ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de lADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE
COMPTE RENDU N° 39
(Application de l'article 46 du Règlement)
Jeudi 11 mars 1999
(Séance de 9 heures)
Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente,
puis de M. Gérard Gouzes, vice-président
SOMMAIRE
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Projet de loi renforçant la protection de la présomption dinnocence et les droits des victimes (n° 1079) (examen des articles)
Information relative à la Commission Projet de loi renforçant la protection de la présomption dinnocence et les droits des victimes (n° 1079) (examen des articles)
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La Commission a poursuivi lexamen, sur le rapport de Mme Christine Lazerges, du projet de loi renforçant la protection de la présomption dinnocence et les droits des victimes (n° 1079).
La Commission a procédé à lexamen des articles du projet de loi.
Article premier (art. préliminaire du code de procédure pénale) : Principes fondamentaux de la procédure pénale :
La Commission a rejeté un amendement présenté par Mme Nicole Catala tendant à préciser la rédaction de larticle préliminaire du code de procédure pénale. Le rapporteur a jugé que la rédaction du projet de loi était plus claire et quil convenait de la maintenir, dans la mesure où elle renvoyait à des dispositions existant déjà dans le code.
La Commission a été saisie dun amendement présenté par le rapporteur, tendant, notamment, à faire ressortir plus nettement les garanties fondamentales dont les personnes poursuivies doivent bénéficier. Le rapporteur a considéré quil importait de présenter clairement les principes directeurs du procès pénal et de faire référence au contenu de certaines normes supérieures comme la Convention européenne des droits de lhomme. M. Robert Pandraud sest interrogé sur la rédaction du dernier alinéa de cet amendement qui prévoit que toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction. Il a souhaité savoir si cette mention impliquait linstitution dune procédure dappel des jugements des cours dassises, précisant quil y était, pour sa part, favorable. M. Pierre Albertini a considéré que, si cette dernière phrase soulevait des difficultés, il était préférable de ne pas la retenir et dattendre la réforme de la procédure criminelle. M. Jean-Pierre Michel a attiré lattention des commissaires sur le fait quil existait également certaines contraventions qui nétaient soumises à aucune procédure dappel. Observant que lamendement proposé par le rapporteur indiquait clairement que les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions devaient être jugées selon les mêmes règles, M. Philippe Houillon a souligné que, dans les faits, il en était souvent tout autrement. Il a insisté sur le fait quaujourdhui, des personnes ayant commis les mêmes infractions nétaient pas condamnées aux mêmes peines selon les endroits où elles étaient jugées, reconnaissant dailleurs que cette forme dinégalité était difficile à surmonter. Concernant le dernier alinéa de lamendement, il a estimé quil navait pas de contenu juridique précis, et ajouté que, sil visait les personnes condamnées, rien nétait dit des victimes déboutées. Il a considéré également que la rédaction proposée présentait une ambiguïté pour ce qui est de la possibilité dexercer un recours en appel contre un jugement de cour dassises. Mme Frédérique Bredin sest au contraire félicitée de la rédaction proposée par le rapporteur en notant que la question du double degré de juridiction était essentielle et que lAssemblée nationale avait déjà exprimé son accord sur la nécessité dinstituer un recours en matière criminelle. Le rapporteur a indiqué que son amendement faisait référence au principe du double degré de juridiction, rappelant quil reprenait en cela le texte de la Convention européenne des droits de lhomme. Elle a précisé que la partie du projet de loi concernée ici ne portait pas sur les victimes mais bien uniquement sur les personnes poursuivies. A lissue de cet échange de vues, la Commission a adopté lamendement présenté par le rapporteur.
En conséquence, plusieurs amendements sont alors devenus sans objet : quatre amendements n° 1, 2, 3 et 4 de M. Patrick Devedjian, le premier qui réaffirme que le principe du contradictoire fait partie intégrante des droits de la défense et quaucune mesure restrictive de liberté ne peut être appliquée à une personne qui na pas été entendue après avoir pris connaissance de la totalité des charges qui pèsent contre elle, le deuxième précisant que le jugement doit se fonder sur des preuves loyalement obtenues, le troisième supprimant le dernier alinéa du paragraphe II de larticle premier, le dernier dordre terminologique ; deux amendements de M. Pierre Albertini, le premier proposant dadopter lexpression « caractère contradictoire de la procédure » en lieu et place de celle, habituellement utilisée, de « principe du contradictoire », le second rappelant que les personnes mises en accusation doivent être jugées dans un délai raisonnable, conformément aux engagements internationaux ratifiés par la France ; deux amendements dordre formel de Mme Nicole Catala ; deux amendements, lun de M. Alain Tourret et lautre de M. Philippe Houillon, visant à rappeler que linformation des personnes poursuivies ou suspectées sur leurs droits est un principe qui doit connaître une mise en uvre immédiate dès la garde à vue ; deux amendements enfin, lun de M. Alain Tourret et lautre de M. Claude Goasguen, réaffirmant que lautorité judiciaire doit, en premier lieu, assurer la protection des droits des victimes.
Après larticle premier :
La Commission a rejeté un amendement de M. Alain Tourret substituant aux termes « chambre daccusation » ceux de « chambre dinstruction et des libertés ». Le rapporteur a jugé préférable de sen tenir à la dénomination actuelle, considérant quil serait plus opportun de débattre de cette question de dénomination lors de la réforme de la procédure criminelle. Elle a également rejeté un amendement de M. Claude Goasguen prévoyant, comme le précédent, le changement de dénomination de la chambre daccusation, mais substituant également aux termes « juge dinstruction » ceux de « juge de linstruction et des libertés ». M. Philippe Houillon a jugé quil était souhaitable de procéder à cette substitution, afin de bien montrer que le juge dinstruction doit instruire à charge et à décharge.
