ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de
lADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE
COMPTE RENDU N° 52
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 13 mai 1998
(Séance de 16 heures 15)
Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente.
SOMMAIRE
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Audition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de lintérieur, sur le projet de loi organique (n° 827) et sur le projet de loi (n° 828) tendant à limiter le cumul de certains mandats électoraux et fonctions électives et discussion générale des projets de loi ............................................................
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La Commission a procédé à laudition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de lintérieur, sur le projet de loi organique (n° 827) et sur le projet de loi (n° 828) tendant à limiter le cumul de certains mandats électoraux et fonctions électives et discussion générale des projets de loi.
Mme la présidente : Monsieur le ministre, la commission des lois a déjà commencé à travailler sur les projets de loi tendant à limiter le cumul de certains mandats électoraux et fonctions électives avant même de vous accueillir.
Deux auditions ont déjà eu lieu en présence de la presse. La première le 8 avril 1998, au cours de laquelle nous avons entendu des professeurs de droit et la seconde le 22 avril 1998, qui nous a permis dentendre M. Jean-Paul Delevoye, président de lAssociation des maires de France et M. Robert Savy qui représentait lAssociation des présidents de conseils régionaux.
M. le ministre de lintérieur : Je me réjouis de vous voir très nombreux pour cette réunion de travail autour dun dispositif limitant les possibilités de cumuls de mandats et de fonctions que M. le Premier ministre avait annoncé lors de son discours de politique générale le 19 juin 1997.
Nos concitoyens souhaitent légitimement que les élus se consacrent pleinement à leurs mandats et on les entend souvent se plaindre de ne pas pouvoir les rencontrer. La recherche dun meilleur fonctionnement de notre vie publique doit donc nous conduire à aller au devant de leurs aspirations et, en même temps, à favoriser laccession de nouveaux élus aux responsabilités politiques, je pense tout particulièrement aux femmes. La limitation du cumul des mandats est un des outils qui permet de répondre à ces aspirations.
Plus que toute autre, cette réforme doit tenir compte de la réalité historique et politique de la France, qui nest pas un Etat fédéral mais forme un unique espace politique. Le sentiment dune continuité des mandats, du local au régional et au national, du conseil municipal au conseil général, puis au Parlement, puise à lévidence dans la manière dont sest constituée historiquement notre nation. Il serait vain de vouloir nier ces réalités qui font partie de notre histoire. Pour réussir, une réforme doit tenir un compte de la situation actuelle, de ses origines, de ses causes.
Dans cet esprit, le Premier ministre a consulté les responsables des principales formations politiques et a recueilli leur sentiment. Jai moi-même reçu les responsables des grandes associations délus, lAssociation des maires de France lAssemblée des présidents de conseils généraux, lAssociation des présidents de conseils régionaux pour mentretenir avec eux de ces projets.
La limitation du cumul des mandats proposée par le Gouvernement, loin dêtre dogmatique, fixe donc des objectifs susceptibles dêtre atteints. La loi de 1985, vous vous en souvenez puisque vous vous y conformez, avait déjà limité à deux mandats le cumul possible. Cependant, les maires des villes de moins de 20.000 habitants nétaient pas concernés, les parlementaires pouvaient diriger des exécutifs locaux importants, les fonctions de représentant au Parlement européen pouvaient se cumuler avec celles de parlementaire français. Autant de lacunes que laissait subsister le dispositif de 1985, lequel avait marqué, toutefois, il faut le reconnaître avec le recul, une importante avancée.
Je voudrais vous présenter succinctement les différentes mesures envisagées.
Tout dabord, un projet de loi constitutionnelle. Préparé par le Garde des sceaux, il vise à interdire aux membres du Gouvernement les fonctions de président de conseil général, régional, de maire, de même que la présidence du conseil exécutif de Corse ou la présidence des instances exécutives des territoires doutre-mer : présidence du gouvernement de la Polynésie française, présidence dune assemblée de province du territoire de Nouvelle-Calédonie et, le cas échéant, dautres exécutifs. Cette disposition peut être instaurée par lusage cest ce qui se fait depuis le mois de juin dernier mais, si nous voulons quelle prenne racine, il est souhaitable daller vers une réforme de la Constitution. De ce point de vue, le calendrier de lexamen du projet de loi doit être établi dun commun accord par le président de la République et le Premier ministre et tenir compte des nombreuses autres modifications constitutionnelles envisagées.
Ensuite, les deux projets de loi soumis aujourdhui à votre examen traitent de la limitation du cumul des mandats exercés par les parlementaires dune part, par les autres élus dautre part.
Le projet de loi organique traite en premier lieu des limitations de cumul applicables aux députés et aux sénateurs. Larticle L.O. 297 du code électoral indique que les incompatibilités opposables aux sénateurs sont celles qui sont opposables aux députés. La question est donc tranchée : cest un régime identique qui doit prévaloir pour les sénateurs et pour les députés.
Une loi organique était doublement nécessaire : parce quil sagit du statut des parlementaires dune part, parce que ce régime vaudra pour les territoires doutre-mer dont les dispositions institutionnelles revêtent un caractère organique en vertu de larticle 74 de notre Constitution dautre part.
Dabord, le mandat de représentant au Parlement européen ne pourra désormais plus être cumulé avec celui de député ou de sénateur. Le régime des sessions du Parlement européen, léloignement du siège à Strasbourg, quand il y siège, ou des lieux de travail à Bruxelles, quand les parlementaires y travaillent, rendent particulièrement difficile lexercice simultané des mandats de parlementaire national et de représentant au Parlement européen.
M. Pascal Clément : Vous avez raison.
M. le ministre de lintérieur : Ce point a fait lunanimité des personnalités consultées.
Certes, larticle 5 de lacte européen du 20 septembre 1976 organisant les élections au Parlement européen indique que le mandat de représentant au Parlement européen est compatible avec celui de parlementaire national, mais il ne sagit que dune indication. Valide du point de vue de lUnion, il ne fait pas obstacle à ce que les Etats membres édictent pour leur compte des règles de non-cumul. Cinq pays lont fait postérieurement à lacte de 1976, sans que jamais une procédure en manquement nait été introduite, ce qui a conduit le Gouvernement à retenir cette règle.
Ensuite, le mandat de député ou de sénateur deviendra incompatible avec les fonctions de président dun conseil général, président dun conseil régional ou maire, président du conseil exécutif de Corse, président du gouvernement de Polynésie française, président dune assemblée de province du territoire de Nouvelle-Calédonie. Il sagit déviter le cumul avec une fonction exécutive. Le critère retenu, vous en jugerez, est celui de chef dun exécutif local.
Par ailleurs, un parlementaire ne pourra détenir plus de deux mandats, cest-à-dire quen plus de celui de député ou de sénateur, il ne pourra en détenir quun seul autre parmi ceux de conseiller régional, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller à lassemblée de Corse et conseiller municipal. Cela ne lempêcherait pas dêtre adjoint au maire, comme cest le cas de certains ministres qui ne peuvent plus être maire, mais qui restent adjoint au maire.
