Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1998-1999)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 39

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 11 mars 1999
(Séance de 9 heures)

Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente,
puis de M. Gérard Gouzes, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

– Projet de loi renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes (n° 1079) (examen des articles)

– Information relative à la Commission – Projet de loi renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes (n° 1079) (examen des articles)


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La Commission a poursuivi l’examen, sur le rapport de Mme Christine Lazerges, du projet de loi renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes (n° 1079).

La Commission a procédé à l’examen des articles du projet de loi.

Article premier (art. préliminaire du code de procédure pénale) : Principes fondamentaux de la procédure pénale :

La Commission a rejeté un amendement présenté par Mme Nicole Catala tendant à préciser la rédaction de l’article préliminaire du code de procédure pénale. Le rapporteur a jugé que la rédaction du projet de loi était plus claire et qu’il convenait de la maintenir, dans la mesure où elle renvoyait à des dispositions existant déjà dans le code.

La Commission a été saisie d’un amendement présenté par le rapporteur, tendant, notamment, à faire ressortir plus nettement les garanties fondamentales dont les personnes poursuivies doivent bénéficier. Le rapporteur a considéré qu’il importait de présenter clairement les principes directeurs du procès pénal et de faire référence au contenu de certaines normes supérieures comme la Convention européenne des droits de l’homme. M. Robert Pandraud s’est interrogé sur la rédaction du dernier alinéa de cet amendement qui prévoit que toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction. Il a souhaité savoir si cette mention impliquait l’institution d’une procédure d’appel des jugements des cours d’assises, précisant qu’il y était, pour sa part, favorable. M. Pierre Albertini a considéré que, si cette dernière phrase soulevait des difficultés, il était préférable de ne pas la retenir et d’attendre la réforme de la procédure criminelle. M. Jean-Pierre Michel a attiré l’attention des commissaires sur le fait qu’il existait également certaines contraventions qui n’étaient soumises à aucune procédure d’appel. Observant que l’amendement proposé par le rapporteur indiquait clairement que les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions devaient être jugées selon les mêmes règles, M. Philippe Houillon a souligné que, dans les faits, il en était souvent tout autrement. Il a insisté sur le fait qu’aujourd’hui, des personnes ayant commis les mêmes infractions n’étaient pas condamnées aux mêmes peines selon les endroits où elles étaient jugées, reconnaissant d’ailleurs que cette forme d’inégalité était difficile à surmonter. Concernant le dernier alinéa de l’amendement, il a estimé qu’il n’avait pas de contenu juridique précis, et ajouté que, s’il visait les personnes condamnées, rien n’était dit des victimes déboutées. Il a considéré également que la rédaction proposée présentait une ambiguïté pour ce qui est de la possibilité d’exercer un recours en appel contre un jugement de cour d’assises. Mme Frédérique Bredin s’est au contraire félicitée de la rédaction proposée par le rapporteur en notant que la question du double degré de juridiction était essentielle et que l’Assemblée nationale avait déjà exprimé son accord sur la nécessité d’instituer un recours en matière criminelle. Le rapporteur a indiqué que son amendement faisait référence au principe du double degré de juridiction, rappelant qu’il reprenait en cela le texte de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a précisé que la partie du projet de loi concernée ici ne portait pas sur les victimes mais bien uniquement sur les personnes poursuivies. A l’issue de cet échange de vues, la Commission a adopté l’amendement présenté par le rapporteur.

En conséquence, plusieurs amendements sont alors devenus sans objet : quatre amendements n° 1, 2, 3 et 4 de M. Patrick Devedjian, le premier qui réaffirme que le principe du contradictoire fait partie intégrante des droits de la défense et qu’aucune mesure restrictive de liberté ne peut être appliquée à une personne qui n’a pas été entendue après avoir pris connaissance de la totalité des charges qui pèsent contre elle, le deuxième précisant que le jugement doit se fonder sur des preuves loyalement obtenues, le troisième supprimant le dernier alinéa du paragraphe II de l’article premier, le dernier d’ordre terminologique ; deux amendements de M. Pierre Albertini, le premier proposant d’adopter l’expression « caractère contradictoire de la procédure » en lieu et place de celle, habituellement utilisée, de « principe du contradictoire », le second rappelant que les personnes mises en accusation doivent être jugées dans un délai raisonnable, conformément aux engagements internationaux ratifiés par la France ; deux amendements d’ordre formel de Mme Nicole Catala ; deux amendements, l’un de M. Alain Tourret et l’autre de M. Philippe Houillon, visant à rappeler que l’information des personnes poursuivies ou suspectées sur leurs droits est un principe qui doit connaître une mise en œuvre immédiate dès la garde à vue ; deux amendements enfin, l’un de M. Alain Tourret et l’autre de M. Claude Goasguen, réaffirmant que l’autorité judiciaire doit, en premier lieu, assurer la protection des droits des victimes.

Après l’article premier :

La Commission a rejeté un amendement de M. Alain Tourret substituant aux termes « chambre d’accusation » ceux de « chambre d’instruction et des libertés ». Le rapporteur a jugé préférable de s’en tenir à la dénomination actuelle, considérant qu’il serait plus opportun de débattre de cette question de dénomination lors de la réforme de la procédure criminelle. Elle a également rejeté un amendement de M. Claude Goasguen prévoyant, comme le précédent, le changement de dénomination de la chambre d’accusation, mais substituant également aux termes « juge d’instruction » ceux de « juge de l’instruction et des libertés ». M. Philippe Houillon a jugé qu’il était souhaitable de procéder à cette substitution, afin de bien montrer que le juge d’instruction doit instruire à charge et à décharge.

Puis la Commission a rejeté un amendement de Mme Nicole Catala prévoyant que toute personne est tenue d’apporter son concours loyal aux investigations de la justice pénale et sanctionnant les dépositions mensongères faites en vue de nuire à la manifestation de la vérité, après que le rapporteur eut rappelé l’existence de l’article 434-13 du code pénal, qui réprime le témoignage mensonger fait sous serment. Elle a également rejeté l’amendement n° 5 de M. Patrick Devedjian prévoyant la motivation des mises en examen, le rapporteur ayant indiqué qu’après avoir examiné cette question avec soin, elle en avait conclu qu’une telle disposition, si elle présentait certains avantages, risquait aussi de soulever des difficultés, notamment au regard du principe de la présomption d’innocence.