Puis la Commission a rejeté un amendement de Mme Nicole Catala prévoyant que toute personne est tenue dapporter son concours loyal aux investigations de la justice pénale et sanctionnant les dépositions mensongères faites en vue de nuire à la manifestation de la vérité, après que le rapporteur eut rappelé lexistence de larticle 434-13 du code pénal, qui réprime le témoignage mensonger fait sous serment. Elle a également rejeté lamendement n° 5 de M. Patrick Devedjian prévoyant la motivation des mises en examen, le rapporteur ayant indiqué quaprès avoir examiné cette question avec soin, elle en avait conclu quune telle disposition, si elle présentait certains avantages, risquait aussi de soulever des difficultés, notamment au regard du principe de la présomption dinnocence.
La Commission a ensuite été saisie dun amendement de M. Alain Tourret rappelant que la mission même du juge dinstruction est dinstruire à charge et à décharge. M. Alain Tourret a déploré quaujourdhui lessentiel de linstruction soit conduit à charge. Il a exprimé le vu que le juge dinstruction soit le fléau de la balance et non pas seulement lun de ses plateaux. Mme Frédérique Bredin a jugé également que ce principe était essentiel et quil était important de le rappeler. M. Gérard Gouzes a observé que ce rappel dans la loi ne conduirait malheureusement pas à le rendre effectif dans la pratique judiciaire quotidienne. La Commission a adopté lamendement de M. Alain Tourret. En conséquence, lamendement n° 6 de M. Patrick Devedjian, ainsi que deux amendements de M. Pierre Albertini et de Mme Frédérique Bredin ayant le même objet que celui de M. Alain Tourret ont été considérés comme satisfaits. La Commission a également adopté un amendement de M. Philippe Houillon prévoyant que lordonnance de règlement comporterait désormais les mentions spécifiques relatives aux diligences accomplies pour instruire à charge et à décharge. M. Philippe Houillon a estimé que sil était important de réaffirmer le principe de linstruction à charge et à décharge, il fallait aussi lui donner une traduction concrète, ce qui était lobjet de son amendement. M. Pierre Albertini a fait connaître sa préférence pour un texte de portée plus globale, tandis que M. Robert Pandraud jugeait que, sil était utile daffirmer le principe, il était également nécessaire den expliciter une application possible.
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION DE LA PRÉSOMPTION DINNOCENCE
La Commission a repoussé un amendement dordre terminologique de M. Pierre Albertini modifiant lintitulé du chapitre 1er du titre 1er en introduisant lexpression de « caractère contradictoire de la procédure ». Elle a ensuite adopté trois amendements identiques du rapporteur, de MM. Alain Tourret et Philippe Houillon, modifiant lintitulé de la section 1 relative à la garde à vue.
Articles additionnels avant larticle 2 :
La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que le contrôle du procureur de la République sur les gardes à vue devait se traduire par au moins une visite trimestrielle des locaux de gardes à vue. Mme Frédérique Bredin a estimé que cette mesure était importante et quil convenait de la rendre obligatoire, alors que le code de procédure pénale en prévoit aujourdhui seulement la possibilité. M. Gérard Gouzes a souhaité savoir sil existait des statistiques sur les visites actuellement réalisées par les procureurs. Le rapporteur a indiqué que tel nétait pas le cas pour lensemble des parquets, même si certains dentre eux avaient pris linitiative de constituer de telles statistiques.
La Commission a ensuite été saisie dun amendement du rapporteur prévoyant que les personnes entendues comme témoin dans le cadre dune enquête de flagrance, dune enquête préliminaire ou au cours dune commission rogatoire pouvaient, après deux heures daudition, informer leur famille et leur employeur de leur présence dans un local de police. M. Arnaud Montebourg sest interrogé sur la sanction applicable au non-respect dune telle disposition. Le rapporteur a indiqué, en réponse, quil sagissait de celle prévue dans le cadre de lapplication des articles 63 et suivants du code de procédure pénale, cest-à-dire la nullité. Mme Frédérique Bredin a jugé utile de consolider les droits des témoins. M. Gérard Gouzes a constaté quaujourdhui, ces témoins entendus dans un commissariat pouvaient parfaitement téléphoner à leur famille, le rapporteur indiquant cependant que, dans les faits, tel nétait pas hélas toujours le cas. M. Philippe Houillon sest interrogé sur lintérêt de cette disposition, dans la mesure où lon sait toujours où se trouve le témoin, puisque, par définition, il est convoqué par lautorité de police. M. Robert Pandraud a jugé quil serait sans doute plus efficace dinstituer et dappliquer de véritables sanctions disciplinaires à légard des officiers de police judiciaire et des juges dinstruction qui nexerceraient pas correctement leurs prérogatives. M. Pierre Albertini a appelé à ce quon supprime certaines zones imprécises dans la législation relative à laudition des témoins. M. Alain Vidalies sest inquiété de dispositions proposées par le rapporteur. Il sest, en particulier, demandé si, interprété a contrario, ce dispositif ne conduirait pas à interdire au témoin de téléphoner lors des deux premières heures daudition. M. Alain Tourret a déclaré partager cette inquiétude et a souligné les effets pervers que pouvait susciter une telle rédaction. M. Guy Hascoët a souhaité, quant à lui, que lon réaffirme le droit de la personne entendue comme témoin de prévenir aussitôt sa famille et son employeur. A lissue de ce débat, la Commission a rejeté lamendement présenté par le rapporteur.
