Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (2001-2002)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 10 octobre 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Bernard Roman, président

SOMMAIRE

 

pages

- Proposition de résolution de M. Jean-Pierre Brard visant à la création d'une commission d'enquête relative à l'ampleur et à la responsabilité des arrestations arbitraires, détentions illégales, actes de tortures et exécutions sommaires, imputables aux autorités françaises durant la guerre d'Algérie (n° 3215) (Mme Nicole Feidt, rapporteure)

- Propositions de résolution de M. Philippe Martin tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'organisation et le déroulement des « Rave Party » non autorisées et plus particulièrement sur leurs implications sur la sécurité et la santé publiques, ainsi que sur l'environnement (n° 3080) et de M. Jacques Blanc tendant à la création d'une commission d'enquête sur les « rave party » (n° 3257) (Mme Nicole Feidt, rapporteure)

- Présentation du rapport de la mission d'information consacrée à l'évaluation de la loi relative à l'inscription sur les listes électorales des personnes âgées de dix-huit ans (M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur)

- Informations relatives à la Commission Informations relatives à la Commission




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La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Nicole Feidt, la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Brard visant à la création d'une commission d'enquête relative à l'ampleur et à la responsabilité des arrestations arbitraires, détentions illégales, actes de tortures et exécutions sommaires, imputables aux autorités françaises durant la guerre d'Algérie (n° 3215).

La rapporteure a constaté que, quarante ans après la signature des accords d'Evian, la France avait encore du mal à analyser les événements qui ont précédé l'accession à l'indépendance de son ancienne colonie. Elle a considéré que la brutalité des méthodes répressives mises en _uvre, à l'époque, par l'armée française, expliquait en partie ce phénomène, un pays qui a forgé son identité sur le respect de la personne humaine pouvant difficilement admettre que des actes de torture et des exécutions sommaires aient été pratiqués en son nom. Elle a rappelé que cette question avait été relancée, en juin 2000, par le témoignage d'une ancienne militante du Front de libération nationale, Louisette Ighilahriz, qui a accusé de hauts responsables de l'armée française de l'avoir torturée, dans des conditions épouvantables, à la fin de l'année 1957. Revenant sur le débat national qui s'est développé à la suite de ce témoignage, et saluant les regrets exprimés par le général Massu ainsi que par de nombreux militaires de carrière ou simples soldats du contingent, elle a déploré, en revanche, que le général Bigeard ait choisi de nier les faits et de caricaturer ce débat en le qualifiant de « machination ». Elle a surtout dénoncé les propos du général Aussaresses, qui a reconnu avoir pratiqué la torture et ordonné de très nombreuses exécutions sommaires, sans exprimer ni regrets ni compassion.

Après avoir présenté la proposition de résolution n° 3215 déposée par M. Jean-Pierre Brard, elle a constaté que celle-ci ne satisfaisait qu'en partie aux exigences de recevabilité requises par l'ordonnance du 17 novembre 1958 et par le Règlement de l'Assemblée nationale, l'objet de la commission d'enquête n'étant pas déterminé avec suffisamment de précision et des procédures judiciaires étant en cours sur les faits dénoncés. Elle a estimé, néanmoins, que la question de la torture en Algérie était trop importante pour que cette proposition de création d'une commission d'enquête ne soit pas également appréciée en termes d'opportunité.

De ce point de vue, la rapporteure a considéré qu'il convenait de se demander, en premier lieu, s'il était encore nécessaire d'enquêter sur les actes de tortures datant de la guerre d'Algérie. Elle a observé que, malgré leur gravité, les faits publiés depuis le témoignage de Louisette Ighilahriz ne constituaient pas des révélations. Elle a expliqué que les racines de ce mal étaient profondes, les rapports inégaux forgés par la situation coloniale étant le terreau sur lequel l'usage de la torture s'est développé, en particulier à partir de 1956-1957, dans le sillage du vote d'une législation d'exception qui fit des militaires les maîtres du terrain. Puis, rappelant que de nombreuses voix s'étaient élevées, dès 1954, pour dénoncer ces brutalités et se référant notamment aux écrits et aux actes de François Mauriac, Pierre-Henri Simon, du général de Bollardière et de Henri Alleg, elle a également constaté que la dimension politique de cet usage de la torture en Algérie avait déjà été analysée, notamment par Pierre Vidal-Naquet. Elle a admis que des combattants algériens avaient aussi commis des actes barbares, mais a estimé que ceci ne constituait pas une excuse absolutoire pour la France, chaque société devant être jugée selon les normes qu'elle proclame.

