Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1998-1999)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 24

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 20 janvier 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente

SOMMAIRE

 

pages

– Projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l’efficacité de la procédure pénale (n° 998) (rapport)


2

– Projet de loi, modifié par le Sénat, relatif aux polices municipales (n° 960) (début rapport) ...

12

– Informations relatives à la Commission

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Louis Mermaz, le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l’efficacité de la procédure pénale (n° 998).

Le rapporteur a d’abord rappelé que le projet de loi adopté au Sénat en première lecture comportait deux parties bien distinctes, l’une relative aux alternatives aux poursuites, concernant les majeurs, l’autre regroupant diverses dispositions modifiant le code de procédure pénale. Il a fait remarquer que cette tentative d’améliorer l’efficacité de la procédure judiciaire intervenait à un moment où chacun constate une montée de la délinquance, les statistiques les plus récentes, qui portent sur l’année 1996, montrant que près de 80 % des affaires pénales sont classées sans suite, cette part restant de 50 % lorsque l’auteur de l’infraction est connu. Il a indiqué que le Sénat proposait de retenir le terme de « composition pénale », pour définir un système dans lequel le procureur de la République et l’auteur des faits convenaient ensemble de composer, le second s’exposant toujours à une sanction pénale. Il a souhaité que la Commission rétablisse, à l’article premier, l’énumération des mesures alternatives aux poursuites supprimée par le Sénat. Après avoir rappelé qu’en 1995 le Conseil constitutionnel avait censuré des dispositions similaires par leur objet, en considérant que le parquet ne pouvait imposer des mesures s’apparentant à des peines en l’absence d’intervention d’un juge du siège, il a estimé qu’un point central du débat était de définir, d’une part, qui pouvait être habilité par le procureur pour proposer la composition pénale, d’autre part, où cette composition pourrait être proposée tribunal, commissariat de police, ou encore maison de justice et du droit.

Mme Christine Lazerges a souhaité insister sur l’importance du projet de loi et sur le niveau inquiétant des statistiques d’affaires non élucidées et de classement sans suite. Après avoir à son tour rappelé la tentative du législateur de mettre en place une procédure d’injonction pénale, mise en échec par la décision du Conseil constitutionnel du 15 février 1995, elle a signalé que le rapport de la mission qu’elle avait conduite avec M. Jean-Pierre Balduyck sur les réponses à apporter à la délinquance des mineurs préconisait de substituer aux termes mal venus de « classement sans suite », ceux de « classement sans poursuite ». Dans cet esprit, elle a considéré que le titre du projet de loi devait être corrigé, le vocable d’« alternatives aux poursuites » étant peu compréhensible pour les non spécialistes et risquant de faire l’objet d’interprétations erronées.

M. Gérard Gouzes a approuvé les appréciations de Mme Christine Lazerges sur l’importance du projet et l’excessive proportion des classements sans suite et insisté sur le retard considérable accumulé de longue date dans les moyens de la justice, en dépit de l’effort énergique de remise à niveau de son budget depuis deux ans. Il a annoncé le dépôt d’un amendement tendant à rectifier le titre du projet de loi. Evoquant l’option retenue par le projet de loi consistant à confier au procureur le soin de fixer une proposition de sanction qui doit être acceptée par le prévenu, il s’est demandé si la procédure des ordonnances pénales n’aurait pas apporté une solution moins complexe. Il a enfin considéré que la punition ne pouvait être fixée au commissariat de police, la justice devant à ses yeux être rendue en forme solennelle.

M. Claude Goasguen a fait connaître l’intention du groupe Démocratie libérale de participer de façon constructive au débat sur un projet de loi important et qui rencontre l’actualité. Il a estimé que, même si tous les gouvernements avaient apporté leur contribution à l’amélioration des moyens de la justice, le problème était aujourd’hui d’améliorer l’utilisation de ces moyens, soulignant que les meilleurs textes de procédure ne permettaient pas de se dispenser d’une telle démarche.

Tout en considérant que ce projet de loi contribuerait de façon significative à améliorer le crédit de la justice, M. Jacques Floch a souligné qu’il était la rançon d’un système judiciaire fonctionnant selon des principes anciens jamais remis en cause, qu’il s’agisse de la carte judiciaire, des règles de fonctionnement des cours ou de l’accaparement des magistrats par les tâches de gestion des juridictions et de l’administration. Estimant que nos concitoyens n’admettaient plus la fréquence des classements sans suite, il a rejoint les propos des précédents orateurs sur la nécessité d’améliorer le titre du projet de loi. Constatant que les petites affaires devaient trouver une réponse judiciaire, il a insisté pour que cette réponse soit apportée dans un lieu de justice nettement identifié.

Le rapporteur a apporté les éléments de réponse suivants :

—  On ne peut que se réjouir des efforts de la Chancellerie pour tenter de mieux cerner statistiquement les suites apportées aux infractions pénales même lorsque ces dernières se traduisent par un classement, comme le démontre l’expérimentation conduite dans quatre ressorts judiciaires au cours des premiers mois de 1997.