La Commission a ensuite été saisie de deux amendements de Mme Frédérique Bredin permettant de limiter la garde à vue aux seuls suspects et précisant les conditions daudition de témoins dans le cas denquête de flagrance et de lenquête préliminaire. Elle a souligné que ces dispositions reprenaient les principes énoncés à larticle 5 de la Convention européenne des droits de lhomme. Elle a ajouté quaujourdhui larticle 62 du code de procédure pénale permettait de convoquer un témoin de manière contraignante, même sans recourir à la garde à vue. M. Arnaud Montebourg sest interrogé sur létat de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de lhomme en la matière, ainsi que sur le régime des nullités applicable au dispositif. M. Philippe Houillon a exprimé son accord sur le principe évoqué par Mme Frédérique Bredin, mais a considéré quil pouvait sagir là dune forme de préjugement et que cette distinction nette faite entre témoins et suspects pourrait paradoxalement conduire les juges dinstruction et les policiers à traiter systématiquement les témoins comme des suspects. M. Gérard Gouzes sest interrogé sur la notion de « temps strictement nécessaire » à laudition des témoins pendant lequel ceux-ci peuvent être retenus. Le rapporteur sest déclaré satisfait que lon mette enfin en conformité notre droit avec les dispositions de la Convention. Elle a souhaité que désormais les témoins soient dans une situation claire et que la garde à vue soit réservée aux seuls suspects. Elle a indiqué, par ailleurs, que la France navait pas été condamnée sur ce point précis à lheure actuelle. Pour ce qui concerne le régime des nullités, elle a précisé quil demeurerait celui en vigueur actuellement. Elle a conclu en mentionnant que lexpression « temps strictement nécessaire » relevée par M. Gérard Gouzes existait déjà dans le code de procédure pénale. La Commission a adopté ces deux amendements.
La Commission a examiné trois amendements, lun de M. Alain Tourret, lautre n° 37 de M. André Gerin et le troisième de M. Philippe Houillon donnant à la personne gardée à vue le droit de connaître les raisons de son arrestation et les accusations portées contre elle, lamendement n° 13 de M. Patrick Devedjian, donnant à cette personne le droit dêtre informée des indices retenus contre elle ainsi quun amendement du rapporteur permettant au gardé à vue dêtre informé de la nature de linfraction sur laquelle porte lenquête et lui donnant connaissance des dispositions de larticle 77-2. M. Alain Tourret a rappelé que larticle 5-2 de la Convention européenne des droits de lhomme prévoyait que « toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue quelle comprend, des raisons de son arrestation et toute accusation portée contre elle », ce que M. André Gerin a confirmé. M. Pierre Albertini a souligné que la communication des faits reprochés à la personne arrêtée était au cur du système des droits de la défense. Considérant que les termes employés par la Convention européenne des droits de lhomme, traduits de langlais, nétaient pas satisfaisants, le rapporteur a indiqué quelle trouvait la rédaction de son propre amendement, qui ne reprend pas stricto sensu le texte de la Convention, mieux adaptée. Mme Frédérique Bredin a estimé que la proposition du rapporteur était effectivement la plus raisonnable pour mettre correctement en application les dispositions de la Convention. Défendant son amendement n° 13, M. Patrick Devedjian a considéré quil était nécessaire que la personne arrêtée soit informée de lexistence et de la nature des indices faisant présumer quelle avait commis ou tenté de commettre une infraction. Rappelant que lon pouvait être retenu dans un local de police en qualité de témoin ou au titre dune garde à vue, il a souligné que la procédure envisagée permettrait à la personne retenue de connaître son statut. M. Arnaud Montebourg a considéré quun suspect devait connaître les indices ayant conduit à son arrestation. En revanche, il a estimé que tout autre personne retenue dans un local de police en qualité de témoin navait pas à prendre connaissance de ces éléments. M. Alain Vidalies a fait observer que, si le défaut de communication des indices entraînait la nullité de la procédure, aucune investigation policière ne serait possible. Le rapporteur a indiqué quen cas de placement abusif en garde à vue, le prévenu pourrait faire annuler la procédure. La Commission a rejeté lamendement présenté par M. Alain Tourret et lamendement n° 37 de M. André Gerin. Elle a ensuite adopté lamendement du rapporteur. En conséquence, lamendement n° 13 de M. Patrick Devedjian et celui présenté par M. Philippe Houillon sont devenus sans objet.
La Commission a ensuite adopté un amendement présenté par Mme Frédérique Bredin modifiant le premier alinéa de larticle 63-1 du code de procédure pénale pour affirmer le droit au silence de la personne placée en garde à vue. En conséquence, lamendement n° 7 présenté par M. Patrick Devedjian et lamendement présenté par M. Philippe Houillon, considérés comme satisfaits, sont devenus sans objet. La Commission a également adopté un amendement présenté par le rapporteur modifiant le premier alinéa de larticle 63-2 du code de procédure pénale pour préciser que la personne gardée à vue a le droit de prévenir sa famille ou son employeur dans les meilleurs délais.
Article 2 (art. 63-4 du code de procédure pénale) : Intervention de lavocat dès le début de la garde à vue :
La Commission a été saisie dun amendement de M. Pierre Albertini donnant à la personne placée en garde à vue la possibilité de choisir le moment de lintervention de son avocat, de lamendement n° 8 de M. Patrick Devedjian autorisant la présence de lavocat tout au long de la garde à vue et dun amendement du rapporteur permettant à lavocat présent dès la première heure de la garde à vue de revenir à la vingtième heure. M. Pierre Albertini a considéré que lintervention automatique de lavocat dès le début de la garde à vue nétait pas judicieuse, soulignant quà ce stade de la procédure, il revenait à lofficier de police judiciaire dinformer la personne gardée à vue de ses droits. Il a estimé quil serait plus logique de laisser lintéressé déterminer le moment où il souhaitait que lavocat intervienne, en disposant du temps nécessaire pour prendre connaissance des faits motivant sa garde à vue, de telle sorte quil soit en mesure de len informer. Il a par ailleurs approuvé le principe du retour de lavocat à lissue de la vingtième heure, soulignant quil permettrait de prévenir les mauvais traitements susceptibles dêtre infligés à la personne placée en garde à vue. Il a ensuite dénoncé, comme une exception française, la méfiance existant à légard des avocats, estimant que le respect des droits de la défense nétait pas contradictoire avec lefficacité de la répression. M. Robert Pandraud sest inquiété de linégalité qui pourrait apparaître entre les personnes placées en garde à vue, selon quelles seraient ou non susceptibles de faire appel aux services dun avocat. Il a, en outre, insisté sur la difficulté quil pourrait y avoir à trouver un avocat dans un délai court, évoquant, par ailleurs, les problèmes que posent la garde à vue des personnes non francophones ayant besoin dun interprète. Il a enfin souhaité que la multiplication des interventions de lavocat naboutisse pas à « désarmer » les officiers de police judiciaire. M. Alain Tourret a rappelé que toute personne peut bénéficier de lassistance dun avocat désigné doffice par le bâtonnier. M. Gérard Gouzes a, pour sa part, considéré quil était nécessaire de trouver un équilibre entre le respect des droits de la défense et lefficacité du travail des enquêteurs. Exprimant son accord avec M. Pierre Albertini sur le rôle que devaient jouer les officiers de police judiciaire pour informer les personnes placées en garde à vue de leurs droits, il a cependant estimé que le dispositif proposé par le rapporteur, permettant lintervention de lavocat au début de la garde à vue et à partir de la vingtième heure, était complémentaire. M. Patrick Devedjian a souligné que linstitution de la garde à vue était le résultat dune tradition de méfiance à légard des avocats, rappelant quelle avait été mise en place en 1897 après que les avocats eurent enfin obtenu le droit dentrer dans les cabinets dinstruction. Il a remarqué, par ailleurs, que dans tous les autres pays européens la présence continue de lavocat au cours de la garde à vue était acquise. Soulignant lévolution des positions de lopposition sur ce sujet, Mme Frédérique Bredin a précisé que lintervention de lavocat dès la première heure de la garde à vue signifiait que celui-ci pouvait intervenir à tout moment entre la première heure et la vingtième heure. Elle a, par ailleurs, indiqué quelle demanderait au Gouvernement des précisions sur les conditions concrètes de venue de lavocat dans les locaux de la garde à vue.
