Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1998-1999)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de
l’ADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 13

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 17 novembre 1998
(Séance de 17 heures 30)

Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente

SOMMAIRE

 

pages

– Projet de loi constitutionnelle modifiant l’article 88-2 de la Constitution (n° 1072) (auditions)

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La Commission a procédé à l’audition de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice et de M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes sur le projet de loi constitutionnelle modifiant l’article 88-2 de la Constitution (n° 1072) (M. Henri Nallet, rapporteur).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a d’emblée indiqué que le Gouvernement souhaitait la ratification par le Parlement du Traité d’Amsterdam signé le 12 octobre 1997 qui, s’il n’apportait pas toutes les réponses souhaitables, notamment en matière institutionnelle, constituait une avancée significative, spécialement en matière de coopération policière et judiciaire dans le cadre du « troisième pilier ». Mais elle a rappelé que, préalablement à cette ratification, la Constitution devait être révisée, comme l’avait jugé le Conseil constitutionnel, le 31 décembre 1997, sur saisine conjointe du Président de la République et du Premier ministre en date du 4 décembre 1997. Elle a précisé que le Conseil avait considéré que constituaient des transferts de compétences pouvant porter atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale contraires à la Constitution, d’une part l’application éventuelle, dans cinq ans, de la procédure de codécision au profit du Parlement européen et de la majorité qualifiée au sein du Conseil, pour les règles de franchissement des frontières intérieures, les modalités de contrôle des personnes aux frontières extérieures, ainsi que les politiques d’asile et d’immigration, d’autre part, l’application de plein droit de la codécision aux règles relatives aux visas. La garde des sceaux a indiqué qu’en conséquence, le présent projet de loi constitutionnelle proposait de modifier et de compléter l’article 88-2 de la Constitution, afin que puissent « être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés ». Elle a signalé que cette rédaction ne concernait pas seulement le franchissement de frontières et renvoyait très directement à l’intitulé du titre III A du Traité d’Amsterdam, dans lequel figurent les articles considérés comme portant atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté par le Conseil constitutionnel.

La ministre de la justice a ensuite évoqué les probables initiatives parlementaires tendant à introduire, par amendement à l’article 88-2, des conditions à l’acceptation ou au refus du passage à la procédure de codécision dans cinq ans, que ce soit en prévoyant un référendum ou une autorisation préalable par une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées. Elle a annoncé que le Gouvernement s’opposerait à de telles propositions, dont elle a souligné qu’elles rendraient inutile et inopérante la révision constitutionnelle actuellement en cours. Elle a insisté sur le fait que le Conseil constitutionnel avait justement considéré que le passage de la règle de l’unanimité à celles de la majorité qualifiée ou de la procédure de codécision ne nécessiterait, le moment venu, aucun acte de ratification ou d’approbation. Envisageant ensuite diverses autres modifications constitutionnelles qui pourraient être susceptibles d’être proposées par voie d’amendement à l’occasion de la présente révision, elle a affirmé que les équilibres institutionnels définis par la Constitution seraient la seule référence guidant le Gouvernement, estimant qu’il ne pouvait être question de les modifier, qu’il s’agisse des rôles respectifs du Gouvernement et du Parlement ou, encore, du contenu du domaine de la loi énoncé à l’article 34 de la Constitution. S’agissant de l’amélioration des moyens d’information du Parlement, elle a considéré que rien ne s’opposait à ce qu’une modification de l’article 88-4 de la Constitution permette au Parlement de se prononcer sur les propositions d’actes portant sur l’ensemble de la construction européenne, y compris le deuxième et le troisième pilier, tout en insistant sur la nécessité de respecter le champ des compétences respectives de la loi et du règlement. Evoquant ensuite l’idée d’inscrire dans la Constitution un mécanisme de délai minimum d’examen, par exemple d’un mois, des propositions d’actes communautaires par le Parlement, elle a indiqué que le Gouvernement considérait suffisantes les règles prévues par la circulaire du 19 janvier 1994, la fixation de délais impératifs dans la Constitution lui semblant, non seulement une rigidité peu opportune, mais surtout une profonde altération des équilibres constitutionnels, comme en avait jugé le Conseil constitutionnel, qui, dans sa décision du 12 janvier 1993 relative au règlement du Sénat, avait considéré que le Gouvernement qui « détermine et conduit la politique de la Nation », devait pouvoir recueillir l’avis du Parlement dans un délai éventuellement inférieur à un mois. Elle a enfin annoncé que le Gouvernement ne pourrait qu’être opposé à des amendements tendant à permettre au Conseil constitutionnel de contrôler la constitutionnalité des actes communautaires dérivés, pour au moins deux raisons : d’une part, une telle procédure risquerait de remettre en cause l’édifice juridique communautaire permettant à chaque Etat membre de déférer ces actes devant la Cour de justice des Communautés européennes, d’autre part, conformément au Traité d’Amsterdam notamment, et sous le contrôle de la Cour, les actes de droit dérivés ne peuvent porter atteinte aux droits fondamentaux formulés dans la Convention européenne des droits de l’Homme et aux principes généraux résultant des traditions communes aux Etats membres. En conclusion, la ministre de la justice, tout en rappelant que le Gouvernement ne serait pas opposé à d’éventuels amendements étendant les pouvoirs de contrôle et d’information du Parlement dans le respect du domaine actuel de la loi, a insisté pour que soit écartée toute remise en cause des équilibres constitutionnels, concernant les pouvoirs du Président de la République, du Gouvernement et du Parlement.

