212-19 du code des juridictions financières) : Formation restreinte du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes statuant en matière d'avancement :

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur, puis l'article ainsi modifié.

Article 16 (art. L. 221-2 du code des juridictions financières) : Nomination aux emplois de président de chambre régionale des comptes :

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier rétablissant les dispositions relatives à la nomination des présidents de chambres régionales des comptes en limitant aux seuls présidents de section la possibilité d'accéder à cet emploi, le second de coordination. Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur précisant que les présidents de chambre régionale des comptes peuvent participer, à l'exclusion de toute activité juridictionnelle, aux formations et comités de la Cour des comptes ayant à connaître des contrôles effectués par les chambres. Puis la Commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 18 (art. L. 221-4 du code des juridictions financières) : Conditions requises pour les nominations au tour extérieur :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant la nature des services pouvant être pris en compte pour la nomination au tour extérieur dans les chambres régionales des comptes. Puis elle a adopté cet article ainsi modifié.

Articles 19 (art. L. 221-7 du code des juridictions financières) : Inscription sur les listes d'aptitude des conseillers de chambre régionale des comptes nommés au tour extérieur et 22 (art. L. 222-4 du code des juridictions financières) : Incompatibilités entre les fonctions de magistrat ou l'emploi de président de chambre régionale des comptes et divers mandats et fonctions publiques électives ou non :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article 25 bis (nouveau) (art. L. 223-9 du code des juridictions financières) : Publicité des sanctions disciplinaires :

Le rapporteur ayant indiqué que l'obligation de publicité systématique des sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre des magistrats des chambres régionales des comptes n'existait pas pour les conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article.

Article 31 A (nouveau) (art. L. 211-8 du code des juridictions financières) : Définition de l'objet de l'examen de la gestion par les chambres régionales des comptes :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article.

Article 31 B (nouveau) (art. L. 211-10 du code des juridictions financières) : « Droit d'alerte » des chambres régionales des comptes sur les insuffisances des dispositions législatives et réglementaires :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article.

Article 31 C (nouveau) (art. L. 211-12 du code des juridictions financières) : Conditions d'application du régime de l'apurement administratif :

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur relevant les seuils en deçà desquels les communes et leurs groupements relèvent du comptable supérieur du Trésor pour l'apurement de leurs comptes. M. René Dosière a fait observer que cet amendement ne déchargeait pas les chambres régionales des comptes du contrôle des comptes des associations syndicales autorisées et des associations de remembrement, alors même que leur apurement par le comptable supérieur du Trésor semblait plus adéquat. Le rapporteur ayant indiqué qu'il ne lui avait pas semblé opportun de faire une exception pour cette seule catégorie d'associations, la Commission a adopté cet amendement, puis cet article ainsi modifié.

Article 31 D (nouveau) (art. L. 231-3 du code des juridictions financières) : Prescription de l'action en déclaration de gestion de fait :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur donnant à cet article une rédaction nouvelle, ramenant de trente à douze ans la durée de la prescription des actes constitutifs de gestion de fait.

Article 31 E (nouveau) (art. L. 241-6 du code des juridictions financières) : Non communication des documents provisoires des chambres régionales des comptes :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur donnant à cet article une rédaction nouvelle, précisant le régime de communication des documents d'instruction et des communications provisoires des chambres régionales des comptes.

Article 31 F (nouveau) (art. L. 241-7 du code des juridictions financières) : Audition des personnes mises en cause préalablement à l'envoi des lettres d'observations provisoires :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article.

Article 31 G (nouveau) (art. L. 131-11 du code des juridictions financières) : Déclaration d'utilité publique de la dépense en cas de gestion de fait :

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur donnant à cet article une rédaction nouvelle pour rendre obligatoire l'examen par les assemblées délibérantes du caractère d'utilité publique des dépenses ayant fait l'objet d'une déclaration en gestion de fait. Son auteur ayant indiqué que ce dispositif visait à éviter des blocages dans la procédure de régularisation de la gestion de fait en cas de mauvaise volonté des exécutifs locaux, la Commission a adopté cet amendement.

Article 31 bis (nouveau) (art. L. 241-14 du code des juridictions financières) : Présentation des conclusions du ministère public avant l'adoption des observations définitives sur la gestion :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article.

Article 32 (art. L. 241-14-1 et L. 241-14-2 du code des juridictions financières) : Publication des observations définitives de la chambre régionale des comptes et de la réponse écrite de l'ordonnateur dans un même document :

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur donnant à cet article une rédaction nouvelle, afin de substituer à la lettre d'observations définitives un rapport d'observations comprenant les réponses adressées par les ordonnateurs mis en cause dans les observations provisoires des chambres régionales des comptes. Le rapporteur a indiqué que cet amendement revenait au texte initialement adopté par l'Assemblée, à l'exception du délai accordé à l'ordonnateur pour adresser sa réponse, ramené de deux à un mois. Après les observations de M. Pascal Clément qui s'est interrogé sur l'opportunité de ce dispositif et de M. Jean-Pierre Soisson qui a jugé que la procédure instituée par l'amendement du rapporteur était pertinente, car comparable à celle suivie pour le rapport public de la Cour des comptes, la Commission a adopté cet amendement.

Article 33 (nouveau) (art. L. 241-13 du code des juridictions financières) : Participation du rapporteur et du commissaire du Gouvernement au délibéré :

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur donnant à cet article une rédaction nouvelle, excluant la présence du rapporteur lorsque la Cour et les chambres régionales statuent sur des dispositions définitives, ainsi que la présence des parties devant ces juridictions lorsqu'elles statuent à titre définitif sur l'amende pour gestion de fait. M. Jean-Pierre Soisson a estimé que ce dispositif était inutile dans la mesure où il reprend la procédure en vigueur devant la Cour. M. Pascal Clément a considéré, pour sa part, qu'il correspondait aux exigences de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, ajoutant qu'il convenait d'unifier les pratiques entre la Cour et les chambres. Le rapporteur ayant indiqué que cet amendement visait à inscrire dans la loi des dispositions de nature réglementaire ou jurisprudentielle dans le but de clarifier les procédures applicables, la Commission l'a adopté.

Article 34 (nouveau) (art. L. 243-4 du code des juridictions financières) : Rectification d'observations définitives sur la gestion par une chambre régionale des comptes :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article.

Article 35 (nouveau) (art. L. 243-5 du code des juridictions financières) : Recours pour excès de pouvoir contre une lettre d'observations définitives :

Le rapporteur ayant indiqué qu'il était préférable d'améliorer le caractère contradictoire de la procédure suivie par les chambres régionales des comptes, plutôt que d'ouvrir la possibilité d'un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de leurs observations, la Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article.