La Commission a ensuite été saisie d’un amendement de M. Alain Tourret rappelant que la mission même du juge d’instruction est d’instruire à charge et à décharge. M. Alain Tourret a déploré qu’aujourd’hui l’essentiel de l’instruction soit conduit à charge. Il a exprimé le vœu que le juge d’instruction soit le fléau de la balance et non pas seulement l’un de ses plateaux. Mme Frédérique Bredin a jugé également que ce principe était essentiel et qu’il était important de le rappeler. M. Gérard Gouzes a observé que ce rappel dans la loi ne conduirait malheureusement pas à le rendre effectif dans la pratique judiciaire quotidienne. La Commission a adopté l’amendement de M. Alain Tourret. En conséquence, l’amendement n° 6 de M. Patrick Devedjian, ainsi que deux amendements de M. Pierre Albertini et de Mme Frédérique Bredin ayant le même objet que celui de M. Alain Tourret ont été considérés comme satisfaits. La Commission a également adopté un amendement de M. Philippe Houillon prévoyant que l’ordonnance de règlement comporterait désormais les mentions spécifiques relatives aux diligences accomplies pour instruire à charge et à décharge. M. Philippe Houillon a estimé que s’il était important de réaffirmer le principe de l’instruction à charge et à décharge, il fallait aussi lui donner une traduction concrète, ce qui était l’objet de son amendement. M. Pierre Albertini a fait connaître sa préférence pour un texte de portée plus globale, tandis que M. Robert Pandraud jugeait que, s’il était utile d’affirmer le principe, il était également nécessaire d’en expliciter une application possible.

TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION DE LA PRÉSOMPTION D’INNOCENCE

La Commission a repoussé un amendement d’ordre terminologique de M. Pierre Albertini modifiant l’intitulé du chapitre 1er du titre 1er en introduisant l’expression de « caractère contradictoire de la procédure ». Elle a ensuite adopté trois amendements identiques du rapporteur, de MM. Alain Tourret et Philippe Houillon, modifiant l’intitulé de la section 1 relative à la garde à vue.

Articles additionnels avant l’article 2 :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que le contrôle du procureur de la République sur les gardes à vue devait se traduire par au moins une visite trimestrielle des locaux de gardes à vue. Mme Frédérique Bredin a estimé que cette mesure était importante et qu’il convenait de la rendre obligatoire, alors que le code de procédure pénale en prévoit aujourd’hui seulement la possibilité. M. Gérard Gouzes a souhaité savoir s’il existait des statistiques sur les visites actuellement réalisées par les procureurs. Le rapporteur a indiqué que tel n’était pas le cas pour l’ensemble des parquets, même si certains d’entre eux avaient pris l’initiative de constituer de telles statistiques.

La Commission a ensuite été saisie d’un amendement du rapporteur prévoyant que les personnes entendues comme témoin dans le cadre d’une enquête de flagrance, d’une enquête préliminaire ou au cours d’une commission rogatoire pouvaient, après deux heures d’audition, informer leur famille et leur employeur de leur présence dans un local de police. M. Arnaud Montebourg s’est interrogé sur la sanction applicable au non-respect d’une telle disposition. Le rapporteur a indiqué, en réponse, qu’il s’agissait de celle prévue dans le cadre de l’application des articles 63 et suivants du code de procédure pénale, c’est-à-dire la nullité. Mme Frédérique Bredin a jugé utile de consolider les droits des témoins. M. Gérard Gouzes a constaté qu’aujourd’hui, ces témoins entendus dans un commissariat pouvaient parfaitement téléphoner à leur famille, le rapporteur indiquant cependant que, dans les faits, tel n’était pas hélas toujours le cas. M. Philippe Houillon s’est interrogé sur l’intérêt de cette disposition, dans la mesure où l’on sait toujours où se trouve le témoin, puisque, par définition, il est convoqué par l’autorité de police. M. Robert Pandraud a jugé qu’il serait sans doute plus efficace d’instituer et d’appliquer de véritables sanctions disciplinaires à l’égard des officiers de police judiciaire et des juges d’instruction qui n’exerceraient pas correctement leurs prérogatives. M. Pierre Albertini a appelé à ce qu’on supprime certaines zones imprécises dans la législation relative à l’audition des témoins. M. Alain Vidalies s’est inquiété de dispositions proposées par le rapporteur. Il s’est, en particulier, demandé si, interprété a contrario, ce dispositif ne conduirait pas à interdire au témoin de téléphoner lors des deux premières heures d’audition. M. Alain Tourret a déclaré partager cette inquiétude et a souligné les effets pervers que pouvait susciter une telle rédaction. M. Guy Hascoët a souhaité, quant à lui, que l’on réaffirme le droit de la personne entendue comme témoin de prévenir aussitôt sa famille et son employeur. A l’issue de ce débat, la Commission a rejeté l’amendement présenté par le rapporteur.

La Commission a ensuite été saisie de deux amendements de Mme Frédérique Bredin permettant de limiter la garde à vue aux seuls suspects et précisant les conditions d’audition de témoins dans le cas d’enquête de flagrance et de l’enquête préliminaire. Elle a souligné que ces dispositions reprenaient les principes énoncés à l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a ajouté qu’aujourd’hui l’article 62 du code de procédure pénale permettait de convoquer un témoin de manière contraignante, même sans recourir à la garde à vue. M. Arnaud Montebourg s’est interrogé sur l’état de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière, ainsi que sur le régime des nullités applicable au dispositif. M. Philippe Houillon a exprimé son accord sur le principe évoqué par Mme Frédérique Bredin, mais a considéré qu’il pouvait s’agir là d’une forme de préjugement et que cette distinction nette faite entre témoins et suspects pourrait paradoxalement conduire les juges d’instruction et les policiers à traiter systématiquement les témoins comme des suspects. M. Gérard Gouzes s’est interrogé sur la notion de « temps strictement nécessaire » à l’audition des témoins pendant lequel ceux-ci peuvent être retenus. Le rapporteur s’est déclaré satisfait que l’on mette enfin en conformité notre droit avec les dispositions de la Convention. Elle a souhaité que désormais les témoins soient dans une situation claire et que la garde à vue soit réservée aux seuls suspects. Elle a indiqué, par ailleurs, que la France n’avait pas été condamnée sur ce point précis à l’heure actuelle. Pour ce qui concerne le régime des nullités, elle a précisé qu’il demeurerait celui en vigueur actuellement. Elle a conclu en mentionnant que l’expression « temps strictement nécessaire » relevée par M. Gérard Gouzes existait déjà dans le code de procédure pénale. La Commission a adopté ces deux amendements.

