Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1998-1999) |
ASSEMBLÉE NATIONALE COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES, de la LÉGISLATION et de lADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE COMPTE RENDU N° 18 (Application de l'article 46 du Règlement) Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente, puis de Mme Christine Lazerges, vice-présidente SOMMAIRE
La Commission a examiné en deuxième lecture, sur le rapport de M. Jacques Brunhes, le projet de loi relatif à laccès au droit et à la résolution amiable des conflits (n° 1179). Présentant le bilan de la deuxième lecture au Sénat, le rapporteur a souligné que, sagissant de laide juridictionnelle, de laide à l'accès au droit, de laide à lintervention de lavocat en matière de médiation pénale ou des maisons de justice et du droit, les deux assemblées avaient approuvé les orientations et les principes sous-tendant le projet du Gouvernement, considérant, pour le reste, que, si lopportunité de certains amendements adoptés par le Sénat pouvait être discutée, leur portée limitée ne justifiait pas la poursuite de la navette. Evoquant les dispositions relative à laide juridique, le rapporteur a indiqué quen matière daide juridictionnelle, outre des changements purement rédactionnels, le Sénat avait apporté deux modifications acceptables par lAssemblée, à savoir, dune part, la réduction dun an à six mois du délai pendant lequel lavocat doit justifier de limportance et du sérieux des diligences accomplies pour bénéficier de la rétribution, qui lui est due lorsque laide a été accordée en vue de parvenir à une transaction avant lintroduction de linstance et quune transaction na pu être conclue et, dautre part, le bénéfice de laide juridictionnelle, sans condition de ressources, pour les personnes formulant une demande devant les juridictions compétentes en matière de pensions militaires. En ce qui concerne laide à laccès au droit, il a fait valoir que la plupart des modifications étaient rédactionnelles ou tenaient à la dénomination de lorganisme chargé de développer la politique daide à l'accès au droit dans le département. Ainsi, il a fait observer qualors que le projet transformait lactuel « conseil départemental de laide juridique » en « conseil départemental de laccès au droit et de la résolution amiable des litiges », le Sénat avait raccourci cette appellation dans un souci de commodité, comme lavait dailleurs suggéré la commission des Lois. Il a ajouté quil avait supprimé deux alinéas de larticle 8 explicitant les buts poursuivis par la politique daide à l'accès au droit, estimant que ces dispositions, nétant pas de nature législative, ainsi quune disposition de larticle 9 pour les mêmes motifs. Il a reconnu que des divergences subsistaient quant à la composition du conseil départemental, lAssemblée souhaitant que les chambres départementales des huissiers et des notaires y siègent en qualité de membre associé tandis que le Sénat prévoyait quelles devaient conserver leur statut de membre de droit, les sénateurs ayant ajouté, au titre des membre de droit, la chambre de discipline des avoués et lassociation départementale des maires, alors même que des communes ou groupements de communes du département peuvent être appelés par le président à siéger avec voix consultative. Le rapporteur a ensuite précisé que pour laide à lintervention de lavocat en matière de médiation pénale, le Sénat avait complété larticle 14 afin détendre ce dispositif à lintervention de lavocat dans le cadre des mesures prévues par larticle 12-1 de lordonnance du 2 février 1945 relative à lenfance délinquante et indiqué quen matière de dispositions diverses et transitoires, il avait adopté sans modification larticle 15 procédant à diverses abrogations, supprimé larticle 15 bis de portée rédactionnelle, limité à cinq ans les dispositions transitoires relatives aux conseils départementaux de l'aide juridique déjà constitués lors de lentrée en vigueur de la présente loi et adopté deux articles additionnels prolongeant le recrutement complémentaire de magistrats administratifs et validant certaines décisions prises pour la détermination de lancienneté des fonctionnaires du Sénat au moment de leur titularisation. Après avoir souligné que le Sénat avait souscrit à linstitutionnalisation des maisons de justice et du droit et accepté, moyennant différentes coordinations, les articles du projet relatifs à laide juridique dans la collectivité territoriale de Mayotte et dans les territoires doutre-mer, le rapporteur a conclu son propos en estimant possible un accord global entre les deux assemblées, ce qui permettrait de raccourcir la navette parlementaire et, partant, daccélérer lentrée en vigueur de la première loi ressortissant de la réforme de