Après avoir rappelé que la perspective de la ratification du Traité d’Amsterdam était à l’origine de la présente révision constitutionnelle, M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, a considéré que ce traité, signé il y a plus d’un an et d’ores et déjà ratifié par la plupart de nos partenaires, n’était pas entièrement satisfaisant, compte tenu de l’absence de réforme institutionnelle. Il a estimé qu’il s’agissait à la fois d’un complément et d’une correction au traité de Maastricht qui, en créant le troisième pilier, avait intégré dans les questions d’intérêt commun des sujets faisant auparavant l’objet d’une coopération intergouvernementale assez limitée et maintenue en dehors des structures communautaires. Il a rappelé que l’évolution de l’immigration et de la criminalité ayant montré que les instruments et les procédures existants ne permettaient pas au Conseil d’apporter une réponse efficace à ces phénomènes, le Gouvernement français avait donné son accord de principe à la communautarisation de ces matières, souhaitée par l’Allemagne, tout en insistant sur la nécessité d’en définir précisément les modalités, notamment en ce qui concerne les conditions permettant d’assurer la sécurité au sein de « l’espace Schengen ». Il a indiqué que la France avait souhaité qu’un lien juridique fort et concret soit établi entre liberté et sécurité, l’espace de libre circulation ne pouvant se réaliser que si les mesures indispensables à la sécurité étaient mises en œuvre par les Etats membres et les contrôles aux frontières intérieures ne pouvant être supprimés que si les contrôles aux frontières extérieures étaient dûment assurés et la coopération judiciaire et policière renforcée. A cet égard il a rappelé que la suppression des contrôles aux frontières ne pourrait être décidée par le Conseil qu’à l’unanimité et à partir d’un rapport détaillé sur l’effectivité des dispositifs mis en place, le Conseil disposant de cinq années après l’entrée en vigueur du traité pour mettre en œuvre les mesures nécessaires. Il a souligné que la Constitution était révisée afin de permettre à la France, au terme de ces cinq années, d’être en mesure de participer à la définition d’une politique commune à la majorité qualifiée. Il a souhaité que cette échéance ne soit pas considérée comme un risque ou une menace d’être mis en minorité, mais comme le seul moyen de progresser au sein de l’Union en constituant des majorités autour des positions françaises. Il a considéré que, même si tous les Etats membres n’avaient pas la même appréciation des phénomènes d’asile et d’immigration pour des raisons culturelles et historiques, l’Union européenne était perçue comme un ensemble homogène et une zone d’attraction par les pays d’émigration. Il a souhaité que la réflexion sur l’élaboration d’une politique commune en la matière soit engagée dès à présent, sans attendre que les cinq années se soient écoulées. Enfin, insistant sur les avancées contenues dans le Traité d’Amsterdam, il a souligné que, parallèlement aux travaux menés dans les matières liées à la libre circulation, la sécurité serait renforcée grâce au développement de la coopération judiciaire et policière, la coopération judiciaire civile étant également communautarisée dans la mesure où elle est liée à la libre circulation au sein du marché intérieur.