Ceux qui ne sont pas favorables à une telle réforme objectent le plus souvent quelle risque de priver le Parlement de lexpérience acquise dans les assemblées locales, craignant ainsi une césure entre le terrain et le Parlement. Ce que je viens de vous dire montre que ce risque peut être limité. Largument nest guère fondé, dès lors que les députés et les sénateurs pourront être conseillers municipaux, conseillers généraux ou régionaux, vice-présidents dun conseil régional ou général, adjoints au maire. Ils pourront continuer de participer activement aux assemblées locales, départementales ou régionales, y exercer des responsabilités et demeurer, sils le souhaitent, au contact des citoyens.
La continuité de lespace politique français est donc préservée, mais la direction de lexécutif, qui requiert un engagement constant et complet ne pourra plus être cumulée avec lexercice dun mandat parlementaire, sauf si vous deviez en décider autrement.
Un régime transitoire souple est mis en oeuvre. Cest lors du prochain renouvellement de lun des mandats les plaçant en situation de cumul prohibé que les parlementaires concernés auront à se mettre en règle avec le nouveau régime des incompatibilités. Ils seront autorisés à poursuivre leur mandat jusqu'au prochain renouvellement. Progressivement, à limage de ce qui fut la règle à partir de 1985, le nouveau système des incompatibilités se mettra en place. Lorsque nous serons entrés en régime de croisière, les modalités selon lesquelles chaque élu devra tirer les conséquences dune situation dincompatibilité se trouveront en partie modifiées par rapport à la loi de 1985. Ainsi, à lavenir, un parlementaire élu à une fonction incompatible disposera de quinze jours pour choisir le mandat auquel il renonce, notez bien ce délai de quinze jours. Passé ce délai, cest le mandat acquis le plus anciennement qui sera réputé abandonné ; ainsi se trouvera affichée la volonté de mieux respecter le choix des électeurs qui voyaient parfois le nouvel élu démissionner de ses nouvelles fonctions aussitôt après le scrutin, ce qui ne pouvait manquer dentraîner quelque incompréhension.
Soulignons que ces dispositions ne sappliquent que dans le seul cas où lélu concerné naurait pas opté pour le mandat de son choix dans le délai imparti.
Jen viens maintenant au projet de loi ordinaire qui concerne les représentants au Parlement européen qui ne relèvent pas de la loi organique et les élus non-parlementaires.
Sagissant des représentants au Parlement européen, leur statut sera du point de vue du cumul des mandats identique à celui des parlementaires nationaux. Jai déjà exposé les raisons qui ont conduit le Gouvernement à interpréter en ce sens les dispositions de lacte européen du 20 septembre 1976. Les représentants au Parlement européen ne pourront ainsi plus exercer simultanément les fonctions de président de conseil régional, de président de conseil général, de maire ou de président dune instance exécutive outre-mer. A fortiori ils ne pourront exercer quun seul mandat supplémentaire, à choisir parmi ceux de conseiller régional, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller à lassemblée de Corse ou conseiller municipal.
Le projet de loi ordinaire régit également les incompatibilités visant les élus non-parlementaires. La règle retenue fixe à deux mandats seulement le cumul autorisé. Ainsi, un maire pourra être en même temps, soit conseiller général, soit conseiller régional. Il ne pourra cependant cumuler sa fonction de maire avec la direction dun autre exécutif local élu au suffrage universel direct ; par exemple, il ne pourra pas présider un conseil régional ou un conseil général. Les dispositions actuellement en vigueur interdisant déjà à un président de conseil régional de présider un conseil général, elles resteront en vigueur. De surcroît, un président de conseil régional ne pourra simultanément être maire dune commune, sauf si vous en décidiez autrement. Un président de conseil général ne pourra pas diriger non plus une région ou une commune, mais bien entendu, dans lesprit de ce que jai rappelé au début de mon intervention, le chef dun exécutif local pourra exercer simultanément un mandat de conseiller, quil soit général, régional ou municipal.
Le même système transitoire que celui prévu par la loi organique est adopté pour la loi ordinaire. Les élus concernés par une incompatibilité à la date de promulgation de la loi pourront continuer à exercer leur mandat jusquau prochain renouvellement. Le régime de croisière sera cependant plus strict : le maire, le président de conseil général, le président de conseil régional ou le représentant au Parlement européen qui serait élu à une fonction nouvelle le plaçant en situation dincompatibilité cesserait aussitôt dexercer son premier mandat ; il naurait pas le délai de quinze jours accordé aux parlementaires. Cest donc lexpression la plus récente du suffrage universel qui lemportera.
Enfin, le dispositif sera applicable dans les territoires doutre-mer et les collectivités territoriales doutre-mer à statut particulier, en assimilant à des mandats et fonctions métropolitains certains des mandats de nature exécutive propres à ces territoires et collectivités, selon une formule déjà retenue par la loi organique du 30 décembre 1985.
Avant de conclure, je voudrais traiter de deux objections qui sont parfois soulevées.
La première tient au fait que ces projets ne concernent pas les établissement publics de coopération intercommunale. Il sagit, de la part du Gouvernement, dune volonté délibérée. Nous avons tous le devoir dencourager lintercommunalité qui concerne environ 33 millions de Français, cest-à-dire plus de la moitié de la population. Si elle a progressé dans les zones rurales et dans les petites villes, elle reste très en retard dans les zones urbaines et est même dramatiquement insuffisante dans les agglomérations, là où elle est pourtant le plus nécessaire.
Sans intercommunalité, nous prenons le risque de voir se développer les inégalités, les ségrégations urbaines et sociales. Pour y faire face, il est indispensable de faire quau niveau des agglomérations se mettent en place des assemblées capables de définir et de mettre en uvre des politiques dans le domaine de lhabitat, du développement économique, de laménagement de lespace, des grands services urbains de leau, de lassainissement, de la collecte et du traitement des déchets, des transports publics... Jaurai sans doute loccasion de revenir devant vous pour présenter un projet de loi traitant de lorganisation de lespace urbain et des progrès quil reste à réaliser en matière dintercommunalité, un sujet auquel M. Dominique Perben avait déjà travaillé et que jai repris, en considérant quil est très important. Il sagit en effet, selon moi, dune réponse à la ségrégation sociale et au modèle dapartheid vers lequel nous nous acheminons. Sans lintercommunalité, nous prendrions en otage les populations les plus pauvres, nous les reléguerions en périphérie, nous verrions les communes-centre senrichir. Des communes périphériques sappauvrissent, des déséquilibres fiscaux se créent et on assiste à des compétitions malsaines pour la taxe professionnelle.
Le Gouvernement est donc résolu à encourager lintercommunalité et je pense que le Parlement sera vraisemblablement saisi cet automne ou, au plus tard, au début de lannée 1999, des projets de lois. Dans cette perspective, il nétait pas souhaitable que nous donnions un signal contradictoire et incompréhensible, car on ne peut pas vouloir dun côté encourager le développement de lintercommunalité et, en même temps, y donner un coup de frein en incluant les fonctions liées à lintercommunalité dans les règles de non-cumul. Il nous faut réussir à faire travailler ensemble nos communes et nos maires.
Jajoute que si la règle limitant à deux le nombre de mandats pouvant être exercés simultanément sappliquait aux fonctions liées à lintercommunalité, elle aboutirait à enfermer un maire président de Syndicat intercommunal à vocation multiple dans sa commune, car elle lui interdirait de devenir conseiller général ou conseiller régional.