La Commission a examiné trois amendements, l’un de M. Alain Tourret, l’autre n° 37 de M. André Gerin et le troisième de M. Philippe Houillon donnant à la personne gardée à vue le droit de connaître les raisons de son arrestation et les accusations portées contre elle, l’amendement n° 13 de M. Patrick Devedjian, donnant à cette personne le droit d’être informée des indices retenus contre elle ainsi qu’un amendement du rapporteur permettant au gardé à vue d’être informé de la nature de l’infraction sur laquelle porte l’enquête et lui donnant connaissance des dispositions de l’article 77-2. M. Alain Tourret a rappelé que l’article 5-2 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoyait que « toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et toute accusation portée contre elle », ce que M. André Gerin a confirmé. M. Pierre Albertini a souligné que la communication des faits reprochés à la personne arrêtée était au cœur du système des droits de la défense. Considérant que les termes employés par la Convention européenne des droits de l’homme, traduits de l’anglais, n’étaient pas satisfaisants, le rapporteur a indiqué qu’elle trouvait la rédaction de son propre amendement, qui ne reprend pas stricto sensu le texte de la Convention, mieux adaptée. Mme Frédérique Bredin a estimé que la proposition du rapporteur était effectivement la plus raisonnable pour mettre correctement en application les dispositions de la Convention. Défendant son amendement n° 13, M. Patrick Devedjian a considéré qu’il était nécessaire que la personne arrêtée soit informée de l’existence et de la nature des indices faisant présumer qu’elle avait commis ou tenté de commettre une infraction. Rappelant que l’on pouvait être retenu dans un local de police en qualité de témoin ou au titre d’une garde à vue, il a souligné que la procédure envisagée permettrait à la personne retenue de connaître son statut. M. Arnaud Montebourg a considéré qu’un suspect devait connaître les indices ayant conduit à son arrestation. En revanche, il a estimé que tout autre personne retenue dans un local de police en qualité de témoin n’avait pas à prendre connaissance de ces éléments. M. Alain Vidalies a fait observer que, si le défaut de communication des indices entraînait la nullité de la procédure, aucune investigation policière ne serait possible. Le rapporteur a indiqué qu’en cas de placement abusif en garde à vue, le prévenu pourrait faire annuler la procédure. La Commission a rejeté l’amendement présenté par M. Alain Tourret et l’amendement n° 37 de M. André Gerin. Elle a ensuite adopté l’amendement du rapporteur. En conséquence, l’amendement n° 13 de M. Patrick Devedjian et celui présenté par M. Philippe Houillon sont devenus sans objet.

La Commission a ensuite adopté un amendement présenté par Mme Frédérique Bredin modifiant le premier alinéa de l’article 63-1 du code de procédure pénale pour affirmer le droit au silence de la personne placée en garde à vue. En conséquence, l’amendement n° 7 présenté par M. Patrick Devedjian et l’amendement présenté par M. Philippe Houillon, considérés comme satisfaits, sont devenus sans objet. La Commission a également adopté un amendement présenté par le rapporteur modifiant le premier alinéa de l’article 63-2 du code de procédure pénale pour préciser que la personne gardée à vue a le droit de prévenir sa famille ou son employeur dans les meilleurs délais.

Article 2 (art. 63-4 du code de procédure pénale) : Intervention de l’avocat dès le début de la garde à vue :

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Pierre Albertini donnant à la personne placée en garde à vue la possibilité de choisir le moment de l’intervention de son avocat, de l’amendement n° 8 de M. Patrick Devedjian autorisant la présence de l’avocat tout au long de la garde à vue et d’un amendement du rapporteur permettant à l’avocat présent dès la première heure de la garde à vue de revenir à la vingtième heure. M. Pierre Albertini a considéré que l’intervention automatique de l’avocat dès le début de la garde à vue n’était pas judicieuse, soulignant qu’à ce stade de la procédure, il revenait à l’officier de police judiciaire d’informer la personne gardée à vue de ses droits. Il a estimé qu’il serait plus logique de laisser l’intéressé déterminer le moment où il souhaitait que l’avocat intervienne, en disposant du temps nécessaire pour prendre connaissance des faits motivant sa garde à vue, de telle sorte qu’il soit en mesure de l’en informer. Il a par ailleurs approuvé le principe du retour de l’avocat à l’issue de la vingtième heure, soulignant qu’il permettrait de prévenir les mauvais traitements susceptibles d’être infligés à la personne placée en garde à vue. Il a ensuite dénoncé, comme une exception française, la méfiance existant à l’égard des avocats, estimant que le respect des droits de la défense n’était pas contradictoire avec l’efficacité de la répression. M. Robert Pandraud s’est inquiété de l’inégalité qui pourrait apparaître entre les personnes placées en garde à vue, selon qu’elles seraient ou non susceptibles de faire appel aux services d’un avocat. Il a, en outre, insisté sur la difficulté qu’il pourrait y avoir à trouver un avocat dans un délai court, évoquant, par ailleurs, les problèmes que posent la garde à vue des personnes non francophones ayant besoin d’un interprète. Il a enfin souhaité que la multiplication des interventions de l’avocat n’aboutisse pas à « désarmer » les officiers de police judiciaire. M. Alain Tourret a rappelé que toute personne peut bénéficier de l’assistance d’un avocat désigné d’office par le bâtonnier. M. Gérard Gouzes a, pour sa part, considéré qu’il était nécessaire de trouver un équilibre entre le respect des droits de la défense et l’efficacité du travail des enquêteurs. Exprimant son accord avec M. Pierre Albertini sur le rôle que devaient jouer les officiers de police judiciaire pour informer les personnes placées en garde à vue de leurs droits, il a cependant estimé que le dispositif proposé par le rapporteur, permettant l’intervention de l’avocat au début de la garde à vue et à partir de la vingtième heure, était complémentaire. M. Patrick Devedjian a souligné que l’institution de la garde à vue était le résultat d’une tradition de méfiance à l’égard des avocats, rappelant qu’elle avait été mise en place en 1897 après que les avocats eurent enfin obtenu le droit d’entrer dans les cabinets d’instruction. Il a remarqué, par ailleurs, que dans tous les autres pays européens la présence continue de l’avocat au cours de la garde à vue était acquise. Soulignant l’évolution des positions de l’opposition sur ce sujet, Mme Frédérique Bredin a précisé que l’intervention de l’avocat dès la première heure de la garde à vue signifiait que celui-ci pouvait intervenir à tout moment entre la première heure et la vingtième heure. Elle a, par ailleurs, indiqué qu’elle demanderait au Gouvernement des précisions sur les conditions concrètes de venue de l’avocat dans les locaux de la garde à vue.