La rapporteure a estimé, toutefois, que le débat national provoqué par le récit de Louisette Ighilahriz montrait qu'un travail de mémoire était encore nécessaire, la dénégation et la minimisation des faits par les représentants de l'Etat ayant empêché que les exactions commises par l'armée française durant la guerre d'Algérie s'inscrivent dans la mémoire collective de notre pays. Elle a observé, au demeurant, que le Premier ministre s'était lui-même prononcé dans ce sens, dès le 4 novembre 2000, à l'occasion du dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France.

La rapporteure s'est ensuite demandée quelle était l'autorité la plus à même de réaliser ce travail. Elle a constaté que, pour des raisons tenant à la prescription des crimes de guerre, à la définition des crimes contre l'humanité ou à l'amnistie des condamnations prononcées et des actes commis durant la guerre d'Algérie, il était peu probable que cette tâche puisse être accomplie par les tribunaux, bien qu'il soit acquis que le général Aussaresses devra rendre des comptes à la justice, ne serait-ce que pour « apologie de crime des guerre ». Mais elle a également considéré qu'il n'était pas souhaitable que ce travail incombe au Parlement. Tout en admettant que celui-ci pouvait être amené, dans certaines circonstances, à s'intéresser à la lecture de l'histoire, elle a observé que sa fonction essentielle était plutôt de faire des lois et de contrôler l'action du Gouvernement. Elle a estimé, au demeurant, que la reconnaissance politique des faits visés par M. Jean-Pierre Brard était désormais acquise et a considéré que la parole était aujourd'hui aux historiens. Elle a souligné qu'ils étaient les mieux placés pour poursuivre ce débat et porter un jugement objectif sur les faits, envisagés dans leur ensemble et dans leur contexte. Elle a précisé que son opinion avait été confortée par la qualité de travaux universitaires récemment réalisés sur la question. Elle a néanmoins invité le Gouvernement à faciliter l'accès des historiens aux archives datant de la guerre d'Algérie, tout en observant que l'essentiel d'entre elles était ouverte au public depuis 1992.

En conclusion, la rapporteure a indiqué que la création d'une commission d'enquête parlementaire ne lui semblait pas être la solution la plus appropriée pour apporter une réponse aux questions évoquées.

M. Jean-Pierre Brard a salué le travail documenté et précis de la rapporteure. Tout en déclarant partager son analyse, il a observé qu'il ne parvenait pas, cependant, à la même conclusion. Il s'est félicité que soit reconnue la nécessité de faire la lumière sur les pratiques attentatoires à la dignité humaine et aux valeurs républicaines et humanistes dont la France s'est rendue coupable en Algérie, quelques années seulement après la victoire contre le nazisme. Considérant, néanmoins, que ce devoir de mémoire ne pouvait être laissé aux seuls historiens, il a jugé que le Parlement se devait d'établir clairement pourquoi et comment un pays comme la France a pu glisser dans l'inhumanité et le non-droit. Il a estimé que les pratiques condamnables des militants du FLN ne la dispensaient pas de s'interroger sur ses propres actions, soulignant que celles-ci étaient indissociables de cette guerre coloniale qui, il y a quarante ans, a menacé à plusieurs reprises notre démocratie, jusqu'au putsch militaire qui est à l'origine de la Ve République. Il a jugé, au demeurant, que le Parlement, qui s'apprête à apprécier, au regard des libertés publiques et des droits de l'homme, l'éventualité d'autoriser la fouille des coffres des véhicules par la police pour lutter contre le terrorisme, ne pouvait, sans être incohérent avec lui-même, faire preuve d'indifférence à l'égard des atteintes portées à ces mêmes principes, il y a moins d'un demi-siècle. Il a souligné la gravité des faits visés par sa proposition de résolution, observant que ces dérives étaient effectivement antérieures au vote de la loi sur les pouvoirs spéciaux qui, en 1956, a étendu les prérogatives de l'armée et permis à la justice militaire d'écarter progressivement la justice civile. Il a indiqué que de nombreux documents d'archives datant, pour certains, de 1955, attestaient que les autorités politiques avaient donné aux militaires toute latitude pour mener une guerre totale et les avaient assurés d'une impunité totale au cas où ils commettraient des infractions « justifiées par les circonstances ». Il a estimé que la représentation nationale devait assumer pleinement ses responsabilités politiques et historiques.