Abordant les domaines autres que ceux relevant du troisième pilier, le ministre délégué a estimé que des correctifs puissants, dans le sens d’une Europe prenant mieux en compte les préoccupations quotidiennes de ses citoyens, avaient été introduits dans le Traité d’Amsterdam. Il a ainsi évoqué le chapitre consacré à la lutte pour l’emploi, mise sur le même plan politique que la stabilité économique, le chapitre social prévoyant notamment le rapprochement des législations, des dispositions relatives à la santé et à l’environnement, la reconnaissance de la spécificité des services publics et, enfin, le renforcement des dispositions relatives aux droits de l’homme, à la non-discrimination, au principe d’égalité entre hommes et femmes et aux droits sociaux fondamentaux. Evoquant le domaine de la politique étrangère et de la sécurité commune, il a estimé que l’Union s’était dotée de moyens lui permettant de renforcer sa capacité d’agir sur la scène internationale, tant dans le domaine de l’action humanitaire que du maintien de la paix, grâce à la désignation d’un Haut représentant et à l’amélioration des procédures résultant d’un nouvel instrument adopté à l’initiative de la France, la stratégie commune, dont les mesures d’application pourront être adoptées à la majorité qualifiée.

Considérant que l’absence de véritable réforme institutionnelle d’ensemble justifiait que le Gouvernement soit attentif aux propositions d’amélioration émanant des parlementaires,. le ministre délégué a estimé que, malgré cette lacune, des progrès avaient été enregistrés à Amsterdam, qu’il s’agisse de la faculté de mettre en place des coopérations renforcées entre les Etats membres souhaitant aller plus avant dans la construction européenne, de la possibilité pour le Conseil de statuer sur un plus grand nombre de sujets à la majorité qualifiée, de l’approbation de la nomination du Président de la Commission par le Parlement européen ou du renforcement du rôle de celui-ci. Concernant les Parlements nationaux, il a rappelé que le Traité d’Amsterdam contenait un protocole sur leur rôle –  à l’adoption duquel la France avait beaucoup contribué parce qu’il lui paraissait fondamental de les associer plus étroitement aux travaux communautaires  – qui prévoyait, notamment, une amélioration des délais de transmission et de consultation. Il a indiqué que le Gouvernement était néanmoins ouvert à une amélioration du contrôle du Parlement français sur les textes européens, l’article 88-4 de la Constitution méritant d’être complété. Il a estimé tout à fait normal que les assemblées puissent se prononcer, à l’avenir, sur les questions touchant à la sécurité et à la justice, y compris sur les dispositions demeurant dans le troisième pilier, ainsi que sur certaines décisions relevant du domaine de la politique étrangère et de la sécurité commune.

En conclusion, le ministre délégué a estimé que, malgré quelques lacunes, le Traité d’Amsterdam comportait des avancées concrètes dans le sens d’une Europe plus respectueuse des droits et des aspirations des citoyens, plus présente sur la scène internationale et constituant un espace commun de liberté, de sécurité, de justice et de solidarité. Il a invité les parlementaires, une fois la Constitution révisée, à autoriser la ratification du Traité d’Amsterdam, estimant qu’aucune raison ne justifiait de refuser ce qu’il contenait.

M. Henri Nallet, rapporteur, a indiqué qu’il souhaitait exprimer deux points d’accord avec le Gouvernement et lui poser une question.

S’agissant du premier point d’accord, il a estimé que la révision constitutionnelle soumise au Parlement relevait d’une démarche connue. Rappelant que le Traité d’Amsterdam avait été négocié par le gouvernement d’Alain Juppé, et qu’il était présenté au Parlement par la nouvelle majorité, il a fait observer que la saisine du Conseil constitutionnel préalable à cette révision avait été le fruit d’une démarche conjointe du Président de la République et du Premier ministre. Il a souligné que la décision du juge constitutionnel était de même nature que celle qu’il avait rendue en 1992 à propos de la conformité à la Constitution du Traité de Maastricht, rappelant qu’une révision de la Constitution était nécessaire chaque fois qu’un traité prévoit ou organise un transfert de compétences portant atteinte à l’exercice des conditions essentielles de la souveraineté nationale. A cet égard, il a expliqué que la communautarisation du troisième pilier, au même titre que la mise en place de l’Union économique et monétaire, entrait dans ce cadre.