Le législateur de 1985 avait, dautre part, achoppé sur un obstacle dune autre nature. Il est difficile de distinguer parmi ces établissements publics de coopération intercommunale ceux qui véritablement peuvent être concernés par la règle de non-cumul du fait de limportance de leurs ressources. Devant cette difficulté majeure, les établissements publics intercommunaux avaient été écartés du dispositif de 1985. On ne peut exclure quun jour ils le réintègrent, notamment sils venaient à être dirigés par des instances élues au suffrage universel direct ; mais cest aujourdhui prématuré et contraire à lobjectif principal que nous voulons atteindre.
Jen viens à la deuxième objection. Beaucoup dentre vous souhaitent quun statut de lélu accompagne la limitation des cumuls de mandats et de fonctions. Je nignore pas la situation de certains élus, en particulier des maires qui souhaitent pouvoir exercer à plein temps leur mandat, mais cette affaire ne peut pas être tranchée à loccasion dun texte relatif à la limitation des cumuls de mandats. Le cumul du mandat de maire avec celui de parlementaire, par exemple, nest pas fondamentalement lié à la question du régime indemnitaire des maires ; dailleurs, il ne concerne aujourdhui que 490 cas sur 36.700.
Une évolution favorable du régime indemnitaire serait sans aucun doute de nature à encourager le mouvement que nous appelons de nos voeux afin dappeler aux responsabilités électives une nouvelle génération dhommes et de femmes.
Vis-à-vis de nos concitoyens, il me paraît sage de clairement distinguer les règles de non-cumul, dune part, et le régime indemnitaire des élus, dautre part, afin de ne pas inspirer de commentaires désagréables sur le fait que la loi compenserait par un régime indemnitaire amélioré les règles de non-cumul quelle édicterait. Selon les hypothèses, nous pourrions aboutir à des chiffres très importants qui ne seraient pas acceptés. Le ministre de lintérieur ne peut que souhaiter une évolution favorable du statut de lélu portant sur les indemnités, sur la formation, sur la réinsertion professionnelle à lissue du mandat ; mais la sagesse commande de distinguer clairement la limitation des cumuls et cette évolution nécessaire.
Telle est rapidement présentée léconomie des projets de loi portant limitation du cumul des mandats ; ils expriment un point de vue net de la part du Gouvernement. Le Premier ministre a indiqué que ces projets appelaient un débat approfondi au Parlement. Je crois que votre éclairage sera important et votre rapporteur connaît bien tous les éléments de cette question. Je suis sûr que la représentation nationale saura comprendre les aspirations de nos concitoyens qui souhaitent une clarification des règles afin que leurs élus se consacrent à leurs mandats, tout en intégrant la spécificité de la France et la manière dont la nation sest formée historiquement.
Voilà la perspective que vous ouvre le Gouvernement ; reste, mesdames et messieurs les députés, à en discuter.
M. Bernard Roman, rapporteur : Je souhaiterais, à loccasion de cette séance de la commission des lois, dire quelques mots sur létat desprit dans lequel nous pourrions aborder ce débat, et, sans évoquer lensemble des questions soulevées par ces deux textes, rebondir sur deux problèmes que le ministre a évoqués en conclusion de son intervention.
Tout dabord, je crois que nous pouvons nous mettre daccord sur un diagnostic, repris par le Président de la République, le Premier ministre et toutes les personnalités que nous avons entendues, quil sagisse des juristes ou des représentants délus. Ce diagnostic, cest celui dune certaine forme de crise de la politique, du politique, de la représentation politique dans notre pays. Dès lors que ce diagnostic est établi, il revient à la représentation nationale, avec le concours du Gouvernement, dassumer son devoir de proposition.
Si je dis cela, cest parce que je souhaiterais que lon puisse aborder cette question complexe le premier ministre a évoqué limage du fil qui, lorsquon le tire, entraîne le reste de la pelote dune manière qui ne soit pas excessivement passionnelle. Elle est forcément passionnée. Car il y a, dans lexercice des mandats, dans la culture du cumul, qui est une culture propre à la Vème République...
M. Pascal Clément : Nest-elle pas plutôt liée à la IVème ?
M. Bernard Roman, rapporteur : Je regrette, mais les chiffres sont parlants : cest sous la Vème République que la pratique du cumul des mandats sest accélérée dans notre pays. Nous sommes passés de 30 % des députés en situation de cumul sous la IIIème République, à 43 % sous la IVème, et à près de 75 % aujourdhui. Jajoute que si lon tient compte des fonctions qui ne constituent pas des mandats électifs au sens strict, ce chiffre atteint 90%. Seuls 10 % dentre nous nexercent que leur mandat parlementaire, à lexclusion de tout autre mandat ou fonction.
Cela dit, je tiens à laffirmer dès le début de notre débat, il ne sagit pas de faire le procès des « cumulards ». Je regrette dailleurs le caractère péjoratif de ce terme quil faudrait peut-être remplacer par « cumuleurs », comme certains le proposent. Il sagit, en fait, denvisager la possibilité, à partir des textes proposés par le Gouvernement, dapporter une réponse à la crise de la représentation politique que nous constatons aujourdhui dans notre pays. Si nous pouvons avancer dune manière qui ne soit pas excessivement passionnelle, je crois que nous aurons grandement contribué à résoudre cette crise.
Les auditions auxquelles nous avons procédé le montrent : derrière la question du cumul des mandats, se posent une multitude de questions, sur le rôle du Parlement, sur lévolution des institutions, de la décentralisation, sur les modes délection ou la durée des mandats... Bref, ce qui est en jeu, cest la construction institutionnelle que nous devons proposer à la France du vingt-et-unième siècle. Et, dans ce but, le Gouvernement nous propose de limiter drastiquement le cumul des fonctions et des mandats.
Cette limitation est basée sur deux principes simples et lisibles, que lon retrouve dans les deux textes. Le premier est la disponibilité. Il faut que les élus soient disponibles, quils consacrent leur temps à lexercice du mandat qui leur a été confié par les électeurs. Le deuxième principe, sur lequel les professeurs de droit constitutionnel que nous avons reçus ont beaucoup insisté, qui est respecté chez tous nos voisins européens, cest la limitation des risques de conflits dintérêt entre les différentes fonctions. La coupure définitive entre fonction législative et fonction exécutive locale, est une illustration de ce principe. Limpossibilité de cumuler deux fonctions exécutives locales en est une autre.
Ces deux principes constituent le fil conducteur des projets du Gouvernement qui, me semble-t-il, témoignent dune grande cohérence et dune grande clarté politiques. Ils peuvent constituer un message en direction des citoyens et une première réponse à la crise du politique, ce qui me semble essentiel.
Il est vrai, néanmoins, que dans létat actuel de ces textes, un certain nombre de questions subsistent. Je voudrais plus particulièrement revenir sur deux problèmes évoqués par le ministre et tenter dy apporter une réponse.