Avant l'article 36 :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur modifiant, par coordination, l'intitulé du titre III du projet de loi.

Article 36 (nouveau) (art. L. 195 du code électoral) : Inéligibilité au conseil général des comptables agissant en qualité de fonctionnaire :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur donnant à cet article une rédaction nouvelle, substituant à l'inéligibilité applicable au président du conseil général, déclaré comptable de fait, la suspension de sa qualité d'ordonnateur.

Article 37 (nouveau) (art. L. 205 du code électoral) : Coordination :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article.

Article 38 (nouveau) (art. L. 231 du code électoral) : Inéligibilité au conseil municipal des comptables agissant en qualité de fonctionnaire :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur donnant à cet article une rédaction nouvelle, substituant à l'inéligibilité applicable au maire, déclaré comptable de fait, la suspension de sa qualité d'ordonnateur.

Article 39 (nouveau) (art. L. 236 du code électoral) : Coordination :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article.

Article 40 (nouveau) (art. L. 341 du code électoral) : Inéligibilité au conseil régional des comptables agissant en qualité de fonctionnaire :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur donnant à cet article une rédaction nouvelle, substituant à l'inéligibilité applicable au président du conseil régional, déclaré comptable de fait, la suspension de sa qualité d'ordonnateur.

Article 41 (nouveau) (article L. 131-11-2 du code des juridictions financières) : Dispense de l'amende sanctionnant l'ordonnateur déclaré comptable de fait :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article.

Article 42 (nouveau) : Interdiction des poursuites à l'encontre des élus et des agents publics :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article.

Puis la Commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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La Commission a examiné, sur son rapport, la proposition de loi de M. Henri Cuq tendant à modifier l'ordonnance n° 45-147 du 2 février 1945 ainsi qu'à renforcer la protection des mineurs (n° 3122 rect.).

Après avoir rappelé que la proposition de loi avait reçu le soutien de l'ensemble des groupes de l'opposition, le rapporteur a présenté le contexte dans lequel elle s'inscrivait. Il a constaté que la délinquance avait radicalement changé de nature depuis 1945, les mineurs délinquants étant de plus en plus nombreux, de plus en plus jeunes et de plus en plus violents. Il a ainsi relevé que le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie était d'environ 175 000, soit une hausse de près de 3 % par rapport à 1999. Il a observé que le pourcentage de mineurs mis en cause pour les faits de délinquance sur la voie publique s'élevait à 34 %, ajoutant que la part des mineurs dans les autres infractions, parmi lesquelles figure le trafic de stupéfiants, était passée en dix ans de 8,5 % à 18,5 %. Evoquant le rajeunissement des délinquants, il a cité l'exemple des violences sexuelles à l'école, pour lesquelles près de 30 % des auteurs, comme des victimes, ont moins de 13 ans. Puis il a souligné l'aggravation des infractions commises, indiquant que les condamnations pour atteintes aux personnes avaient été multipliées par plus de deux entre 1994 et 1998, et mis l'accent sur l'accroissement du nombre de mineurs multirécidivistes. Estimant que ces différents éléments statistiques démontraient l'inefficacité d'un dispositif datant, pour l'essentiel, de l'après-guerre, il a jugé nécessaire d'adapter l'ordonnance de 1945 à l'évolution de la délinquance des mineurs.

Avant d'aborder le dispositif de la proposition de loi, le rapporteur a tenu à souligner qu'elle ne prétendait pas mettre en place des solutions définitives au problème de la délinquance des mineurs, mais simplement proposer des pistes de réflexion destinées à ouvrir un débat sur ce sujet, ajoutant que cette discussion avait été refusée à l'opposition lors de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.

Présentant ensuite les dispositions modifiant l'ordonnance de 1945, qui font l'objet du titre premier de la proposition de loi, il a indiqué que la retenue des mineurs de 10 à 13 ans serait désormais possible, dès lors que ceux-ci sont soupçonnés d'avoir commis une infraction punie de 5 ans d'emprisonnement, au lieu de 7 actuellement, tandis que la prolongation de la garde à vue des mineurs âgés de plus de 15 ans serait autorisée, quel que soit le quantum de la peine d'emprisonnement encourue. Il a également précisé que la proposition de loi, tout en supprimant la présentation obligatoire du mineur devant un magistrat en cas de prolongation de la mesure, renforçait sensiblement les droits des mineurs, notamment en matière d'information et d'examen médical. Après avoir indiqué que le texte autorisait la détention provisoire des mineurs de 13 à 15 ans récidivistes qui encourent une peine d'emprisonnement d'au moins cinq ans, il a reconnu que la suppression de la saisine, préalable à toute décision de placement en détention, du service éducatif auprès du tribunal, figurant à l'article 9 de la proposition de loi, n'était sans doute pas souhaitable, parce qu'elle privait les mineurs d'une possibilité supplémentaire d'éviter la prison. Evoquant les mesures susceptibles d'être prononcées par les juridictions spécialisées, il a expliqué que la proposition de loi écartait certaines mesures éducatives pour les mineurs âgés de plus de 10 ans en état de récidive, tandis qu'elle ne modifiait qu'à la marge les condamnations pénales applicables, en autorisant, par exemple, le prononcé d'un travail d'intérêt général pour les mineurs âgés de plus de 14 ans, au lieu de 16 ans actuellement. Il a, néanmoins, admis que la possibilité de condamner les mineurs à une interdiction des droits civiques, civils et de famille, ainsi qu'à des périodes de sûreté, qui figure aux articles 21 et 22 de la proposition de loi, n'était sans doute pas de nature à favoriser leur réinsertion ultérieure. Il a ensuite observé que le texte proposait une modification équilibrée de la procédure applicable aux mineurs délinquants, en autorisant, par exemple, la comparution immédiate des mineurs âgés de plus de 15 ans.

Abordant les dispositions permettant de mieux prendre en compte les atteintes aux mineurs, qui font l'objet du titre II de la proposition de loi, il a indiqué qu'elles créaient un nouveau délit d'atteinte aux mesures de liberté surveillée et autorisaient la saisie des prestations familiales pour le paiement des amendes ou des dommages et intérêts auxquels le mineur est condamné, ajoutant que ces modifications permettraient de mieux responsabiliser les parents. Il a également précisé que l'incitation à la consommation et au trafic de stupéfiants serait plus sévèrement sanctionnée, ainsi que la provocation indirecte à commettre des crimes et des délits, pour éviter l'utilisation de mineurs dans la commission de telles infractions.

Evoquant enfin les titres III, IV et V de la proposition de loi, il a observé que, outre des dispositions de coordination, ils comportaient un article permettant de donner une base légale aux arrêtés d'interdiction de circulation nocturne des mineurs de moins de 13 ans, la durée totale de cette mesure étant limitée à 28 jours, prolongations comprises.

