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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES, de la LÉGISLATION et de l’ADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 49

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 7 avril 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de Mme Christine Lazerges, vice-présidente

SOMMAIRE

 

pages


– Proposition de loi portant création d'une nouvelle collectivité territoriale : le Haut Conseil de l'agglomération parisienne (n° 1350) (rapport)

– Informations relatives à la Commission

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Pierre Michel, la proposition de loi de M. Georges Sarre portant création d'une nouvelle collectivité territoriale : le Haut Conseil de l'agglomération parisienne (n° 1350).

Après avoir rappelé qu'un Français sur six vivait dans l'agglomération parisienne, M. Jean-Pierre Michel, rapporteur, a souligné que la proposition de M. Georges Sarre créant une nouvelle collectivité territoriale avait pour objet, par le biais d'une démarche fédérative, de mettre fin au clivage, hérité de l'histoire, existant entre Paris et sa banlieue, d’une part, et entre les communes riches et pauvres de la petite couronne, d’autre part. Il a considéré que la création d'un Haut Conseil de l'agglomération parisienne, pourvu d'une forte légitimité et de moyens importants, pourrait traiter de façon globale et cohérente les problèmes d'urbanisme, de pollution et de ségrégation sociale qui pèsent aujourd’hui sur l’agglomération parisienne. Il a, par ailleurs, observé que l’article 72 de la Constitution donnait compétence au législateur pour la création de nouvelles catégories de collectivités territoriales et rappelé que le Conseil constitutionnel avait validé, pour la Corse, l’existence de collectivités sui generis.

Présentant le contenu de la proposition de loi, le rapporteur a d’abord indiqué que le Haut Conseil de l’agglomération parisienne aurait pour champ d’intervention les départements de Paris, des Hauts de Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val de Marne. Remarquant que les modalités d’exercice des compétences de la nouvelle collectivité qui serait créée s’apparenteraient à celles attribuées aux agglomérations par le projet de loi relatif à l’intercommunalité, il a précisé que le Haut Conseil de l’agglomération parisienne exercerait trois types de compétences : les compétences obligatoires, pour lesquelles il se substituerait de plein droit aux communes et aux structures interdépartementales et intercommunales, à savoir la protection de l’environnement et les transports urbains ; les compétences facultatives, énumérées limitativement dans la proposition de loi et résultant d’une délégation votée à la majorité des deux tiers des conseils municipaux concernés ; des compétences complémentaires, transférées avec l’approbation de l’assemblée du Haut Conseil et d’une majorité qualifiée des conseils municipaux des communes intéressées. Le rapporteur a, en outre, indiqué que des conventions pourraient être passées entre le Haut Conseil et les communes et départements de son ressort, en vue de la réalisation d’un projet entrant dans ses compétences.

Le rapporteur a ensuite présenté l’organisation de la collectivité, en soulignant que son caractère représentatif devrait garantir sa légitimité. Il a ainsi indiqué que le Haut Conseil serait administré par une assemblée de 251 conseillers élus au suffrage universel direct au scrutin proportionnel à la plus forte moyenne pour six ans renouvelables, et précisé que chaque département disposerait d’un nombre de sièges proportionnel au nombre de ses habitants. Puis il a spécifié que l’assemblée délibérante désignerait simultanément un exécutif collégial, ainsi que 25 grands électeurs participant, dans leur département, à l’élection des sénateurs conformément aux dispositions de l’article 24 de la Constitution. Il a également évoqué les moyens dont disposerait la nouvelle collectivité, en soulignant le fait que chaque transfert de compétence devrait s’accompagner d’un transfert de personnels dans le cadre d’une convention passée entre les collectivités intéressées. Après avoir constaté que la dotation globale de fonctionnement et le fonds régional de péréquation de l’Ile de France ne parvenaient pas à corriger les très fortes inégalités de richesse au sein de la région, il a considéré que le Haut Conseil disposerait de moyens financiers suffisants en percevant le produit de la taxe professionnelle unique à l’échelle de l’agglomération parisienne, ainsi que le produit d’autres contributions comme la redevance sur les bureaux et la taxe sur les logements et locaux vacants. Estimant que la proposition de loi présentée par M. Georges Sarre apportait une réponse satisfaisante aux problèmes institutionnels et financiers de la région parisienne, le rapporteur a invité la Commission à l’adopter.