—  Les propositions de modification du titre du projet de loi sont intéressantes en ce qu’elles révèlent une approche se gardant à la fois du laxisme et de la judiciarisation excessive.

—  Il est exact que le budget de la justice a été considérablement renforcé depuis deux ans, mais l’effort doit être poursuivi. On ne peut se cacher que le présent projet de loi ne fait figure que de palliatif.

—  S’agissant de la réforme de la carte judiciaire, quelle que soit sa nécessité, il faut être conscient qu’elle sera certainement difficile à faire accepter par les parlementaires, et plus généralement par les élus.

La Commission est passée à l’examen des articles du projet de loi.

Article premier (art. 41-2 à 41-3 du code de procédure pénale) : Composition pénale :

Dans le souci de clarifier le droit applicable, la Commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant le texte du Gouvernement, qui inscrivait dans l’article 41-1 du code de procédure pénale les différentes mesures alternatives aux poursuites, tout en modifiant les dispositions relatives à la médiation pénale, afin d’indiquer qu’elle doit être organisée par un médiateur extérieur au corps judiciaire. La Commission a également adopté un amendement du rapporteur précisant qu’il serait impossible de recourir à une composition pénale une fois l’action publique mise en mouvement, que ce soit à l’initiative du procureur de la République ou de la victime.

Un débat s’est ensuite engagé sur un amendement de M. Claude Goasguen réservant exclusivement au procureur de la République la faculté de proposer au délinquant une composition pénale. Egalement opposé à ce qu’elle puisse être proposée par un officier ou un agent de police judiciaire, le rapporteur a jugé l’amendement trop restrictif dans la mesure où il supprime également la possibilité pour une personne habilitée de proposer une composition pénale. Après avoir souligné que le projet permettrait à la fois de réprimer plus rapidement les délinquants et de sortir du champ de l’impunité des délits aujourd’hui non sanctionnés, M. Gérard Gouzes a souhaité que les personnes habilitées puissent proposer une composition pénale, sous réserve que la garde des sceaux apporte des précisions sur cette catégorie de personnes. M. Emile Blessig a également jugé indispensable que les personnes habilitées soient clairement définies, tout en souhaitant que la composition pénale reste le monopole de l’institution judiciaire au sens large. Mme Christine Lazerges a estimé qu’il pourrait s’agir des délégués du procureur, catégorie déjà mentionnée dans certains textes précisant en outre les modalités de leur désignation et de leur rémunération. M. Richard Cazenave s’est interrogé sur l’opportunité d’écarter les officiers de police judiciaire qui, étant au contact direct des délinquants et des victimes, apparaissent tout à fait qualifiés pour proposer une composition pénale. M. Claude Goasguen a estimé qu’il était préférable de donner aux magistrats du parquet les moyens d’assurer leurs missions plutôt que de les déléguer à des tiers. Mme la Présidente s’est élevée contre toute présentation réduisant le projet de loi à un palliatif induit par le manque de moyens des juridictions, alors que sa valeur symbolique est déterminante, tant pour les auteurs de délits que pour les victimes. Partageant cette analyse, Mme Christine Lazerges a souligné que, dans bien des hypothèses et sous l’angle d’une bonne administration de la justice, il serait plus efficace d’opter pour l’une des alternatives aux poursuites ou pour la composition pénale plutôt que pour le renvoi devant les juridictions. Après avoir rejeté l’amendement de M. Claude Goasguen, la Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer la possibilité pour un officier ou un agent de police judiciaire de proposer au délinquant une composition pénale mais maintenant cette faculté pour une personne habilitée.