En conclusion, le rapporteur a considéré que le dispositif actuel de lutte contre la délinquance des mineurs souffrait avant tout d'un manque de centres fermés, axés sur l'éducation, permettant de constituer une alternative efficace à une incarcération dont chacun s'accorde à reconnaître le caractère criminogène.

Citant en préambule le traité de droit pénal d'Emile Garçon qui fait déjà état, en 1922, de la progression inquiétante du nombre de mineurs délinquants, Mme Christine Lazerges a constaté qu'il s'agissait là d'un problème intemporel, ajoutant qu'il avait de tous temps suscité le même sentiment d'échec chez les parents, les enseignants et la société en général. Contestant les solutions préconisées dans la proposition de loi présentée par M. Henri Cuq, elle a estimé que les réponses à la délinquance des mineurs devaient être multiples et ne pouvaient, en aucun cas, se traduire uniquement par un changement de la législation applicable. Établissant un parallèle entre cette discussion et le débat actuel sur les actions à mener pour lutter contre le terrorisme, elle a observé que, dans ce dernier cas, un consensus émergeait dorénavant pour estimer qu'une lutte efficace ne pouvait se limiter à une modification du code de procédure pénale, mais devait avant tout se traduire par des actions d'ordre économique ou politique.

Rappelant les conclusions du rapport dont elle était l'auteur, avec M. Jean-Pierre Balduyck, sur la délinquance des mineurs, elle a jugé indispensable de mettre l'accent sur les besoins de socialisation des jeunes ; elle a reconnu que la proposition de loi de M. Henri Cuq posait fort justement le problème de la responsabilité parentale et du milieu familial dans lequel évoluent les jeunes en difficulté, tout en contestant la solution préconisée par M. Henri Cuq qui conduit à placer les parents des enfants délinquants en prison. Elle a considéré que le texte sur l'autorité parentale, adopté par l'Assemblée nationale en juin dernier, apportait une réponse beaucoup plus pertinente en la matière, puisqu'il permettrait incontestablement de conforter l'image paternelle, indispensable aux jeunes trop souvent élevés par des femmes seules. Mme Christine Lazerges s'est également interrogée sur la violence diffusée à la télévision, en considérant qu'elle contribuait à effacer chez les jeunes la perception de la distinction entre fiction et réalité. Elle a regretté, à ce sujet, que les contrôles opérés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne soient pas plus sévères, soulignant que des études psychiatriques avaient démontré l'impact très fort de la violence des images sur les jeunes, notamment quand ceux-ci sont laissés seuls devant le poste de télévision, comme c'est souvent le cas de ceux qui sont en difficulté.

Au-delà de la question essentielle de la socialisation des jeunes, Mme Christine Lazerges a souhaité que la lutte contre la délinquance juvénile se traduise également par une rénovation, voire une révolution, des pratiques, reconnaissant notamment que le suivi des peines prononcées par le juge des enfants était encore très insuffisant. Elle s'est ainsi interrogée sur la valeur pédagogique pour le jeune délinquant d'une peine mise en application six mois ou un an après les faits et la décision du juge. Elle a également déploré le manque de liens existants entre les juges pour enfants et la protection judiciaire de la jeunesse.

S'agissant plus précisément des solutions proposées par M. Henri Cuq, elle s'est élevée contre une proposition qui aboutirait de facto à placer le jeune délinquant de 10 ans en prison, puisque les mesures alternatives existant actuellement, telle que la possibilité d'admonestation ou le placement du jeune auprès d'un tuteur, seraient supprimées. S'agissant de l'abaissement des seuils de majorité pénale, elle a rappelé que l'ordonnance de 1945 prévoyait déjà la possibilité de prononcer une peine de réclusion criminelle à perpétuité pour les jeunes de plus de 16 ans et une condamnation à 20 ans de prison pour ceux ayant entre 13 et 16 ans. Elle a considéré que ces seuils étaient déjà suffisamment sévères, notamment au regard de la législation de pays voisins, tels que l'Espagne et le Portugal, qui ne prévoient de condamnations fermes que pour les jeunes âgés de plus de 16 ans. S'agissant enfin de l'introduction, dans la proposition de loi, d'un délit incriminant la provocation indirecte à commettre une infraction, elle s'est interrogée sur la constitutionnalité d'une telle mesure, tout en s'étonnant que rien n'ait été dit sur l'incitation à l'alcoolisme, pourtant première cause de mortalité chez les jeunes.

Évoquant les travaux qu'elle menait en tant que présidente de la mission parlementaire sur l'esclavage moderne, Mme Christine Lazerges a conclu son propos en rappelant que les jeunes délinquants de 10 à 13 ans, qu'ils soient pilleurs d'horodateurs ou qu'ils se prostituent, étaient dans la plupart des cas les victimes de majeurs qui, eux, restaient le plus souvent impunis.

Observant que la proposition de loi de M. Henri Cuq était une réponse à la dérobade du Gouvernement qui avait refusé, lors de l'examen du projet de loi sur la sécurité quotidienne, de débattre des modifications proposées par l'opposition à l'ordonnance de 1945, M. Claude Goasguen a récusé les réponses, désormais traditionnelles, du Gouvernement et de la majorité sur le sujet, qui consistent à dire soit qu'il existe déjà un arsenal législatif adapté pour répondre à la délinquance des mineurs, et qu'il suffit donc de l'appliquer, soit que les textes eux-mêmes ne servent à rien puisque la réponse est avant tout sociale, politique ou économique. Estimant, au contraire, que les textes, et principalement la loi, doivent servir de fondement clair à une politique, il a rappelé l'équilibre originel de l'ordonnance de 1945 qui comprenait un volet répressif à côté des volets préventif et éducatif. Constatant que la pratique des magistrats avait consisté à privilégier les aspects éducatifs et préventifs, au détriment du volet répressif, il a jugé désormais souhaitable de modifier les textes, afin que la justice soit obligée d'en revenir aux intentions initiales des auteurs de l'ordonnance de 1945. Il a indiqué que, parmi les pays voisins, l'Allemagne et l'Angleterre disposaient déjà d'un dispositif législatif beaucoup plus sévère que le droit français. Evoquant les propos de nombreux policiers ou magistrats, qui s'estiment démunis dans leur lutte quotidienne contre la délinquance juvénile, il a observé que les propositions présentées par M. Henri Cuq ne consistaient pas à aggraver les sanctions, mais à donner à la justice les moyens de les mettre en _uvre. En réponse à Mme Christine Lazerges, dont il a jugé les propos caricaturaux, il a plaidé pour l'adoption rapide d'une loi pénitentiaire, qui permettrait à des établissements spécialisés pour les mineurs de voir le jour. Il a estimé, en effet, que la spécificité de la délinquance des mineurs exigeait des réponses originales, les établissements pénitentiaires existant actuellement n'étant pas adaptés pour recevoir des jeunes délinquants.