Le premier est celui du statut de lélu. Là encore, la terminologie représente un handicap et je crois quil serait préférable dévoquer, plutôt, une mise en cohérence de la situation des maires avec le principe de la limitation du cumul. Il est clair que le maire est le grand oublié des différentes lois sur le statut de lélu ; si sa situation nest pas revalorisée, aucun choix objectif ne pourra être effectué entre le mandat parlementaire et la fonction de maire. Il serait regrettable, au moment où lon cherche à ouvrir la fonction élective à un plus grand nombre de citoyens, de réserver la fonction de maire à ceux qui en ont les moyens, qui peuvent se consacrer pleinement à leur mission sans avoir besoin de gagner leur vie par ailleurs.
Sur le plan de lintercommunalité, je partage totalement largumentation du ministre qui me paraît très cohérente. Il ne faut pas conduire les maires à se refermer sur leur commune. Il faut, au contraire, les inviter à participer au mouvement de développement de lintercommunalité. Mais cela doit-il interdire dintégrer les fonctions exécutives exercées dans un cadre intercommunal dans la limitation du cumul prévue par la loi organique ? Serait-il logique dinterdire à un parlementaire dexercer un mandat de maire, même dans une petite commune et de lautoriser à être président dune communauté urbaine de 600.000, 700.000 ou un million dhabitants ? Une telle différence de traitement serait bien peu compréhensible. Intégrer les fonctions exécutives intercommunales dans le dispositif de la loi organique et les écarter dans le cadre de la loi ordinaire me semble la meilleure façon de concilier la poursuite du mouvement dintercommunalité et la nécessité de limiter le cumul des mandats.
Mme Frédérique Bredin : Je voudrais tenter de tracer les contours et lenjeu de notre débat. La réforme proposée na pas pour seul objet dinstituer de nouvelles incompatibilités, ce qui en limiterait la portée, mais de constituer une première étape vers un rééquilibrage réel et profond de nos institutions que le Gouvernement, comme le Parlement, appellent de leurs vux.
La Constitution de la Vème République ne donne pas au Parlement les pouvoirs quil devrait pouvoir exercer. Elle a été, au moins dans sa pratique, la source de nombreuses déceptions. Il sagit donc de rééquilibrer les institutions, de les moderniser, en renforçant notamment le rôle du Parlement. Cest à cela que tend la limitation du cumul des mandats et des fonctions.
Je souhaiterais interroger le ministre sur certains aspects de la réforme proposée. Contrairement aux lois de 1985, les projets de loi ne comportent pas de seuil pour lapplication aux maires de la limitation du cumul. Cela me semble compréhensible, mais jaimerais, sur ce point, entendre les arguments du ministre.
Par ailleurs, la définition de la fonction exécutive suscite un débat parmi les députés. Faut-il la limiter au seul mandat de maire ou de président dassemblée départementale ou régionale, ou doit-on y inclure les fonctions dadjoint, de conseiller délégué ou de vice-président dans les conseils généraux ou régionaux ?
En ce qui concerne les fonctions exercées dans un cadre intercommunal, sans doute peut-on envisager de les intégrer dans la limitation du cumul prévue par la loi organique, alors quelles seraient écartées du cadre de la loi ordinaire, ce qui serait une façon de répondre au souci légitime de ne pas nuire au développement de lintercommunalité, que personne ne souhaite entraver.
Enfin, je souhaiterais souligner quil y a non pas des oublis, mais quelques silences quil faut évoquer.
Le premier concerne le statut des élus. Même si cette expression comporte une connotation corporatiste, je pense quil serait paradoxal quun texte, dont le but est de donner à chaque élu le temps et les moyens dexercer convenablement le mandat qui lui a été confié, naborde pas cette question. Nous savons, en effet, que beaucoup de maires détiennent un autre mandat pour disposer des moyens nécessaires à lexercice de leurs fonctions. Ne serait-il pas, dès lors, nécessaire daméliorer la situation des maires ? Je crois quil est important que la loi que nous allons voter napporte pas seulement des limitations, des contraintes supplémentaires, mais permette daccroître les moyens daction des élus, en particulier locaux, afin quils puissent travailler convenablement.
Le deuxième silence des projets de loi concerne les incompatibilités professionnelles. Si les principes conduisant à limiter le cumul des mandats et des fonctions sont la disponibilité et le souci déviter les conflits dintérêt, ne faut-il pas prendre en compte également les activités professionnelles privées ?
Enfin, le Gouvernement envisage-t-il de donner au Parlement des signes pour le convaincre que ces textes vont dans le sens dune modernisation de nos institutions et dun renforcement du rôle du Parlement ?
M. Jean-Luc Warsmann : Je souhaiterais que M. le ministre mexplique les raisons de certaines lacunes que comportent les projets de loi qui nous sont soumis.
Premièrement, aucune limite dâge nest prévue pour se présenter à une élection. Est-ce volontaire ? Quels sont les arguments qui plaident pour cette solution ?
Deuxièmement, tous les mandats de chef dun exécutif local sont visés, quelle que soit la taille de la collectivité concernée, alors quaucune limite au cumul nest prévue sagissant des vice-présidences et des délégations. Nest-ce pas paradoxal ?
Pour illustrer le problème que soulève ce choix, je prendrais lexemple des ministres. Pensez-vous que les Français soient dupes lorsquils apprennent quun ministre démissionne de son mandat de maire pour devenir premier adjoint, parfois avec délégation ? On ma rapporté que, dans certains cas, le ministre et lancien premier adjoint avaient conservé leur bureau, se contentant de changer les plaques sur la porte !
M. le ministre de lintérieur : Venez chez moi, vous verrez quil nen est rien !
M. Jean-Luc Warsmann : Quoi quil en soit, ne craignez-vous pas quen écartant de la limitation du cumul les vice-présidences et les fonctions d'adjoints, on ne se limite à un effet dannonce sans conséquence sur la réalité ?
Troisièmement, je voudrais en revenir à la question des structures intercommunales. Je ne suis pas convaincu que pour favoriser lintercommunalité, ce qui est effectivement une nécessité, il faut éviter de décourager les candidatures à des présidences dorganismes intercommunaux, et donc exclure celles-ci de la limitation du cumul. Cet argument ne me semble pas très cohérent. Croyez-vous que les dispositions des projets relatives aux mandats de président de conseil général, de président de conseil régional ou de maire vont décourager les candidatures à ces postes ? Jai tendance à penser quil y aura toujours assez de candidats ! Dailleurs, le raisonnement peut très bien se retourner. On peut considérer que le fait de ne pas intégrer dans la loi les fonctions intercommunales signifie quon ne leur attache quune importance secondaire.
Quoi quil en soit, je crois que ce sujet mérite une réflexion. Est-il satisfaisant de pouvoir être, tout à la fois, vice-président dun exécutif local, délégué, président dun office dH.L.M., président dune société déconomie mixte...
Enfin, le débat sur le cumul des mandats et des fonctions reste assez technique. Ne serait-il pas plus urgent dengager une réforme de la répartition des compétences entre les différentes collectivités ? Voilà un problème qui concerne directement les Français.
Mme la Présidente : La parole est à M. Louis Mermaz.
M. Louis Mermaz : M. le ministre de lintérieur, premier adjoint au maire de Belfort, a présenté avec beaucoup de distinction et délégance des textes qui, sur de nombreux points nous satisfont. Qui pourrait être opposé à des dispositions interdisant dêtre à la fois député et parlementaire européen, président dun conseil général et dun conseil régional ? Cest le bon sens, et cela constitue un progrès certain par rapport aux lois précédentes.