Un débat s’est ensuite engagé sur un amendement du rapporteur ayant pour objet d’étendre la procédure de la composition pénale à la rébellion et à la conduite sous l’empire d’un état alcoolique, celle-ci représentant près d’un tiers des affaires correctionnelles. M. René Dosière s’est inquiété des conséquences de cette extension sur les sanctions prononcées en cas de conduite en état d’ivresse. M. Gérard Gouzes a souhaité que l’usage de stupéfiants figure également dans la liste des délits susceptibles de donner lieu à composition pénale, soulignant qu’en fait, ce délit ne faisait actuellement l’objet d’aucune poursuite. Mme Christine Lazerges a souligné que l’injonction thérapeutique n’était utilisée que pour les toxicomanes et non pour les usagers occasionnels qui comparaissent devant les juridictions. M. Alain Vidalies s’est interrogé sur l’opportunité d’étendre la composition pénale à la conduite sous l’empire d’un état alcoolique. M. Jean-Luc Warsmann s’est également déclaré réservé sur cette extension, qui pourrait accentuer l’hétérogénéité du traitement de l’alcoolémie au volant d’un parquet à l’autre et être perçue comme une mesure de banalisation de ce type de d’infractions alors que, dans le même temps, le Gouvernement est à l’origine de la création d’un délit de grande vitesse. Estimant contraire à la logique du projet d’exclure le recours à une composition pénale pour la conduire sous l’empire d’un état alcoolique, M. Richard Cazenave a proposé, au minimum, de distinguer à l’intérieur de ces infractions celles qui, en fonction de leur degré de gravité ou du quantum de la peine, pourraient relever de la composition pénale. Il s’est également déclaré favorable à l’introduction des infractions liées à l’usage de stupéfiants dans le champ de la composition pénale, point de vue partagé par M. Claude Goasguen qui, par ailleurs, a jugé que l’expression de composition pénale – qui pourrait laisser accroire que le délinquant discutera la sanction – n’était pas satisfaisante et pourrait être avantageusement remplacée par les termes de « sanction immédiate » ou de « délégation pénale ». M. Gérard Gouzes a souligné que le recours à la composition pénale n’aurait pas nécessairement pour conséquence une sanction moindre que si le délinquant avait comparu devant une juridiction et a fait valoir que les audiences correctionnelles pour conduite en état d’ivresse présentaient le plus souvent un caractère mécanique peu satisfaisant. M. René Dosière a, pour sa part, estimé que le fait de se rendre à une audience correctionnelle n’était pas dénué de valeur symbolique pour les victimes, ajoutant que l’expression « composition pénale » n’était guère parlante pour les non juristes. Mme la Présidente a souligné que la composition pénale n’était pas un affadissement de la sanction, mais le moyen de sanctionner des délits qui jusqu’ici passaient à travers les mailles du filet judiciaire. Tout en convenant que les Français étaient peu familiers du « plaider coupable », le rapporteur a souligné que le recours à la composition pénale n’atténuerait pas en soi les sanctions pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique et qu’il s’agissait seulement d’une possibilité d’orientation des plaintes résultant de l’appréciation du procureur au cas par cas. Après avoir adopté un sous-amendement de M. Gérard Gouzes ayant pour objet d’étendre la composition pénale aux délits prévus par l’article L. 628 du code de la santé publique relatif à l’usage de stupéfiants et un sous-amendement de M. René Dosière tendant à exclure du champ de la composition pénale les délits prévus par l’article L. 1er du code de la route, la Commission a adopté l’amendement du rapporteur ainsi modifié.

—  Article 41-2 du code de procédure pénale :

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur ainsi que deux autres amendements du même auteur, l’un qui ramène le montant de l’amende de composition de 50.000 F à 10.000 F et l’autre qui porte de six mois à un an le délai de versement de cette somme.

La Commission a été ensuite saisie d’un amendement du rapporteur précisant que la composition pénale doit être proposée dans un tribunal ou une maison de justice et du droit. Soulignant qu’il lui semblait souhaitable d’écarter les commissariats de police afin de distinguer la phase de l’enquête proprement dite de la proposition de composition pénale, il a observé qu’en visant, en revanche, les maisons de justice, la rédaction qu’il proposait correspondait à la décision antérieure de la Commission de maintenir la possibilité donnée à une personne habilitée de proposer cette composition. Mme Catherine Tasca, présidente, a approuvé cet amendement, suivie par M. Gérard Gouzes qui a considéré que les commissariats de police, sièges des interrogatoires, n’étaient pas des lieux appropriés pour la composition pénale. Observant que les commissaires de police agissaient par délégation judiciaire, M. François Colcombet a, au contraire, estimé que les commissariats de police devaient être considérés comme des lieux de justice. La Commission a adopté l’amendement du rapporteur.

Le rapporteur a ensuite présenté un amendement permettant à l’auteur des faits d’être informé de la possibilité de renoncer à tout moment à la composition pénale. Rappelant que ce débat avait déjà eu lieu à propos de la médiation, M. Jacques Floch a considéré que si l’on acceptait le principe d’une composition, l’accord des parties à celle-ci devait être acquis et qu’à tout le moins, il serait sage d’introduire un délai pour le renoncement à cette procédure ; il a ajouté qu’il conviendrait de s’assurer qu’en pareille hypothèse une procédure juridictionnelle serait bien engagée. M. Richard Cazenave a exprimé la crainte que la possibilité de renoncer à tout moment à la composition pénale ne soit une source d’incohérence par rapport à l’objectif poursuivi, le renoncement pouvant déboucher sur un classement sans suite puisque le parquet apprécie la suite à donner à la procédure. Estimant que les parties devaient être placées sur un pied d’égalité et que l’on ne devait négliger ni les conséquences financières ni les conséquences civiles de la composition pénale, M. François Colcombet a souscrit à la proposition du rapporteur. Mme Christine Lazerges s’est opposée à ce point de vue, faisant observer que le texte apportait toutes les garanties nécessaires aux victimes ; elle a estimé qu’en laissant une trop grande latitude à l’auteur des faits, cet amendement risquait de remettre en cause les avantages de la formule de la composition pénale. Après s’être interrogé sur la décision que serait susceptible de prendre le procureur de la République après un tel renoncement, si l’auteur des faits avait commencé à acquitter son amende, M. Jean-Luc Warsmann a fait valoir que l’amendement du rapporteur aboutissait à donner au délinquant la maîtrise de la procédure – revenant dans le texte du projet de loi au procureur de la République – et instituait, par là même, une justice à la carte. Rappelant que la composition pénale n’était ni une médiation ni une transaction et que s’il appartenait au procureur de la République de la proposer au délinquant, celui-ci devait lui donner son accord, M. Gérard Gouzes a estimé que la possibilité de revenir sur cet accord était contraire à la philosophie du texte ; il a jugé qu’il serait préférable de prévoir un appel dans un délai de trois à cinq jours. M. Claude Goasguen a considéré que l’amendement proposé offrait une possibilité injustifiée de classement de l’affaire. Le rapporteur a souligné que son amendement n’apportait qu’une simple précision rédactionnelle et correspondait à la philosophie du projet de loi qui permet implicitement au délinquant de renoncer à tout moment à la compensation pénale. Il a indiqué que le délinquant ne pouvait pas faire appel et qu’en toute hypothèse l’accord de la victime était implicitement requis pour la mise en œuvre de la composition pénale. Il a fait valoir que si l’auteur de l’infraction décidait d’arrêter la procédure, la prescription serait suspendue et le procureur de la République pourrait poursuivre. Compte tenu des malentendus qu’il suscite, il a néanmoins retiré son amendement, précisant qu’il interrogerait la Garde des sceaux sur cette question au cours du débat.