la justice ; il a fait part, en conséquence, de son intention de ne présenter aucun amendement. Après que M. Philippe Houillon eut annoncé quil retirait les amendements quil avait déposé sur les articles, la Commission a adopté sans modification tous les articles restant en discussion, puis lensemble du projet de loi dans le texte du Sénat. * * * La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de Mme Catherine Tasca, le projet de loi constitutionnelle relatif à légalité entre les femmes et les hommes (n° 985). Après avoir rappelé que le projet de loi constitutionnelle complétait larticle 3 de la Constitution par un alinéa indiquant que la loi doit favoriser légal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions, Mme Catherine Tasca, rapporteur, a observé que ce texte répondait au souci de faire progresser la France vers une égalité réelle entre les femmes et les hommes, en particulier dans la vie publique. Constatant que la fonction de représentation était, en 1998, encore largement monopolisée, tant à léchelon national que local, par la gent masculine, même si la situation saméliorait quelque peu, elle a fait valoir quil sagissait dune exception française, dont il était difficile dêtre fier et souligné que peu de personnes contestaient la nécessité de modifier cet état de fait. Elle a alors rappelé que lors de la précédente législature, les femmes représentaient seulement 6 % des députés et que, si lon a pu observer une progression notable de la représentation féminine aux dernières élections législatives, force est de constater que seules 61 femmes sont actuellement présentes à lAssemblée nationale, soit 10 % des élus. Après avoir souligné que la situation au Sénat était encore plus accablante puisque, sur 321 sénateurs, on compte seulement 19 femmes, elle a indiqué que les femmes ne représentaient que 8 % des conseillers généraux, même si ce chiffre est passé à 25 % au niveau régional depuis les dernières élections. Après avoir précisé que les conseils municipaux issus des élections de 1995 se composaient de 21 % de femmes, mais que seuls 7,6 % des maires nétaient pas des hommes, elle a rappelé que la représentation française au Parlement européen comptait 30 % de femmes, principalement grâce à la décision du parti socialiste de présenter une liste paritaire. Evoquant la situation dans les autres pays occidentaux, elle a souligné que seule la Grèce faisait moins bien que la France, alors que les pays scandinaves comptent 30, voire 40 %, de parlementaires féminines, avant dajouter que de nombreux pays en voie de développement avaient une représentation féminine dans les assemblées plus importante quen France. Le rapporteur a ensuite fait valoir quen dehors du champ strictement politique, il était tout à fait possible pour le législateur dorganiser des mesures de promotion des femmes, puisque lalinéa 3 du préambule de la Constitution de 1946 dispose que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de lhomme ». Après avoir souligné que cette disposition était appliquée dans la fonction publique, qui peut organiser des concours différents pour les femmes et pour les hommes, elle a rappelé que le Conseil constitutionnel avait néanmoins limité sa portée dans le domaine politique, évoquant la décision du 18 novembre 1982 dans laquelle la haute juridiction a estimé que la limitation à 75 % des candidats dun même sexe dans les listes municipales était contraire à larticle 3 de la Constitution et à larticle 6 de la déclaration des droits de lhomme. Rappelant que le Conseil considérait que le principe dindivisibilité de la souveraineté sopposait à toute division des électeurs et des personnes éligibles par catégorie, elle a néanmoins considéré quil nétait pas possible dassimiler les femmes, qui représentent la moitié de lhumanité, à une catégorie. Mme Catherine Tasca a alors affirmé que le projet de loi permettait de lever cet obstacle constitutionnel, en introduisant dans larticle 3 de la Constitution une disposition qui autorise le législateur à favoriser légal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions. Elle a relevé que la rédaction proposée par le Gouvernement avait suscité des critiques, tant de la part des associations féminines que des constitutionnalistes, le verbe « favoriser » étant en retrait par rapport aux attentes exprimées par les milieux prônant la parité, qui souhaitaient le remplacer par le verbe « garantir ». Après avoir fait part des inquiétudes de certains sur labsence du mot « parité » dans le dispositif du projet de loi, alors quil apparaît dans lexposé des motifs, elle a considéré que lobjectif poursuivi restait néanmoins celui de légalité réelle des hommes et des femmes dans tous les domaines de la vie sociale et estimé que la parité dans