M. Michel Hunault a rendu hommage au travail de la rapporteure et a déclaré partager ses conclusions. Il a regretté, toutefois, qu'il ne soit pas davantage fait référence aux actes de torture, aux violences et aux attentats perpétrés contre des civils ou des militaires français durant la guerre d'Algérie. Il a indiqué avoir également ressenti du dégoût à la lecture du livre du général Aussaresses, mais a estimé qu'il n'appartenait pas au Parlement d'établir une lecture officielle de l'histoire de notre pays.

M. Bernard Derosier a déclaré que le sujet évoqué était particulièrement grave, en particulier pour ceux qui, comme lui, ont vécu ces événements en tant que soldat du contingent. Il a indiqué que, à l'image de beaucoup d'autres, il avait connu, à l'époque, une véritable crise de conscience, qui est encore présente dans son esprit plus de quarante ans après les faits. Il s'est demandé si un travail parlementaire sur la question ne permettrait pas aux acteurs de la guerre d'Algérie de « faire le deuil » de ces événements et d'en dégager des leçons collectives, à partir des travaux réalisés par les historiens. Il a admis, toutefois, que, à quelques mois d'élections majeures pour notre pays et alors même que des poursuites judiciaires ont été engagées contre certains tortionnaires de la guerre d'Algérie, la création d'une commission d'enquête n'était pas nécessairement opportune. Il a toutefois regretté que cette initiative ne soit pas intervenue plus tôt et a espéré que le Parlement y reviendrait à l'occasion de la prochaine législature.

M. Bernard Roman, président, s'est félicité de la qualité des échanges qui se sont déroulés entre les différents intervenants sur un sujet qui touche à une période particulièrement difficile de l'histoire de notre pays.

Puis, conformément aux conclusions de la rapporteure, la Commission a rejeté la proposition de résolution n° 3215.

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La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Nicole Feidt, les propositions de résolution de M. Philippe Martin tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'organisation et le déroulement des « Rave Party » non autorisées et plus particulièrement sur leurs implications sur la sécurité et la santé publiques, ainsi que sur l'environnement (n° 3080) et de M. Jacques Blanc tendant à la création d'une commission d'enquête sur les « rave party » (n° 3257).

Après avoir souligné le succès des rassemblements musicaux désignés sous les termes de rave parties ou free parties auprès de la jeunesse, Mme Nicole Feidt, rapporteure, a relevé que ces manifestations échappaient aux obligations ordinairement imposées aux événements de ce type, plaçant ainsi souvent l'autorité administrative devant le fait accompli. Elle a ajouté que, au cours de la période récente, des accidents, parfois mortels, ainsi que des atteintes graves à des propriétés privées s'étaient produits à l'occasion de rave ou de free parties. Rappelant ensuite que l'Assemblée nationale avait adopté, le 26 avril dernier, lors de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne un amendement, présenté par M. Thierry Mariani, tendant à autoriser la saisie du matériel de sonorisation, pour empêcher l'organisation de manifestations non autorisées, elle a indiqué que l'Assemblée avait finalement renoncé, en nouvelle lecture, à légiférer dans l'immédiat sur cette question. Elle a fait référence à l'avis rendu par le rapporteur, M. Bruno Le Roux, qui avait alors souligné que la dimension culturelle de ce phénomène interdisait de ne l'envisager que sous un angle répressif et préconisé des solutions alternatives, telles que l'élaboration d'un « code de bonne conduite » entre les pouvoirs publics et les responsables du mouvement « techno », et, en tout état de cause, une concertation préalable à toute évolution réglementaire ou législative. La rapporteure a précisé que c'était dans cette voie que s'était engagé le Gouvernement, que plusieurs réunions avaient été organisées durant l'été et que le prochain examen, en lecture définitive, du projet de loi précité, serait l'occasion de faire le bilan de ces travaux et d'examiner les éventuelles mesures à mettre en _uvre.