M. Claude Goasguen a souligné que les parlementaires devaient mener la réforme en ayant conscience que cest la procédure pénale du XXIème siècle quils mettaient en place. Il a indiqué quil présentait un amendement posant le principe selon lequel lavocat devait être présent au cours des interrogatoires de la personne placée en garde à vue, observant que cette solution, la plus économe et la plus efficace, supposerait une simple coordination des horaires entre lavocat et les officiers de police judiciaire. Il a regretté que la réforme proposée par le Gouvernement ne procède quà des aménagements techniques, jugeant quil convenait en fait de sorienter vers une authentique procédure accusatoire. Après avoir rappelé quen 1993 lopposition avait supprimé le juge des libertés et conforté la procédure inquisitoire, M. Jean-Pierre Michel a remarqué que le passage à une procédure accusatoire nécessiterait linstauration dun parquet, composé de fonctionnaires, alors que la révision constitutionnelle en cours allait, au contraire, dans le sens dune plus grande indépendance des magistrats du parquet. Il a ajouté quelle supposerait, en outre, que les tarifs des avocats soient conventionnés et quil existe une véritable sécurité sociale judiciaire. Il a conclu quengager le débat sur la procédure accusatoire, sans avoir réfléchi aux conséquences pratiques dune transformation du système, reflétait une attitude démagogique, laissant de côté le problème des inégalités sociales entre les prévenus face aux frais de justice. M. Christophe Caresche a considéré que le véritable intérêt de cet article résidait dans le fait quil instaure une logique de vérification des conditions de garde à vue. M. Alain Vidalies sest interrogé sur le sens du « jusquau-boutisme » qui anime les membres de lopposition. Il sest félicité que lAssemblée soit saisie dun projet mettant en uvre une évolution concrète et précise. Le rapporteur a jugé que la présence de lavocat au début de la garde à vue et son retour à la vingtième heure constituaient une solution équilibrée, faisant observer que, depuis que lavocat pouvait intervenir à la vingtième heure, le nombre des gardes à vue excédant cette durée avait été réduit à 15 %. Rappelant quen cas de prolongation de la garde à vue, lavocat pourrait revenir à la trente-sixième heure, elle a jugé que sa présence continue auprès de la personne placée en garde à vue aurait des incidences financières trop importantes. Par ailleurs, elle a souligné que ni le Président de la République, ni le Gouvernement navait envisagé dorienter la réforme vers la mise en place dune procédure accusatoire. Ajoutant que celle-ci supposerait la suppression du juge dinstruction, elle a considéré que tel nétait pas lobjet de la réforme proposée, qui vise à améliorer la procédure mixte en vigueur dans notre pays en vue de conforter le respect de la présomption dinnocence. Mme Catherine Tasca, présidente, a jugé que les termes du débat étaient clairement posés puisque le Gouvernement et le Président de la République avaient opté pour un renforcement des droits de la défense au sein du système inquisitoire. A lissue de ce débat, la Commission a rejeté lamendement de M. Pierre Albertini et lamendement n° 8 de M. Patrick Devedjian et adopté, en revanche, lamendement du rapporteur.
M. Patrick Devedjian a ensuite présenté lamendement n° 9 précisant que labsence de lavocat lors de la garde à vue ne peut constituer un motif de nullité de lenquête en cours. MM. Jean-Pierre Michel et Gérard Gouzes ont estimé que cette disposition soulignait les contradictions dans le discours de lopposition qui affiche sa volonté de défendre la présence de lavocat tout au long de la garde à vue et propose parallèlement décarter toute conséquence juridique sil est absent. Le rapporteur, a indiqué que cet amendement était satisfait par la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation. En conséquence, la Commission a rejeté cet amendement.
La Commission a adopté un amendement de coordination de Mme Frédérique Bredin avec lamendement limitant la garde à vue aux seuls suspects, un amendement similaire de M. Alain Tourret devenant, en conséquence, sans objet. Puis elle a été saisie de deux amendements identiques, lamendement n° 10 de M. Patrick Devedjian et un amendement de M. Philippe Houillon, donnant aux avocats la faculté dassister aux interrogatoires de police. Après que Mme Catherine Tasca, présidente, eut indiqué que la présence de lavocat tout au long de linterrogatoire avait été précédemment écartée, la Commission a rejeté ces amendements. Elle a également rejeté les amendements de conséquence nos 11 et 12 de M. Patrick Devedjian, ainsi quun amendement de M. Philippe Houillon permettant à lavocat de sentretenir avec la personne gardée à vue à compter de la dixième heure. Elle a, en revanche, adopté un amendement du rapporteur permettant à lavocat de sentretenir avec la personne dont la garde à vue a été prolongée au-delà de vingt-quatre heures, à compter de la douzième heure suivant cette prolongation.
