Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1998-1999)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 71

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 2 juillet 1998
(Séance de 10 heures)

Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente

SOMMAIRE

 

pages

– Examen de la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Brard tendant à créer une commission d’enquête relative aux exigences pécuniaires, aux relations financières internationales, à la situation patrimoniale et fiscale des sectes (n° 811) et de la proposition de M. Jacques Guyard tendant à créer une commission d’enquête sur l’influence des sectes dans les milieux économiques (n° 908) (rapport)

2

– Examen de la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Brard tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions de délivrance de certificats de nationalité française (n° 881) (rapport)

3

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Raymond Forni, la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Brard tendant à créer une commission d’enquête relative aux exigences pécuniaires, aux relations financières internationales, à la situation patrimoniale et fiscale des sectes (n° 811) et la proposition de M. Jacques Guyard tendant à créer une commission d’enquête sur l’influence des sectes dans les milieux économiques (n° 908).

Constatant que les deux propositions de résolution soumises à la Commission étaient proches par leur objet, M. Raymond Forni, rapporteur, a considéré qu’elles devaient donner lieu à la création d’une seule commission d’enquête. Rappelant que l’Assemblée avait déjà créé une commission d’enquête sur les sectes en 1995, il a jugé qu’il était nécessaire de poursuivre les investigations en ce domaine de manière plus poussée en raison de la gravité du phénomène sectaire. Citant le cas récent du redressement fiscal de 300 millions de francs touchant les Témoins de Jéhova, il a estimé qu’il illustrait l’intérêt d’une commission d’enquête consacrée aux aspects financiers des agissements des sectes. Il a en outre déclaré qu’il convenait de distinguer les églises agissant dans le cadre de la liberté de culte et les sectes, organisations de caractère international au comportement déviant. Examinant la recevabilité des propositions de résolution au titre des articles 140 et 141 du Règlement de l’Assemblée nationale, il a constaté que les faits visés par les deux propositions étaient suffisamment précis et que la Chancellerie, malgré l’existence de procédures judiciaires en cours, avait estimé que celles-ci ne faisaient pas obstacle à la constitution d’une commission d’enquête sur ce sujet.

S’intéressant à l’opportunité des deux propositions de résolution, il a jugé qu’une commission d’enquête parlementaire consacrée aux aspects économiques et financiers du phénomène sectaire serait complémentaire par rapport aux travaux de l’observatoire interministériel sur les sectes et à ceux de la précédente commission d’enquête. Il a considéré que l’insuffisance de l’arsenal juridique existant et le nombre important des contentieux fiscaux opposant les sectes et l’administration, justifiaient que soit portée à la connaissance de l’opinion publique l’existence de réseaux d’influence transnationaux agissant sous couvert de sociétés écrans. Considérant, par ailleurs, que les travaux d’une commission d’enquête permettraient de mettre en garde les citoyens face au danger des organisations sectaires, il a conclu à l’opportunité de ces deux propositions de résolution. En conséquence, il a proposé à la Commission la rédaction de synthèse suivante : « Il est créé, en application des articles 140 et suivants du règlement, une commission d’enquête de trente membres sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers. ».

Soulignant que le thème des infractions des sectes à la loi pourrait faire l’objet de longs débats, M. Jean-Pierre Brard a regretté que, s’écartant du droit, certaines juridictions aient développé des jurisprudences très constructives sur le statut des sectes. Il a cité ainsi un jugement récent du tribunal administratif d’Orléans exonérant vingt-neuf associations de la secte des témoins de Jéhova de taxes foncières, en contradiction directe avec un avis du Conseil d’Etat, ainsi qu’un arrêt récent de la Cour d’appel de Lyon attribuant la qualité de religion à l’église de scientologie, en méconnaissance de la loi du 9 décembre 1905. Evoquant une déclaration du fondateur de cette dernière secte, selon laquelle, pour devenir millionnaire, le meilleur moyen consiste à fonder sa propre religion, il a fait valoir que, mues par des intérêts exclusivement financiers, les sectes convoitaient le patrimoine de leurs adhérents. Il a souligné que le rapport de la commission d’enquête parlementaire déposé le 22 décembre 1995 avait eu le mérite de mettre en lumière la volonté des sectes d’infiltrer les milieux économiques et les centres de décisions administratifs et politiques. Insistant sur la dimension internationale de l’activité des sectes, il s’est indigné que le redressement récent de trois cents millions de francs exigé par l’administration fiscale aux témoins de Jéhova ait pu provoquer une manifestation devant notre ambassade aux Etats-Unis et a estimé que les fonctionnaires des ministères des affaires étrangères et des finances pourraient apporter un concours utile à la commission d’enquête. Il a observé que certains pays européens menaient également une action résolue à l’encontre des sectes, mentionnant notamment l’Allemagne fédérale, qui lutte très courageusement contre l’église de scientologie, même si, pour des raisons historiques, elle a un comportement plus ambigu à l’égard des témoins de Jéhova.