les élections était sans doute un moyen efficace pour atteindre cet objectif égalitaire, mais quil demeurait un instrument parmi dautres dont lutilité, il faut lespérer, sera seulement transitoire. Tout en considérant que le projet de loi autorisait le législateur à organiser cette transition, elle a estimé que sa rédaction devait sans doute être précisée et renforcée, avant dévoquer lamendement en ce sens quelle proposerait lors de la discussion des articles, dont lobjet est daffirmer fortement la valeur du principe et de permettre au législateur dorganiser concrètement et souverainement légal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions. En conclusion, Mme Catherine Tasca a souligné que ce projet de loi constitutionnelle était une étape nécessaire, mais pas suffisante, pour atteindre lobjectif souhaité. Elle a indiqué que, une fois la révision constitutionnelle achevée, il serait nécessaire dintroduire dans la législation électorale des dispositions tendant à légalité réelle des hommes et des femmes, comme cela a été fait dans le projet de loi relatif aux conseils régionaux. Elle a observé que cette démarche supposait de faire preuve dimagination et dexplorer toutes les voies qui, dans un souci de stricte justice, permettront aux femmes daccéder aux fonctions de représentation politique dans les mêmes conditions que les hommes. Plusieurs commissaires sont ensuite intervenus dans la discussion générale. Après avoir estimé que lenjeu de ce débat était plus politique que juridique, M. Claude Goasguen a souligné que le retard de la France dans légal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions politiques sexpliquait non seulement par la décision du Conseil constitutionnel du 18 novembre 1982, mais également par linaptitude des partis politiques à prendre la mesure des évolutions de la société. Tout en convenant que ce handicap, partagé avec la Grèce, constituait un inconvénient majeur, M. Claude Goasguen a considéré que le projet ne répondait pas de manière satisfaisante au problème posé. Il a en particulier exprimé la crainte quen mettant laccent sur les seuls mandats et fonctions politiques, le texte ne soit contradictoire avec le préambule de la Constitution de 1946, ce qui pourrait susciter de nombreux recours devant le Conseil constitutionnel. Sinterrogeant également sur lopportunité de lancrage de cette réforme à larticle 3 de la Constitution, qui traite de lexercice de la souveraineté, il a estimé que le dispositif proposé trouverait mieux sa place à larticle 4. Evoquant ses répercussions sur la loi électorale, il a observé que la prise en compte de cette nouvelle exigence constitutionnelle, facile à mettre en uvre dans le cadre dun scrutin de liste, ne manquerait pas de se heurter à des difficultés insurmontables, sagissant du scrutin majoritaire, sauf à introduire une part de proportionnelle ou à substituer purement et simplement un scrutin proportionnel au scrutin majoritaire. Il a conclu son propos en indiquant que le groupe Démocratie libérale, sil jugeait impossible de sopposer à ce texte, ne pouvait cependant y adhérer, tant que les incertitudes sur lévolution du mode de scrutin ne seraient pas dissipées. Mme Nicole Feidt a rappelé que ce projet de réforme constitutionnelle correspondait à la fois à un engagement du Premier ministre et au souci exprimé par le Président de la République de moderniser la vie politique. Elle a déclaré souscrire à cette réforme, soulignant que, compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel du 18 novembre 1982, toute loi simple tendant à la parité serait frappée dinconstitutionnalité. Elle a, par ailleurs, justifié lemplacement retenu dans le projet de loi constitutionnelle, en faisant observer que larticle 3 de la Constitution portait sur les modalités de représentation du peuple. Exprimant, en revanche, la crainte que le libellé choisi, selon lequel « la loi favorise légal accès » ne soit trop neutre, elle sest montrée favorable à une rédaction qui impose une obligation plus effective. Après avoir souligné que le texte constitutionnel devait être appréhendé comme un socle sur lequel sédifierait une législation appelée à concrétiser le principe posé, elle a plaidé pour lélaboration dun statut des élus, particulièrement nécessaire pour les femmes titulaires de mandats et de fonctions, ajoutant que la limitation actuelle des cumuls de mandats était insuffisante pour faciliter laccès des femmes dans les assemblées politiques. Tout en adhérant à lobjectif poursuivi par le projet de révision constitutionnelle, M. Michel Hunault a exprimé des doutes sur son efficacité. Il a considéré que lobjectif de parité ne pourrait être atteint que dans les seuls scrutins de liste et indiqué quil déposerait un amendement tendant à