La Commission a ensuite été saisie de deux amendements identiques, lun de M. Alain Tourret, lautre de M. Philippe Houillon, visant à supprimer les exceptions à la présence de lavocat dès la première heure en cas de proxénétisme, dextorsion de fonds aggravée ou dinfractions commises en bande organisée. M. Patrick Devedjian a fait part à la Commission de son accord avec cet amendement en estimant que le respect de la présomption dinnocence et les droits de la défense ne sauraient connaître une application à géométrie variable. Citant la décision du Conseil constitutionnel du 11 août 1993 relative à la précédente réforme de la procédure pénale, il a fait observer que cette jurisprudence obligeait le législateur à une grande cohérence en cas de distinction entre différents régimes de garde à vue. A cet égard, il a remarqué que la distinction opérée par le projet de loi ne tenait pas compte de léchelle des peines, pas plus quelle ne se fondait sur le critère de linfraction en bande organisée. En réponse à cette intervention, M. Robert Pandraud a estimé que les distinctions entre les différents régimes de garde à vue nétaient pas fondées sur la gravité des peines, mais sur la difficulté de lenquête liée à la nature de certaines infractions. Sil a jugé que le régime spécifique applicable au proxénétisme était discutable, il a considéré quil était en revanche justifié pour les autres infractions, du fait quelles étaient commises en bande organisée. M. Gérard Gouzes a également souligné la légitimité de ce régime exceptionnel de garde à vue, en expliquant quelles concernaient le plus souvent, en raison de la nature des infractions visées, des personnes très au fait de leurs droits. Pour cette raison, il a considéré, pour ces infractions spécifiques, que lapplication du régime de droit commun en matière daccès des avocats aux personnes gardées à vue était susceptible de gêner les enquêteurs. M. Claude Goasguen a indiqué quil était favorable au maintien du régime exceptionnel de garde à vue pour certaines infractions, du fait des nécessités pratiques de lenquête. Sur ce point, il a fait observer que sa prise de position en faveur dune procédure accusatoire nétait pas contradictoire avec le souci de garantir lefficacité du travail des enquêteurs. Mme Frédérique Bredin a expliqué que les exceptions au régime de la garde à vue mises en uvre par le projet de loi se justifiaient, pour chaque infraction concernée, par lintervention de bandes organisées plutôt que par le critère de la gravité des faits ou des peines encourues. Après avoir fait remarquer que le modèle américain de procédure accusatoire navait pas fait la preuve de son efficacité, M. Guy Hascoët a estimé que les exceptions au régime de garde à vue prévues par le projet de loi nétaient pas réellement justifiées, ajoutant quelles pouvaient donner lieu à de nombreux abus. Jugeant que les infractions énumérées au sixième alinéa de larticle 63-4 du code de procédure pénale concernaient en réalité une dizaine de personnes par an, il a considéré quelles permettaient en revanche, dans de nombreux cas, de restreindre les droits des personnes gardées à vue sans justification réelle. Il a illustré son propos par les pratiques policières en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, en évoquant la rigueur du régime appliqué aux petits trafiquants, alors même que les politiques de lutte contre le trafic international ne sont pas à la hauteur des enjeux. Mme Christine Lazerges, rapporteur, a estimé quil était nécessaire de maintenir les exceptions à la présence de lavocat dès la première heure de la garde à vue pour les infractions de terrorisme, de trafic de stupéfiants ou de proxénétisme. Sagissant de cette dernière catégorie dinfractions, elle a considéré quelle était souvent le fait de bandes organisées disposant de nombreuses ramifications internationales. Elle a, en outre, jugé que la décision du Conseil constitutionnel du 11 août 1993 validait la distinction entre différents régimes de garde à vue pour certaines infractions spécifiques. Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté ces amendements. Elle a également rejeté un amendement de M. Alain Tourret limitant aux seules infractions de terrorisme et de stupéfiants lexception à la règle de la présence de lavocat dès la première heure de la garde à vue.
M. Pierre Albertini a ensuite présenté un amendement tendant à prévoir lenregistrement des interrogatoires et confrontations lors de la garde à vue. Rappelant que la Commission Truche avait proposé cette disposition, il a estimé que largument du coût dune telle mesure, invoqué par la garde des sceaux lors de son audition par la Commission, ne devait pas sopposer à sa mise en uvre, du fait des avantages quelle présenterait pour les personnes gardées à vue. Mme Frédérique Bredin a jugé que cette proposition était intéressante, mais a estimé quil convenait de réfléchir à la nature juridique de lenregistrement et de son insertion dans les dossiers judiciaires. M. Gérard Gouzes a considéré que cette disposition risquait de se retourner contre les personnes placées en garde à vue, dans la mesure où lenregistrement de leurs aveux éventuels limiterait les possibilités de rétractation. Il a également jugé que ces enregistrements pourraient donner lieu à des manipulations et quils risquaient de compliquer la tâche de la défense. M. Robert Pandraud a affirmé son hostilité de principe à lenregistrement des interrogatoires en estimant quils étaient la marque dune suspicion à légard des enquêteurs. Il a, en outre, fait observer que cette disposition risquait de paralyser les services de police en inspirant aux enquêteurs la crainte de faire lobjet de poursuites disciplinaires. Jugeant quune telle mesure pouvait se justifier pour les mineurs de 10 à 13 ans, le rapporteur, a considéré quelle nécessitait en revanche une réflexion plus approfondie pour les autres catégories de personnes placées en garde à vue. En conséquence, la Commission a rejeté cet amendement.
La Commission a alors adopté larticle 2 ainsi modifié.
Après larticle 2 :
La Commission a rejeté lamendement n° 38 de M. André Gerin tendant à enregistrer les auditions des mineurs de 10 à 13 ans, ainsi quun amendement de M. Alain Tourret prévoyant lenregistrement sonore des auditions de tous les mineurs.
