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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 26

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 20 février 2002
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Bernard Roman, président

SOMMAIRE

 

pages

- Proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative à l'autorité parentale (n° 3613) (M. Marc DOLEZ, rapporteur) (troisième lecture)


2

- Proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à créer une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort (n° 3596), et la proposition de loi de M. Bernard Birsinger tendant à créer une journée nationale contre la peine de mort (n° 3133) (rapport)



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- Information relative à la Commission

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La Commission a examiné, en troisième lecture, sur le rapport de M. Marc Dolez, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative à l'autorité parentale.

Après avoir observé que l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi avait permis au Sénat de se rapprocher du texte adopté par l'Assemblée nationale le 11 décembre dernier, le rapporteur a souligné que les dispositions principales de ce texte avaient fait l'objet d'un accord entre les deux assemblées.

Evoquant les modifications apportées aux dispositions relatives à l'autorité parentale, il a indiqué que la seconde assemblée avait donné au juge la possibilité d'inscrire sur le passeport des parents l'interdiction de sortie du territoire de l'enfant sans l'autorisation de ses deux parents. Il a également rappelé que le fait d'organiser un déplacement illicite d'enfant vers l'étranger avait été supprimé des cas de perte automatique de l'exercice de l'autorité parentale, cette disposition ayant été jugée contraire à la philosophie de la proposition de loi, et a ajouté que l'alinéa indiquant que le juge peut rappeler ses obligations au parent qui ne respecte pas ses devoirs, considéré comme inutile, avait disparu. S'agissant de la résidence alternée, il a observé que le Sénat avait supprimé la durée maximale de la mesure provisoire, faisant valoir qu'il pouvait être utile que celle-ci soit appliquée pendant plus de six mois. Il a enfin évoqué la suppression de la restriction concernant les violences familiales dans le dispositif sur la médiation, le juge devant, selon les sénateurs, pouvoir apprécier, au cas par cas, l'opportunité d'une telle mesure.

Abordant les autres dispositions de la proposition de loi, le rapporteur a rappelé que le Sénat avait approuvé l'obligation de faire figurer sur le document vidéo lui-même l'interdiction de vente aux mineurs, ainsi que les garanties apportées à la désignation d'un administrateur ad hoc pour les mineurs en zone d'attente. Présentant les modifications apportées à l'article 12, relatif à l'infraction de recours à la prostitution d'un mineur, il a indiqué que les sénateurs avaient abaissé de cinq à trois ans la peine d'emprisonnement encourue lorsque le mineur prostitué a entre quinze et dix-huit ans, la peine étant maintenue à sept ans d'emprisonnement lorsque ce dernier a moins de quinze ans. Il a ajouté que, parallèlement à cet allégement des peines applicable aux clients, la seconde assemblée avait voulu renforcer la répression du proxénétisme en portant à quinze ans de réclusion criminelle, au lieu de dix ans actuellement, la peine encourue lorsque la victime est un mineur de moins de quinze ans. Faisant enfin état de la volonté des sénateurs de sanctionner plus sévèrement la réalisation d'une image pornographique de mineur que sa détention, il a évoqué l'abaissement de trois à deux ans de la peine d'emprisonnement encourue pour une telle détention.

Tout en reconnaissant que certaines décisions du Sénat pouvaient prêter à discussion, notamment celle concernant la suppression de la référence aux violences familiales dans les dispositions sur la médiation, le rapporteur a proposé à la Commission d'adopter le texte du Sénat sans modification, afin de permettre une mise en _uvre rapide de la proposition de loi.