Présentant ensuite les deux propositions de résolutions soumises à l'examen de la Commission, Mme Nicole Feidt a jugé que leur recevabilité ne soulevait pas de difficultés, les faits susceptibles de donner lieu à enquête étant déterminés avec précision et les procédures judiciaires effectivement engagées sur certains des faits ayant motivé leur dépôt ne semblant pas constituer un obstacle, le champ d'investigation proposé dépassant celui des procédures en cours. Sans nier les difficultés qui peuvent parfois surgir à l'occasion de ces manifestations, tant en ce qui concerne la sécurité des participants que le respect des riverains, la rapporteure a estimé que les deux propositions de résolution semblaient surtout obéir à des considérations politiciennes, cherchant ainsi à « souffler sur les braises », sans attendre les résultats des réflexions engagées sur la question. Estimant, dans ces conditions, que la procédure de dépôt d'une proposition de loi tendant à la création d'une commission d'enquête était détournée de son objet et relevait davantage de la « politique du pire » que d'une action responsable au service de l'intérêt général, la rapporteure a proposé à la Commission de rejeter ces deux propositions de résolution.

Réfutant cette dernière interprétation, M. Francis Delattre a fait observer que, loin d'être des mouvements spontanés, les rave ou les free parties ont souvent les mêmes organisateurs, qu'elles donnent lieu à un véritable commerce de la drogue et que les associations sportives ou culturelles acceptent mal que ces rassemblements, au motif qu'ils rencontrent un vif succès dans la jeunesse, puissent échapper aux règles habituellement imposées pour l'organisation de manifestations ouvertes au public. Jugeant, au demeurant, anormal qu'il incombe aux petites communes d'assurer la sécurité et la salubrité du déroulement de ces manifestations, il a souhaité que le Parlement ait le courage de légiférer, afin de ne pas accréditer l'idée que ces rassemblements bénéficient d'un régime dérogatoire.

Approuvant la position de la rapporteure, M. Jean-Pierre Dufau a souligné qu'il ne s'agissait pas, en rejetant ces propositions de résolution, de méconnaître la réalité des problèmes soulevés par les rave parties, mais de ne pas souscrire à une démarche qu'il a qualifiée de « provocante » alors qu'une concertation est engagée afin d'apporter des réponses satisfaisantes à cette question.

Contestant vivement l'idée selon laquelle ces propositions de résolution auraient des visées politiciennes, M. Louis Guédon a souligné combien la question des rave parties préoccupe aujourd'hui l'opinion publique, faisant observer que celle-ci est sensible aux dangers que ces rassemblements peuvent représenter pour les jeunes, notamment en raison du commerce de drogues qui s'y développe. Sans nier l'utilité de privilégier une démarche de concertation sur cette question, il a fait observer qu'une commission d'enquête parlementaire n'était en rien assimilable à des investigations policières et serait probablement de nature à permettre une meilleure compréhension d'un phénomène qui touche l'ensemble des familles.

Conformément aux conclusions de la rapporteure, la Commission a rejeté les propositions de résolution nos 3080 et 3257.

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La Commission a entendu, sur le rapport de M. Jean-Pierre Dufau, les conclusions de la mission d'information consacrée à l'évaluation de la loi relative à l'inscription sur les listes électorales des personnes âgées de dix-huit ans.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur, a présenté les principales conclusions de la mission d'information consacrée à l'évaluation de la loi relative à l'inscription sur les listes électorales des personnes âgées de dix-huit ans. Il a tout d'abord rappelé que ce texte, annoncé comme une priorité par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale du 17 juin 1997, avait été adopté définitivement par le Parlement le 30 octobre 1997 et avait commencé à s'appliquer à la procédure de révision des listes électorales pour 1998. Il a ensuite indiqué que son bilan chiffré apparaissait mitigé, soulignant que si le nombre de jeunes inscrits d'office n'avait cessé de croître en valeur absolue depuis son entrée en vigueur, leur part relative dans le total des nouveaux inscrits de dix-huit ans restait faible, diminuant même en 2001 pour n'atteindre que 51 %, ce qui témoignait d'une mauvaise connaissance ou d'une moindre confiance des jeunes dans la procédure.

Il a expliqué que la mise en _uvre de la loi s'était heurtée à des difficultés techniques liées au contenu des fichiers sources - le fichier de la défense nationale pour les garçons et les fichiers des organismes obligatoires de l'assurance maladie pour les filles - et a souligné que les listes des jeunes potentiellement concernés, envoyées par l'INSEE aux communes, étaient parfois incomplètes et comportaient des doublons et des erreurs sur l'adresse des jeunes ou leur nationalité. Il a, par ailleurs, indiqué que la mise en _uvre de la loi avait donné lieu à des pratiques diversifiées selon les communes.