Elle a ensuite été saisie dun amendement de M. Claude Goasguen tendant à instituer la présentation systématique aux magistrats des personnes dont la garde à vue fait lobjet dune prolongation. Son auteur a fait observer que cette mesure visait à renforcer les droits des personnes faisant lobjet dune garde à vue prolongée, en mettant en présence les différentes parties concernées. Affirmant que largument du coût dune telle mesure ne saurait être opposé à une réforme de principe de la procédure pénale, il a indiqué que le législateur devait avant tout procéder en vue daméliorer le droit et non en fonction des seules considérations de fait. M. Robert Pandraud a fait observer quune telle disposition pourrait sappliquer sans trop de difficulté à Paris, mais quelle devenait irréaliste sur le reste du territoire, compte tenu du grand nombre de lieux de garde à vue existant en France. Il a par ailleurs jugé quil serait paradoxal de restreindre au profit des magistrats le rôle des officiers de police judiciaire, alors même que la loi vient den augmenter le nombre. Il a ainsi estimé quil était indispensable de trouver un équilibre entre les pouvoirs de lofficier de police judiciaire, le respect de la présomption dinnocence et lefficacité de la lutte contre la criminalité. Le rapporteur a également insisté sur le caractère irréaliste de cet amendement, rappelant que certains tribunaux de grande instance pouvaient se trouver à plus de trois heures des lieux de garde à vue de leur ressort et que la France nen comptait pas moins de 5 000. Elle a, par ailleurs, jugé que les moyens nécessaires au financement de ce dispositif étaient exorbitants au regard de son intérêt. Après avoir jugé quil ne fallait pas opposer à un argument de droit un argument de fait fondé sur les contraintes budgétaires, M. Patrick Devedjian a estimé que lon ne pouvait pas à la fois sopposer à la présence de lavocat au cours de la garde à vue et à la présence du magistrat. Sagissant du financement des réformes de la justice, M. Gérard Gouzes a rappelé à lopposition quelle avait adopté une réforme de la cour dassises instituant un double degré de juridiction, sans prévoir les moyens nécessaires à sa mise en uvre. M. Arnaud Montebourg a, pour sa part, estimé que lactivité législative ne saurait sabstraire des moyens nécessaires à la mise en uvre des règles de droit nouvelles. Il a fait observer que le Gouvernement actuel avait mis un terme à la stagnation des effectifs de la magistrature et quil ne serait pas opportun dimposer aux nouveaux procureurs une présence obligatoire dans les commissariats et les brigades de gendarmerie. La Commission a rejeté cet amendement. Puis elle a adopté un amendement de Mme Frédérique Bredin prévoyant que le procureur de la République est prévenu des gardes à vue dès leur début dans le cadre de lenquête préliminaire.
Elle a ensuite examiné un amendement de M. Philippe Houillon tendant à prévoir, dune part, quaprès la première comparution ou la première audition, les avocats peuvent se faire délivrer à leurs frais une copie de pièces du dossier et la transmettre à leur client, cette copie ne pouvant être communiquée à des tiers que pour les besoins de la défense, dautre part, lorsque lordonnance de renvoi est devenue définitive, que le prévenu et la partie civile peuvent se faire délivrer copie du dossier à leurs frais, sauf en cas de peine encourue supérieure à cinq ans demprisonnement. Après que le rapporteur eut souligné linsuffisante précision de la rédaction proposée, M. Alain Vidalies a considéré quil était légitime douvrir la possibilité pour lavocat de transmettre copie de certaines pièces à son client, tout en sinterrogeant sur lutilité du deuxième volet de lamendement. Mme Frédérique Bredin a également souligné lintérêt de lamendement. M. Patrick Devedjian a justifié le fait que la possibilité dobtenir copie du dossier ne soit pas prévue lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans de prison, en rappelant que la délivrance est automatique en cas de procès dassises. M. Claude Goasguen a proposé de modifier la rédaction de lamendement pour porter le seuil à dix ans demprisonnement, afin de le faire coïncider avec la limite de compétence de la cour dassises. M. Arnaud Montebourg a exprimé des réserves sur la disposition interdisant la communication aux tiers, excepté pour les besoins de la défense. M. Jean-Pierre Michel a considéré que ce dispositif ouvrait un risque de publication totale ou partielle du dossier en cours dinstruction. Après que la présidente eut suggéré que le dispositif de cet amendement soit amélioré avant dêtre à nouveau soumis à la Commission, lamendement a été retiré.
Article 3 (art. 115 et 116 du code de procédure pénale) : Modalités de désignation de lavocat par une personne détenue ou au cours de la première comparution :
La Commission a été saisie de lamendement n° 14 de M. Patrick Devedjian tendant à la suppression du paragraphe I de larticle, qui prévoit que la personne détenue peut choisir son avocat par courrier, ce choix devant être confirmé au juge dinstruction dans les quinze jours. M. Patrick Devedjian a estimé que cette disposition, qui correspond à la pratique actuelle, nétait quune fausse simplification, risquant de retarder sensiblement la communication des pièces aux personnes mises en examen. M. Pierre Albertini a présenté un amendement tendant à supprimer lobligation pour le détenu de confirmer le choix de son avocat dans les quinze jours. Mme Frédérique Bredin, renvoyant à lexposé des motifs du projet de loi, a insisté sur les délais résultant de la rédaction actuelle de larticle 115 du code de procédure pénale, lorsque lavocat reçoit directement une lettre dun détenu le désignant pour assurer sa défense. Le rapporteur a fait valoir que le délai de quinze jours demeurait justifié, au moins pour les cas où lavocat refuserait de défendre le client qui laurait désigné. M. Arnaud Montebourg a estimé que la confirmation restait nécessaire, le courrier du client nétant pas toujours suffisant ; il a cependant admis que lon pouvait sinterroger sur la durée du délai. M. Pierre Albertini a alors rectifié son amendement, sur la proposition du rapporteur pour prévoir que le délai de confirmation de quinze jours ne fait pas obstacle à la libre communication du dossier à lavocat. La Commission la adopté et a, en conséquence, rejeté lamendement n° 14 de M. Patrick Devedjian.
