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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES, de la LÉGISLATION et de l’ADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 45

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 24 mars 1999
(Séance de 9 heures)

Présidence de M. Gérard Gouzes, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

– Proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité (n° 1479) (deuxième lecture)

– Information relative à la Commission

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La Commission a examiné, en deuxième lecture, sur le rapport de M. Jean-Pierre Michel, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité (n° 1479).

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur, a jugé que la première lecture au Sénat de la proposition de loi relative au PACS avait au moins eu le mérite de se traduire par une reconnaissance de l’existence des couples homosexuels et de la nécessité de leur accorder des droits. Rappelant que le Sénat avait supprimé le PACS et parallèlement légalisé le concubinage, il a souligné cependant que les sénateurs n’étaient pas allés jusqu’au bout de la logique en refusant de préciser que le concubinage était possible quel que soit le sexe des partenaires, un amendement dans ce sens présenté par les sénateurs socialistes et soutenu par certains centristes ayant été rejeté. Précisant que M. Patrick Bloche et lui-même avaient travaillé sur la base du texte adopté par le Sénat en liaison avec le professeur Jean Hauser, qui approuve le PACS, ainsi qu’avec le professeur Irène Théry, favorable à la légalisation du concubinage, il a fait savoir que le texte qu’il proposait en deuxième lecture à la Commission reprenait le dispositif du PACS, avec les droits qui y sont attachés, mais comportait également une reconnaissance du concubinage, quel que soit le sexe des partenaires. Il a cependant précisé qu’il ne s’agissait nullement de faire du concubinage un statut puisqu’il s’agit d’un état de fait qui peut se prouver par tout moyen, la jurisprudence et le droit social ayant déjà reconnu des droits afférents à ce type d’union.

Article 1er A (nouveau) (art. 9 du code civil) : Liberté de la vie personnelle :

Adoptant un amendement du rapporteur, la Commission a supprimé cet article additionnel introduit par le Sénat, le rapporteur ayant souligné que ses dispositions étaient inutiles puisque la liberté de la vie personnelle est une composante de la liberté individuelle, que le respect de la vie privée comprend le respect de la vie familiale et qu’enfin, la notion de vie privée est clairement définie en droit interne et international.

Article 1er B (nouveau) (art. 144 du code civil) : Définition du mariage :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article, après que le rapporteur eut observé qu’il n’y avait jamais eu la moindre ambiguïté sur le fait que seuls un homme et une femme pouvaient s’unir par les liens du mariage.

Article 1er C (nouveau) (art. 310-1 à 310-3 du code civil) : Définition du concubinage :

Adoptant un amendement du rapporteur, la Commission a supprimé cet article, le rapporteur précisant qu’un nouvel article relatif au concubinage et proposant une autre définition des unions de fait était proposée à l’article 2 bis.

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Renaud Dutreil proposant une définition juridique de la cohabitation, après que M. Claude Goasguen eut indiqué que cette proposition tendait à légaliser des situations de fait, tout en écartant les débats à caractère statutaire, tandis que M. Gérard Gouzes faisait valoir que cet amendement introduirait une nouvelle notion juridique incertaine ouvrant la porte à une multiplication d’interprétations jurisprudentielles.

Article premier (art. 515-1 à 515-7 du code civil) : Pacte civil de solidarité :

La Commission a examiné un amendement du rapporteur proposant le rétablissement du pacte civil de solidarité adopté par l’Assemblée nationale en première lecture moyennant un certain nombre d’ajustements techniques. Le rapporteur a précisé que cet amendement affirmait le caractère conventionnel du PACS, qu’il prévoyait que le pacte doit être visé par le greffier afin de lui conférer date certaine, que la solidarité incluait les dépenses liées au logement et qu’il précisait les conséquences de la rupture du pacte. M. Thierry Mariani a souligné que cet amendement proposait une réécriture complète du dispositif adopté par l’Assemblée nationale, tout en notant qu’il assimilait le pacte à un contrat, option soutenue fermement par l’opposition lors de la première lecture. Insistant sur l’importance des aménagements juridiques apportés au texte initialement adopté par l’Assemblée nationale, M. Claude Goasguen a contesté les méthodes de travail conduisant à examiner dans la précipitation un texte important méritant un large débat. S’il a admis que certaines des modifications proposées pouvaient sembler intéressantes, il a jugé qu’elles mériteraient un examen approfondi. M. Gérard Gouzes a souligné que la nouvelle rédaction proposée par le rapporteur mettait en exergue l’intérêt du travail parlementaire, qui permet d’affiner progressivement les propositions initiales. M. Bernard Birsinger a indiqué que le groupe communiste souhaitait améliorer encore le texte, s’agissant, d’une part, du lieu de signature du pacte pour lequel le groupe communiste souhaite revenir à la mairie, et, d’autre part, des délais prévus pour l’accès aux droits qu’il confère, du statut des cocontractants étrangers et du régime des fratries. Rappelant qu’il s’était efforcé de donner, en première lecture, un climat constructif, acceptant plusieurs propositions de l’opposition, M. Jean-Pierre Michel a également souligné que l’intérêt de la navette était précisément d’améliorer les textes, avant de préciser que la nouvelle rédaction maintenait des délais uniquement en matière d’imposition commune et de donations entre vifs ; la Commission a adopté son amendement.