M. Richard Cazenave a exprimé ses réserves sur le texte adopté par le Sénat, regrettant qu'il ne soit plus fait explicitement référence aux cas de violences familiales pour motiver le refus du juge de prononcer une mesure de médiation familiale. Tout en reconnaissant que cette précision adoptée par l'Assemblée nationale avait davantage une valeur symbolique qu'une portée réelle, puisque c'est finalement au juge qu'il reviendra d'apprécier l'opportunité de la mesure, il a observé qu'il était très difficile aujourd'hui d'établir la réalité des violences familiales entre époux et jugé en conséquence préférable de prévoir explicitement ce cas dans la loi. Il a, en effet, exprimé la crainte que, dans le cadre de la procédure de médiation ouverte par le juge, des tentatives d'intimidation ne puissent être exercées à l'encontre du parent le plus vulnérable dans un contexte de violence familiale. Il a considéré que, dans un tel contexte, le principe de la résidence alternée devrait également être écarté. Prenant acte des conséquences, en terme de calendrier des travaux parlementaires, qu'emporterait l'adoption d'un amendement sur le texte, il a néanmoins estimé indispensable de revenir sur la proposition adoptée par le Sénat afin que figure dans la loi définitive un signal fort dénonçant un phénomène malheureusement en constante progression.

Après avoir relevé que le choix laissé aux députés à ce stade de la discussion était finalement restreint puisque toute modification apportée à la proposition de loi adoptée par le Sénat aurait pour conséquence de reporter à la prochaine législature l'adoption définitive du texte, M. Michel Hunault a regretté que le Sénat n'ait pas suivi l'Assemblée nationale sur les propositions faites en matière de lutte contre la prostitution des mineurs ; estimant que la sévérité du texte adopté par les députés constituait un signal fort, il a jugé, en revanche, tout à fait contestables les débats du Sénat sur le sujet.

Déclarant partager le constat établi par M. Richard Cazenave, M. Bernard Roman, président, a reconnu que le texte adopté par l'Assemblée nationale qui vise explicitement, dans les motifs de refus de la médiation familiale, le cas des violences familiales paraissait meilleur que celui retenu finalement par le Sénat ; il a néanmoins estimé que, dans la rédaction adoptée par le Sénat, l'essentiel était préservé puisque le juge conservait, en toute hypothèse, une marge d'interprétation et de décision lui permettant d'apprécier le bien-fondé de la mesure de résidence alternée. Il a, en revanche, insisté sur l'importance qui s'attachait à une mise en _uvre rapide de la loi et préconisé en conséquence une adoption sans modification du texte adopté par le Sénat.

S'agissant des dispositions sur la lutte contre la prostitution des mineurs, il a estimé en revanche que le Sénat, en dépit des débats qui avaient fait émerger certains propos contestables, avait finalement adopté une rédaction acceptable, puisqu'elle proposait une plus juste hiérarchie des peines. Il a exprimé sa satisfaction que les parlementaires se soient finalement rejoints sur l'essentiel, qui consiste à pénaliser les clients des prostitués mineurs.

M. Gérard Gouzes s'est interrogé sur les conséquences fiscales qu'emportait pour chaque parent la mise en _uvre d'une mesure de résidence alternée. Il a souligné qu'à l'heure actuelle, c'était précisément sur de telles considérations qu'achoppaient les décisions de résidence alternée prononcées par le juge aux affaires familiales.

Tout en reconnaissant qu'il aurait également préféré maintenir la référence aux violences familiales, le rapporteur a fait observer que le juge pouvait toujours écarter la médiation dans ce cas. Il a également tenu à souligner que l'adoption sans modification de l'article 12 permettrait une entrée en vigueur rapide de cette nouvelle incrimination, qui contribuera à renforcer la lutte contre la prostitution de mineurs. S'agissant du dispositif d'accompagnement de la résidence alternée, il a rappelé que la ministre avait annoncé au printemps dernier une série de mesures destinées à favoriser un exercice conjoint de l'autorité parentale. Il s'est néanmoins engagé à l'interroger en séance publique sur le problème précis de la fiscalité.

Puis la Commission est passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Chapitre Ier
L'autorité parentale

Article 4 (art. 372, 372-3, 373-1, 373-2-6 à 373-2-13 [nouveaux] du code civil) : Modalités d'exercice de l'autorité parentale :

La Commission a rejeté deux amendements de M. Richard Cazenave, le premier tendant à exclure la résidence alternée en cas de violences entre les parents ou sur l'enfant, le deuxième précisant que la médiation ne peut être proposée lorsque des violences familiales rendent cette mesure inappropriée. M. Bernard Roman, président, a tenu à souligner que le rejet de ces amendements était avant tout motivé par le souci d'adopter rapidement la proposition de loi pour que le texte puisse entrer en vigueur.

La Commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5 (art. 373-2 et 373-2-1 à 373-2-5 du code civil) : Exercice de l'autorité parentale par les parents séparés :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 bis (art. L. 441-2 du code de la sécurité sociale) : Déclaration des accidents de travail survenus à un mineur :

La Commission a maintenu la suppression de cet article.

Chapitre II
Filiation

Article 9 bis A (art. 318-1 et 339 du code civil) : Contestation de la filiation d'un enfant jouissant d'une possession d'état conforme :

La Commission a maintenu la suppression de cet article.

Chapitre II bis
Dispositions diverses et transitoires

Articles 12 (art. 225-7-1 [nouveau], 225-12-1 à 225-12-4, 225-20, 227-26 et 227-28-1 du code pénal et 708-34 du code de procédure pénale) : Incrimination du recours à la prostitution de mineur, 12 bis (art. 227-23 du code pénal) : Incrimination de la détention d'images pornographiques représentant des mineurs, 12 quater [nouveau] (art. 227-9 du code pénal) : Incrimination de l'enlèvement international d'enfant, 15 : Application outre-mer, 16 et 17 (art. L. 226-1 et L. 312-1-1 du code de l'organisation judiciaire) : Spécialisation des magistrats de cour d'appel et des tribunaux de grande instance en cas d'enlèvements internationaux d'enfants :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi sans modification.

La Commission a désigné M. Bernard Birsinger, rapporteur pour la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à créer une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort (n° 3596), et pour sa proposition de loi tendant à créer une journée nationale contre la peine de mort (n° 3133), puis a procédé à l'examen de ces textes.

M. Bernard Birsinger, rapporteur, a tout d'abord indiqué que la proposition de loi tendant à créer une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort, soumise à l'examen de la Commission, avait été déposée par les membres du groupe communiste républicain et citoyen en juillet 2001 et adoptée, à la quasi-unanimité par le Sénat, le 12 février denier, dans le cadre de son ordre du jour réservé, sur le rapport de Mme Nicole Borvo. Après avoir souligné qu'il avait lui-même déposé une proposition de loi ayant le même objet avec des parlementaires des groupes de l'opposition, Mme Roselyne Bachelot, MM. André Vallini, Maurice Leroy, Noël Mamère et André Vallini, il a regretté que Gouvernement n'ait pas inscrit le texte adopté par le Sénat à l'ordre du jour l'Assemblée nationale pour qu'il soit adopté avant la fin de la session parlementaire.

Considérant que la loi du 9 octobre 1981 avait permis une avancée décisive pour la démocratie française en abolissant la peine capitale pour tous les délits de droit commun comme pour ceux relevant de la justice militaire, il a salué le courage politique des hommes et de femmes politiques qui avaient _uvré pour son adoption et, en particulier, la détermination du président François Mitterrand, de M. Robert Badinter, garde des Sceaux à l'époque, et de M. Raymond Forni, rapporteur du texte pour l'Assemblée nationale, en soulignant qu'en 1981, une majorité de Français, environ 63 % étaient favorables à la peine de mort. Le rapporteur a également insisté sur l'action de tous les militants et intellectuels qui permettent à la cause abolitionniste de progresser et sur le rôle des associations, telles que la ligue des droits de l'homme, Amnesty International et Ensemble contre la peine de mort, qui ont participé à l'élaboration des propositions de loi.

Rappelant que la peine de mort continuait à sévir à grande échelle dans le monde, il a condamné cette pratique en estimant qu'il s'agissait d'un châtiment cruel et contraire à l'idéal de justice, puisqu'elle entretient un climat de violence et de vengeance et que son caractère irréversible entraîne forcément l'exécution d'innocents.

Il a ensuite dressé un bilan détaillé de la pratique de la peine de mort à l'échelle internationale. Il a observé que le principe de l'abolition universelle avait progressé depuis la moitié du XXe siècle, en soulignant qu'il avait été progressivement consacré par le doit international et européen et que la société civile y était plus fortement sensibilisée. Il a indiqué, à ce propos, que le Ier Congrès mondial pour l'abolition de la peine de mort s'était tenu à Strasbourg en juin 2001, sous l'égide du Parlement européen et du Conseil de l'Europe, dont les membres se sont désormais tous engagés à ne pas pratiquer la peine de mort, la Fédération de Russie, l'Arménie et la Turquie respectant un moratoire sur les exécutions.