limiter à ceux-ci lapplication de la révision constitutionnelle. Mme Véronique Neiertz a considéré que plusieurs événements étaient à lorigine de ce projet de révision constitutionnelle. Elle a rappelé que la question de la parité des femmes et des hommes dans la vie politique avait dabord été évoquée au cours de la dernière campagne pour les élections présidentielles, soulignant que les conditions dans lesquelles M. Alain Juppé sétait séparé de plusieurs femmes ministres et secrétaire dEtat et les réactions fortes suscitées par cet événement avaient marqué une seconde étape dans lévolution des mentalités sur cette question. Elle a constaté que lObservatoire de la parité, mis en place par le précédent Gouvernement, ne pouvait apporter une réponse satisfaisante au problème, puis a relevé que la majorité avait, lors des dernières élections, largement favorisé laccès des femmes à lAssemblée nationale, le nombre de candidates et de femmes élues nayant jamais été aussi élevé. Rappelant que lobstacle jurisprudentiel du Conseil constitutionnel ne pouvait être contourné par une loi simple, elle a affirmé que les femmes ne pouvaient cependant être perçues comme une catégorie du genre humain. Elle a insisté sur la responsabilité qui incomberait au législateur pour la mise en uvre de la réforme constitutionnelle et souligné quil sy était déjà attelé, en inscrivant, dans le projet de loi relatif au mode délection des conseillers régionaux, une disposition imposant la parité des femmes et des hommes sur les listes. Tout en convenant quil était plus facile de le faire dans le cadre dun scrutin proportionnel, elle a souligné que lexistence du scrutin majoritaire nempêchait pas cependant la présence de nombreuses élues dans les parlements de nos voisins européens. Considérant que le retard de notre pays en matière de représentation des femmes dans la vie publique ne lhonorait pas, elle a regretté quune partie de lopposition au risque dapparaître ne représenter que les hommes ne vote pas ce projet de loi. Constatant que la France nétait pas parvenue à organiser un égal accès des femmes et des hommes dans la vie publique, M. Jean-Luc Warsmann a rappelé quil revenait au Général de Gaulle davoir imposé le vote des femmes par lordonnance du 21 avril 1944, la première assemblée constituante comptant 39 femmes dans ses rangs. Ajoutant que le Président de la République avait créé un Observatoire de la parité, il a fait valoir que, si lactuelle opposition était restée au pouvoir, elle aurait sans nul doute déposé un texte voisin devant le Parlement. Considérant, dès lors, que le projet de loi constitutionnelle ne devait pas susciter de controverses entre la droite et la gauche, il a indiqué que sil ne partageait pas les réserves exprimées par M. Claude Goasguen, il le rejoignait dans ses interrogations sur lavenir de la loi électorale. Précisant quen tout état de cause, son vote nétait pas subordonné à ce problème, il a cependant souhaité que la noble cause de la parité ne soit pas mise à profit par la majorité pour se livrer à des manuvres politiciennes et souhaité recevoir à ce sujet des assurances du rapporteur. Après avoir indiqué quil voterait le projet de révision constitutionnelle, M. Robert Pandraud a néanmoins estimé que celle-ci nétait pas le meilleur moyen de favoriser dans les faits la mise en place de la parité. Il a ainsi considéré que la modulation de laide financière de lEtat aux partis politiques en fonction du nombre de femmes élues et lamélioration du statut de lélu seraient des moyens plus efficaces pour atteindre ce but. Rappelant que le Conseil constitutionnel nétait pas la troisième assemblée souveraine du pays, il a jugé légitime que les parlementaires puissent infirmer sa jurisprudence. Il a cependant déploré que le mécanisme traditionnel de la navette parlementaire en matière de révision constitutionnelle permette au Sénat dimposer, une fois de plus, son point de vue. A cet égard, il a considéré que le mode de scrutin aux élections sénatoriales y rendrait difficile la mise en uvre de la parité dans la mesure où coexistent des circonscriptions soumises au scrutin proportionnel et dautres au scrutin majoritaire. Après avoir souligné le rôle des femmes dans lhistoire de la France au vingtième siècle, M. Gérard Gouzes a estimé que la gauche avait toujours été en pointe dans le combat pour légalité des sexes. Il a ainsi rappelé que François Mitterrand avait été le premier Président de la République à désigner une femme Premier ministre et que Michel Rocard avait conduit une liste aux précédentes élections européennes, composée alternativement dun homme et dune femme. Il a par ailleurs considéré quil fallait en finir avec la tradition machiste cantonnant les femmes dans la sphère domestique, afin de leur