M. Robert Pandraud s’est, à titre liminaire, déclaré résolument hostile à la proposition de loi déposée par M. Georges Sarre qu’il a jugée réactionnaire, au sens premier de ce terme. Il a fait observer, en effet, qu'elle n'avait d'autre objet que de reconstituer l’ancien département de la Seine, alors même que cette organisation territoriale se traduisait par des transferts de charges entre Paris et les communes de la proche banlieue au détriment de ces dernières. Il a ensuite insisté sur l’inadéquation du périmètre proposé, précisant que certaines communes de la grande couronne appartenaient, en réalité, à l’agglomération parisienne. Evoquant l'articulation difficile qu'il pourrait y avoir entre la nouvelle collectivité et la région Ile-de-France, il a ensuite souligné que la mise en œuvre de la proposition conduirait à une multiplication de structures administratives, aggravant ainsi le manque de lisibilité de l’organisation territoriale de la région parisienne et générant de nouvelles créations d’emplois administratifs. Tout en admettant l’existence d’un problème de répartition de compétences entre les différentes collectivités et établissements publics d’Ile-de-france et reconnaissant que la représentativité de certaines structures, tel que le syndicat des transports parisiens, pourrait être améliorée, par exemple en plaçant celui-ci sous l’autorité de la Région Ile-de-France, il a déploré que, contrairement à son objectif, la proposition de loi ne permette pas de mettre en place une structure fédératrice adaptée à l’agglomération parisienne.

Estimant que les problèmes soulevés par la proposition de loi ne concernaient pas seulement les habitants de la région parisienne, M. Christophe Caresche a insisté sur le fait que celle-ci mettait néanmoins l’accent sur les inégalités, notamment fiscales, existant entre les différents territoires composant la région capitale. A cet égard, il a regretté que la ville de Paris n’ait pas été capable de mettre en œuvre une véritable politique d’ouverture vis à vis des communes limitrophes, tout en reconnaissant que ces dernières avaient pu, dans certains cas, être dissuadées de coopérer avec Paris compte tenu de leur différence de taille par rapport à la capitale. De ce point de vue, il a souligné que les propositions figurant dans le texte élaboré par M. Georges Sarre ne seraient valides que si toutes les communes concernées donnaient leur accord à la création de la nouvelle collectivité. Après avoir estimé que le texte proposé à la commission constituait une première étape de réflexion, il fait valoir qu’en tout état de cause, l’Etat devrait conserver un rôle important dans la région, à l’instar de celui qu’il joue actuellement de manière positive au sein du syndicat des transports parisiens ou lors de l’élaboration du schéma directeur régional. Il a, par ailleurs, constaté que, d’ores et déjà, les organes de coopération, et notamment la région, avaient une action importante en matière de transports, tout en reconnaissant que les départements constituaient le maillon faible de cet édifice. Il a enfin douté de la validité du périmètre proposé pour la nouvelle collectivité, soulignant que l’aire de l’agglomération parisienne allait au-delà de celle représentée par la ville de Paris et les départements de la petite couronne.

M. Jean Tiberi a estimé que la proposition de loi s’inscrivait dans une logique d’affaiblissement de la Ville de Paris, et plus précisément de la Mairie de Paris, faisant suite aux tentatives de transférer une partie de ses compétences vers les mairies d’arrondissement. Après avoir rappelé que la gestion de l’Ile-de-france relevait d’ores et déjà de la région, des départements, des communes, des syndicats intercommunaux et interdépartementaux, de la préfecture de police et du syndicat des transports parisiens, il a considéré que la création d’une nouvelle collectivité territoriale serait une source supplémentaire de complexité sans valeur ajoutée pour les habitants. Par ailleurs, il a estimé que la création du Haut Conseil de l’agglomération parisienne entraînerait inéluctablement un accroissement de la pression fiscale sur les Parisiens, susciterait d’innombrables problèmes de transferts de compétences et serait source de dépenses supplémentaires induites par la création de nouvelles fonctions d’élus et le recrutement de nouveaux personnels.