S’agissant du second point d’accord avec le Gouvernement, il a considéré que la révision constitutionnelle rendue nécessaire par le passage à un système de majorité qualifiée en matière de déplacement des personnes, de délivrance des visas et de droit d’asile, ne devait pas être l’occasion de modifier les équilibres généraux de la Constitution. Il a ainsi jugé que la mise en place d’une veille constitutionnelle en matière de droit communautaire dérivé et que l’exigence d’une seconde ratification du Traité n’étaient pas recevables. Il a en effet remarqué que le contrôle du droit dérivé par le Conseil constitutionnel n’était pas pertinent dans la mesure où il revenait à la Cour de justice des communautés européennes de contrôler la conformité de ce droit aux traités, eux-mêmes soumis au contrôle de constitutionnalité au titre de l’article 54 de la Constitution. Dans le même temps, il a estimé que la généralisation d’une telle réserve de constitutionnalité à l’égard du droit communautaire dérivé chez l’ensemble de nos partenaires aboutirait à remettre en cause le principe même de l’Union. Il a également noté qu’en matière de défense des droits fondamentaux, le Traité d’Amsterdam invitait au respect des stipulations de la Convention européenne des droits de l’homme. Il a par ailleurs expliqué qu’une décision du Parlement liant l’exécutif dans la conduite des relations internationales n’était pas envisageable et remettait en cause l’équilibre institutionnel de la Vème République. Poursuivant ce propos, il a fait observer qu’une résolution pourrait être adoptée par le Parlement afin d’obtenir du Gouvernement qu’il précise sa position au sein du Conseil des ministres de l’Union européenne.

Enfin, il a interrogé le Gouvernement sur le point de savoir s’il convenait d’améliorer la procédure de contrôle des actes communautaires prévue par l’article 88-4 de la Constitution, ayant fait observer que le protocole n° 13 du Traité d’Amsterdam invitait les Etats membres à accroître l’information des parlements nationaux. Il a manifesté le souhait que l’ensemble des actes communautaires des premier, deuxième et troisième piliers relevant du domaine législatif, soient soumis au contrôle du Parlement. Observant que le partage des actes entre le domaine législatif et le domaine réglementaire, tel qu’il était défini par le Conseil d’Etat, conduisait à écarter certains actes politiquement importants du contrôle parlementaire, il s’est demandé s’il ne serait pas possible que le Gouvernement ait la faculté de transmettre au Parlement d’autres actes que ceux relevant strictement du domaine législatif.

Soulignant qu’il n’était pas dans son intention de bouleverser l’équilibre des institutions à l’occasion des révisions constitutionnelles et se félicitant que nombre d’anciens détracteurs de la Constitution se rallie à l’équilibre des pouvoirs qu’elle a institués, M. Robert Pandraud s’est tout d’abord étonné que le Gouvernement puisse d’emblée manifester son opposition à des amendements qui n’avaient pas encore été déposés. Il a ensuite interrogé M. Pierre Moscovici sur le point de savoir si le Gouvernement réitérerait son attachement au compromis de Luxembourg, comme il l’avait fait, lors de la révision constitutionnelle précédant la ratification du traité de Maastricht. Evoquant la question de l’instauration éventuelle d’un contrôle de constitutionnalité du droit communautaire, il a rappelé que les propositions formulées par certains parlementaires tendaient à assurer un contrôle, non seulement du droit dérivé, mais aussi des projets ou propositions d’actes avant leur adoption par les institutions européennes. Enfin, abordant l’extension du champ d’application de l’article 88-4, il a estimé que les résolutions adoptées par chaque assemblée devaient être comprises comme un moyen d’aider le Gouvernement à faire prévaloir le point de vue national dans la négociation européenne, considérant qu’il n’y aucun inconvénient à conférer aux assemblées des Etats membres un pouvoir d’avis, celui-ci participant du nécessaire contrôle démocratique des institutions européennes. A cet égard, il a contesté la distinction opérée selon que les projets d’actes soient de nature législative ou réglementaire, rappelant que le Parlement ne se privait pas de légiférer dans des matières réglementaires.

Tout en soulignant que le groupe communiste était hostile au Traité d’Amsterdam, M. Jacques Brunhes, rappelant que le pouvoir constituant s’apprêtait à réviser pour la douzième fois la Constitution de 1958, a admis que celle-ci devait s’adapter aux changements mais a souhaité que cette révision, à l’inverse de celle de 1992, ne donne pas lieu à l’adoption de véritables cavaliers sans rapport avec le projet de loi constitutionnelle.

Intervenant en application de l’article 38 du Règlement, Mme Nicole Ameline a estimé que l’Assemblée nationale devait profiter de la révision constitutionnelle pour élargir le contrôle du Parlement et aller au-delà des propositions formulées par M. Henri Nallet en instituant un véritable droit de communication des actes communautaires au profit des délégations européennes. Après avoir rappelé que l’Europe devait commencer à Paris, elle a fait valoir qu’une meilleure intégration de la dimension européenne dans l’ordre juridique interne était un moyen de réduire le déficit démocratique que tout le monde déplore.