permettre légal accès aux mandats et fonctions. Il a déclaré quil lui semblait opportun de réviser larticle 3 de la Constitution dans la mesure où celui-ci porte sur lexpression des suffrages, tout en regrettant que lexpression de « parité représentative » ne soit pas préférée à la notion dégal accès. Enfin, il a indiqué quil conviendrait également de revoir la rédaction du projet de loi afin de remédier au caractère insuffisamment contraignant de lexpression « la loi favorise ». Tout en sinterrogeant sur lefficacité de la loi dès lors quil sagit de faire évoluer les murs et les questions de société, M. Michel Crépeau a indiqué quil voterait le projet de révision. Estimant que des actes de volonté tels que la décision de M. Lionel Jospin de présenter un tiers de candidates aux dernières élections législatives, étaient sans doute plus importants quune modification de la Constitution, il a jugé nécessaire de rompre avec la tradition écartant les femmes de la vie publique. Rappelant que dans le droit romain les femmes mariées se rangeaient, au côté des enfants et des fous, dans la catégorie des incapables, il a, par ailleurs, évoqué le poids de la tradition catholique interdisant aux femmes de donner la communion et dexercer le sacerdoce. Observant que les radicaux socialistes sétaient longtemps opposés au vote des femmes par crainte de linfluence de lEglise dans la vie politique, il a reconnu que les temps avaient changé. A cet égard, il a expliqué que la participation croissante des femmes à la vie professionnelle et laugmentation du nombre de familles monoparentales constituaient un frein, en labsence dun véritable statut de lélu, à leur accès aux responsabilités publiques. Enfin, il sest interrogé sur les conditions de mise en oeuvre du principe de la parité pour les élections présidentielles et législatives, en observant que, dans ce domaine, seule la volonté des formations politiques pouvait faire avancer les choses. M. Jérôme Lambert a estimé quil était urgent de favoriser une plus grande participation des femmes à la vie politique et quil convenait de faire entrer dans les faits le principe de parité. En réponse aux interrogations de M. Claude Goasguen sur les intentions du Gouvernement en matière de modification du mode de scrutin des élections législatives, il a fait remarquer quil nétait pas nécessaire de réviser la Constitution pour entreprendre une telle réforme. Il a par ailleurs approuvé lidée de moduler le financement des partis politiques en fonction du nombre de femmes élues dans leurs rangs, mais a estimé quun tel dispositif nécessitait une révision préalable de la Constitution. M. François Colcombet a évoqué, en préambule, les méfaits du modèle catholique traditionnel qui concourt à favoriser un modèle dorganisation fortement centralisé peu propice à laccès des femmes aux responsabilités, puis a rappelé que la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789 ne contenait aucune référence explicite aux droits des femmes. Il a ensuite fait observer que le texte fondateur en la matière était le préambule de la Constitution de 1946, sur lequel le Conseil constitutionnel aurait dû asseoir sa jurisprudence, aux termes duquel la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits identiques à ceux des hommes et a souligné que, sur ce point particulier, la Constitution de 1958 était en retrait. Ayant rappelé que, depuis 1946, le combat pour légalité entre les hommes et les femmes avait essentiellement porté sur le droit de la famille, il a constaté que le retard restait cependant considérable en matière politique. Analysant le texte du projet de loi constitutionnelle, il a insisté sur les termes de « mandats » et « fonctions », jugeant que la révision devrait avoir une portée qui dépasse le domaine strictement politique, afin de généraliser le principe de légal accès, par exemple pour la désignation des jurys dassises, où les femmes sont trop peu présentes ou, en sens inverse, pour lorganisation des juridictions familiales, presquexclusivement composées de femmes. Mettant laccent sur la nécessité de sen tenir à lorganisation de légal accès et non pas de rechercher une parité mathématique difficile à mettre en uvre, il a considéré que le texte de la révision constitutionnelle devrait laisser au Parlement une marge de manuvre significative lui permettant dadopter, le cas échéant, des mesures de discrimination positive au profit des femmes, sans que le Conseil constitutionnel soit incité à annuler des lois trop facilement. M. Richard Cazenave a, en premier lieu, regretté que le Conseil constitutionnel ait adressé, en 1982, un signal négatif aux femmes, tout en considérant que le débat devait porter uniquement sur la question de légal accès et non pas sur celle des discriminations