M. Jacky Darne a estimé que la proposition de loi résultait du constat du mauvais fonctionnement de l’agglomération parisienne. Partageant l’analyse selon laquelle tous les problèmes ne peuvent pas se résoudre dans le cadre d’une seule commune, il a rappelé que le projet de loi relatif à l’intercommunalité encourageait au dépassement du cadre communal, en favorisant la solidarité par des moyens de financement adéquats. Il a rappelé que, sur cette base, le Gouvernement avait choisi de favoriser la coopération et, par là même, la contractualisation et la négociation entre collectivités, et non la création de nouvelles collectivités qui engendrerait inévitablement des conflits de légitimité. Par ailleurs, il a considéré que la création d’un Haut Conseil de l’agglomération parisienne reviendrait à mettre en cause le rôle de la région, alors qu’a l’évidence la réalisation de certaines infrastructures doit dépasser le cadre départemental. Par ailleurs, il a considéré que les actions de coopération naissantes entre communes, pour favoriser une politique de logement social ou le développement économique, seraient annihilées par la création d’un Haut Conseil de l’agglomération parisienne. Estimant donc qu’il convenait de favoriser les structures de concertation et de partenariat, plutôt que de créer une collectivité territoriale supplémentaire en Ile-de-France, il a proposé à la Commission de ne pas présenter de conclusions, afin de laisser ouvert le débat sur un nécessaire renforcement des solidarités au sein de l’espace parisien.

Mme Nicole Catala a souligné, en préambule, l’ambiguïté du titre de la proposition de loi, qui fait uniquement référence à l’institution d’un Haut Conseil de l’agglomération parisienne, alors que c’est la création d’un nouveau type de collectivité locale qui est proposée et non simplement la mise en place d’une nouvelle structure administrative. Estimant que la proposition de loi, en imposant aux communes de l’agglomération parisienne un cadre juridique unique, était contraire au principe de la libre administration des communes, elle a, par ailleurs, indiqué qu’elle ne partageait pas l’analyse faite par M. Georges Sarre des dysfonctionnements de l’agglomération parisienne, soulignant qu’ils étaient plutôt le résultat de l’échec de la politique de la ville et d’une insuffisante efficacité des services de l’Etat en Ile-de-France. Reprenant les propos de M. Christophe Caresche sur la nécessaire redistribution des richesses entre communes de l’agglomération parisienne, Mme Nicole Catala a constaté que la responsabilité de cette redistribution incombait à l’Etat et qu’il lui revenait, dès lors, de mieux répartir les fonds prélevés sur les communes et notamment sur Paris. Craignant que le dispositif proposé par M. Georges Sarre n’entraîne l’apparition d'une région et de départements aux compétences restreintes, ayant pour conséquence des disparités au sein même de l’Ile-de-France entre les départements relevant du Haut Conseil et ceux, extérieurs à ce groupement, jouissant de leurs pleines compétences, Mme Nicole Catala s’est élevée contre la création d’une structure qui viendrait s’ajouter aux multiples structures existantes.

Reprenant les propos de Mme Nicole Catala, M. Robert Pandraud a souligné que l’opposition qu’il avait précédemment exprimée sur la proposition de loi de M. Georges Sarre reposait sur des motifs tout autres que ceux des élus de Paris, regrettant au contraire que le sort de la banlieue parisienne ne soit pas mieux pris en compte dans le dispositif proposé. Rappelant que les tentatives de réformes en la matière s’étaient trop souvent traduites par la création de multiples commissions qui n’avaient jamais abouti à des propositions concrètes, il a estimé que le statu quo était, à tout prendre, préférable. S’étonnant que la Commission choisisse, à l’initiative de M. Jacky Darne, de ne pas conclure sur une proposition d’une telle importance, il a indiqué qu’il préférerait que la Commission engage sur cette question une réflexion approfondie en procédant à l’audition des personnalités compétentes avant de se prononcer sur le dispositif proposé.