M. Gérard Gouzes a regretté que, une fois encore, le législateur accrédite l'idée selon laquelle la solution des problèmes auxquels la société française est confrontée passe nécessairement par le vote d'une loi. Il a estimé que l'initiative de M. Henri Cuq et de ses collègues tendant à modifier l'ordonnance de 1945 était emblématique de ce travers, qui conduit à accumuler des textes de loi sans se préoccuper de savoir s'ils atteindront ou non leurs objectifs. Il s'est donc déclaré surpris, sur le plan de la méthode, par la démarche engagée par l'opposition face à la délinquance des mineurs, mais également déçu, le rapporteur ayant lui-même reconnu que sa proposition de loi n'avait pour objet que d'ajuster à la marge la législation existante. Il a considéré que cet aveu revenait à admettre qu'il ne s'agissait pas d'un texte fondamental, mais uniquement d'une proposition d'opportunité et, partant, inutile. Il a insisté sur le fait que, paradoxalement, des mesures plus ambitieuses pouvaient être mises en _uvre sans passer par la loi, se référant aux réformes d'ores et déjà engagées par l'actuelle majorité, dont il a admis, toutefois, qu'elles devaient être approfondies.

Après avoir rappelé les principales dispositions de la proposition de loi, notamment la possibilité de retenir des mineurs de dix à treize ans en cas de crime ou de délit puni de cinq ans d'emprisonnement, de renvoyer les plus de quinze ans devant la cour d'assises des mineurs, d'imposer des travaux d'intérêt général aux délinquants de plus de quatorze ans, d'interdire la circulation nocturne des mineurs non accompagnés ou de saisir les allocations familiales des parents pour le paiement des amendes et des dommages-intérêts auxquels leurs enfants sont condamnés, M. Pascal Clément a considéré que ce texte n'avait véritablement rien d'alarmant. Il a estimé que la réforme proposée était mesurée et d'autant plus nécessaire que rien n'a été fait, en matière de traitement de la délinquance des mineurs, depuis 1997. Il a rappelé que, en 1996, l'opposition de l'époque avait dénoncé l'initiative prise par M. Jacques Toubon, garde des sceaux, tendant à créer des unités à encadrement éducatif renforcé (UEER) pour les mineurs délinquants, ajoutant que l'une des premières décisions prises par le Gouvernement actuel avait été de geler ce programme. Après avoir souligné que, en janvier 1998, un rapport réalisé par les services d'inspection concernés avait mis en exergue les carences graves des services de la protection judiciaire de la jeunesse et les apports positifs des UEER pour l'hébergement des mineurs délinquants, il a constaté que l'actuelle majorité avait dû faire son mea culpa en rétablissant ces derniers sous la forme des centres éducatifs renforcés. Il a toutefois dénoncé la paresse intellectuelle et le manque de volonté politique de la majorité, qui n'a pas poursuivi ce programme de façon ambitieuse, préférant consacrer les marges budgétaires dont elle disposait pourtant à la mise en _uvre de la réduction à 35 heures du temps de travail hebdomadaire. Il a estimé que l'opinion publique, déjà choquée par le refus de l'Assemblée nationale de légiférer sur les conditions d'organisation des rave parties et par les critiques formulées à l'encontre des maires qui interdisent la circulation nocturne des mineurs non accompagnés, ne comprenait pas cette inertie.

M. Jean-Pierre Blazy a déclaré qu'il n'avait pas été surpris, après les propos alarmistes tenus par le Président de la République le 14 juillet 2001 sur le problème de la délinquance et la multiplication des arrêtés de couvre-feu pris par des maires de l'opposition durant l'été à l'encontre des mineurs de treize ans, par le dépôt de cette proposition de loi, qui s'apparente davantage à un texte de circonstance qu'à une réforme de fond. Il a rappelé que le principe d'une révision de l'ordonnance de 1945 avait déjà été rejeté, au printemps, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, et a considéré qu'il devait en être de même aujourd'hui, l'importance des questions soulevées exigeant une réflexion plus approfondie. Constatant, en effet, que les mineurs délinquants étaient de plus en plus jeunes, il a jugé que des solutions répressives ne suffiraient pas pour endiguer ce phénomène, observant, au demeurant, que plus de 700 mineurs sont actuellement en détention en France, ce qui constitue un record. Il a estimé que le problème de la délinquance des mineurs devait conduire l'ensemble des responsables publics à s'interroger sur leur action, relevant, à cet égard, qu'il était fréquent que des maires s'opposent à l'implantation sur le territoire de leur commune d'un centre de placement immédiat. Abordant la question spécifique des arrêtés interdisant la circulation nocturne des mineurs non accompagnés, il a considéré qu'il s'agissait d'une solution à la fois inopérante et dangereuse, car elle conduit à stigmatiser des quartiers et des individus en particulier. Il a jugé qu'il était beaucoup plus efficace, face au phénomène de l'errance des mineurs, d'inciter la police, la justice et les services sociaux à travailler en partenariat et, si possible, de façon préventive. Il a défendu le principe de la « coproduction » en matière de sécurité, tout en admettant qu'il sera peut-être nécessaire, un jour, d'adapter la législation à l'évolution de la délinquance des mineurs.

Mme Nicole Catala a ironisé sur la réaction indignée de la majorité face à cette proposition de loi, considérant qu'elle était révélatrice de sa gêne et de ses divisions internes. Elle a constaté que le Gouvernement ne faisait rien face à la délinquance des mineurs et prenait soin, au contraire, « d'enterrer » les rares propositions émanant de membres de sa majorité, citant, en particulier, le rapport remis au Premier ministre, en 1998, par Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck. Elle a estimé que les solutions préconisées par la proposition de loi de M. Henri Cuq étaient mesurées et répondaient à une partie au moins des préoccupations de l'opinion publique.

M. André Thien Ah Koon a évoqué la situation particulière de l'île de La Réunion en matière de délinquance des mineurs. Rappelant que le chômage touchait 40 % de la population de ce département, où la moitié des habitants ont moins de 20 ans, il a considéré que, dans ce contexte, il n'était pas étonnant que La Réunion soit confrontée à de graves problèmes d'ordre public, insistant, en particulier, sur l'exploitation de mineurs par des adultes, le développement de la consommation de drogue et de la prostitution, ainsi que sur la multiplication des agressions sexuelles, des vols et des refus d'obéir à la loi. Il a estimé qu'il était indispensable d'abaisser l'âge de la responsabilité pénale et d'imposer des travaux d'intérêt collectif aux mineurs délinquants. Il a craint que, à défaut, la police et les magistrats ne finissent par « baisser les bras ».