positives, concept de nature à favoriser lémergence du communautarisme. Après avoir estimé que le Conseil constitutionnel aurait dû fonder sa jurisprudence sur larticle premier de la Constitution, selon lequel la République assure légalité devant la loi de tous les citoyens, il a fait observer que si le texte de la révision constitutionnelle se limitait aux seuls mandats et fonctions électifs, il serait préférable de linsérer à larticle 4 de la Constitution, et non pas à larticle 3, lequel concerne lexercice de la souveraineté nationale. Critiquant la rédaction du projet de loi, il a noté que celle-ci était trop imprécise et quelle abandonnait une marge dappréciation trop importante au Conseil constitutionnel, puis a fait part de son accord pour ladoption dun amendement prévoyant que la loi « détermine » légal accès aux fonctions et mandats électifs. Considérant que, dune manière générale, linsuffisante représentation des femmes dans la vie politique sexpliquait largement par des considérations pratiques, il a souhaité, afin déviter que la révision constitutionnelle ne se limite à un simple effet dannonce, quun vaste chantier de réflexion soit ouvert, notamment en ce qui concerne le statut des élus. Mme Nicole Catala a tout dabord mis laccent sur la situation française, estimant que celle-ci constituait une exception dans le temps, puisque la proportion des femmes parlementaires en 1997 était identique à celle observée en 1945, mais aussi dans lespace, dans la mesure où cette même proportion, de lordre de 6 %, était nettement inférieure à la moyenne européenne qui sétablit à 16 %, voire à la moyenne mondiale qui atteint près de 12 %. Après avoir contesté que la gauche soit à lorigine de la promotion des femmes dans la vie politique et souligné le rôle éminent du Général de Gaulle en la matière, elle a rappelé quen dépit de la ratification de multiples conventions demandant aux signataires dadopter des mesures daction positive en faveur des femmes, aucune disposition contraignante navait été mise en uvre en France pour assurer légal accès aux fonctions et mandats électifs. Rappelant la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1982 qui a invalidé une mesure de discrimination positive, elle a évoqué, en parallèle, une décision de la Cour de justice des Communautés européennes jugeant non conformes au droit communautaire des mesures de discrimination positive en matière de droit du travail, indiquant toutefois que cette jurisprudence avait été infléchie récemment. Après avoir précisé que le principe de légalité des droits avait été mis en oeuvre progressivement, notamment dans la fonction publique, elle a abordé lexamen du texte du projet de loi, jugeant que lemploi du terme « favorise » était ambigu puisquil permettrait au juge constitutionnel de maintenir sa jurisprudence et a considéré préférable dinscrire dans la Constitution que la loi « assure » légal accès aux fonctions et mandats électifs, si lon souhaite retenir une option contraignante ou que la loi « peut assurer » cet égal accès si lon opte pour une version facultative. Après sêtre interrogée sur la nature des mandats et fonctions visés par la rédaction proposée, elle a fait part de ses réticences vis-à-vis de ladoption du projet de loi constitutionnelle, si celui-ci avait pour objet de justifier une réforme future du mode de scrutin législatif. Rappelant les propos tenus par M. Robert Pandraud, elle a conclu son propos en notant que la solution la plus efficace serait de prévoir une modulation des aides financières aux partis politiques de manière à les inciter concrètement à favoriser laccès des femmes aux fonctions politiques, option qui ne remettrait pas en cause les droits fondamentaux des citoyens. Intervenant en application de larticle 38 du Règlement, M. Didier Julia a estimé que larticle 6 de la déclaration des droits de lhomme et du citoyen, aux termes duquel tous les citoyens sont admissibles à toute dignité, place et emploi public sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents, suffit pour garantir légal accès aux fonctions et mandats électifs. Il a ajouté quil défendrait son exception dirrecevabilité en séance publique. En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes : Au-delà de légal accès à la vie publique, il est nécessaire de créer des conditions économiques et sociales destinées à favoriser la participation des femmes ; à cet égard, il convient de noter que lexposé des motifs du projet de loi évoque lobjectif dégalité dans lensemble des composantes de la vie du pays et pas uniquement dans la sphère politique. La réforme est indispensable pour contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnel, même si la pertinence de cette dernière est contestée par certains juristes. Dans