Le rapporteur a ensuite précisé que, selon les chiffres d'Amnesty International, 109 pays avaient mis fin, en droit ou en pratique, à la peine de mort, parmi lesquels 75 l'avaient abolie pour tous les crimes, 14 ne l'avaient maintenue que pour des crimes perpétrés pendant des périodes exceptionnelles, telles que la guerre, tandis que 20 pouvaient être considérés comme abolitionnistes en pratique car aucune exécution n'avait été pratiquée sur leur territoire depuis au moins dix ans. Il a souligné toutefois que le bilan du nombre des exécutions demeurait très préoccupant puisque, au cours de l'année 2000, au moins 1 457 prisonniers avaient été exécutés dans 27 pays, tandis que 3 058 personnes avaient été condamnées à mort dans 65 pays. Il a ajouté que 88 % des exécutions avaient été pratiquées en Chine en Iran, en Arabie Saoudite et aux Etats-Unis, 7 pays continuent à exécuter des personnes qui avaient commis un crime alors qu'ils étaient mineurs. Il a ensuite a abordé plus précisément le cas des Etats-Unis et de la Chine et insisté pour que la tenue des Jeux Olympiques à Pékin soit l'occasion d'exercer des pressions en faveur de l'abolition.

Après avoir précisé que l'instauration d'une journée nationale en faveur de l'abolition universelle de la peine de mort permettrait de réaffirmer l'engagement de la France en faveur de l'abolition de la peine de mort et de promouvoir sa généralisation dans le reste du monde, le rapporteur a présenté le contenu de la proposition de loi en précisant qu'il ne souhaitait pas y apporter de modification.

Il a tout d'abord indiqué que l'article premier instituait la journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort le 9 octobre, date anniversaire de l'entrée en vigueur de la loi de 1981, soulignant qu'il avait, pour sa part, proposé de choisir le 22 juin, date anniversaire du Ier Congrès mondial contre la peine de mort, il a admis que le choix du Sénat paraissait plus opportun puisqu'il permettait de rattacher cette journée à l'histoire de notre pays. Il a ensuite présenté les mesures complémentaires prévues par la proposition pour donner à la journée nationale un plus grand retentissant : l'article 2 qui impose aux établissements scolaires l'obligation de consacrer une partie des enseignements dispensés lors de cette journée à la réflexion sur le thème de la peine de mort et sur les valeurs qui fondent la justice, tout en laissant le soin au ministre chargé de l'éducation nationale de fixer les modalités selon lesquelles ce travail doit être effectué ; l'article 3 qui prévoit la participation facultative de l'ensemble des services publics à la promotion de cette journée ; l'article 4, enfin, qui impose au Gouvernement de remettre chaque année au Parlement un rapport dans lequel seraient retracées les initiatives entreprises à l'échelle internationale pour faire reculer la peine de mort dans le monde. Rappelant que le texte initialement déposé imposait directement aux autorités exécutives de prendre des initiatives pour faire reculer la peine de mort dans le monde, il a indiqué que le dispositif finalement retenu répondait au souci d'inviter le Gouvernement à agir, tout en respectant le cadre de la mission de contrôle traditionnellement dévolue au Parlement.

M. Bernard Roman, président, s'est déclaré favorable à cette proposition de loi.

Puis, la Commission a adopté les articles et l'ensemble de la proposition de loi à l'unanimité.

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La présentation des conclusions de la mission d'information chargée d'évaluer les conditions de mise en _uvre de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne (M. Bruno Le Roux, rapporteur) a été reportée à la réunion que la Commission tiendra demain jeudi 21 février.

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Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Bernard Birsinger, rapporteur pour la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à créer une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort (n° 3596), et pour la proposition de loi de M. Bernard Birsinger tendant à créer une journée nationale contre la peine de mort (n° 3133).

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