En revanche, dans le contexte politique actuel, je suis très réservé sur le fait de vouloir séparer complètement les fonctions exécutives locales du mandat de parlementaire. Quand on voit lévolution de la société française, les problèmes de sécurité qui se posent dans les communes, la montée du Front national et les collusions qui se préparent, je crois quil ne faut pas démanteler le pouvoir des maires démocrates...
Bien sûr, si lon faisait réaliser un sondage, les Français seraient majoritairement en faveur de la limitation la plus drastique, parce que, pour eux, cumuler les mandats et les fonctions, cest additionner les indemnités et les avantages.
Ma première question concerne la loi organique qui doit être votée en termes identiques par les deux assemblées du Parlement. Si le Sénat ne suivait pas lAssemblée nationale, que se passerait-il ? Les élus qui continueraient à pratiquer le cumul seraient montrés du doigt et considérés comme des conservateurs accrochés à leurs mandats !
Dans les discussions préparatoires que nous avons eues sur ce sujet, on a dit que la limitation du cumul des mandats était la première marche dun escalier qui mènerait à la modernisation et à la démocratisation de notre vie publique. Soit. Mais pour changer la constitution de la Vème République, il faut laccord de nombreux partenaires. Or, je ne suis pas sûr que le Président de la République soit favorable à une révision constitutionnelle qui donnerait au Parlement français des pouvoirs comparables à ceux que détiennent les parlements modernes. Si lon compare les pouvoirs de notre Assemblée avec ceux de la Chambre des Communes, du Bundestag, des assemblées italienne, espagnole ou américaine, on constate quils sont loin dêtre les mêmes, que ce soit dans les textes ou dans la pratique. Je crains fort quaprès avoir gravi la première marche, nous en restions là !
Jen viens donc à ma deuxième question : ne faut-il pas modifier la pratique gouvernementale ? Ce nest pas seulement le Gouvernement actuel que je mets en cause, car il existe une constante dans la conduite des gouvernements, quils soient de gauche comme de droite. Jen prendrai pour exemple la différence qui existe entre le budget voté par nos assemblées et celui qui est exécuté après la régulation budgétaire ! On se bat pendant des semaines pour déplacer cinq milliards de francs sur un total de 1.300 milliards et la régulation budgétaire fait tomber ou gèle des dizaines de milliards !
Nous votons les lois, mais leur exécution dépend des décrets dapplication qui sortent ou ne sortent pas. Le rapporteur du projet de loi sur limmigration ne souhaiterait-il pas être associé à lélaboration de ses décrets dapplication ? Le Parlement ne devrait-il pas exercer son pouvoir de contrôle en aval du vote quil émet ?
Sans doute serait-il souhaitable de limiter drastiquement le cumul des mandats à condition que les 577 députés aient quelque chose à faire, et ne se contentent pas dun rôle de figurant.
On a créé les « niches parlementaires ». Comme la très bien expliqué le président de lAssemblée nationale, ce nest pas suffisant pour rendre des pouvoirs au Parlement. Dailleurs, le Petit Robert nous apprend quune niche est « une anfractuosité dun rocher dans laquelle on place un objet décoratif. » Quel sens a le droit dinitiative de lAssemblée nationale dès lors quil ne peut sexercer que le vendredi, lorsque la plupart des députés sont dans leur circonscription.
On pourrait évoquer le vote bloqué, ou larticle 49-3 de la Constitution. Sans même remettre en cause fondamentalement les institutions, car leur réforme prendra du temps, il serait déjà souhaitable, si lon veut quune limitation du cumul des mandats soit efficace, de sorienter vers une autre pratique des relations entre le Gouvernement et le Parlement.
M. Dominique Perben : Je voudrais intervenir sur le seul aspect des projets de loi qui me semble véritablement important du point de vue politique : lincompatibilité quil est proposé dinstituer entre le mandat parlementaire et les fonctions de président dun exécutif local. Le reste ne changera pas grand chose au fonctionnement des institutions de la République.
Je voudrais vous faire part, Monsieur le ministre, dune réflexion à laquelle mont conduit les différentes fonctions que jai pu exercer dans le passé. Jai observé que dans notre pays, qui, je le rappelle, est une république unitaire, les relations entre lEtat et les collectivités territoriales se régulent au sein du Parlement.
Vous aurez loccasion de le découvrir, après dautres ministres chargés de la décentralisation, dont jai été, lorsque, par exemple, vous nous proposerez la réforme de la dotation globale de fonctionnement (D.G.F.), sur laquelle il me semble que vous travaillez. Cest un aspect très important du débat.
On a évoqué les pays voisins de la France. Je me permets de souligner que ceux dans lesquels les fonctions de parlementaire et les fonctions exécutives locales sont incompatibles sont, en général, des pays à structure fédérale. Et ce nest pas un hasard. En méconnaissant cette réalité, on risque de faire évoluer sensiblement le fonctionnement de nos institutions sans en mesurer tout à fait les conséquences. Si la régulation de la relation entre lEtat et les collectivités territoriales cesse de se faire au Parlement, elle se fera ailleurs, de façon informelle, à travers des structures associatives plus ou moins légitimes. On risque alors daboutir à une confrontation plus vive alors que dans le système actuel, il existe un relatif consensus politique, même si la tonalité du débat est différente selon que lon se trouve à lAssemblée nationale ou au Sénat.
Cest pourquoi je suis assez réservé sur lincompatibilité quil est proposé dinstituer entre mandat parlementaire et fonction exécutive locale. Ce peut être un processus dangereux, sauf à vouloir sorienter vers un système fédéral, ce quil faudrait affirmer clairement. Mais je doute que ce soit réellement votre intention, Monsieur le ministre.
M. le ministre de lintérieur : Votre rapporteur ma dabord interrogé sur la mise en cohérence de la situation des maires avec les dispositions prévues par les textes que je vous ai présentés. Il pose au fond la question de savoir si un choix véritable entre une fonction de parlementaire et une fonction de maire sera offert aux élus.
Je vais présenter quelques hypothèses sur lesquelles nous avons travaillé. Je rappellerai dabord que 299 maires sont députés et 144 sénateurs. 180 sénateurs seraient concernés par les deux projets de loi, si lon ajoute les 34 présidents de conseil général et les 2 présidents de conseil régional qui siègent au Sénat. Quant aux députés concernés, avec 2 représentants au parlement européen, 10 présidents de conseil régional ou assimilés, 15 présidents de conseil général, on arrive au nombre de 326.
Sagissant de la possibilité de choix entre la fonction de maire et celle de député ou de sénateur, nous avons fait quatre simulations en fonction des indemnités des maires.
La première hypothèse viserait à aligner la rémunération des maires avec le traitement du fonctionnaire le mieux rémunéré de la mairie. Le coût total serait de 14,1 milliards de francs, ce qui est beaucoup.
La deuxième hypothèse tendrait à revaloriser lindemnité des maires de lensemble des communes, jusquà atteindre, pour ceux des villes de plus de 100.000 habitants, le niveau de lindemnité parlementaire. Le coût ne serait que de 2,2 milliards de francs, ce qui nest pas négligeable.