la mesure où il renouvelle laffirmation dun principe qui existe déjà, le projet de loi ne prendra tout son sens que lorsque les textes dapplication seront adoptés. Ceux-ci risquent dailleurs de poser quelques difficultés, le scrutin uninominal majoritaire étant notamment difficilement compatible avec le principe de légal accès des hommes ou des femmes. A ce propos, bien que la ministre ait affirmé que la réforme constitutionnelle nentraînera pas de modification du scrutin législatif, il apparaît nécessaire dévoquer cette question en séance publique. En tout état de cause, la mise en oeuvre de ce principe devra se faire par étape, le texte sur les conseils régionaux, le statut de lélu ou la limitation du cumul des mandats pouvant constituer les premières pistes de réflexion. Lajout de ladjectif « politiques » aux mandats et fonctions ne semble pas utile dans la mesure où il est proposé dinsérer le dispositif au sein de larticle 3 de la Constitution. De même, la notion « dégal accès » proposée par le texte est préférable à celle de « parité », puisquelle se rattache aux grands principes républicains alors que la parité renvoie à un déterminisme mathématique impossible à mettre en uvre ; en tout état de cause, même si ce terme symbolique a été un élément moteur dans le changement des mentalités, il ne pourra être appliqué quau cas par cas dans les différents textes à venir. Il reste néanmoins que le projet de loi présente certaines insuffisances terminologiques, le verbe « favoriser » ne donnant notamment pas au législateur les armes suffisantes pour contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce dernier risquant de lui reprocher den faire trop ou pas assez ; aussi semble-t-il préférable de le remplacer par le verbe « organiser » qui traduit la force de lengagement sur le principe de légal accès tout en laissant au législateur la responsabilité dinventer, au cas par cas, les modalités dapplication. A cet égard, il semble utile de reprendre lidée formulée par M. Guy Carcassonne selon laquelle il convient de spécifier que la loi détermine les conditions de légal accès, ce qui permettrait deffectuer un partage clair des responsabilités entre le législateur et le Conseil constitutionnel. La Commission a rejeté lexception dirrecevabilité de M. Didier Julia. Elle est ensuite passée à lexamen de larticle unique. Article unique : La Commission a examiné un amendement de M. Richard Cazenave visant à intégrer le texte du projet de loi à la fin de larticle premier de la Constitution en lieu et place de larticle 3. Il a indiqué que, le rapporteur ayant précisé que le projet de loi sappliquait aux seuls mandats et fonctions politiques, son amendement ne présentait plus dintérêt puisquil visait à élargir le champ de la révision au-delà de la sphère politique. Constatant que le projet de loi ne sintégrait pas dans cette logique, il a retiré son amendement. La Commission a ensuite été saisie de deux amendements identiques, lun de M. Richard Cazenave et lautre de M. Claude Goasguen tendant à placer le texte du projet de loi à larticle 4 de la Constitution. M. Richard Cazenave a considéré que son amendement donnerait plus de cohérence à la révision en modifiant larticle 4 relatif aux partis politiques, dès lors que lobjet du projet de loi se limite aux mandats et fonctions politiques. M. Claude Goasguen a estimé quil était dune grande importance de bien déterminer larticle de la Constitution où devait sintégrer le projet de loi, observant quen amendant larticle 3, on adopterait une réforme de portée beaucoup plus générale qui modifierait les termes mêmes de la souveraineté nationale. Le rapporteur a fait valoir que linscription dans larticle 3 était la conséquence logique de la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1982 qui avait censuré la disposition relative aux quotas pour les élections municipales en invoquant ce même article. Elle a ajouté quintégrer la révision constitutionnelle dans cet article était un moyen déclairer le sens de la notion de souveraineté, puis a insisté sur le fait que le projet de loi ne contredisait pas le principe de lindivisibilité de la souveraineté mais en explicitait plutôt les termes. La Commission a repoussé les deux amendements. Elle a ensuite examiné deux amendements de Mme Nicole Catala, substituant au terme « favorise », pour le premier, lexpression « peut favoriser » et, pour le second, le verbe « assure » et ajoutant après « mandats et fonctions » le qualificatif « politiques ». Après que M. Robert Pandraud eut fait connaître sa préférence pour le terme « électif » et que le rapporteur eut exprimé son opposition à ces deux amendements estimant, pour le premier, quil était trop en retrait par rapport à lobjectif poursuivi et, pour le second, quil