Le rapporteur a ensuite fait observer que l'efficacité de la procédure d'inscription d'office était appelée à s'améliorer prochainement, puisque les données relatives aux jeunes concernés, et en particulier celles portant sur leur nationalité, allaient devenir plus fiables avec l'utilisation exclusive, en métropole, du fichier de la défense nationale pour les filles comme pour les garçons, les jeunes filles étant recensées dans ce fichier depuis le 1er janvier 1999. Il a également indiqué qu'une circulaire du ministère de l'intérieur du 24 septembre devrait permettre de simplifier et d'harmoniser les pratiques des communes en les dispensant d'effectuer un contrôle de la nationalité de jeunes figurant sur les listes transmises par l'INSEE et en leur permettant de vérifier la réalité de leur domicile par l'envoi d'un simple courrier. Il a précisé que si la lettre ne revenait pas à la mairie avec la mention « n'habite plus à l'adresse indiquée » ou «parti sans laisser d'adresse», la réalité du domicile pourrait être présumée et le jeune inscrit d'office.

Le rapporteur a ensuite fait valoir que l'efficacité de la loi pourrait encore être renforcée par un certain nombre de mesures d'accompagnement, permettant notamment de valoriser l'importance de la première inscription sur les listes électorales et du vote auprès des jeunes, la simplification des formalités d'inscription ne devant pas conduire à leur banalisation. Rappelant qu'une campagne d'information nationale appelant les jeunes a vérifier leur inscription sur les listes électorales avait été menée par le service d'information du Gouvernement en décembre 2000 et par l'association CIDEM (Civisme et démocratie), il a estimé qu'il convenait de renouveler cette initiative à une date moins proche de la clôture des listes électorales et en lui donnant plus d'ampleur. En dehors des campagnes civiques ponctuelles, il a suggéré que des actions de sensibilisation soient menées au sein des lycées, dans les cours d'éducation civique, juridique et sociale et lors des « journées citoyennes », à l'occasion desquelles les jeunes lycéens élisent leurs représentants, mais également lors des journées d'appel de préparation à la défense. Il a estimé, par ailleurs, que les communes, dont le rôle est capital dans la procédure d'inscription d'office, devraient prendre des initiatives afin de « solenniser » l'entrée des jeunes dans la citoyenneté, ces initiatives pouvant consister dans l'organisation d'une réception à la mairie, à l'occasion de laquelle serait remise la carte d'électeur, ou dans l'envoi d'un courrier personnalisé annonçant aux jeunes leur inscription et les éclairant sur l'importance de leurs nouveaux droits. Il a, enfin, envisagé la création d'une fête de la citoyenneté, dont la date serait fixée au niveau national, mais dont les modalités d'organisation seraient déterminées par chaque commune.

En conclusion, après avoir souligné que l'année 2002 serait capitale pour la mise en _uvre de la procédure d'inscription d'office et permettrait d'apprécier la réalité des améliorations apportées à son dispositif, le rapporteur a observé qu'il convenait de s'interroger plus en profondeur sur notre procédure d'établissement et de révision des listes électorales, voire même, sur notre conception du droit de vote.

M. Francis Delattre a souligné que les dernières élections avaient fait clairement ressortir les insuffisances de la procédure d'inscription d'office des jeunes sur les listes électorales. S'interrogeant sur l'efficacité du système retenu et sur la fiabilité du fichier de la défense nationale, il a fait observer que les commissions administratives ne pouvaient remplir correctement leur mission en l'absence de démarche volontaire des jeunes pour leur inscription. Il a donc demandé au rapporteur quelle attitude les commissions devaient adopter en cas de retour des courriers adressés par les services municipaux aux jeunes censés être automatiquement inscrits sur les listes électorales.

M. Roger Franzoni a exprimé son inquiétude sur le désintérêt manifesté par de nombreux jeunes à l'égard de leurs devoirs civiques. Rappelant le rôle primordial des parents et de l'école en la matière, il a, par ailleurs, regretté que des formalités souvent trop lourdes soient requises pour l'inscription sur les listes électorales. Il a considéré qu'il faudrait une inscription automatique des jeunes ne nécessitant aucun contrôle ni démarche, hormis les cas de contestation de la régularité de l'inscription ou de changement d'adresse des intéressés.