Tout en reconnaissant qu'une réforme de l'ordonnance de 1945 ne suffirait pas, à elle seule, à régler ce problème, M. Christian Estrosi a estimé que la montée actuelle de la violence et le rajeunissement des mineurs délinquants risquaient de conduire, à terme, à l'éclatement du pacte républicain. Il a observé que, ni la récente diminution du chômage, ni les milliards de francs engloutis dans les actions de prévention, notamment dans les équipements socioculturels, n'avaient eu le moindre effet sur la courbe de la délinquance des mineurs. Tout en constatant que l'explosion des chiffres avait amené la majorité actuelle à une conception plus sécuritaire de la lutte contre la délinquance, il a regretté que le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne ne comporte que des dispositions anodines sur les cartes bleues, les chiens errants ou les ventes d'armes par correspondance, bien éloignées des préoccupations de nos concitoyens, ajoutant que cette lacune avait conduit l'opposition à déposer cette proposition de loi, qui permet d'apporter des réponses mesurées et graduées à chaque acte de délinquance. Il a souligné que la modification de l'ordonnance de 1945 était demandée par les magistrats eux-mêmes, citant l'exemple du procureur de la République du tribunal de grande instance de sa circonscription. Il a considéré que l'interdiction de laisser les mineurs de moins de 13 ans circuler la nuit relevait du bon sens, tout comme la nécessité de donner des repères aux enfants dès l'âge de 10 ans. S'agissant des sanctions applicables aux parents d'enfants délinquants, il a estimé qu'il fallait faire confiance aux magistrats pour prononcer ces sanctions avec discernement. Après avoir reconnu que l'incarcération des mineurs n'était pas une solution et considéré que les centres éducatifs renforcés et les centres de placement immédiat ne constituaient pas une alternative efficace à cette incarcération, notamment en raison des réticences des éducateurs à y travailler, il a jugé souhaitable de réfléchir à la mise en place de nouvelles structures, du type internats.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  La représentation nationale doit prendre ses responsabilités et légiférer, contrairement à ce qu'estiment certains, pour lesquels ce n'est jamais le moment de réformer l'ordonnance de 1945. Les députés du Mouvement des citoyens l'ont d'ailleurs bien compris, puisqu'ils viennent de déposer une proposition de loi modifiant ce texte.

-  La disposition relative aux arrêtés municipaux d'interdiction de circulation des mineurs de moins de 13 ans a été approuvée par l'Union syndicale des magistrats, ainsi que par la quasi-totalité des syndicats de policiers, et est conforme à la jurisprudence récente du Conseil d'Etat.

-  Les positions de la majorité sur cette proposition de loi sont contradictoires, puisque certains estiment qu'elle remet en cause l'équilibre de l'ordonnance de 1945, alors que d'autres la jugent insignifiante.

-  Contrairement à la présentation caricaturale qu'en font certains, la proposition de loi ne prévoit qu'une adaptation mesurée de l'ordonnance de 1945, qui rejoint sur certains points, s'agissant notamment de la retenue des jeunes mineurs, l'analyse figurant dans le rapport de Mme Christine Lazerges et de M. Jean-Pierre Balduyck. En sanctionnant plus sévèrement la provocation à commettre un crime ou un délit, elle permet de lutter contre l'utilisation de mineurs dans la commission d'infractions.

-  Ainsi que l'ont reconnu le rapport sur les unités à encadrement éducatif renforcé et le rapport de Mme Lazerges et de M. Balduyck, les services de la protection judiciaire de la jeunesse remplissent mal leurs missions. Il serait nécessaire de revenir à une conception plus républicaine de leur fonctionnement, la politique de lutte contre la délinquance des mineurs devant être élaborée par le Gouvernement puis appliquée, et non interprétée, par les éducateurs. Il est ainsi regrettable que certains éducateurs aient cherché à retarder la mise en place des centres éducatifs renforcés et refusent d'accueillir des mineurs, même s'il reste des places effectivement disponibles dans les structures d'accueil, en invoquant des prétextes administratifs.

A l'issue de la discussion générale, la Commission a décidé de ne pas procéder à l'examen des articles et, en conséquence, de ne pas formuler de conclusions.

La Commission a examiné, sur son rapport, la proposition de loi de M. François Colcombet relative à la réforme du divorce (n° 3189).

Rappelant d'abord les grandes dates qui ont jalonné l'histoire du divorce en France, M. François Colcombet, rapporteur, a indiqué qu'il avait été institué en 1792, en réaction à la sacralisation progressive du mariage sous l'Ancien Régime et conformément au souci alors prédominant de garantir la liberté individuelle des citoyens, puis avait été supprimé en 1816, rétabli par la loi Naquet du 27 juillet 1884 et, enfin, profondément réformé par la loi du 11 juillet 1975, présentée par M. Jean Lecanuet, garde des sceaux et inspirée par M. Jean Carbonnier, qui avait introduit le divorce par consentement mutuel dans le code civil.

Observant que les divorces sur requête conjointe et pour faute représentaient aujourd'hui respectivement 41 et 42 % des divorces prononcés, il a constaté que la procédure de divorce sur demande acceptée, choisie par 13 % seulement des candidats au divorce, n'avait donc pas rencontré le succès escompté, parce que les textes d'application n'avaient qu'imparfaitement respecté son esprit et que les candidats au divorce craignaient de s'exposer au risque de devoir recommencer une autre procédure si leur demande était refusée par leur conjoint. Soulignant que le divorce pour faute est souvent détourné de son fondement légal, particulièrement lorsqu'une personne veut divorcer sans l'accord de son conjoint, le rapporteur a mis en évidence les défauts de cette procédure qui conduit les époux à impliquer enfants ou proches dans leur conflit et à produire des pièces attentatoires au respect de la vie privée, voire à formuler de graves accusations, comme celle de pédophilie, éventuellement injustifiées.

Insistant sur le fait que les divorces conflictuels fragilisent conjoints et enfants et obèrent souvent toute possibilité de relations suivies entre ces derniers et l'un de leurs parents à la suite de la séparation, le rapporteur a indiqué que la proposition de loi tendait à dédramatiser ces procédures et était, à cet égard, conforme au souci des justiciables qui, devenus plus sensibles à la préservation de la co-parentalité malgré l'instabilité croissante des liens matrimoniaux, étaient désormais soucieux que les divorces se déroulent dans de meilleures conditions, notamment dans l'intérêt des enfants.