Dans la troisième hypothèse, lindemnité des maires correspondrait à une fraction de celle des parlementaires, variant en fonction du nombre dhabitants, de sorte que les maires des communes de plus de 10.000 habitants recevraient 17.000 francs mensuels bruts pour un mandat à temps plein. Le coût serait de 2,3 milliards de francs.
Enfin, la quatrième hypothèse consisterait à réévaluer lindemnité des maires des communes de moins de 20.000 habitants et, à partir de 20.000 habitants, à leur attribuer une rémunération égale à lindemnité parlementaire pour que, sur la base du critère financier, qui nest évidemment pas le seul, le choix soit totalement libre entre mandat parlementaire et fonctions de maire. Dans cette dernière hypothèse, le coût serait de 2,5 milliards de francs.
Il est bon que vous disposiez de ces éléments pour votre information.
Jen viens à la question de lintercommunalité. Très franchement, elle progresse difficilement. Depuis 1992, il ne sest constitué que 5 communautés de villes en milieu urbain, et 1.041 communautés de communes en milieu rural ou dans des petites villes. Nous ne pouvons et nous ne devons donc pas freiner les progrès de lintercommunalité. Cest un impératif catégorique si nous voulons nous doter doutils pertinents pour mener une politique de la ville, notamment pour assurer sa mixité sociale. En dautres termes, nous ne devons rien faire, dans les vingt ou trente prochaines années, qui puisse aller à lencontre de la nécessité dorganiser notre tissu urbain et périurbain. Jajouterai que les établissements publics de coopération intercommunale sont dune grande diversité et quil serait difficile de placer le curseur au bon endroit. Je crois donc quil faut bien réfléchir avant dempêcher les députés ou les sénateurs dexercer des fonctions exécutives intercommunales, ce qui pourrait priver celles-ci dun certain prestige, susceptible dentraîner des élus plus réticents sur la voie dune intercommunalité réelle, avec une fiscalité propre, une taxe professionnelle dagglomération unique, des compétences significatives et une politique dagglomération qui ait un sens.
Je ferai, en outre, observer que, si une telle option devait être retenue, il serait cohérent den étendre lapplication aux parlementaires européens, qui ne sont pas visés par la loi organique.
Mme Frédérique Bredin a évoqué le rééquilibrage de nos institutions. Cest un vaste sujet, qui dépasse évidemment la question des incompatibilités des mandats et des fonctions. Jobserverai tout dabord que lévolution de toutes les grandes démocraties va dans le sens dune grande concentration des pouvoirs entre les mains de lexécutif. Cest vrai en Allemagne, en Italie, dans tous les pays. Le seul contrepoids réel à cette évolution vient de la décentralisation.
Cela dit, les pouvoirs du Parlement tiennent aussi à ceux qui les exercent. Existe-t-il beaucoup de Mirabeau, de Robespierre, de Clémenceau, de Gambetta aujourdhui ? Peut-être appartient-il aux parlementaires de se saisir des pouvoirs quils détiennent ! Je prends la liberté de le dire, parce que jai plusieurs fois observé que, sur des sujets essentiels, dans des cas où la Constitution prévoit que le Parlement doit se prononcer, celui-ci a consenti à se taire. Jai longtemps été parlementaire et je crois quil faut parfois savoir saffranchir dune trop grande discipline.
Si le principe des seuils a été écarté, cest parce quils sont, par nature, arbitraires. Si lon fixe le seuil à 20.000 habitants, est-il satisfaisant que le cumul soit possible dans une ville de 19.000 habitants, alors quil serait interdit pour une ville en comptant 21.000 ? Le même raisonnement simpose pour le seuil de 100.000 habitants, que proposent certains responsables dune formation politique nationale...
Quoi quil en soit, le Premier ministre a été très clair : cest au Parlement quil appartient den discuter ; le Gouvernement ne sopposera pas à une proposition qui aurait été réellement mûrie. Cependant, à titre personnel, une interdiction générale me semble préférable à létablissement dun seuil.
En ce qui concerne la définition de la fonction exécutive, il est clair que lon pourrait choisir de pourchasser tout exercice de responsabilité. Mais chacun sait que lexercice dun mandat local est aussi une école de responsabilité qui contribue à ne pas donner à notre vie politique un caractère purement idéologique ; sil est bon que celle-ci soit animée par des philosophies concurrentes cest ce qui fait son charme il est également souhaitable que les élus gardent la tête près du bonnet, et lexercice de responsabilités locales y contribue.
Lorsquune incompatibilité survient, lélu concerné, tout en abandonnant ses fonctions de premier responsable de lexécutif peut garder un il sur quelques dossiers. Cela me semble parfaitement compatible avec un fonctionnement sain de la démocratie. Telle est ma conviction, mais ce sujet peut évidemment être débattu.
Sagissant du problème des incompatibilités professionnelles, il ne peut pas, à mon avis, être traité dans le cadre de ce débat quil faut tout de même circonscrire.
M. Jean-Luc Warsmann se demande pourquoi les projets de loi nimposent pas de limite dâge aux candidats. La réponse est simple : ce serait inconstitutionnel ; dès lors que le suffrage universel décide quun candidat âgé de 80 ans peut être un bon député, la loi ne peut sy opposer.
Par ailleurs, M. Jean-Luc Warsmann estime quil y aura toujours assez de candidats pour exercer des responsabilités au sein de structures intercommunales. Certes, mais le problème nest pas là. La question est de faire progresser lintercommunalité qui est absente sur la moitié de notre territoire, tandis quen milieu urbain, 85 % des structures intercommunales nont pas de taxe professionnelle dagglomération. Cet objectif est dautant plus difficile à atteindre que nous avons choisi la voie de la conviction, qui est celle de la décentralisation : lintercommunalité ne simpose pas.
Quant à lévolution des compétences entre les collectivités territoriales, ce nest pas le sujet aujourdhui. M. Emile Zuccarelli doit présenter prochainement un projet de loi tendant à plafonner et rationaliser les interventions économiques des collectivités locales.
M. Louis Mermaz pense quil faut éviter de déstabiliser les maires démocrates. Les maires démocrates sont évidemment ceux qui sont en place. Je connais bien M. Louis Mermaz. Il est très décentralisateur à Paris, mais, dans lIsère, il est jacobin et ce nest pas par hasard que la Révolution a commencé à Vizille !
Sagissant de la démocratisation de la Vème République, beaucoup de réformes constitutionnelles ont été faites ou sont en cours. Je ne vous cache pas, par ailleurs, que jai été choqué, et je suis encore choqué en siégeant au Gouvernement, par les régulations budgétaires. Quant au contrôle de lapplication des lois, les commissions denquête sont là pour cela et il appartient au Parlement de les utiliser. Je serai moins critique à légard des « niches » parlementaires qui permettent des débats extrêmement utiles.
M. Dominique Perben fait remarquer que la France étant une république unitaire, cest au sein du Parlement que se cristallisent les équilibres régissant les rapports entre lEtat et les collectivités locales. Il a raison, mais rien ninterdit quun comité des finances locales rassemble des élus dont certains pourraient être des parlementaires, dautres des présidents de conseils régionaux ou encore des maires.
Sans doute la France nest-elle pas un pays à structure fédérale, mais la Grande-Bretagne ne lest pas davantage et pratique pourtant une stricte limitation du cumul des mandats.