M. Jérôme Lambert a approuvé la synthèse des deux propositions de résolution résultant de la rédaction suggérée par le rapporteur, estimant qu’il fallait maintenir la pression sur les mouvements sectaires qui représentent un danger, non seulement pour les individus, mais aussi pour la démocratie.

Tout en se déclarant favorable à l’adoption de la proposition de résolution dans la rédaction proposée par le rapporteur, M. Henry Jean-Baptiste s’est interrogé sur les moyens concrets dont disposerait la future commission d’enquête pour mener des investigations sur les relations financières internationales des sectes et les trafics internationaux auxquels elles se livrent.

La Présidente a fait état du nombre croissant de personnes s’adressant à sa permanence, qui essaient en vain d’échapper à l’emprise des sectes. Elle a considéré que l’adoption d’une proposition de résolution attesterait du soutien apporté par la représentation nationale à des individus en profond désarroi.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a reconnu que pour faire la lumière sur l’ensemble des mouvements financiers et économiques auxquels participent les sectes, la commission d’enquête serait vraisemblablement amenée à utiliser la plénitude de ses prérogatives.

La Commission a adopté la proposition de résolution dans la rédaction proposée par le rédacteur.

*

* *

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Raymond Forni, la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Brard tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions de délivrance de certificats de nationalité française (n° 881).

M. Raymond Forni, rapporteur, a estimé que le problème soulevé par M. Jean-Pierre Brard à travers sa proposition de résolution était bien réel. Il a ainsi évoqué les nombreux dysfonctionnements des tribunaux d’instance, organismes en charge de la délivrance des certificats de nationalité, et leurs conséquences pour les usagers. Indiquant que la proposition de résolution visait le fonctionnement d’un service public et précisant que la Chancellerie avait fait part de l’absence de procédures judiciaires en cours sur ce sujet, il a jugé que la proposition était recevable au titre des articles 140 et 141 du Règlement de l’Assemblée nationale. S’agissant à l’opportunité de cette proposition, il a remarqué que la question dont elle traitait avait été évoquée à maintes reprises, notamment au cours de la discussion de la loi sur la nationalité. Rappelant que la loi du 8 février 1995 avait confié la délivrance du certificat de nationalité française aux greffiers en chef des tribunaux d’instance et qu’aucun recrutement n’avait eu lieu dans ce corps en 1996 et en 1997, il a souligné la lenteur du traitement des demandes. Il a en outre expliqué que celle-ci était imputable à l’intervention de plusieurs administrations et à la nécessité dans certains cas d’obtenir des documents conservés à l’étranger. Il a expliqué que cette situation pourrait être améliorée par la simplification des circuits administratifs et par un accroissement des moyens des services judiciaires compétents. A cet égard, il a observé que les articles 16 et 17 de la loi du 16 mars 1998 relative à la nationalité prévoyaient que la première délivrance de la nationalité française ainsi que les décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité seraient portées en marge de l’état-civil, ce qui devrait pour l’avenir faciliter la charge de la preuve de la nationalité française incombant aux usagers. Il a enfin considéré que l’aspect budgétaire pourrait être évoqué à l’occasion de l’examen du budget du ministère de la justice dans le cadre du projet de loi de finances pour 1999. Pour ces raisons, il a suggéré à M. Jean-Pierre Brard de retirer sa proposition de résolution.

M. Jean-Pierre Brard a souligné que, dans la diversité de leurs circonscriptions, tous les députés étaient confrontés aux énormes difficultés rencontrées par des Français pour obtenir un certificat de nationalité. Estimant que cette situation anormale confine à l’abus de droit et ne grandit pas les institutions françaises, il a souhaité qu’une solution satisfaisante soit trouvée rapidement et a accepté de retirer provisoirement sa proposition de résolution, quitte à la redéposer dans six mois si le problème n’était pas réglé. Il a indiqué que la garde des sceaux lui avait proposé de travailler à la recherche de solutions, proposition à laquelle il s’est déclaré prêt à adhérer sous la condition que ces travaux soient élargis à un groupe de députés.

Approuvant cette suggestion, Mme Catherine Tasca, présidente, s’est proposée d’en saisir par écrit la ministre, afin de lui suggérer le recours à cette méthode de travail.

Exprimant son accord sur cette proposition, le rapporteur a souhaité qu’en outre le rapporteur pour avis des crédits des services judiciaires se préoccupe des moyens inscrits dans la loi de finances pour 1999 destinés à accélérer la délivrance des certificats de nationalité. Considérant que le recrutement de quarante-quatre greffiers en chef, qui sortiront de l’Ecole nationale des greffes en septembre 1999, devrait contribuer à améliorer la situation, il a souhaité qu’une réflexion approfondie sur la simplification des procédures soit conduite parallèlement.

Tout en regrettant le retrait de la proposition de résolution et prenant acte du fait que son auteur s’engageait à la redéposer dans six mois si aucune solution n’était dégagée, M. Henry Jean-Baptiste s’est déclaré favorable à la création d’un groupe de travail élargi à plusieurs parlementaires.

La proposition de résolution ayant été retirée par son auteur, en application de l’article 84, alinéa 2, du Règlement, la Commission n’a pas eu à statuer.


© Assemblée nationale