M. Claude Goasguen a souligné que les parlementaires devaient mener la réforme en ayant conscience que c’est la procédure pénale du XXIème siècle qu’ils mettaient en place. Il a indiqué qu’il présentait un amendement posant le principe selon lequel l’avocat devait être présent au cours des interrogatoires de la personne placée en garde à vue, observant que cette solution, la plus économe et la plus efficace, supposerait une simple coordination des horaires entre l’avocat et les officiers de police judiciaire. Il a regretté que la réforme proposée par le Gouvernement ne procède qu’à des aménagements techniques, jugeant qu’il convenait en fait de s’orienter vers une authentique procédure accusatoire. Après avoir rappelé qu’en 1993 l’opposition avait supprimé le juge des libertés et conforté la procédure inquisitoire, M. Jean-Pierre Michel a remarqué que le passage à une procédure accusatoire nécessiterait l’instauration d’un parquet, composé de fonctionnaires, alors que la révision constitutionnelle en cours allait, au contraire, dans le sens d’une plus grande indépendance des magistrats du parquet. Il a ajouté qu’elle supposerait, en outre, que les tarifs des avocats soient conventionnés et qu’il existe une véritable sécurité sociale judiciaire. Il a conclu qu’engager le débat sur la procédure accusatoire, sans avoir réfléchi aux conséquences pratiques d’une transformation du système, reflétait une attitude démagogique, laissant de côté le problème des inégalités sociales entre les prévenus face aux frais de justice. M. Christophe Caresche a considéré que le véritable intérêt de cet article résidait dans le fait qu’il instaure une logique de vérification des conditions de garde à vue. M. Alain Vidalies s’est interrogé sur le sens du « jusqu’au-boutisme » qui anime les membres de l’opposition. Il s’est félicité que l’Assemblée soit saisie d’un projet mettant en œuvre une évolution concrète et précise. Le rapporteur a jugé que la présence de l’avocat au début de la garde à vue et son retour à la vingtième heure constituaient une solution équilibrée, faisant observer que, depuis que l’avocat pouvait intervenir à la vingtième heure, le nombre des gardes à vue excédant cette durée avait été réduit à 15 %. Rappelant qu’en cas de prolongation de la garde à vue, l’avocat pourrait revenir à la trente-sixième heure, elle a jugé que sa présence continue auprès de la personne placée en garde à vue aurait des incidences financières trop importantes. Par ailleurs, elle a souligné que ni le Président de la République, ni le Gouvernement n’avait envisagé d’orienter la réforme vers la mise en place d’une procédure accusatoire. Ajoutant que celle-ci supposerait la suppression du juge d’instruction, elle a considéré que tel n’était pas l’objet de la réforme proposée, qui vise à améliorer la procédure mixte en vigueur dans notre pays en vue de conforter le respect de la présomption d’innocence. Mme Catherine Tasca, présidente, a jugé que les termes du débat étaient clairement posés puisque le Gouvernement et le Président de la République avaient opté pour un renforcement des droits de la défense au sein du système inquisitoire. A l’issue de ce débat, la Commission a rejeté l’amendement de M. Pierre Albertini et l’amendement n° 8 de M. Patrick Devedjian et adopté, en revanche, l’amendement du rapporteur.

M. Patrick Devedjian a ensuite présenté l’amendement n° 9 précisant que l’absence de l’avocat lors de la garde à vue ne peut constituer un motif de nullité de l’enquête en cours. MM. Jean-Pierre Michel et Gérard Gouzes ont estimé que cette disposition soulignait les contradictions dans le discours de l’opposition qui affiche sa volonté de défendre la présence de l’avocat tout au long de la garde à vue et propose parallèlement d’écarter toute conséquence juridique s’il est absent. Le rapporteur, a indiqué que cet amendement était satisfait par la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation. En conséquence, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a adopté un amendement de coordination de Mme Frédérique Bredin avec l’amendement limitant la garde à vue aux seuls suspects, un amendement similaire de M. Alain Tourret devenant, en conséquence, sans objet. Puis elle a été saisie de deux amendements identiques, l’amendement n° 10 de M. Patrick Devedjian et un amendement de M. Philippe Houillon, donnant aux avocats la faculté d’assister aux interrogatoires de police. Après que Mme Catherine Tasca, présidente, eut indiqué que la présence de l’avocat tout au long de l’interrogatoire avait été précédemment écartée, la Commission a rejeté ces amendements. Elle a également rejeté les amendements de conséquence nos 11 et 12 de M. Patrick Devedjian, ainsi qu’un amendement de M. Philippe Houillon permettant à l’avocat de s’entretenir avec la personne gardée à vue à compter de la dixième heure. Elle a, en revanche, adopté un amendement du rapporteur permettant à l’avocat de s’entretenir avec la personne dont la garde à vue a été prolongée au-delà de vingt-quatre heures, à compter de la douzième heure suivant cette prolongation.