Puis la Commission a adopté trois amendements du rapporteur : le premier, qui prévoit la transmission de la copie du procès-verbal à la personne à qui est proposée une composition pénale ; le deuxième, qui informe l’auteur des faits et la victime de la validation ou éventuellement du rejet de cette procédure, après que M. François Colcombet se soit interrogé sur les modalités de cette notification ; le troisième, qui suspend la prescription de l’action publique jusqu’à la date d’expiration des délais impartis pour exécuter les différentes mesures de la composition pénale.

—  Article 41-3 du code de procédure pénale :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur indiquant que le montant de l’amende de composition ne devait pas dépasser la moitié du maximum de l’amende encourue en matière contraventionnelle, comme en matière délictuelle.

Puis, elle a adopté l’article premier ainsi modifié.

Après l’article premier (art. 40 du code de procédure pénale) : Nullités des actes réalisés à la suite de dénonciations anonymes :

Un débat s’est engagé sur l’amendement n° 1 de M. Thierry Mariani frappant de nullité les actes effectués à la suite de dénonciations anonymes, sauf lorsqu’il s’agit de prévenir, de rechercher ou de réprimer les mauvais traitements infligés à des mineurs, les infractions portant atteinte à la santé ou à la sécurité des personnes, les actes de terrorisme ou le trafic de stupéfiants. Son auteur a rappelé qu’un amendement similaire présenté par des sénateurs socialistes avait été adopté à la quasi unanimité dans cette assemblée lors de la discussion du projet de loi portant réforme de la procédure criminelle. Après avoir souligné que la plupart des grandes affaires financières avaient été mises à jour par des dénonciations anonymes, M. René Dosière s’est interrogé sur la place de la dénonciation dans la suite de la procédure. M. Arnaud Montebourg a indiqué que la France travaillait actuellement au niveau international à l’adoption de dispositions permettant de protéger les dénonciateurs. Il a souligné que les dénonciations n’avaient aucune valeur juridique, la cour de cassation exigeant des preuves pour apprécier les charges pesant sur une personne. Il a rappelé que les services fiscaux travaillaient essentiellement à partir de dénonciations anonymes, faisant valoir que les dénonciateurs préféraient parfois taire leur identité, notamment dans des affaires impliquant des bandes organisées. M. Jacky Darne a considéré que cet amendement limiterait considérablement le nombre de contrôles fiscaux, observant qu’un contribuable pourrait s’en protéger par l’envoi d’une lettre d’auto-dénonciation anonyme. Rappelant que le contenu de la dénonciation anonyme ne figurait pas toujours dans le dossier, M. François Colcombet a estimé que le débat devait plutôt porter sur l’obligation pour le juge d’en faire état auprès de la personne concernée. Tout en approuvant les propos de M. Arnaud Montebourg, M. Gérard Gouzes a exprimé la crainte que le rejet de l’amendement soit interprété comme un encouragement aux dénonciations anonymes. M. Claude Goasguen s’est déclaré réservé sur cet amendement, tout en estimant que les dénonciations anonymes allaient à l’encontre des principes issus de la Révolution française. Après avoir souligné qu’il ne fallait en aucun cas encourager ce type de pratique, Mme la Présidente a rappelé que les dénonciations anonymes étaient souvent le seul moyen de mettre à jour certaines infractions. Après avoir jugé ce procédé très contestable, le rapporteur s’est déclaré sensible au problème posé par l’auto-dénonciation et a proposé à la Commission, qui l’a suivi, le rejet de l’amendement.

Article 2 (art. 41 du code de procédure pénale) : Coordination :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur qui rétablit cet article abrogeant le dernier alinéa de l’article 41 du code de procédure pénale sur la médiation pénale, par coordination avec le rétablissement à l’article 1er de l’article 41-1 relatif aux différentes mesures alternatives aux poursuites.