M. Henri Plagnol a d’abord exprimé son accord sur les propos liminaires des ministres. Puis il a demandé des précisions sur la déclaration interprétative relative à la réforme institutionnelle que la France pourrait formuler à l’occasion de la ratification du Traité et a souhaité connaître les intentions du Gouvernement sur la réforme de la pondération lors des votes à la majorité qualifiée.

En réponse aux intervenants, la garde des sceaux a apporté les précisions suivantes :

—  Le Gouvernement considère que la Constitution de 1958 n’est pas intangible mais il estime inopportun d’engager un vaste débat d’ensemble sur les équilibres institutionnels au détour d’une révision constitutionnelle limitée, uniquement destinée à permettre la ratification d’un traité européen.

—  Dans la mesure où le gouvernement d’alors a accepté, en 1992, que le Parlement puisse se prononcer sur les actes ressortissants au premier pilier, il ne serait pas illégitime qu’il en fasse aujourd’hui de même pour ceux relevant des deuxième et troisième piliers, domaines qui sont renforcés par le traité d’Amsterdam. S’agissant de la possibilité donnée au gouvernement de soumettre aux assemblées les propositions d’actes de nature non législative ou les documents de consultation, il est possible d’y réfléchir, étant entendu que la loi n° 90-385 du 10 mai 1990 oblige déjà l’exécutif à transmettre tous les projets d’actes et de documents aux fins d’information.

—  On ne peut établir une distinction entre les fonctions consultatives et normatives du Parlement pour motiver une extension du champ d’application de l’article 88-4 vis-à-vis des projets d’actes de nature réglementaire car, en définitive, les assemblées émettent des votes sur les projets de résolution. Par ailleurs, les dérogations au partage des compétences résultant des articles 34 et 37 de la Constitution à l’occasion du vote des lois suppose l’aval du Gouvernement qui est toujours en mesure de faire respecter le domaine réglementaire. Le Gouvernement ne peut donc que s’opposer aux amendements qui tendraient à permettre au Parlement de procéder à des votes sur des propositions d’actes de nature réglementaire.

—  S’il est effectivement souhaitable de s’en tenir à la révision constitutionnelle nécessaire pour la ratification du Traité, un aménagement éventuel de l’article 88-4 à cette occasion est logique, compte tenu de son objet même.

Puis, le ministre délégué aux affaires européennes a apporté les précisions suivantes :

—  Le Gouvernement ne souhaite pas fuir le débat sur le compromis de Luxembourg, étant entendu qu’il s’agit d’un accord politique dont la portée juridique demeure imprécise, assimilable à un « accord sur un désaccord », permettant d’éviter que la majorité du Conseil n’impose sa volonté à un Etat membre qui considère que ses intérêts vitaux sont en jeu, ce texte n’ayant d’ailleurs jamais été appliqué depuis l’entrée en vigueur de l’Acte unique. Il convient, cependant, de souligner que le Traité d’Amsterdam contient expressément un certain nombre de dispositions qui participent de la même logique, notamment en matière de politique étrangère et de sécurité commune et de mesures relevant du troisième pilier.

—  Le gouvernement actuel a toujours stigmatisé les lacunes du Traité s’agissant des réformes institutionnelles, sachant que celles-ci sont d’ores et déjà indispensables en dehors même de toute perspective d’élargissement. De ce point de vue, il pourrait approuver l’éventuelle adjonction d’un article additionnel au projet de loi de ratification, aux termes duquel la République indiquerait solennellement qu’elle estime insuffisantes les modifications apportées par le Traité au fonctionnement des institutions de l’Union.

—  Certaines réformes, telles que celles touchant au fonctionnement de la commission ou à l’amélioration des conseils spécialisés, ne nécessitent pas une modification des traités. En revanche, le débat majeur concerne la réforme de la commission –  qui apparaît trop nombreuse et insuffisamment hiérarchisée  – et la modification de la procédure de vote à la majorité qualifiée. Sur ce dernier point, le Gouvernement, tout en étant partisan de la généralisation de cette procédure, estime primordiale une amélioration des règles actuelles de pondération des voix, les réflexions pouvant, par exemple, porter sur l’exigence d’une double majorité politique et démographique.

——fpfp——


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