La Commission a ensuite été saisie de deux amendements identiques, l’un de M. Alain Tourret, l’autre de M. Philippe Houillon, visant à supprimer les exceptions à la présence de l’avocat dès la première heure en cas de proxénétisme, d’extorsion de fonds aggravée ou d’infractions commises en bande organisée. M. Patrick Devedjian a fait part à la Commission de son accord avec cet amendement en estimant que le respect de la présomption d’innocence et les droits de la défense ne sauraient connaître une application à géométrie variable. Citant la décision du Conseil constitutionnel du 11 août 1993 relative à la précédente réforme de la procédure pénale, il a fait observer que cette jurisprudence obligeait le législateur à une grande cohérence en cas de distinction entre différents régimes de garde à vue. A cet égard, il a remarqué que la distinction opérée par le projet de loi ne tenait pas compte de l’échelle des peines, pas plus qu’elle ne se fondait sur le critère de l’infraction en bande organisée. En réponse à cette intervention, M. Robert Pandraud a estimé que les distinctions entre les différents régimes de garde à vue n’étaient pas fondées sur la gravité des peines, mais sur la difficulté de l’enquête liée à la nature de certaines infractions. S’il a jugé que le régime spécifique applicable au proxénétisme était discutable, il a considéré qu’il était en revanche justifié pour les autres infractions, du fait qu’elles étaient commises en bande organisée. M. Gérard Gouzes a également souligné la légitimité de ce régime exceptionnel de garde à vue, en expliquant qu’elles concernaient le plus souvent, en raison de la nature des infractions visées, des personnes très au fait de leurs droits. Pour cette raison, il a considéré, pour ces infractions spécifiques, que l’application du régime de droit commun en matière d’accès des avocats aux personnes gardées à vue était susceptible de gêner les enquêteurs. M. Claude Goasguen a indiqué qu’il était favorable au maintien du régime exceptionnel de garde à vue pour certaines infractions, du fait des nécessités pratiques de l’enquête. Sur ce point, il a fait observer que sa prise de position en faveur d’une procédure accusatoire n’était pas contradictoire avec le souci de garantir l’efficacité du travail des enquêteurs. Mme Frédérique Bredin a expliqué que les exceptions au régime de la garde à vue mises en œuvre par le projet de loi se justifiaient, pour chaque infraction concernée, par l’intervention de bandes organisées plutôt que par le critère de la gravité des faits ou des peines encourues. Après avoir fait remarquer que le modèle américain de procédure accusatoire n’avait pas fait la preuve de son efficacité, M. Guy Hascoët a estimé que les exceptions au régime de garde à vue prévues par le projet de loi n’étaient pas réellement justifiées, ajoutant qu’elles pouvaient donner lieu à de nombreux abus. Jugeant que les infractions énumérées au sixième alinéa de l’article 63-4 du code de procédure pénale concernaient en réalité une dizaine de personnes par an, il a considéré qu’elles permettaient en revanche, dans de nombreux cas, de restreindre les droits des personnes gardées à vue sans justification réelle. Il a illustré son propos par les pratiques policières en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, en évoquant la rigueur du régime appliqué aux petits trafiquants, alors même que les politiques de lutte contre le trafic international ne sont pas à la hauteur des enjeux. Mme Christine Lazerges, rapporteur, a estimé qu’il était nécessaire de maintenir les exceptions à la présence de l’avocat dès la première heure de la garde à vue pour les infractions de terrorisme, de trafic de stupéfiants ou de proxénétisme. S’agissant de cette dernière catégorie d’infractions, elle a considéré qu’elle était souvent le fait de bandes organisées disposant de nombreuses ramifications internationales. Elle a, en outre, jugé que la décision du Conseil constitutionnel du 11 août 1993 validait la distinction entre différents régimes de garde à vue pour certaines infractions spécifiques. Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté ces amendements. Elle a également rejeté un amendement de M. Alain Tourret limitant aux seules infractions de terrorisme et de stupéfiants l’exception à la règle de la présence de l’avocat dès la première heure de la garde à vue.

M. Pierre Albertini a ensuite présenté un amendement tendant à prévoir l’enregistrement des interrogatoires et confrontations lors de la garde à vue. Rappelant que la Commission Truche avait proposé cette disposition, il a estimé que l’argument du coût d’une telle mesure, invoqué par la garde des sceaux lors de son audition par la Commission, ne devait pas s’opposer à sa mise en œuvre, du fait des avantages qu’elle présenterait pour les personnes gardées à vue. Mme Frédérique Bredin a jugé que cette proposition était intéressante, mais a estimé qu’il convenait de réfléchir à la nature juridique de l’enregistrement et de son insertion dans les dossiers judiciaires. M. Gérard Gouzes a considéré que cette disposition risquait de se retourner contre les personnes placées en garde à vue, dans la mesure où l’enregistrement de leurs aveux éventuels limiterait les possibilités de rétractation. Il a également jugé que ces enregistrements pourraient donner lieu à des manipulations et qu’ils risquaient de compliquer la tâche de la défense. M. Robert Pandraud a affirmé son hostilité de principe à l’enregistrement des interrogatoires en estimant qu’ils étaient la marque d’une suspicion à l’égard des enquêteurs. Il a, en outre, fait observer que cette disposition risquait de paralyser les services de police en inspirant aux enquêteurs la crainte de faire l’objet de poursuites disciplinaires. Jugeant qu’une telle mesure pouvait se justifier pour les mineurs de 10 à 13 ans, le rapporteur, a considéré qu’elle nécessitait en revanche une réflexion plus approfondie pour les autres catégories de personnes placées en garde à vue. En conséquence, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a alors adopté l’article 2 ainsi modifié.

Après l’article 2 :

La Commission a rejeté l’amendement n° 38 de M. André Gerin tendant à enregistrer les auditions des mineurs de 10 à 13 ans, ainsi qu’un amendement de M. Alain Tourret prévoyant l’enregistrement sonore des auditions de tous les mineurs.