Après l’article 2 :

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur : le premier, par coordination avec le nouvel article 41-2 du code de procédure pénale, complète l’article 6 du même code afin de préciser que l’exécution d’une composition pénale éteint l’action publique ; le second étend l’aide juridique à la composition pénale, conformément aux engagements du gouvernement, et procède à une coordination formelle rendue nécessaire par le déplacement de dispositions relatives à la médiation pénale proposé par le projet de loi.

Article 3 (art. 398 et 398-2 du code de procédure pénale) : Compétence du juge unique en matière correctionnelle :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant le texte du gouvernement, qui permet au juge unique, si la complexité des faits le justifie, de renvoyer l’affaire à la collégialité, tout en limitant cette possibilité aux cas où ce renvoi est demandé par les parties ou le ministère public, afin de satisfaire aux exigences posées par le juge constitutionnel en 1975 et a rejeté de ce fait un amendement similaire de M. Claude Goasguen prévoyant la possibilité d’un renvoi d’office. Mme Christine Lazerges a estimé qu’il fallait conserver la possibilité pour le juge unique de renvoyer l’affaire à la collégialité lorsqu’il l’estime nécessaire et a demandé que cette question soit réexaminée avant la discussion du texte en séance publique. Puis la Commission a adopté l’article 3 ainsi modifié.

Article 4 (art. 525 du code de procédure pénale) : Recours à la procédure simplifiée :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 (art. 529 et 529-6 du code de procédure pénale) : Procédure de l’amende forfaitaire :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur abrogeant l’article 529-6 du code de procédure pénale, qui prévoit, dans sa rédaction proposée par le paragraphe III, que la liste des contraventions des quatre premières classes au code de la route faisant l’objet d’une amende forfaitaire est fixée par décret en Conseil d’Etat. Son auteur a souligné que cet article était inutile, puisque le paragraphe II de l’article 5 renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de fixer la liste de l’ensemble des contraventions des quatre premières classes susceptibles de faire l’objet d’une amende forfaitaire. Puis elle a adopté un amendement de coordination du rapporteur, avant d’adopter l’article 5 ainsi modifié.

Articles 5 bis (nouveau) (art. 546 du code de procédure pénale) : Droit d’appel des jugements de police et 6 (art. 53 du code de procédure pénale) : Durée de l’enquête de flagrance :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article 7 (art. 60, 77-1 et 167 du code de procédure pénale) : Examens techniques et scientifiques :

La Commission a rejeté un amendement de M. Claude Goasguen permettant aux officiers de police judiciaire de communiquer les conclusions des examens techniques et scientifiques aux personnes suspectes et aux victimes, même en l’absence d’instruction du procureur de la République, et supprimant la possibilité pour le juge d’instruction de donner connaissance de ces conclusions aux parties une fois l’information ouverte. Le rapporteur a fait valoir que la communication des résultats de ces examens devait rester soumise à l’appréciation du procureur de la République et souligné que la suppression de la communication au cours de l’information allait à l’encontre d’un renforcement des droits des parties. Puis, elle a adopté un amendement du rapporteur précisant que la transmission aux personnes à l’encontre desquelles il existe des indices et aux victimes ne concerne pas les seuls rapports établis à la suite de l’ouverture des scellés, mais l’ensemble des examens techniques et scientifiques. Elle a ensuite adopté l’article 7 ainsi modifié.

Article 8 (art. 72 du code de procédure pénale) : Dessaisissement du procureur de la République et des officiers de police judiciaire au profit du juge d'instruction :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 9 (art. 80 du code de procédure pénale) : Faits nouveaux au cours de l’instruction :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur assurant une coordination avec le rétablissement de l’article 41-1 énumérant les mesures alternatives aux poursuites et l’article 9 ainsi modifié.

Articles 10 (art. 182 du code de procédure pénale) : Droits des personnes mises en examen en cas de renvoi partiel ou de disjonction de la procédure d’instruction et 11 (art. 199 du code de procédure pénale) : Comparution personnelle de la personne incarcérée devant la chambre d'accusation :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article 12 (art. 385 du code de procédure pénale) : Constat des nullités de procédure par le tribunal correctionnel :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur corrigeant une erreur matérielle et l’article 12 ainsi modifié.

Articles 13 (art. 411 du code de procédure pénale) : Jugement d’un prévenu en son absence et 14 (art. 583 du code de procédure pénale) : Recevabilité du pourvoi en cassation :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article 15 (art. 583-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Recevabilité du pourvoi en cassation :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que le pourvoi en cassation peut également porter sur la légalité de la décision refusant qu’une personne soit jugée en son absence en application de l’article 411, avant d’adopter cet article ainsi modifié.

Article 16 (art. 41-1 du code de procédure pénale) : Durée de conservation des scellés :

La Commission a adopté deux amendements identiques du rapporteur et de M. Claude Goasguen portant de six mois à un an le délai à l’issue duquel les objets non restitués deviennent la propriété de l’Etat. Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur fixant à deux mois, au lieu de quarante-cinq jours, le délai dont dispose une personne à compter de la mise en demeure pour réclamer un objet saisi dont la restitution a été décidée. Puis, elle a adopté l’article 16 ainsi modifié.