Rappelant que ce texte, d’origine parlementaire, était inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée sur proposition d’un groupe, Mme Christine Lazerges a fait valoir qu’il n’était pas possible de poursuivre les travaux de la Commission, comme le suggérait M. Robert Pandraud.

Prenant la parole en application de l'article 38, alinéa 1er, du Règlement, et évoquant les propos de M. Robert Pandraud sur le caractère “ réactionnaire ” de sa démarche, M. Georges Sarre a précisé qu’elle s’inscrivait effectivement en réaction contre une situation qui lui paraissait inacceptable ; dans cette optique, il a considéré qu’il n’était pas souhaitable de maintenir le statu quo comme venait de le suggérer M. Robert Pandraud, mais qu’il convenait, au contraire, de lutter contre l’immobilisme. Relevant les propos de Mme Nicole Catala sur le constat d’échec de la politique de la ville, il a estimé que cette analyse n’était pas suffisante et qu’elle conduisait nécessairement à réfléchir à une plus grande décentralisation en Ile-de-France, sans pour autant que les propositions faites en la matière ne soient continuellement perçues par les élus parisiens comme des attaques dirigées contre la capitale. Evoquant les propos de M. Jacky Darne sur les regroupements de communes amorcés en Ile-de-France, il a constaté que l’ampleur de ces regroupements restait limitée par le souci des communes de préserver leurs richesses ou leurs privilèges. Considérant que les difficultés de l’agglomération parisienne ne pourraient se résoudre qu’à partir d’une conception d’ensemble de l’Ile-de-France reposant sur une analyse en terme de liens de solidarités, M. Georges Sarre s'est élevé contre une interprétation purement politique de sa proposition de loi, dont il a précisé qu’elle ne visait pas à réduire les pouvoirs du maire de Paris. Prenant l'exemple de la crise des bureaux en Ile-de-France qui a révélé un manque patent de concertation entre les maires des différentes communes, il a estimé que sa proposition permettrait de mieux anticiper les problèmes qui se posent dans toutes les grandes agglomérations. Il a enfin conclu que son objectif n’était nullement de revenir à l'ancienne organisation de l'Ile-de-France partagée entre le département de la Seine et ceux de la Seine-et-Marne et de la Seine-et-Oise.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

— Le débat sur les institutions parisiennes n’intéresse pas les seuls élus parisiens, mais l’ensemble du pays, en raison des enjeux sous-jacents ;

— Il ne s’agit pas, par cette proposition de loi, d'affaiblir la Ville de Paris, mais de mettre en œuvre une réelle solidarité au sein de l’agglomération parisienne, alors que le développement de l’intercommunalité en Ile-de-France risque de se traduire par une association séparée des communes pauvres et des communes riches ;

— La nécessité d’une instance supra-communale compétente en matière de transports urbains est notamment justifiée par l’absence de transports de nuit efficaces entre Paris et la banlieue, ce qui prive de nombreux jeunes vivant dans la périphérie de la possibilité d’aller et venir librement dans la capitale ;

— Compte tenu de la complexité du sujet et de l’intérêt de poursuivre le débat sur l’organisation de l’agglomération parisienne, il semble judicieux de ne pas conclure sur la proposition de loi en Commission et de laisser l'Assemblée statuer, en séance publique, en application des dispositions de l’article 94 du Règlement de l’Assemblée nationale.

A l’issue de la discussion générale, la Commission a décidé de ne pas procéder à l’examen des articles et, en conséquence, de ne pas formuler de conclusion.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a procédé à la désignation de candidats à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs. Ont été désignés :

· Membres titulaires :

Mme Catherine Tasca, MM. René DosiÈre, Jean-Pierre Baeumler, Jean-Claude Lemoine, Alain Férry, Gilbert Biessy et Roger Franzoni.

· Membres suppléants :

MM. Daniel Marcovitch, René Mangin, Armand Jung, Jacques Fleury, Jacques Floch, Michel Bouvard et Dominique Bussereau.

La Commission a désigné M. Bernard Roman rapporteur pour la proposition de résolution sur le projet de statut des député(e)s au Parlement européen (document E 1209) (n° 1467).

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