Elle a ensuite été saisie d’un amendement de M. Claude Goasguen tendant à instituer la présentation systématique aux magistrats des personnes dont la garde à vue fait l’objet d’une prolongation. Son auteur a fait observer que cette mesure visait à renforcer les droits des personnes faisant l’objet d’une garde à vue prolongée, en mettant en présence les différentes parties concernées. Affirmant que l’argument du coût d’une telle mesure ne saurait être opposé à une réforme de principe de la procédure pénale, il a indiqué que le législateur devait avant tout procéder en vue d’améliorer le droit et non en fonction des seules considérations de fait. M. Robert Pandraud a fait observer qu’une telle disposition pourrait s’appliquer sans trop de difficulté à Paris, mais qu’elle devenait irréaliste sur le reste du territoire, compte tenu du grand nombre de lieux de garde à vue existant en France. Il a par ailleurs jugé qu’il serait paradoxal de restreindre au profit des magistrats le rôle des officiers de police judiciaire, alors même que la loi vient d’en augmenter le nombre. Il a ainsi estimé qu’il était indispensable de trouver un équilibre entre les pouvoirs de l’officier de police judiciaire, le respect de la présomption d’innocence et l’efficacité de la lutte contre la criminalité. Le rapporteur a également insisté sur le caractère irréaliste de cet amendement, rappelant que certains tribunaux de grande instance pouvaient se trouver à plus de trois heures des lieux de garde à vue de leur ressort et que la France n’en comptait pas moins de 5 000. Elle a, par ailleurs, jugé que les moyens nécessaires au financement de ce dispositif étaient exorbitants au regard de son intérêt. Après avoir jugé qu’il ne fallait pas opposer à un argument de droit un argument de fait fondé sur les contraintes budgétaires, M. Patrick Devedjian a estimé que l’on ne pouvait pas à la fois s’opposer à la présence de l’avocat au cours de la garde à vue et à la présence du magistrat. S’agissant du financement des réformes de la justice, M. Gérard Gouzes a rappelé à l’opposition qu’elle avait adopté une réforme de la cour d’assises instituant un double degré de juridiction, sans prévoir les moyens nécessaires à sa mise en œuvre. M. Arnaud Montebourg a, pour sa part, estimé que l’activité législative ne saurait s’abstraire des moyens nécessaires à la mise en œuvre des règles de droit nouvelles. Il a fait observer que le Gouvernement actuel avait mis un terme à la stagnation des effectifs de la magistrature et qu’il ne serait pas opportun d’imposer aux nouveaux procureurs une présence obligatoire dans les commissariats et les brigades de gendarmerie. La Commission a rejeté cet amendement. Puis elle a adopté un amendement de Mme Frédérique Bredin prévoyant que le procureur de la République est prévenu des gardes à vue dès leur début dans le cadre de l’enquête préliminaire.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Philippe Houillon tendant à prévoir, d’une part, qu’après la première comparution ou la première audition, les avocats peuvent se faire délivrer à leurs frais une copie de pièces du dossier et la transmettre à leur client, cette copie ne pouvant être communiquée à des tiers que pour les besoins de la défense, d’autre part, lorsque l’ordonnance de renvoi est devenue définitive, que le prévenu et la partie civile peuvent se faire délivrer copie du dossier à leurs frais, sauf en cas de peine encourue supérieure à cinq ans d’emprisonnement. Après que le rapporteur eut souligné l’insuffisante précision de la rédaction proposée, M. Alain Vidalies a considéré qu’il était légitime d’ouvrir la possibilité pour l’avocat de transmettre copie de certaines pièces à son client, tout en s’interrogeant sur l’utilité du deuxième volet de l’amendement. Mme Frédérique Bredin a également souligné l’intérêt de l’amendement. M. Patrick Devedjian a justifié le fait que la possibilité d’obtenir copie du dossier ne soit pas prévue lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans de prison, en rappelant que la délivrance est automatique en cas de procès d’assises. M. Claude Goasguen a proposé de modifier la rédaction de l’amendement pour porter le seuil à dix ans d’emprisonnement, afin de le faire coïncider avec la limite de compétence de la cour d’assises. M. Arnaud Montebourg a exprimé des réserves sur la disposition interdisant la communication aux tiers, excepté pour les besoins de la défense. M. Jean-Pierre Michel a considéré que ce dispositif ouvrait un risque de publication totale ou partielle du dossier en cours d’instruction. Après que la présidente eut suggéré que le dispositif de cet amendement soit amélioré avant d’être à nouveau soumis à la Commission, l’amendement a été retiré.

Article 3 (art. 115 et 116 du code de procédure pénale) : Modalités de désignation de l’avocat par une personne détenue ou au cours de la première comparution :

La Commission a été saisie de l’amendement n° 14 de M. Patrick Devedjian tendant à la suppression du paragraphe I de l’article, qui prévoit que la personne détenue peut choisir son avocat par courrier, ce choix devant être confirmé au juge d’instruction dans les quinze jours. M. Patrick Devedjian a estimé que cette disposition, qui correspond à la pratique actuelle, n’était qu’une fausse simplification, risquant de retarder sensiblement la communication des pièces aux personnes mises en examen. M. Pierre Albertini a présenté un amendement tendant à supprimer l’obligation pour le détenu de confirmer le choix de son avocat dans les quinze jours. Mme Frédérique Bredin, renvoyant à l’exposé des motifs du projet de loi, a insisté sur les délais résultant de la rédaction actuelle de l’article 115 du code de procédure pénale, lorsque l’avocat reçoit directement une lettre d’un détenu le désignant pour assurer sa défense. Le rapporteur a fait valoir que le délai de quinze jours demeurait justifié, au moins pour les cas où l’avocat refuserait de défendre le client qui l’aurait désigné. M. Arnaud Montebourg a estimé que la confirmation restait nécessaire, le courrier du client n’étant pas toujours suffisant ; il a cependant admis que l’on pouvait s’interroger sur la durée du délai. M. Pierre Albertini a alors rectifié son amendement, sur la proposition du rapporteur pour prévoir que le délai de confirmation de quinze jours ne fait pas obstacle à la libre communication du dossier à l’avocat. La Commission l’a adopté et a, en conséquence, rejeté l’amendement n° 14 de M. Patrick Devedjian.