Après l’article 16 (art. 56 du code de procédure pénale) : Conservation des espèces ou valeurs saisies au cours de l’enquête :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur complétant l’article 56 du code de procédure pénale afin de permettre au procureur de la République d’autoriser le dépôt à la caisse des dépôts et consignations ou à la Banque de France des espèces, lingots, effets ou valeurs saisis au cours de l’enquête, dont la conservation n’est pas utile à la manifestation de la vérité ou à la sauvegarde des droits des personnes intéressées.

Articles 17 et 18 (art. 99-1 et 706-30-1 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Destruction ou aliénation des biens meubles saisis :

A l’article 17, la Commission a adopté deux amendements du rapporteur, l’un modifiant la numérotation proposée, par cohérence avec la loi du 8 janvier 1999 relative aux animaux dangereux qui a créé un article 99-1, l’autre portant le délai dont dispose une personne pour réclamer l’objet saisi à deux mois, par coordination avec l’amendement adopté à l’article 16. Puis elle a adopté l’article 17 ainsi modifié.

Elle a ensuite adopté l’article 18 sans modification.

Article 19 A (nouveau) (art. 626 du code de procédure pénale) : Indemnisation des condamnés reconnus innocents d’une détention provisoire :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant, comme en matière d’indemnisation des détentions provisoires injustifiées, que l’indemnité allouée à un condamné innocenté doit réparer son préjudice matériel et moral. M. Gérard Gouzes a souhaité qu’il soit précisé que l’indemnisation est automatique, considérant que la rédaction actuelle de l’article 626 était peu claire sur ce point. Elle a ensuite adopté l’article 19 A ainsi modifié.

Article 19 B (nouveau) (art. 149 du code de procédure pénale) : Indemnisation à raison d’une détention provisoire :

La Commission a adopté un amendement de suppression présenté par le rapporteur qui, tout en se déclarant favorable au dispositif proposé, a indiqué que des dispositions similaires figuraient à l’article 19 du projet de loi relatif à la protection de la présomption d’innocence.

Article 19 (art. 667-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Renvoi d’une juridiction à une autre à l’initiative du premier président de la cour d’appel :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant la possibilité pour le premier président de la cour d’appel d’ordonner le renvoi de l’affaire devant une juridiction limitrophe. Son auteur a indiqué que cette possibilité pouvait être utile dans certains tribunaux à faible effectif, même si le premier président devait en priorité avoir recours au dispositif des juges placés.

Article 20 (art. 803-1 nouveau du code de procédure pénale) : Généralisation des notifications aux avocats par télécopie :

Un débat s’est engagé sur un amendement du rapporteur substituant à l’avis de réception du destinataire de la copie un simple récépissé. M. Gérard Gouzes a considéré que la télécopie avec récépissé ne présentait pas les mêmes garanties qu’une lettre recommandée avec avis de réception et qu’il convenait donc de maintenir l’exigence d’un avis de réception du destinataire. Le rapporteur a fait valoir que la lettre recommandée ne garantissait pas la remise en mains propres au destinataire, les secrétariats des cabinets d’avocats ayant souvent des délégations de signature. Il a estimé qu’exiger un avis de réception du destinataire était une procédure lourde qui risquait de limiter le recours à la télécopie et souligné que ce dispositif permettrait aux avocats, sciemment ou par négligence, de retarder les délais en n’envoyant pas d’avis de réception. La Commission a néanmoins rejeté l’amendement et adopté l’article 20 sans modification.

Article 21 (art. 694, 695 et 696 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Entraide judiciaire internationale :

—  Article 694 du code de procédure pénal :

La Commission a adopté un amendement de rédaction globale du rapporteur permettant d’indiquer clairement les cas dans lesquels les demandes sont exécutées dans les formes prévues pour l’instruction et l’audience de jugement.

—  Articles 695 et 696 du code de procédure pénale :

La Commission a adopté deux amendements de clarification rédactionnelle du rapporteur.

—  Après l’article 696 du code de procédure pénale :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rappelant les dispositions de la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale qui permettent, en cas d’urgence, aux autorités judiciaires de saisir directement les autorités compétentes de l’Etat requis d’une demande d’entraide internationale. M. Arnaud Montebourg a alors retiré un amendement similaire, soulignant que le dispositif proposé par le rapporteur répondait pleinement à son objectif, bien que ne prévoyant pas l’information préalable du procureur général.