risquait de donner prise à un contentieux constitutionnel parce quil était trop contraignant pour le législateur, la Commission a repoussé ces deux amendements. Elle a, en revanche, adopté un amendement du rapporteur, rédigeant le projet de loi sous la forme suivante : « La loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé légal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions ». Mme Catherine Tasca a souligné quil sagissait daffirmer le rôle du législateur en la matière et de renforcer lengagement pris en faveur de légalité réelle des femmes et des hommes. Elle a ajouté que cet alinéa complétant larticle 3 de la Constitution relatif au suffrage renvoyait clairement aux mandats électoraux et aux fonctions électives et a jugé quil nétait pas alors nécessaire de le préciser. M. Claude Goasguen sest déclaré favorable à la rédaction proposée parce quelle permet décarter les risques de contentieux constitutionnel et donne une plus grande sécurité juridique à cette disposition. Tout en rappelant quil était préférable de réviser larticle 4 de la Constitution, M. Richard Cazenave sest réjoui de la convergence des points de vue sur la rédaction même de lalinéa, puis a souhaité que la majorité reprenne cependant lamendement précisant la nature des mandats et fonctions. Un amendement de M. Claude Goasguen ajoutant au terme « mandats » ladjectif « électoraux » et à celui de « fonctions » ladjectif « électives » est devenu sans objet du fait de ladoption de lamendement du rapporteur donnant au deuxième alinéa de larticle une nouvelle rédaction. La Commission a été saisie dun amendement de M. Claude Goasguen précisant quil appartient à la loi de déterminer les conditions dans lesquelles est organisé légal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions. Constatant que son amendement était satisfait, M. Claude Goasguen la retiré. Enfin, la Commission a été saisie un amendement de M. Michel Hunault prévoyant la parité des candidatures dans les scrutins de liste. M. Michel Hunault a observé que lon disposait dès aujourdhui des moyens de concrétiser le principe dégal accès et que rien ninterdisait de compléter le projet de loi constitutionnelle en ce sens. Mme Catherine Tasca a fait connaître quelle nétait pas opposée à cette disposition sur le fond puisquelle lavait elle-même soutenue dans le cadre du projet de loi modifiant le mode de scrutin régional, observant néanmoins que linsérer dans la Constitution serait donner une lecture restrictive du projet de loi constitutionnelle. Elle a jugé que la mesure proposée par M. Michel Hunault était dordre législatif et pourrait être mise en uvre très rapidement après la révision de la Constitution, puis a ajouté que la proposition de M. Robert Pandraud sur les modulations du financement des partis politiques en fonction de la place des femmes dans les listes, était également dordre législatif. M. Claude Goasguen, estimant que lamendement proposé nétait effectivement pas dordre constitutionnel, a réitéré sa demande que le Gouvernement sengage solennellement à ne pas profiter de cette révision pour amorcer une modification du mode de scrutin avec des arrière-pensées électorales. Il a conclu en indiquant que son groupe sabstiendrait sur ce projet de loi tant quil naurait pas obtenu de la part du Gouvernement une réponse à cette question. Mme Nicole Catala sest associée, à titre personnel, à cette intervention. La Commission a repoussé lamendement. La Commission a adopté larticle unique du projet de loi constitutionnelle ainsi modifié. La réunion de la Commission ayant été levée, Mme Nicole Catala a regretté que la Commission ait été conduite à examiner un texte aussi important quelques heures seulement après la fin dune séance consacrée à un texte relevant également de la compétence de la Commission. Elle sest en outre étonnée que la Garde des Sceaux nait pas été entendue par la commission des Lois sur ce projet de loi constitutionnelle. * * * Informations relatives à la Commission La Commission a procédé à la nomination de rapporteurs. Ont été désignés : M. Gérard Gouzes, pour le projet de loi relatif à lorganisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale (n° 1155) ; M. Jérôme Lambert, pour le projet de loi portant ratification des ordonnances n° 98-580 du 8 juillet 1998, n° 98-582 du 8 juillet 1998, n° 98-728 du 20 août 1998, n° 98-729 du 20 août 1998, n° 98-730 du 20 août 1998, n° 98-732 du 20 août 1998, n° 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à lactualisation et à ladaptation du droit applicable outre-mer (n° 1174) ; Mme Nicole Feidt, pour la proposition de loi modifiant la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à lexercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. fpfp © Assemblée nationale |