Présentant les grandes lignes de la proposition de loi, M. François Colcombet a précisé que le divorce pourrait désormais être prononcé soit en cas de consentement mutuel des époux, soit en cas de rupture irrémédiable du lien conjugal. Observant que l'aménagement des procédures devrait favoriser la conclusion d'accords entre les époux, il a indiqué que, s'inscrivant sur ce point dans le droit fil de la proposition de loi présentée par M. Bernard Perrut et examinée par l'Assemblée nationale le 5 avril dernier, le texte faisait une large part à la médiation. Il a notamment précisé que, en cas de contestation par l'un des conjoints du caractère irrémédiable de la rupture du lien conjugal, le juge pourrait désigner un médiateur avec l'accord des parties ou leur enjoindre de se rendre à une réunion d'information sur la médiation, le demandeur n'étant autorisé à poursuivre la procédure que s'il justifie s'être présenté à l'entretien.

Confirmant que la proposition de loi tendait effectivement à supprimer la procédure du divorce pour faute, le rapporteur a fait remarquer qu'elle n'aboutissait pas cependant à nier la présence de fautes dans certaines ruptures. En effet, tout en relevant que le divorce semble de moins en moins considéré comme la sanction d'un manquement aux obligations nées du mariage, l'évolution législative et jurisprudentielle sur l'adultère lui paraissant, à cet égard, significative, il a admis que certaines réalités, telles que les violences conjugales et familiales, devaient être prises en considération. Soulignant que le texte qu'il proposait à la Commission s'attachait à répondre aux préoccupations fréquemment exprimées en ce sens, notamment par la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, il a précisé que, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 1999 qui a donné valeur constitutionnelle au principe de responsabilité inscrit à l'article 1382 du code civil, la proposition, dans un souci de simplification au profit des justiciables, permettrait au juge de connaître, à l'occasion d'une procédure de divorce, des actions engagées par les conjoints sur ce fondement. Dans la même logique, il a indiqué que les faits d'une particulière gravité commis par l'un des conjoints à l'encontre de l'autre pourraient être constatés dans le jugement de divorce, tandis que le recours à la médiation pourrait être écarté en cas de violences familiales. Par ailleurs, soulignant le dénuement et la solitude dans laquelle un divorce peut laisser certains conjoints, hommes ou femmes, il a indiqué que la proposition de loi ouvrait à l'époux qui n'a pas pris l'initiative du divorce la possibilité de demander une indemnisation, lorsque la dissolution du mariage est de nature à avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Enfin, le rapporteur a indiqué que la proposition de loi tendait à régler, autant qu'il est possible, au moment du prononcé du divorce les conséquences pécuniaires, afin d'éviter que la liquidation des intérêts financiers ne se prolongent de façon excessive, maintenant entre les époux des liens qui ne sont plus souhaités.

Intervenant en tant que rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, Mme Marie-Françoise Clergeau a tout d'abord observé qu'en matière de divorce, l'égalité entre les sexes était souvent mise à mal au détriment des femmes. Puis, elle a présenté les grandes lignes des recommandations formulées par la délégation. Dans le but de favoriser l'expression libre et éclairée de la volonté des conjoints lors du divorce par consentement mutuel, elle a insisté sur la nécessité, pour le juge, de procéder à un examen attentif en vue de s'assurer de l'absence de pressions ou de fraudes. Afin de reconnaître la famille comme un lieu de droit, elle a estimé nécessaire : que le juge constate les faits d'une particulière gravité imputés à l'un des conjoints dans le prononcé du divorce ; que, dans le cadre de l'action en divorce pour rupture irrémédiable du lien conjugal, le conjoint s'estimant victime de faits d'une particulière gravité soit informé des procédures judiciaires à sa disposition ; que le juge aux affaires familiales soit systématiquement informé des procédures pénales préalables concernant l'un des conjoints ; qu'en cas de violences physiques, le juge décide, en urgence, d'une résidence séparée des conjoints.

Pour améliorer la prise en considération de l'intérêt du conjoint qui n'a pas pris l'initiative du divorce, elle a souhaité que, dans l'hypothèse où il subirait des dommages d'ordre psychique ou moral d'une grande dureté, il puisse former une demande en réparation. S'agissant de la médiation, la rapporteure a précisé que la délégation souhaitait : que l'information disponible en cette matière soit largement diffusée et accessible au sein des juridictions et relayée par les structures en charge de la médiation familiale ; que le premier entretien de médiation soit gratuit ; que, dans un souci de prévention de la rupture, le recours à la médiation familiale soit encouragé par les professionnels du droit et les acteurs sociaux afin de faciliter la recherche d'accord au sein de couples envisageant une séparation ; que le recours au conseil conjugal soit également incité ; que le contenu et les cursus des formations des médiateurs soient rapidement définis et sanctionnés par un diplôme d'Etat ; qu'une sensibilisation aux problèmes de violence soit incluse dans la formation initiale des professionnels du droit. Elle a conclu son propos en appelant à une réflexion sur le régime actuel de la communauté légale des époux et sur les modalités de changement du régime matrimonial afin d'en simplifier la procédure et d'en réduire le coût.

Intervenant en application de l'article 38, alinéa premier du Règlement, M. Bernard Perrut à insisté sur son attachement au principe de la médiation, rappelant qu'il avait souhaité obtenir son développement en matière familiale au travers du dépôt d'une proposition de loi inscrite, à l'initiative de son groupe, à l'ordre du jour de l'Assemblée le 5 avril dernier. Observant que les procédures de divorce actuelles étaient longues, traumatisantes pour les époux, mais aussi pour les 139 000 enfants concernés chaque année, il a fait valoir que la médiation pouvait constituer un moyen permettant aux époux de trouver plus rapidement, et plus sereinement, un compromis. Il a ajouté qu'il convenait toutefois de s'assurer de la compétence des médiateurs en réglementant leur profession qui devrait, notamment, être accessible aux professions libérales comme aux associations spécialisées dans ce domaine. Puis, évoquant la suppression du divorce pour faute par la proposition de loi, il a constaté que cette initiative suscitait un véritable débat au sein de la société française. S'agissant des dispositions qui devraient permettre au juge de prononcer le divorce lorsqu'il constate le caractère irrémédiable de la rupture du lien conjugal, il a jugé qu'elles risquaient de fragiliser l'institution du mariage qui constitue un ensemble équilibré de droits et d'obligations. Exprimant la crainte que cette nouvelle cause de divorce ne conduise à traiter de la même manière des personnes ayant de réelles motivations pour demander le divorce et d'autres qui en possèdent de moins sérieuses, il a conclu son propos en insistant sur la nécessité de maintenir la référence à la notion de faute qui, tout en offrant une reconnaissance de son statut à la victime, permette à la justice d'établir clairement les responsabilités de chacun.