Articles additionnels après l’article premier :

—  Article 506-1 du code civil : Majeurs placés sous tutelle :

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur interdisant à un majeur placé sous tutelle de conclure un pacte civil de solidarité, après que M. Claude Goasguen eut indiqué qu’il avait déjà présenté, sans succès, un amendement ayant le même objet, lors de la première lecture, et déploré en conséquence que le rapporteur ait été davantage convaincu par l’audition du professeur Hauser que par les arguments défendus par l’opposition.

—  Article 515-8 du code civil : Définition du concubinage :

La Commission a ensuite été saisie d’un amendement, présenté par le rapporteur, ayant pour objet de définir la notion de concubinage. Rappelant que cette définition n’avait pas pour objet de donner un statut au concubinage mais uniquement de le reconnaître comme une situation de fait susceptible de concerner deux personnes de sexe différent ou de même sexe, le rapporteur a précisé que cette définition s’appuierait sur la constatation d’un faisceau d’éléments et qu’elle pourrait se prouver par tout moyen. M. Gérard Gouzes s’est interrogé sur les modalités de reconnaissance du concubinage, rappelant que certaines mairies, s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de cassation, refusaient de délivrer des certificats de concubinage aux couples homosexuels. Le rapporteur a précisé que, dans les cas où la mairie émettrait un tel refus, les couples pourraient s’adresser au tribunal d’instance pour se voir délivrer un certificat de notoriété. M. Claude Goasguen a estimé que la définition du concubinage par le Sénat reprise, après modification, par le rapporteur, apporterait une confusion supplémentaire dans les relations personnelles et regretté que, introduite dans le code civil, ces dispositions déterminent, quoi qu’en dise le rapporteur, un pré-statut au concubinage. Mme Véronique Neiertz s’est au contraire déclarée favorable à un dispositif permettant à la République de reconnaître, pour la première fois, la notion de couple, sans que cette notion soit adossée à celle de la famille ou de la procréation d’enfants. Estimant qu’aucune juridiction n’avait le droit de s’opposer à la reconnaissance d’un couple, quel qu’il soit, elle a insisté sur le fait que la proposition du rapporteur permettrait une clarification du débat vis-à-vis de l’opinion et des juridictions. Rappelant que le droit à la vie privée et la liberté individuelle étaient des principes fondamentaux de la République, M. Gérard Gouzes a reconnu que le texte présenté en première lecture, en ne prévoyant pas de manière explicite le concubinage homosexuel, présentait des lacunes. Il a estimé en conséquence que l’amendement du rapporteur allait dans le sens d’une clarification des situations individuelles. Soulignant que le texte adopté par le Sénat, qui visait les couples sans préciser qu’ils pouvaient être constitués de deux personnes du même sexe, différait ainsi, dans la définition du concubinage, de celui présenté par le rapporteur, M. Claude Goasguen a déploré qu’à côté du statut classique de la famille, présenté comme archaïque, on multiplie des statuts particuliers, tels que pacte civil de solidarité ou concubinage, et estimé que cette option aurait notamment pour conséquence une complexité accrue de la législation. Rappelant que son rapporteur avait écarté la référence aux couples homosexuels en arguant que cette précision était inutile, le rapporteur a considéré, au contraire, que la définition retenue par le Sénat risquait d’être source de confusion, compte tenu notamment de la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation. La Commission a ensuite adopté son amendement.

Article 2 (art. 6 du code général des impôts) : Imposition commune au titre de l’impôt sur le revenu et des impôts directs :

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur rétablissant l’article 2 dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, qui définit les règles de l’imposition commune des partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

Article 2 bis (nouveau) (art. 156 du code général des impôts) : Déduction des avantages consentis aux collatéraux dans le besoin :

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur supprimant cet article, introduit par le Sénat, sur la déductibilité des pensions versées et des avantages en nature consentis aux collatéraux, après que le rapporteur eut précisé que de telles dispositions étaient sans lien avec le texte.

Article 2 ter (nouveau) (art. 6 et 196 B du code général des impôts) : Régime de l’abattement au titre des enfants majeurs et personnes à faibles ressources rattachées au foyer fiscal :

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur tendant à supprimer cet article introduit par le Sénat, dont le rapporteur a considéré qu’il était extérieur au texte parce qu’il relevait du droit de la famille.

Article 3 (art. 777 bis et 779 du code général des impôts) : Tarif et abattement applicables en matière de droits sur les successions et donations :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant l’article 3 dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, définissant les tarifs et abattements applicables en matière de droits sur les successions et donations, après que le rapporteur eut précisé que le délai de deux ans initialement prévu pour pouvoir bénéficier de ces dispositions ne s’appliquerait plus qu’aux seules donations entre vifs. M. Bernard Birsinger a regretté que les partenaires liés par un pacte civil de solidarité ne puissent jouir des mêmes droits que ceux reconnus aux couples mariés et indiqué qu’il déposerait en séance des sous-amendements en ce sens.