Un débat s’est ensuite engagé sur un amendement de M. Arnaud Montebourg indiquant que les autorités judiciaires saisies d’une demande d’entraide internationale de nature à porter atteinte à la sécurité, à l’ordre public ou à d’autres intérêts essentiels de la Nation, prennent les dispositions nécessaires pour permettre aux autorités compétentes d’apprécier la suite à y donner. Tout en approuvant le dispositif proposé, M. Claude Goasguen s’est inquiété de son application lorsque le projet de loi sur l’indépendance du parquet aura été voté. M. Arnaud Montebourg a souligné que son amendement prévoyait la saisine des autorités compétentes pour refuser la demande et considéré que c’était un élément de sécurisation pour obtenir la réciprocité en matière d’entraide judiciaire. Après que le rapporteur eut souligné que cet amendement permettait d’inscrire dans le code de procédure pénale les dispositions de l’article 2 b de la Convention d’entraide judiciaire de Strasbourg, la Commission l’a adopté, ainsi que l’article 21 ainsi modifié.

Article 22 : Application dans les territoires d’outre-mer et à Mayotte :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Titre :

Après un débat auquel ont pris part M. Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, M. Jacques Floch, M. Arnaud Montebourg et le rapporteur, d’où il est ressorti qu’il était nécessaire de souligner que le texte proposait autant une alternative aux classements sans suite qu’une alternative aux poursuites, M. Gérard Gouzes a retiré son amendement modifiant le titre du projet de loi et s’est engagé à proposer une nouvelle rédaction pour la réunion que la Commission tiendra au titre de l’article 88.

La Commission a ensuite adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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* *

La Commission a commencé l’examen, sur le rapport de M. Jacky Darne, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif aux polices municipales (n° 960).

En préambule, le rapporteur a souligné que le Sénat, sans en bouleverser l’économie, avait largement remanié le texte adopté par l’Assemblée nationale, n’adoptant sans modification que trois mesures de portée mineure. En ce qui concerne la définition des missions des agents de police municipale, il a souligné que le Sénat avait souhaité conforter l’autonomie et les prérogatives des maires, en particulier, d’une part, en substituant au règlement de coordination une « convention » de coordination, formule destinée à privilégier une approche plus négociée de la complémentarité et, d’autre part, en supprimant la possibilité pour le préfet, en cas de blocage, d’organiser seul la coordination entre les polices municipales et les forces étatiques de police. Estimant que cette solution conduisait à conférer au maire un droit de veto sur la mise en œuvre pratique de la coordination qui est la clef de voûte du projet de loi, le rapporteur a néanmoins jugé possible la définition d’un mécanisme qui mette l’accent, dans un premier temps, sur l’incitation à la négociation, tout en autorisant le préfet à arrêter seul les modalités de la complémentarité si le désaccord persiste. Evoquant ensuite les conditions de nomination des agents de police municipale, il a indiqué que les sénateurs avaient refusé le principe du double agrément, préférant s’en tenir à un celui délivré par le seul procureur de la République, option qu’il a considéré difficilement acceptable dès lors que l’agrément par le préfet est conçu comme la traduction institutionnelle de la coordination entre les polices municipales et celles relevant de l’Etat. S’agissant des prérogatives de la commission consultative des polices municipales, le rapporteur a exclu que celle-ci puisse prendre l’initiative d’une demande de vérification d’un service de police municipale mais a admis qu’elle soit amenée à donner son avis sur le code de déontologie des agents de police municipale. En ce qui concerne la mise en commun occasionnelle des moyens de police municipale lors de certaines situations particulières, il a suggéré de retenir la rédaction du Sénat qui prend en compte la circonstance de « l’afflux important de population ». En revanche, il a préconisé le rétablissement du texte de l’Assemblée nationale en matière d’armement, le Sénat ayant souhaité afficher le principe du non armement et ayant assoupli les cas dans lesquels les maires pourraient demander l’armement de leurs policiers municipaux, ainsi qu’en matière d’homogénéité des tenues et de la signalétique.

Après avoir indiqué que les sénateurs avaient adoptés deux dispositions additionnelles relatives, respectivement, au statut des gardes champêtres et au renforcement des prérogatives des inspecteurs de sécurité de la ville de Paris, le rapporteur a abordé la question des compétences judiciaires des agents de police municipale, jugeant que la suppression de la remise d’un récépissé au contrevenant, lorsque celui-ci refuse de déférer à un relevé d’identité, pouvait être maintenue puisque la vérification d’identité, éventuellement diligentée par l’officier de police judiciaire saisi par l’agent de police municipale, donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal. Enfin, au chapitre des dispositions statutaires, il a fait valoir que le Sénat avait rétabli la redevance pour prestation versée au Centre national de la fonction publique territoriale par les communes bénéficiant des actions de formation de leurs agents de police municipale et qu’il avait introduit un article additionnel prévoyant une bonification d’ancienneté à l’instar de celle existant pour les sapeurs-pompiers professionnels ou les fonctionnaires actifs de la police nationale. A cet égard, il a émis des réserves sur le fond de la mesure, mettant en exergue les risques de demandes reconventionnelles formulées par d’autres professions.