Elle a ensuite adopté un amendement de précision du rapporteur, puis l’article 3 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 3 :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à prévoir, à l’article 80-1 du code de procédure pénale, que la mise en examen doit être conditionnée à l’existence d’indices précis, après que M. Pierre Albertini eut émis des réserves sur l’instauration d’une gradation subtile entre indices, indices précis et preuves.

Article 4 (art. 82-1 du code de procédure pénale) : Droit des parties de demander tout acte nécessaire à la manifestation de la vérité :

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Claude Goasguen proposant une nouvelle rédaction de l’article destinée à accélérer les procédures d’instruction en organisant notamment un débat d’orientation associant les parties à la construction du dossier. Soulignant que cet amendement, à la différence de plusieurs autres, n’avait pas pour objet d’instituer une procédure accusatoire, M. Claude Goasguen a insisté sur l’importance du stade de la procédure concerné par cet article, qui vise la rencontre de la personne mise en examen avec le juge d’instruction. M. Arnaud Montebourg s’étant interrogé sur la réalité de l’amélioration résultant de l’amendement de M. Claude Goasguen et le rapporteur ayant insisté sur la complexité du dispositif proposé, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a, en revanche, adopté un amendement présenté par le rapporteur permettant d’inscrire à l’article 82-1 du code de procédure pénale, et non à l’article 82-2 comme le prévoit le projet, l’obligation pour les parties de formuler avec précision leur demande d’actes. Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Alain Tourret réduisant les délais de réponse aux différentes mesures demandées par la personne mise en examen, le rapporteur ayant précisé que le délai de quinze jours proposé par l’amendement lui paraissait trop court. La Commission a également rejeté un amendement du même auteur ayant pour objet d’autoriser les parties à demander une enquête de personnalité, puis un amendement de M. Philippe Houillon visant à préciser la procédure de demande d’actes au juge d’instruction.

La Commission a adopté l’article 4 ainsi modifié.

Après l’article 4 :

La Commission a rejeté deux amendements identiques, l’un n° 39 de M. André Gerin, l’autre de M. Philippe Houillon, enjoignant au juge d’instruction de prévenir la personne mise en examen qu’elle a droit au silence, le rapporteur ayant fait valoir que la rédaction actuelle de l’article 116 paraissait suffisamment protectrice. Elle a ensuite examiné trois amendements similaires, de MM. Alain Tourret, Pierre Albertini et Philippe Houillon, permettant aux avocats des parties et au procureur de la République d’intervenir plus activement dans les interrogatoires, confrontations et auditions. Le rapporteur ayant indiqué que ces amendements lui paraissaient aller à l’encontre du rôle du juge d’instruction, à qui il revient seul de mener l’instruction, M. Claude Goasguen a répondu qu’ils étaient cohérents avec la redéfinition du rôle du juge d’instruction proposée par le projet. M. Pierre Albertini a précisé qu’une telle possibilité n’enlevait pas au juge la direction de l’interrogatoire. Mme Frédérique Bredin a estimé que les amendements proposés permettaient de valider une pratique qui existe déjà. M. Gérard Gouzes a confirmé que l’article 120 de code de procédure pénale donnait déjà la possibilité aux avocats des parties et au procureur de la République de prendre la parole. Le rapporteur s’est inquiété des conséquences qui pourraient résulter pour les victimes d’une telle disposition, évoquant l’exemple des affaires de viol ; elle a jugé nécessaire que le juge d’instruction puisse contrôler les questions posées. Soulignant que, si cette disposition existait déjà, son application dépendait de la pratique des juges, M. Arnaud Montebourg s’est, dès lors, déclaré favorable à ce qu’elle soit expressément inscrite dans la loi. Précisant qu’il préférait la rédaction proposée par M. Pierre Albertini à celle de M. Alain Tourret, il a estimé que l’organisation d’un débat contradictoire au sein du cabinet du juge était indispensable. M. Philippe Houillon a indiqué qu’il retirait son amendement au bénéfice de celui de M. Pierre Albertini. Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté les amendements de MM. Alain Tourret et Pierre Albertini.

Article 5 (art. 156, 164 et 167 du code de procédure pénale) : Renforcement du caractère contradictoire des expertises pénales :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Claude Goasguen ayant pour objet de rendre l’expertise pénale contradictoire en permettant aux parties de participer à l’élaboration des questions et à la désignation des experts. M. Claude Goasguen a indiqué qu’il était nécessaire de cadrer davantage les expertises en permettant aux parties de se mettre d’accord sur les experts désignés. Le rapporteur a rappelé que le principe de l’accord entre les parties existait déjà. Observant que, dans la pratique, beaucoup de juges d’instruction ne le respectaient pas, M. Claude Goasguen a observé que cet amendement permettrait de faire face à la surenchère d’expertises et de contre-expertises, surenchère qui était souvent la conséquence d’une décision unilatérale du juge d’instruction sur le choix des experts. Il a ajouté que le débat contradictoire aiderait les juges à assumer des responsabilités de plus en plus lourdes, précisant que cette disposition recueillait d’ailleurs l’accord d’une large partie des magistrats. M. Pierre Albertini a souligné que l’accord entre les parties se traduirait seulement par la faculté de proposer des noms, ce qui permettrait certainement un gain de temps dans la procédure et préviendrait des demandes de contre-expertises inutiles. Observant que, dans la pratique, un avocat qui estimerait qu’un expert est partial le signalerait toujours au juge d’instruction, M. Arnaud Montebourg s’est dès, lors, interrogé sur l’utilité d’une telle disposition. La Commission a rejeté cet amendement. Puis, elle a rejeté un amendement présenté par M. Alain Tourret permettant au ministère public ou à une des parties de proposer des questions à poser à l’expert, ainsi qu’un amendement du même auteur réduisant les délais de réponse de l’expert. Elle a ensuite adopté un amendement de précision présenté par le rapporteur prévoyant que la notification par lettre recommandée du rapport d’expertise est envoyée aux avocats, à leur demande, et non aux parties. Elle a enfin adopté l’article 5 ainsi modifié.