M. Jacques Brunhes a indiqué qu'il souhaitait, compte tenu du calendrier électoral, que le rapport de la mission d'information soit largement diffusé et que ses conclusions soient exposées à la presse, afin de sensibiliser les jeunes à la nécessité de vérifier leur inscription sur les listes électorales d'ici la fin de l'année.

M. Bernard Roman, président, a tout d'abord souligné la qualité du travail accompli par la mission d'information et par son rapporteur. Il a ensuite fait part de son étonnement devant le faible taux d'inscription d'office des jeunes sur les listes électorales, rappelant qu'il concernait à peine plus d'un jeune sur deux. Considérant que la volonté du législateur en la matière n'avait donc pas été respectée, il a regretté, souhaitant leur renforcement, que les procédures de contrôle de l'exécutif par le Parlement ne permettent pas actuellement d'y remédier efficacement. Citant la circulaire du 28 novembre 1997, il a souligné qu'elle n'était pas conforme à l'esprit de la loi relative à l'inscription d'office des jeunes sur les listes électorales, observant qu'elle leur imposait, en effet, une démarche volontaire systématique. Il a ensuite indiqué que les outils informatiques mis en place étaient défaillants et a jugé que l'INSEE ne remplissait pas correctement son rôle de gestionnaire de fichier. Regrettant que l'Etat ne dispose toujours pas d'outils statistiques et informatiques performants, il a estimé que, à l'avenir, le fichier de recensement devrait pouvoir faire foi, afin d'éviter que la charge des vérifications ne soit reportée sur les services municipaux. Souhaitant qu'un bilan soit rapidement tiré du dispositif en vigueur et de son application, il a indiqué qu'il allait officiellement interroger le ministre de l'intérieur sur cette question. En réponse à M. Jacques Brunhes, il a indiqué qu'une conférence de presse serait organisée la semaine prochaine, afin de donner aux conclusions de la mission d'information la publicité la plus large possible.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  La loi du 10 novembre 1997 relative à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales a pour objet de faciliter l'inscription des jeunes sur les listes en les dispensant d'effectuer des formalités administratives. Certains jeunes ont cru que leur inscription serait automatique et n'ont pas compris que les communes leur demandent de justifier leur qualité d'électeur. Tenant compte du fait que les données relatives aux jeunes potentiellement concernés par la loi vont être plus fiables, grâce à l'utilisation du seul fichier de la défense nationale, la circulaire du ministère de l'intérieur du 24 septembre 2001 prévoit d'alléger la portée des vérifications auxquelles devront se livrer les communes. Elles n'auront plus qu'à vérifier la réalité du domicile des jeunes concernés. La circulaire les autorise à le faire par la voie d'un simple courrier ; cependant, les jeunes pour lesquels ces courriers reviendront à la mairie ne pourront être inscrits d'office et devront, éventuellement, s'inscrire volontairement. La mise en _uvre de la loi se heurte à la difficulté de bien localiser les jeunes, à une période de leur vie où ils sont très mobiles. Par ailleurs, certains d'entre eux peuvent vouloir être inscrits dans une autre commune que celle de leur domicile, ce qui implique, de leur part, une démarche volontaire.

-  Pour répondre aux difficultés de notre système électoral, l'exemple belge est intéressant. Les citoyens belges ne peuvent voter que dans la commune de leur domicile et sont tenus de déclarer leur changement de domicile, ce qui n'est pas le cas en France. De la sorte, le recueil des données est beaucoup plus fiable. Par ailleurs, le vote est obligatoire.

-  Le rapport de la mission appelle à s'interroger sur la réforme globale de notre système électoral et sur les conditions du contrôle du Parlement sur la mise en _uvre des lois qu'il adopte.

La Commission a décidé la publication du rapport de la mission d'information consacrée à l'évaluation de la loi relative à l'inscription sur les listes électorales des personnes âgées de dix-huit ans.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

Mme Nicole Feidt, rapporteure pour la proposition de résolution de M. Bernard Deflesselles tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes des incendies de forêt et sur les moyens d'actions des pouvoirs publics (n° 3261) ;

-  Mme Nicole Feidt, rapporteure pour avis sur les crédits de la justice (administration centrale et services judiciaires) pour le projet de loi de finances pour 2002 (en remplacement de M. Jacques Floch) ;

-  M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis sur les crédits de l'intérieur (police) pour le projet de loi de finances pour 2002 (en remplacement de M. Louis Mermaz).

La Commission a par ailleurs désigné M. René Dosière pour siéger au Conseil national de la sécurité routière.

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