Elle a ensuite adopté un amendement de précision du rapporteur, puis larticle 3 ainsi modifié.
Article additionnel après larticle 3 :
La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à prévoir, à larticle 80-1 du code de procédure pénale, que la mise en examen doit être conditionnée à lexistence dindices précis, après que M. Pierre Albertini eut émis des réserves sur linstauration dune gradation subtile entre indices, indices précis et preuves.
Article 4 (art. 82-1 du code de procédure pénale) : Droit des parties de demander tout acte nécessaire à la manifestation de la vérité :
La Commission a été saisie dun amendement de M. Claude Goasguen proposant une nouvelle rédaction de larticle destinée à accélérer les procédures dinstruction en organisant notamment un débat dorientation associant les parties à la construction du dossier. Soulignant que cet amendement, à la différence de plusieurs autres, navait pas pour objet dinstituer une procédure accusatoire, M. Claude Goasguen a insisté sur limportance du stade de la procédure concerné par cet article, qui vise la rencontre de la personne mise en examen avec le juge dinstruction. M. Arnaud Montebourg sétant interrogé sur la réalité de lamélioration résultant de lamendement de M. Claude Goasguen et le rapporteur ayant insisté sur la complexité du dispositif proposé, la Commission a rejeté cet amendement.
Elle a, en revanche, adopté un amendement présenté par le rapporteur permettant dinscrire à larticle 82-1 du code de procédure pénale, et non à larticle 82-2 comme le prévoit le projet, lobligation pour les parties de formuler avec précision leur demande dactes. Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Alain Tourret réduisant les délais de réponse aux différentes mesures demandées par la personne mise en examen, le rapporteur ayant précisé que le délai de quinze jours proposé par lamendement lui paraissait trop court. La Commission a également rejeté un amendement du même auteur ayant pour objet dautoriser les parties à demander une enquête de personnalité, puis un amendement de M. Philippe Houillon visant à préciser la procédure de demande dactes au juge dinstruction.
La Commission a adopté larticle 4 ainsi modifié.
Après larticle 4 :
La Commission a rejeté deux amendements identiques, lun n° 39 de M. André Gerin, lautre de M. Philippe Houillon, enjoignant au juge dinstruction de prévenir la personne mise en examen quelle a droit au silence, le rapporteur ayant fait valoir que la rédaction actuelle de larticle 116 paraissait suffisamment protectrice. Elle a ensuite examiné trois amendements similaires, de MM. Alain Tourret, Pierre Albertini et Philippe Houillon, permettant aux avocats des parties et au procureur de la République dintervenir plus activement dans les interrogatoires, confrontations et auditions. Le rapporteur ayant indiqué que ces amendements lui paraissaient aller à lencontre du rôle du juge dinstruction, à qui il revient seul de mener linstruction, M. Claude Goasguen a répondu quils étaient cohérents avec la redéfinition du rôle du juge dinstruction proposée par le projet. M. Pierre Albertini a précisé quune telle possibilité nenlevait pas au juge la direction de linterrogatoire. Mme Frédérique Bredin a estimé que les amendements proposés permettaient de valider une pratique qui existe déjà. M. Gérard Gouzes a confirmé que larticle 120 de code de procédure pénale donnait déjà la possibilité aux avocats des parties et au procureur de la République de prendre la parole. Le rapporteur sest inquiété des conséquences qui pourraient résulter pour les victimes dune telle disposition, évoquant lexemple des affaires de viol ; elle a jugé nécessaire que le juge dinstruction puisse contrôler les questions posées. Soulignant que, si cette disposition existait déjà, son application dépendait de la pratique des juges, M. Arnaud Montebourg sest, dès lors, déclaré favorable à ce quelle soit expressément inscrite dans la loi. Précisant quil préférait la rédaction proposée par M. Pierre Albertini à celle de M. Alain Tourret, il a estimé que lorganisation dun débat contradictoire au sein du cabinet du juge était indispensable. M. Philippe Houillon a indiqué quil retirait son amendement au bénéfice de celui de M. Pierre Albertini. Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté les amendements de MM. Alain Tourret et Pierre Albertini.
Article 5 (art. 156, 164 et 167 du code de procédure pénale) : Renforcement du caractère contradictoire des expertises pénales :
La Commission a examiné un amendement présenté par M. Claude Goasguen ayant pour objet de rendre lexpertise pénale contradictoire en permettant aux parties de participer à lélaboration des questions et à la désignation des experts. M. Claude Goasguen a indiqué quil était nécessaire de cadrer davantage les expertises en permettant aux parties de se mettre daccord sur les experts désignés. Le rapporteur a rappelé que le principe de laccord entre les parties existait déjà. Observant que, dans la pratique, beaucoup de juges dinstruction ne le respectaient pas, M. Claude Goasguen a observé que cet amendement permettrait de faire face à la surenchère dexpertises et de contre-expertises, surenchère qui était souvent la conséquence dune décision unilatérale du juge dinstruction sur le choix des experts. Il a ajouté que le débat contradictoire aiderait les juges à assumer des responsabilités de plus en plus lourdes, précisant que cette disposition recueillait dailleurs laccord dune large partie des magistrats. M. Pierre Albertini a souligné que laccord entre les parties se traduirait seulement par la faculté de proposer des noms, ce qui permettrait certainement un gain de temps dans la procédure et préviendrait des demandes de contre-expertises inutiles. Observant que, dans la pratique, un avocat qui estimerait quun expert est partial le signalerait toujours au juge dinstruction, M. Arnaud Montebourg sest dès, lors, interrogé sur lutilité dune telle disposition. La Commission a rejeté cet amendement. Puis, elle a rejeté un amendement présenté par M. Alain Tourret permettant au ministère public ou à une des parties de proposer des questions à poser à lexpert, ainsi quun amendement du même auteur réduisant les délais de réponse de lexpert. Elle a ensuite adopté un amendement de précision présenté par le rapporteur prévoyant que la notification par lettre recommandée du rapport dexpertise est envoyée aux avocats, à leur demande, et non aux parties. Elle a enfin adopté larticle 5 ainsi modifié.