M. Robert Pandraud a considéré qu’en matière de tenue et d’équipement, la rédaction du Sénat était préférable, soulignant que le choix d’un uniforme se révélait toujours un exercice complexe dans le cadre d’une procédure centralisée et considérant qu’il valait mieux, en conséquence, laisser une marge de manoeuvre aux collectivités locales quitte à mettre en place, le cas échéant, des commissions décentralisées. Il a ajouté, en outre, que l’hétérogénéité des tenues était de nature à freiner l’émergence de revendications de groupe. Après s’être interrogé sur les conséquences d’une multiplication éventuelle des autorités responsables en matière de police, il a néanmoins reconnu qu’une réflexion pourrait être engagée sur la répartition des compétences et des financements dans ce domaine, rappelant, à cet égard, l’ancien dispositif des « contingents municipaux » appliqués en Ile-de-France, aujourd’hui supprimés. Il a, enfin, estimé que la bonification pour le calcul de la retraite prévue par le Sénat était inacceptable, regrettant qu’un mécanisme comparable ait été mis en place par M. Gaston Defferre, alors ministre de l’intérieur, au profit des policiers nationaux.

M. Jean-Antoine Léonetti, prenant en exemple la question de l’uniforme, a estimé que le projet de loi contestait les pouvoirs du maire en matière de police, tant sur le fond que sur la forme. Déplorant une vision uniquement jacobine de la sécurité publique, il a prôné une approche pragmatique qui permettrait aux maires, qui sont au contact quotidien avec la réalité, de bénéficier de compétences plus étendues et d’une plus grande latitude d’action pour faire face aux insuffisances de la police et de la gendarmerie nationales, notamment vis à vis des personnels et services dont ils ont la charge financière. Tout en se réjouissant, au nom de son groupe, que le projet de loi comble certaines lacunes et admettant la nécessité d’une complémentarité, il a souhaité que celle-ci soit rééquilibrée de sorte qu’elle ne traduise pas une méfiance vis à vis des maires.

M. Dominique Bussereau s’est tout d’abord félicité que le Parlement soit amené à débattre de cette question, en particulier au moment où le débat national sur la sécurité devient particulièrement prégnant. Tout en reconnaissant que l’Etat devait rester responsable au premier chef de la sécurité publique, il a toutefois regretté le caractère excessivement centralisateur du projet de loi, souhaitant que les inflexions apportés par le Sénat dans le sens d’une plus grande autonomie locale soit maintenues. Il a cependant souligné que même ainsi corrigé, le projet comportait des lacunes en matière de sécurité routière, de coopération intercommunale ou de prise en compte de la situation particulière des communes touristiques. Il a enfin évoqué les difficultés rencontrées par les maires pour faire exécuter leurs arrêtés de police par la police nationale, puis a estimé que le parlement ne pourrait faire l’économie d’une réflexion sur l’évolution des pouvoirs de police confiés aux magistrats municipaux.

M. Louis Mermaz a, tout d’abord, jugé que la question de l’uniforme des agents de police municipale avait une portée politique, considérant que les maires devaient conserver une certaine marge de manoeuvre moyennant un encadrement national. Prenant en exemple le cas de la ville de Villejuif qui ne dispose pas de commissariat alors qu’elle compte 50.000 habitants, il a rappelé que les polices municipales avaient, le plus souvent, été créées pour combler les insuffisances des forces de l’ordre dépendant de l’Etat. Enfin, il souhaité que, dans certains cas, la police ou la gendarmerie puissent être placées à la disposition des maires pour l’exécution de certaines missions telles que l’îlotage ou la prévention.

En réponses aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

—  après des années d’hésitation, le projet comble enfin un vide juridique, en définissant les missions et compétences des agents de police municipale, en leur conférant un statut et en institutionnalisant la complémentarité avec les forces qui dépendent de l’Etat, option suggérée par l’ensemble des réflexions conduites jusqu’alors ;

—  en confortant et en élargissant les compétences des agents de police municipale, notamment en matière de circulation routière ou de relevé d’identité, le projet accroît de facto les responsabilités des maires en ces matières ;

—  l’émergence et le développement des polices municipales répond aux insuffisances de la police nationale et de la gendarmerie mais aussi à l’apparition de besoins nouveaux en matière de sécurité ; ces nouvelles tâches doivent cependant être étroitement articulées avec celles imparties aux forces étatiques de police, dès lors que l’Etat garde la responsabilité première de la sécurité publique ;

—  le dispositif relatif à l’uniforme a simplement pour objet de prévenir toute confusion avec la police ou la gendarmerie et aussi de permettre à chacun d’identifier clairement son interlocuteur ; en tout état de cause, la commission consultative des polices municipales, dans laquelle les représentants des maires et des agents de police municipale seront majoritaires, sera à même de formuler des propositions équilibrées.

Le vote sur l’exception d’irrecevabilité n° 1 de M. Jean-Louis Debré ainsi que l’examen du projet de loi ont été renvoyés à la séance que la Commission tiendra demain, jeudi 21 janvier, à 9 heures 30.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a procédé à la nomination de rapporteurs. Ont été désignés :

—  M. Jacques Floch, pour la proposition de loi de M. Laurent Fabius tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 1261 cor.) ;

—  M. Jean Espilondo, pour la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant modification de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers (n° 1259).

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