M. Gérard Gouzes a tenu à saluer le courage du rapporteur en soulignant que la réforme du divorce était difficile mais nécessaire compte tenu de la multiplication des procédures et de l'allongement de leur durée. Il a ensuite rappelé que le texte proposé retenait deux cas de divorce, le consentement mutuel ou la rupture irrémédiable du lien conjugal. S'agissant du divorce par consentement mutuel, il a estimé que si la suppression de la seconde comparution personnelle des époux devant le juge aux affaires familiales permettrait d'accélérer la procédure pour les conjoints n'ayant ni biens ni enfants, elle ne serait pas de nature, en revanche, à faciliter le divorce des couples ayant des biens à partager, puisque ceux-ci manqueront ainsi de temps pour trouver un accord sur la liquidation des intérêts matrimoniaux avant cette unique comparution. Il a ajouté que la véritable solution aurait consisté à séparer la procédure du divorce de la procédure de liquidation des intérêts matrimoniaux.

Il a ensuite indiqué qu'il était favorable à la suppression du divorce pour faute, en soulignant qu'en pratique les couples évitaient, autant qu'il est possible, d'y recourir et en estimant que la lourdeur des procédures de divorce, loin de préserver les familles, dissuadait les couples de se marier. Il a cependant regretté que la procédure du divorce pour rupture irrémédiable du lien conjugal, proposée par le rapporteur, soit trop compliquée. En particulier, il a exprimé la crainte que l'aménagement de la procédure préalable à l'assignation, qui consiste à prévoir une nouvelle audience dans un délai compris entre quatre et huit mois, renouvelable pour quatre mois, n'allonge inutilement la durée du divorce. Il a également émis des réserves sur les possibilités d'intervention d'un médiateur au cours de la procédure, soulignant que cette profession n'était pas véritablement organisée et que la question de sa rémunération n'était pas réglée. Il a estimé, par ailleurs, qu'imposer l'intervention d'un médiateur dans la procédure, sauf en cas de violence conjugale, risquait de générer des effets pervers.

Enfin, il a jugé que la possibilité, ouverte à l'un des époux, d'obtenir que les « faits d'une particulière gravité » commis au cours du mariage par son conjoint soit mentionnés dans le jugement de divorce, réintroduisait le divorce pour faute, ajoutant que les faits en cause n'étaient pas suffisamment définis.

Après avoir souligné la difficulté du travail entrepris par le rapporteur, M. Patrick Delnatte a regretté que le Parlement ne dispose pas de plus de temps pour examiner la refonte des procédures du divorce. Il a rappelé que plusieurs textes modifiant le droit de la famille avaient déjà été examinés trop rapidement et a jugé que la méthode retenue, consistant à réformer ce droit par petits bouts, risquait de nuire à sa cohérence.

Partageant le constat selon lequel il convient « d'humaniser » le divorce, il s'est montré défavorable à la suppression du divorce pour faute, en soulignant qu'elle ne correspondait pas à la sociologie de la France et risquait d'être assimilée à un déni de justice. Il a rappelé que le groupe de travail, mis en place par Mme Elizabeth Guigou et présidé par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, avait proposé d'apaiser et de simplifier le divorce sans supprimer la notion de faute et fait valoir que cette notion était indissociable de la notion de responsabilité. Jugeant que la réforme du divorce impliquait celle du mariage, il s'est enfin interrogé sur la possibilité de remplacer l'expression de « divorce pour rupture irrémédiable du lien conjugal » par celle de « divorce pour rupture irrémédiable de la vie communauté de vie », en faisant valoir que des liens conjugaux perduraient après le divorce.

Après avoir indiqué que la réforme du divorce, tout en répondant à une demande sociale, était source de nombreux désaccords et convenant qu'à titre personnel il ne détenait pas la solution idéale, M. Claude Goasguen a regretté que le rapporteur ait évacué trop rapidement la question des améliorations procédurales pour toucher au lien matrimonial. Il a estimé que la proposition de loi aurait des incidences sur la nature de l'engagement conjugal et sur le droit commun des régimes matrimoniaux, les conjoints étant tentés, pour se prémunir à l'encontre d'une procédure de divorce, d'avoir recours au contrat de mariage plutôt qu'au régime légal de la communauté réduite aux acquêts. Il a ajouté qu'il aurait été souhaitable d'explorer la piste de la pénalisation des excès procéduraux. Après avoir manifesté la crainte que la proposition de loi n'ouvre la voie à de véritables répudiations, il s'est interrogé sur l'étendue des actions en dommages-intérêts qui seraient ouvertes à l'occasion du divorce, estimant qu'un encadrement serait peut-être nécessaire. Puis, il a indiqué qu'il s'en tiendrait à une abstention négative.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- La réforme du divorce doit, avant tout, s'attacher à répondre aux préoccupations des justiciables ; il est évident qu'elle est délicate et obligera les professionnels à modifier leurs pratiques  mais, en tout état de cause, les parlementaires disposent d'une véritable légitimité à la proposer, d'autant que leurs travaux sont nourris des nombreuses réflexions déjà menées sur ce sujet dans des colloques, au Parlement ou même dans la presse.

- D'autres voies de réforme sont plus audacieuses que celle retenue par la proposition de loi : c'est notamment le cas de celle envisagée par M. Patrick Devedjian, tendant à l'institution d'un divorce par simple déclaration, qui semble cependant prématurée.

- La proposition de loi tend à pérenniser les liens familiaux au delà de la rupture du couple et « fait le pari » de la médiation qui, il est vrai, suppose du temps pour aboutir.

- Le recours accru à la médiation implique une organisation de ce secteur et le rapport remis à Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, par Mme Monique Sassier comporte de nombreuses propositions pour donner un statut à la médiation familiale en France : les bonnes pratiques doivent être généralisées, les réseaux associatifs favorisés et bénéficier d'un financement public ; les séances de médiation ne doivent pas reposer sur la gratuité, même si les personnes intéressées doivent pouvoir bénéficier d'une aide juridictionnelle en la matière ; enfin, il est nécessaire que les médiateurs respectent des règles déontologiques et justifient d'une formation spécifique en la matière.

- La jurisprudence a d'ores et déjà admis que la responsabilité d'un conjoint puisse être engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles du texte proposé par le rapporteur.

Article premier (art. 229 du code civil) : Présentation des cas de divorce ; 2 (art. 230 et 231 du code civil) : Divorce par consentement mutuel et 3 (art. 233 à 246 du code civil) : Suppression des divorces sur demande acceptée, pour rupture de la vie commune et pour faute - Institution du divorce pour rupture irrémédiable du lien conjugal - « Passerelle » vers une procédure de divorce par consentement mutuel :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article 4 (art. 251 à 252-1 du code civil) : Procédure de divorce par consentement mutuel :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jean Codognès tendant à modifier la rédaction de l'article 251 du code civil, afin de prévoir que les époux présentant une demande de divorce par consentement mutuel sont obligatoirement représentés par deux avocats. Son auteur a souhaité que soit ainsi assuré le respect des intérêts de chacun des époux, jugeant que tel n'est pas toujours le cas, dès lors que les époux sont avant tout soucieux, dans ce type de procédure, de voir le divorce prononcé dans les plus brefs délais.