Après larticle 5 :
La Commission a rejeté deux amendements de M. Claude Goasguen, le premier imposant au procureur de la République de justifier ses réquisitions, le second prévoyant une ordonnance motivée et susceptible dappel pour les mises en examen.
Article 6 (art. 101, 109 et 153 du code de procédure pénale) : Dispositions relatives au témoin :
La Commission a rejeté deux amendements nos 15 et 16 présentés par M. Patrick Devedjian, concernant la comparution de témoins, puis a adopté larticle 6 sans modification.
Articles 7 et 8 (art. 113-1 à 113-8 et 197-1 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Dispositions relatives au témoin assisté :
La Commission a rejeté un amendement de M. Alain Tourret supprimant les dispositions selon lesquelles toute personne visée par une plainte ou une dénonciation et qui nest pas mise en examen peut être entendue comme témoin assisté, après que le rapporteur se fut interrogé sur la portée de cette proposition. Elle a, en revanche, adopté un amendement du rapporteur permettant au juge dinstruction de connaître tout changement dadresse éventuel du témoin assisté, ainsi quun amendement du même auteur précisant le contenu de la lettre recommandée informant une personne de sa qualité de témoin assisté. La Commission a ensuite rejeté deux amendements de M. Alain Tourret, le premier prévoyant que le témoin assisté ne peut faire lobjet dune ordonnance de règlement en dehors dune ordonnance de non-lieu, et le second indiquant que la qualité de témoin assisté est indépendante de lexistence dindices graves et concordants, le rapporteur ayant estimé que le texte du projet de loi était suffisamment clair sur ce point. Elle a également rejeté deux amendements identiques présentés respectivement par MM. Philippe Houillon et Pierre Albertini, prévoyant que le témoin assisté prête serment, après que M. Philippe Houillon eut estimé nécessaire de distinguer sans ambiguïté la situation de témoin assisté de celle de mise en examen et que M. Pierre Albertini eut considéré quà défaut de serment, le statut de témoin assisté apparaîtrait comme un simple palier précédant la mise en examen. La Commission a enfin rejeté un amendement de M. Alain Tourret précisant les formalités nécessaires lorsque le juge dinstruction met en examen une personne entendue comme témoin assisté, le rapporteur et M. Arnaud Montebourg ayant fait valoir que le projet de loi permettait déjà de répondre à lobjectif poursuivi.
La Commission a adopté larticle 7 ainsi modifié, puis larticle 8 sans modification.
Après larticle 8 :
La Commission a rejeté lamendement n° 17 de M. Patrick Devedjian, prévoyant que le juge dinstruction peut se déplacer dans son ressort sans avoir à en aviser le procureur de la République, ainsi quun amendement de M. Philippe Houillon ouvrant la même faculté lorsque le magistrat instructeur se transporte à lextérieur de son ressort. La Commission a ensuite examiné lamendement n° 18 présenté par M. Patrick Devedjian, précisant que lofficier de police judiciaire ne peut procéder à aucune perquisition qui nest pas visée par la commission rogatoire ou autorisée par le juge mandant. Après que M. Pierre Albertini eut jugé nécessaire denvisager à terme le rattachement de la police judiciaire au ministère de la justice, que M. Arnaud Montebourg eut fait valoir quil ny avait pas, en pratique, de perquisition réalisée sans information préalable du juge dinstruction duquel émane la commission rogatoire et que le rapporteur eut souligné que la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation encadrait précisément la portée temporelle et spatiale des commissions rogatoires, la Commission a rejeté cet amendement, ainsi quun amendement ayant le même objet présenté par M. Philippe Houillon. Elle a également rejeté un amendement de M. Pierre Albertini indiquant quune dénonciation, qui ne comporte pas lidentité de son auteur, ne peut être utilisée comme moyen de preuve, son auteur ayant fait observer que si la dénonciation anonyme pouvait permettre le déclenchement dune poursuite, elle ne devait pas, en revanche, constituer un élément de preuve dans le cadre dune procédure pénale, M. Arnaud Montebourg rappelant, de son côté, quune dénonciation anonyme ne pouvait en aucun cas constituer un élément de preuve en application du droit positif, tout en reconnaissant quil pouvait y avoir un débat sur la question de la protection des témoins et des dénonciateurs.
Avant larticle 9 :
La Commission a adopté un amendement du rapporteur autorisant les questions directes du ministère public et des conseils de laccusé et de la partie civile dans un procès criminel.
Article 9 (art. 442-1 [nouveau], 442 et 454 du code de procédure pénale) : Renforcement du caractère contradictoire de laudience correctionnelle :
La Commission a adopté deux amendements identiques, le premier n° 19 de M. Patrick Devedjian et le second de M. Philippe Houillon, prévoyant que le ministère public et les avocats des parties peuvent poser directement des questions au prévenu à loccasion dun procès correctionnel, après que M. Patrick Devedjian eut souligné que cet amendement permettrait de pallier les éventuelles interprétations restrictives de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
La Commission a ensuite adopté larticle 9 ainsi modifié.
Après larticle 9 :
La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Pierre Albertini prévoyant que les juges dinstruction sont choisis parmi les magistrats ayant plus de cinq années dexpérience, après que Mme Frédérique Bredin eut fait valoir que la question posée était essentiellement celle de la qualité des hommes et celle de la formation et que M. Alain Tourret eut souligné que linstitution de juges de la détention provisoire ayant au moins rang de vice-président permettrait de pallier léventuel manque dexpérience des juges dinstruction en ce qui concerne lacte le plus grave décidé dans le cadre dune information.
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Information relative à la Commission
La Commission a désigné M. Alain Vidalies rapporteur pour le projet de loi constitutionnelle préalable à la ratification du traité portant statut de la cour pénale internationale.
fpfp
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