Article 3 bis (nouveau) (art. 788 du code général des impôts) : Relèvement et aménagement de l’abattement sur les droits de succession des frères et sœurs :

La Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur tendant à supprimer cet article introduit par le Sénat. Le Rapporteur a observé que cet article modifiait le régime successoral des frères et sœurs et jugé qu’il n’avait donc pas sa place dans le texte. Il a ajouté qu’il n’entendait pas proposer le rétablissement de l’article adopté en première lecture relatif aux fratries. M. Gérard Gouzes a fait part de son accord avec le rapporteur, jugeant que la question des fratries relevait du droit de la famille. Mme Véronique Neiertz s’est également réjouie que les discussions au sein des deux assemblées, ainsi que la pertinence des amendements du rapporteur, contribuent à clarifier le débat en indiquant clairement que ce projet ne concernait que le droit des personnes vivant en couple et non le droit de la famille. Elle a rappelé que le droit de la famille devait bientôt faire l’objet d’une réforme. Soulignant, une fois encore, la nouveauté du texte proposé par le rapporteur, M. Claude Goasguen a dénoncé son caractère aventureux. Il a estimé que les relations personnelles devaient être sécurisées et non déstabilisées et déploré le fait que le droit familial soit trop souvent présenté comme un droit archaïque. Soulignant que les socialistes n’entendaient nullement remettre en cause l’institution familiale, M. Jacques Floch a indiqué que le texte n’avait d’autre objet que de sécuriser la situation des couples, qu’ils soient mariés ou non mariés, hétérosexuels ou homosexuels. La Commission a adopté l’amendement du rapporteur.

Article 4 (art. 885 A, 885 W et 1723 ter-00 B du code général des impôts) : Imposition commune au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture relatif à l’imposition commune des partenaires liés par un PACS au titre de l’impôt sur la fortune.

Article 4 bis A (nouveau) (art. 754 A du code général des impôts) : Assouplissement du régime des contrats d’acquisition en commun :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer cet article, introduit par le Sénat, qui institue un système de franchise pour les droits de succession.

Article 4 bis B (nouveau) : Rapport :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer cet article, adopté par le Sénat, qui obligerait le Gouvernement à déposer sur le bureau des assemblées un rapport d’application de la loi annexé à la loi de finances.

Article 4 bis (art. L. 161-14 du code de la sécurité sociale) : Droits dérivés en matière d’assurance-maladie :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture, qui confirme l’attribution de la qualité d’ayant droit pour les prestations en nature de l’assurance-maladie au partenaire lié par un PACS.

Article 5 (art. L. 223-7, L. 226-1 et L. 784-1 du code du travail) : Droit à congés :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale relatif à la prise en compte du PACS pour l’exercice par les salariés des droits à congé.

Article 5 bis (art. L. 523-2 du code de la sécurité sociale) : Interruption du droit à l’allocation de soutien familial :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture, qui prévoit la cessation du versement de l’allocation de soutien familial aux partenaires liés par un PACS.

Article 5 ter (art. L. 356-3 du code de la sécurité sociale) : Interruption du droit à l’allocation de veuvage :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale relatif à la cessation du versement de l’allocation de veuvage aux partenaires liés par un PACS.

Article 6 : Prise en compte du pacte civil de solidarité pour l’attribution d’un titre de séjour :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale, qui dispose que la conclusion d’un PACS constitue l’un des éléments d’appréciation des liens personnels en France pris en compte pour l’attribution d’un titre de séjour à un étranger.

Article 8 (art. 60 du titre II, art. 54 du titre II et art. 38 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales) : Priorité de mutation des fonctionnaires :

La Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur tendant à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale, qui prévoit que les partenaires liés par un PACS peuvent bénéficier des dispositions relatives au rapprochement des fonctionnaires. M. Claude Goasguen ayant fait remarquer que les dispositions visées étaient rarement appliquées tandis que le rapporteur indiquait que cet amendement ne faisait que reprendre le droit existant, la Commission a adopté l’amendement du rapporteur.

Article 9 (art. 14 et 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) : Continuation du contrat de location et droit de reprise pour habiter :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale qui étend aux partenaires liés par un PACS les dispositions relatives à la continuation du bail et au droit de reprise du bailleur, MM. Claude Goasguen, Pierre Albertini et Thierry Mariani ayant précisé qu’ils étaient favorables à cette disposition.

Article 11 : Décrets d'application :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale, qui détermine dans quelles conditions seront prises les mesures d’application de cette loi.

Titre :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant le titre initial de la proposition de loi et a, en conséquence, rejeté un amendement de M. Renaud Dutreil proposant un autre titre.

La Commission a ensuite adopté l’ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

——fpfp——

Information relative à la Commission

La Commission a désigné Mme Claudine Ledoux rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.


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