Sagissant enfin du renouvellement de nos élus, il pourra être favorisé par la loi nouvelle, si elle est sagement élaborée.
M. Bernard Roman, rapporteur : Je voudrais apporter une précision sur le coût du statut de lélu. Il représente aujourdhui 1,8 milliard, de telle sorte que lorsque le ministre fait mention pour la dernière solution évoquée dun coût de 2,6 milliards, la différence nest que de 800 millions de francs.
M. Pierre Albertini : Jai relevé un paradoxe dans les propos du ministre de lintérieur lorsquil défendait avec fougue le projet de loi tout en donnant aux parlementaires le conseil duser de leur initiative et de leur responsabilité. Jobserve, en effet, que la Constitution, élaborée dans un contexte très différent de celui daujourdhui, a cherché à brimer linitiative parlementaire plutôt quà lencourager.
Nous sommes par principe favorables à la modernisation de la vie politique et donc à une restriction plus forte des cumuls à condition quelle soit réaliste et cohérente. Or, il me semble que le projet nest pas cohérent, ne serait-ce que parce quil intervient alors que la décentralisation nest pas achevée et que la répartition des compétences entre lEtat et les collectivités locales nest pas clarifiée.
Sa première incohérence tient au fait que la situation des ministres ne sera traitée quultérieurement par un projet de loi constitutionnelle. Or, si lon raisonne en termes de disponibilité, cest celle qui aurait dû être réglée en priorité.
Le projet est, en outre, hypocrite parce quil ne tient pas compte des délégations qui sont de pratique courante dans les assemblées délibérantes quil sagisse des conseils municipaux, des conseils généraux ou des conseils régionaux. Létude dimpact qui y est jointe souligne pourtant que les contraintes pesant sur les élus pourraient à terme se traduire par un renforcement de lutilisation des délégations permettant de pallier, voire de contrecarrer les effets de la législation.
Aucune disposition sur lintercommunalité nétant, en outre, prévue, il pourrait donc être possible dêtre à la fois parlementaire, vice-président dun conseil régional disposant dune délégation très large et président dune communauté urbaine de plusieurs centaines de milliers dhabitants alors quil serait impossible dêtre maire dune commune de cinq cents habitants et président dun conseil général !
Dailleurs, si ce projet était tellement bon, faudrait-il prévoir un régime transitoire aussi long ? Sa mise en uvre ne prendra fin quen 2004. Il semble paradoxal de mettre les « cumulards » au ban de la République, tout en leur permettant de rester aussi longtemps en fonctions.
Jespère que la discussion parlementaire permettra daméliorer un texte dont le principe est bon, mais dont les modalités me semblent critiquables.
M. Jacques Brunhes : Je crois que la limitation du cumul des mandats est une nécessité, parce quil existe, aujourdhui, un doute, au sein de lopinion publique, sur lefficacité de la représentation politique.
Mais je voudrais dire à notre rapporteur que si le débat ne doit pas être abordé de manière passionnelle, il ne doit pas davantage l'être de manière pointilliste.
Je crois quil faut appréhender les problèmes dans leur ensemble, ce qui implique que lon ne se contente pas dune nouvelle adaptation fonctionnelle, sans modifier le rôle et la place du Parlement.
Nous avons déjà lexemple de la session unique qui devait rendre les députés plus disponibles. Il nen a rien été et labsentéisme nest pas moins important aujourdhui.
Il nous faut donc apporter une réponse aux problèmes de fond et dabord à celui de la place du Parlement. A cet égard, nous pouvons nous reporter aux débats qui ont eu lieu au sein de la commission présidée par le Doyen Vedel.
Pour reprendre une expression fameuse de lactuel président de lAssemblée nationale, si lon compare le budget de la nation à une automobile, après deux mois de discussions, nous ne pouvons guère que déplacer léquivalent dun enjoliveur !
Je rappelle que nous sommes totalement corsetés par les articles 40 et 49-3, que linitiative parlementaire est réduite à sa plus simple expression, que lordre du jour dépend du Gouvernement. Il faut rééquilibrer nos institutions au profit du pouvoir législatif, cest cela lessentiel.
Dautres projets dordre institutionnel nous préoccupent, en outre, beaucoup. Il sagit, dabord, de la réforme du scrutin régional, mais, surtout, de la mise en place du quinquennat, avec la perspective dune simultanéité entre lélection présidentielle et les élections législatives. Cela nous conduirait vers un système à laméricaine et une bipolarisation de la vie politique, ce qui serait très dangereux.
La question du cumul des mandats, même si elle est importante, ne me semble donc pas essentielle. Je crois, en outre, quil serait difficilement compréhensible que nous nabordions pas, dans ce cadre, le sujet des incompatibilités professionnelles. Est-il concevable que lon puisse être en même temps avionneur, président dune très grande compagnie aérienne et voter le budget des transports en qualité de député, alors que lon ne pourrait pas être en même temps parlementaire et maire dune commune de 50 ou de 100 habitants ?
Sagissant du statut des maires, la question nest pas seulement celle de leur indemnisation, mais celle aussi de leurs conditions de travail, de leur réintégration dans la vie professionnelle au terme de leur mandat. Des progrès ont sans doute été accomplis, mais il reste bien des choses à faire.
Je suis donc daccord pour que nous réformions nos pratiques, mais il faut également rééquilibrer les institutions, et je ne suis pas sûr que nous agissons dans le bon ordre. Le problème du cumul des mandats ne peut être isolé !
M. Guy Hascoët : La réforme qui nous est proposée constitue effectivement la première étape dune véritable révolution culturelle dans nos pratiques politiques.
Quand on parle de disponibilité, cest bien dune évolution de la citoyenneté quil sagit. Nous assistons, en effet, en raison du cumul des mandats et de la complexité croissante de nos sociétés, à une dépossession du politique au profit des technostructures. Il est temps que le politique reprenne sa place.
On a parlé du statut de lélu. Je crois effectivement que les conditions dexercice dun mandat local, qui exige une très grande quantité de temps et dénergie, doivent être améliorées.
Mais dautres problèmes concrets se posent, notamment celui de la distorsion entre la représentation politique et la société française. Il suffirait dinterdire aux membres de quatre ou cinq professions de siéger à lAssemblée nationale pour vider la moitié de ses travées. L'éventail des catégories socioprofessionnelles est quand même plus diversifié dans le pays !
Cest pourquoi le problème du statut de lélu doit être également examiné au regard du code du travail, de la protection sociale, des conditions de sortie du mandat, si lon veut permettre à des personnes dorigines sociales diverses de simpliquer dans la vie politique et citoyenne. Il est vrai que lune des ambitions des lois sur le cumul est de promouvoir une nouvelle génération politique : il ne faudrait pas quelle ne soit composée que de cadres appartenant à la catégorie A de la fonction publique, davocats ou de médecins.
Sur le problème de lintercommunalité, puisque lon est daccord pour reconnaître quelle permet une meilleure gestion sur le long terme, à travers les contrats dagglomérations ou de pays, pourquoi ne pas aller jusquau bout de la logique, gagner du temps sur lhistoire, et sans attendre que les 36.000 maires daignent faire preuve de plus daudace pour se regrouper, voter une loi favorisant les structures intercommunales ? Pourquoi attendre puisque cest un élément essentiel pour la politique de la ville ? Pourquoi laisser se développer des phénomènes, tels que la violence urbaine ou le déséquilibre démographique, avant que de se décider à agir contre les égoïsmes municipaux ?