Après l’article 5 :

La Commission a rejeté deux amendements de M. Claude Goasguen, le premier imposant au procureur de la République de justifier ses réquisitions, le second prévoyant une ordonnance motivée et susceptible d’appel pour les mises en examen.

Article 6 (art. 101, 109 et 153 du code de procédure pénale) : Dispositions relatives au témoin :

La Commission a rejeté deux amendements nos 15 et 16 présentés par M. Patrick Devedjian, concernant la comparution de témoins, puis a adopté l’article 6 sans modification.

Articles 7 et 8 (art. 113-1 à 113-8 et 197-1 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Dispositions relatives au témoin assisté :

La Commission a rejeté un amendement de M. Alain Tourret supprimant les dispositions selon lesquelles toute personne visée par une plainte ou une dénonciation et qui n’est pas mise en examen peut être entendue comme témoin assisté, après que le rapporteur se fut interrogé sur la portée de cette proposition. Elle a, en revanche, adopté un amendement du rapporteur permettant au juge d’instruction de connaître tout changement d’adresse éventuel du témoin assisté, ainsi qu’un amendement du même auteur précisant le contenu de la lettre recommandée informant une personne de sa qualité de témoin assisté. La Commission a ensuite rejeté deux amendements de M. Alain Tourret, le premier prévoyant que le témoin assisté ne peut faire l’objet d’une ordonnance de règlement en dehors d’une ordonnance de non-lieu, et le second indiquant que la qualité de témoin assisté est indépendante de l’existence d’indices graves et concordants, le rapporteur ayant estimé que le texte du projet de loi était suffisamment clair sur ce point. Elle a également rejeté deux amendements identiques présentés respectivement par MM. Philippe Houillon et Pierre Albertini, prévoyant que le témoin assisté prête serment, après que M. Philippe Houillon eut estimé nécessaire de distinguer sans ambiguïté la situation de témoin assisté de celle de mise en examen et que M. Pierre Albertini eut considéré qu’à défaut de serment, le statut de témoin assisté apparaîtrait comme un simple palier précédant la mise en examen. La Commission a enfin rejeté un amendement de M. Alain Tourret précisant les formalités nécessaires lorsque le juge d’instruction met en examen une personne entendue comme témoin assisté, le rapporteur et M. Arnaud Montebourg ayant fait valoir que le projet de loi permettait déjà de répondre à l’objectif poursuivi.

La Commission a adopté l’article 7 ainsi modifié, puis l’article 8 sans modification.

Après l’article 8  :

La Commission a rejeté l’amendement n° 17 de M. Patrick Devedjian, prévoyant que le juge d’instruction peut se déplacer dans son ressort sans avoir à en aviser le procureur de la République, ainsi qu’un amendement de M. Philippe Houillon ouvrant la même faculté lorsque le magistrat instructeur se transporte à l’extérieur de son ressort. La Commission a ensuite examiné l’amendement n° 18 présenté par M. Patrick Devedjian, précisant que l’officier de police judiciaire ne peut procéder à aucune perquisition qui n’est pas visée par la commission rogatoire ou autorisée par le juge mandant. Après que M. Pierre Albertini eut jugé nécessaire d’envisager à terme le rattachement de la police judiciaire au ministère de la justice, que M. Arnaud Montebourg eut fait valoir qu’il n’y avait pas, en pratique, de perquisition réalisée sans information préalable du juge d’instruction duquel émane la commission rogatoire et que le rapporteur eut souligné que la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation encadrait précisément la portée temporelle et spatiale des commissions rogatoires, la Commission a rejeté cet amendement, ainsi qu’un amendement ayant le même objet présenté par M. Philippe Houillon. Elle a également rejeté un amendement de M. Pierre Albertini indiquant qu’une dénonciation, qui ne comporte pas l’identité de son auteur, ne peut être utilisée comme moyen de preuve, son auteur ayant fait observer que si la dénonciation anonyme pouvait permettre le déclenchement d’une poursuite, elle ne devait pas, en revanche, constituer un élément de preuve dans le cadre d’une procédure pénale, M. Arnaud Montebourg rappelant, de son côté, qu’une dénonciation anonyme ne pouvait en aucun cas constituer un élément de preuve en application du droit positif, tout en reconnaissant qu’il pouvait y avoir un débat sur la question de la protection des témoins et des dénonciateurs.

Avant l’article 9 :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur autorisant les questions directes du ministère public et des conseils de l’accusé et de la partie civile dans un procès criminel.

Article 9 (art. 442-1 [nouveau], 442 et 454 du code de procédure pénale) : Renforcement du caractère contradictoire de l’audience correctionnelle :

La Commission a adopté deux amendements identiques, le premier n° 19 de M. Patrick Devedjian et le second de M. Philippe Houillon, prévoyant que le ministère public et les avocats des parties peuvent poser directement des questions au prévenu à l’occasion d’un procès correctionnel, après que M. Patrick Devedjian eut souligné que cet amendement permettrait de pallier les éventuelles interprétations restrictives de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

La Commission a ensuite adopté l’article 9 ainsi modifié.

Après l’article 9 :

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Pierre Albertini prévoyant que les juges d’instruction sont choisis parmi les magistrats ayant plus de cinq années d’expérience, après que Mme Frédérique Bredin eut fait valoir que la question posée était essentiellement celle de la qualité des hommes et celle de la formation et que M. Alain Tourret eut souligné que l’institution de juges de la détention provisoire ayant au moins rang de vice-président permettrait de pallier l’éventuel manque d’expérience des juges d’instruction en ce qui concerne l’acte le plus grave décidé dans le cadre d’une information.

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Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Alain Vidalies rapporteur pour le projet de loi constitutionnelle préalable à la ratification du traité portant statut de la cour pénale internationale.

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