Tout en soulignant que la Délégation aux droits des femmes avait souhaité que l'organisation de la procédure de divorce par consentement mutuel favorise l'expression d'une volonté libre et éclairée Mme Marie-Françoise Clergeau a indiqué qu'elle n'en avait pas, pour autant, conclu à la nécessité de contraindre chacun des conjoints à prendre un avocat. Pour sa part, elle s'y est déclarée défavorable, jugeant cette contrainte excessive et souvent superflue lorsqu'il y a peu de biens à partager.

M. Bernard Roman, président, s'est étonné de cet amendement, estimant que la possibilité pour les deux conjoints de choisir un interlocuteur unique face au juge constituait l'un des principaux atouts du divorce par consentement mutuel, avant de rappeler qu'il entrait dans les compétences du juge aux affaires familiales de vérifier que la convention soumise à homologation préservait suffisamment les intérêts de chacun des époux.

M. Jean Codognès a précisé que l'organisation actuelle de cette procédure permettait une modification éventuelle de l'équilibre de la convention entre les deux comparutions et conduisait parfois les époux à décider finalement de recourir à deux avocats. Dès lors que la proposition de loi allège la procédure de divorce par consentement mutuel, il a jugé qu'il ne serait pas anormal que chacun des époux puisse être assuré d'un examen attentif de sa situation par un professionnel, ajoutant que les conventions soumises à l'homologation des juges aux affaires familiales, qui ne sont pas susceptibles d'appel, seraient, de ce fait, plus fiables.

Soulignant l'importance de la question soulevée par cet amendement, le rapporteur a également insisté sur la nécessité d'assurer la meilleure défense des intérêts des époux, justifiant par cette préoccupation ses réticences à l'égard d'un divorce sur simple déclaration. Exprimant cependant ses craintes sur les incidences financières de cet amendement pour les parties, il a souhaité, en outre, interroger la ministre sur les conséquences qu'aurait l'obligation d'une représentation par deux avocats distincts sur l'aide juridictionnelle.

La Commission a ensuite rejeté cet amendement et adopté l'article 4 sans modification.

Article 5 (art. 252-2 à 253 du code civil) : Procédure préalable à l'assignation en cas de divorce pour rupture irrémédiable du lien conjugal :

La Commission a adopté l'article 5 sans modification.

Article 6 (art. 254 à 257 du code civil) : Mesures provisoires :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser que le juge ne peut, au titre des mesures urgentes susceptibles d'être prises dès le dépôt de la requête initiale, prévoir l'éviction de l'un des conjoints du domicile conjugal. Puis elle a adopté cet article ainsi modifié.

Articles 7 art. 259 à 259-3 du code civil) : Preuves en matière de divorce ; 8 (art. 259-4 du code civil): Prononcé du divorce pour rupture irrémédiable du lien conjugal , 9 (art. 261-1, 261-2 et 262-1 du code civil) : Date à laquelle se produisent les effets du divorce et 10 (art. 264 du code civil) : Conséquences du divorce sur le nom des ex-époux :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article 11 (art. 265 à 268 du code civil) : Conséquences financières du divorce pour rupture irrémédiable du lien conjugal :

La Commission a adopté un amendement de M. Jean Codognès tendant à préciser, d'une part, que les actions introduites sur le fondement de l'article 1382 du code civil, que le juge aux affaires familiales peut être amené à connaître, sont celles intentées par l'un des époux à l'encontre de l'autre et, d'autre part, que la compétence ainsi confiée au juge n'exclut pas l'exercice de cette action en responsabilité dans les conditions de droit commun. Le rapporteur ayant approuvé cet amendement, la Commission l'a adopté.

Elle a, en revanche, rejeté un amendement de M. André Gerin, tendant à ouvrir aux deux conjoints, et non au seul époux qui n'a pas pris l'initiative du divorce, l'action en dommages-intérêts susceptible d'être engagée lorsque le divorce a des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Puis, elle a adopté l'article 11 ainsi modifié.

Article 12 (art. 297 et 300 du code civil) : Séparation de corps :

La Commission a adopté l'article 12 sans modification.

Article 13 (art. 220-1, 248-1, 250, 258, 264-1, 267-1, 268-1 à 270, 278, 280-1 à 285-1, 301, 303, 307, 308, 1442 et 1450 du code civil) : Mesures urgentes requises par l'intérêt de la famille - Conversion d'une séparation de corps faite sur demande conjointe - Irrévocabilité des donations consenties entre époux durant le mariage - Forme des conventions de liquidation et de partage passées entre époux durant l'instance de divorce - Coordinations :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer, dans l'article 285-1 du code civil, toute référence à la « résidence habituelle » des enfants, par coordination avec la proposition de loi relative à l'autorité parentale, adoptée par l'Assemblée nationale le 14 juin dernier. Puis, elle a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 13 : Application à Mayotte :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur, tendant à préciser les conditions d'application de la présente proposition de loi aux territoires d'outre-mer.

Article 14 : Entrée en vigueur de la loi :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Titre :

Sur proposition de son rapporteur, la Commission a décidé de retenir l'intitulé suivant : « Proposition de loi portant réforme du divorce ».

Puis, elle a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

-  Mme Nicole Feidt, rapporteure pour la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Brard visant à la création d'une commission d'enquête relative à l'ampleur et à la responsabilité des arrestations arbitraires, détentions illégales, actes de tortures et exécutions sommaires, imputables aux autorités françaises durant la guerre d'Algérie (n° 3215) ; la proposition de résolution de M. Philippe Martin tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'organisation et le déroulement des « rave party » non autorisées et plus particulièrement sur leurs implications sur la sécurité et la santé publiques, ainsi que sur l'environnement (n° 3080) et la proposition de résolution de M. Jacques Blanc tendant à la création d'une commission d'enquête sur les « rave party » (n° 3257) ; la proposition de résolution de M. Christian Estrosi tendant à la création d'une commission d'enquête sur les dysfonctionnements de la justice dans l'application des peines (n° 3110) ; la proposition de résolution de M. François Goulard tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences de l'infiltration de l'appareil d'Etat par des organisations extrémistes trotskistes (n° 3202) ;

-  M. François Colcombet, rapporteur pour sa proposition de loi relative à la réforme du divorce (n° 3189) ;

-  M. Henri Cuq, rapporteur pour sa proposition de loi tendant à modifier l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 ainsi qu'à renforcer la protection des mineurs (n° 3122).

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