En ce qui concerne les collectivités territoriales, je ne crois pas, si lon est décentralisateur, quil soit possible dexercer de manière sérieuse une fonction telle que vice-président dune grande collectivité régionale, à raison dune journée par semaine. Jen ai fait lexpérience.
Enfin, si lon souhaite combattre le vice et encourager la vertu, il faut modifier les conditions dexercice des mandats uniques, notamment au regard des relations avec les administrations. Je constate que les maires de ma circonscription savent où en est le plan emploi-jeunes, parce que le rectorat leur envoie des informations, alors quen ma qualité de député, je ne reçois rien, ce qui est tout à fait anormal.
M. Robert Pandraud : Je rappelle que lorsquil y a dix ans, avec Pierre Mazeaud, javais déposé des amendements interdisant certains cumuls nous fûmes les premiers nous navions recueilli que deux voix, puis, lannée suivante trois, Raymond Barre nous ayant rejoint. Cest dire que des progrès ont été faits !
Ne serait-il pas souhaitable que la limitation du cumul saccompagne dune réforme du contentieux électoral ? En faisant déposer un recours, un élu peut utiliser les lenteurs de la procédure pour se maintenir dans des fonctions incompatibles.
Par ailleurs, tout en étant favorable à linterdiction des cumuls, je minterroge sur lopportunité de les proscrire pour les représentants au Parlement européen. Ne sont-ils pas utiles pour éviter des conflits entre cette assemblée et les institutions nationales, pour garantir une cohérence interne particulièrement souhaitable ? Bien souvent, les représentants au Parlement européen ne représentent queux-mêmes ou le parti qui les a désignés et se sentent tenus dêtre plus européens que les membres de la commission de Bruxelles. Le cumul peut permettre de conserver un lien avec les intérêts des Français.
Sans doute, un statut des élus est-il nécessaire. On évoque les difficultés des maires, mais il faudrait également mettre en lumière celles des députés qui ne sont pas maires : le maire dune commune moyenne ou importante dispose dune logistique que na pas le député.
Enfin, et cest le plus important, le délai prévu pour lentrée en application de la réforme me semble excessif. Il risque de la fragiliser en donnant aux groupes de pression le temps pour agir. Jaurais préféré que vous alliez plus vite.
M. le ministre de lintérieur : En réponse à M. Pierre Albertini, je voudrais souligner que, pour légiférer sur le cumul des mandats, nous ne pouvons attendre davoir achevé la décentralisation, surtout si le terme quil fixe à cette réforme est linstauration dun régime fédéral auquel nous ne souhaitons nullement aboutir. En fait, la coopération entre les différentes collectivités sest déjà développée grâce aux contrats de plan, aux financements croisés...
En ce qui concerne les ministres, la logique commande effectivement quils donnent lexemple de la limitation du cumul. Cest ce qui s'est passé dans les faits. Objectivement, cest la première fois qu'il en est ainsi. Il ny a plus de ministre, maire ou président de conseil général.
Peut-être ne faut-il pas traiter de la même façon un président de conseil général qui serait par ailleurs maire dune petite commune et un député qui serait vice-président dun conseil général, président dun grand établissement public de coopération intercommunale comme dune communauté urbaine. Rien ninterdit au Parlement daffiner le dispositif proposé ; le Premier ministre a été très clair à ce sujet.
Il est également possible de réduire la durée du régime transitoire qui, effectivement, sétend jusquà lan 2004 pour les conseils généraux. Cest également un sujet sur lequel le Gouvernement est très ouvert.
M. Jacques Brunhes a soulevé des problèmes bien réels. Il est vrai que les projets de lois que nous proposons nont quun objet limité : le non - cumul. Je voudrais cependant vous mettre en garde ; si lon veut embrasser un domaine plus large, le risque est de ne rien étreindre. Sans doute peut-on amender ou compléter la loi, mais il faut néanmoins sen tenir à son objet principal.
Il est vrai que la session unique na pas apporté une réponse à la hauteur des problèmes posés. Peut-être en ira-t-il de même avec la limitation du cumul. Rien nexclut quune réflexion plus globale soit conduite. Le Parlement et la commission des Lois sont là pour ça.
Je ne saurais trop vous recommander de réfléchir à ce qui pourrait permettre une amélioration de la démocratie, et notamment de la représentativité des élus. Cela passe par des questions très concrètes : comment un élu peut-il retrouver un emploi à la fin de son mandat ? Comment peut-on se consacrer à sa fonction lorsquon est par ailleurs salarié dune entreprise privée ?
Le problème de fond est évidemment celui de la place du Parlement, mais je voudrais vous faire observer que nous sommes dans un régime parlementaire. Beaucoup de constitutionnalistes lont relevé. Et nous vivons justement une période dans lhistoire de la Vème République, dans laquelle le Gouvernement nexiste que parce quil dispose dune majorité pour le soutenir à lAssemblée nationale, ce qui est précisément la définition du régime parlementaire. Jamais cette nature profonde de notre régime na paru aussi évidente : le Gouvernement na pas utilisé larticle 49-3 de la Constitution, même pour faciliter ladoption de textes dont la discussion a été pourtant difficile, je pense notamment à la loi R.E.S.E.D.A., qui vient dentrer en vigueur.
Sagissant du quinquennat, je rappelle quil impliquerait une réforme de la Constitution. Sur le problème des incompatibilités professionnelles, jobserve que le cas évoqué par M. Jacques Brunhes a été tranché par le Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, le Gouvernement est prêt à entendre toutes les propositions qui lui seront faites pour revaloriser le rôle du Parlement.
M. Guy Hascoët a évoqué une véritable révolution des mentalités. Je sais que le mouvement politique auquel il appartient a instauré des mécanismes permettant lexercice tournant de la responsabilité. Pourquoi ne pas les transposer à lAssemblée nationale ? Sans doute cela irait-il dans le sens dune meilleure répartition des responsabilités, mais prenons garde à ce que le politique qui est, par nature, de passage, ne se trouve dessaisi par la technostructure. Les élus qui maîtrisent certains sujets constituent un contrepoids démocratique, je rejoins là le point de vue exprimé M. Louis Mermaz. Lexercice dune fonction exécutive confère une expérience, une autorité, un poids réel, légitimés par le suffrage universel.
Sagissant des délais en matière de contentieux électoral, je ne peux donner aucune assurance, puisquils dépendent du Conseil dEtat et du Conseil constitutionnel.
Quant au Parlement européen, je suis très conscient du fait quen labsence dun peuple européen qui aurait une identité politique fondant sa légitimité, il ne peut être quun forum très utile, dans la meilleure hypothèse.
Pour conclure, il me semble que si chacun y met du sien, les projets de loi pourront être adoptés dans le courant de lannée 1999. Il appartiendra, bien sûr, au Parlement de fixer la date de leur entrée en vigueur. A lorée du siècle prochain, nous pourrons ainsi avoir une démocratie renouvelée, rajeunie et féminisée.
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