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ASSEMBLÉE NATIONALE COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES, de la LÉGISLATION et de lADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE COMPTE RENDU N° 55 (Application de l'article 46 du Règlement) Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente SOMMAIRE
La Commission a procédé à laudition de Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, garde des sceaux, sur le projet de loi relatif à laction publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale (n° 957). La Garde des sceaux a tout dabord souligné que le projet de loi marquait une rupture avec la tradition de soumission du parquet au pouvoir politique. Elle a insisté sur le fait quil ne sagissait pas cependant de couper le lien entre la Chancellerie et le parquet mais de donner une plus grande transparence à laction publique, tout en responsabilisant davantage les magistrats du parquet. Abordant en premier lieu le thème de la transparence, elle a rappelé que, depuis deux ans, aucune instruction individuelle navait été adressée aux procureurs et observé que le projet de loi avait donc pour objet dinscrire cette politique dans le code de procédure pénale. Elle a ensuite précisé que le texte confiait au garde des sceaux la mise en uvre de la politique pénale définie par le Gouvernement par le biais dorientations générales ayant un caractère public et destinées à être mises en uvre par les magistrats du parquet. Elle a fait observer que, depuis deux ans, la politique pénale était conduite au travers de circulaires, précisant quelle en avait adressé 5 en 1997, 26 en 1998 et 5 au 30 avril pour lannée 1999. Elle a notamment mentionné la circulaire concernant la politique pénale en matière de délinquance juvénile du 5 juillet 1998, celles relatives à laide aux victimes du 13 juillet 1998 et à lincitation à participer à la conclusion des contrats locaux de sécurité des 5 janvier et 9 mars 1998. Elle a également évoqué des actions plus ponctuelles, concernant lorganisation de la coupe du monde ou les violences urbaines et souligné quune bonne articulation entre les interventions des services de police et laction des procureurs avaient produit des résultats très satisfaisants. Sagissant toujours de la transparence, elle a également insisté sur le devoir dinformation que le projet de loi impose aux procureurs généraux et aux procureurs vis-à-vis du garde des sceaux. Précisant quelle avait institué cette pratique depuis deux ans, elle a observé quelle constituait une rupture avec la situation antérieure dans laquelle linformation de la Chancellerie, liée à ses interventions dans les affaires individuelles, présentait un caractère aléatoire. Elle a souligné que les parquets généraux devaient procéder à lanalyse, à lévaluation et à la synthèse des informations communiquées par les procureurs, pour quelles puissent être utilisées par la Chancellerie, afin délaborer une politique pénale adaptée. A cet égard, elle a évoqué ladoption dune seconde directive sur les contrats locaux de sécurité, à la suite des informations communiquées par les parquets généraux. Elle a également noté que les analyses adressées par les parquets sur les actes de violence urbaines, à la suite des premiers incidents de Strasbourg en 1997, lavaient conduit à prendre la directive du 23 décembre 1998, qui sétait traduite par des résultats probants dans le domaine de la sécurité, le renouvellement des violences urbaines à Strasbourg en 1998 ayant donné lieu à des interpellations, contrairement à ce qui sétait passé en 1997. La Ministre a ensuite indiqué que le projet de loi donnait au garde des sceaux le droit dagir directement en saisissant une juridiction lorsque lintérêt général commandait des poursuites alors que le procureur, ou la partie lésée, navait pas mis en mouvement laction publique. Elle a souligné que le texte prévoyait que le Parlement serait informé chaque année par le garde des sceaux de la mise en uvre des orientations générales de la politique pénale et de lexercice du droit daction et ajouté quil imposait aux procureurs et aux procureurs généraux de rendre publique les conditions de mise en uvre des orientations générales. Abordant le volet de la responsabilité des procureurs, la Garde des sceaux a évoqué le renforcement de lautorité du procureur général sur les procureurs de son ressort et indiqué que les procureurs de la République seraient tenus dexécuter les instructions écrites données par les procureurs généraux dans le cadre de la mise en uvre des orientations générales de politique pénale. Elle a remarqué que la responsabilisation passait aussi par linstitution de nouvelles obligations des procureurs vis-à-vis des justiciables et précisé, à ce titre, que les victimes devraient être avisées des décisions de classement sans suite du procureur de la République, que ces décisions devraient être motivées, que les victimes devraient être informées de leurs droits, les personnes intéressées nayant pas la possibilité de se constituer partie civile pouvant former un recours devant le procureur général, puis devant une commission des recours. La Ministre a, par ailleurs, indiqué que le projet de loi donnait aux autorités judiciaires un véritable droit de regard sur laffectation des effectifs de police judiciaire lors des enquêtes, soulignant que lindépendance des magistrats du parquet supposait quils disposent dun réel pouvoir de contrôle sur la police judiciaire. A cet égard, elle a souligné que, dans le cadre dune affaire complexe ou dune certaine durée, le procureur ou le juge dinstruction définiraient avec le responsable du service de police judiciaire les moyens devant être mobilisés. Elle a ajouté que le procureur pourrait fixer le délai dexécution de lenquête, dans le cadre dune enquête préliminaire et devrait être informé par les enquêteurs dès que lauteur présumé de linfraction serait identifié et, plus généralement, être informé par la police judiciaire de létat de lavancement de la procédure au bout dun délai dun an. Poursuivant la réflexion sur les thèmes de lindépendance et de la responsabilité, la Garde des sceaux a indiqué que le projet de loi nabordait pas la question de lindépendance des magistrats du siège, observant que cette indépendance était garantie depuis 1808 par le code de linstruction criminelle. Elle a souligné quil garantissait, en revanche, lindépendance des magistrats du parquet, tout en instituant une véritable contrepartie, par le biais de leur responsabilisation. Elle a remarqué, en effet, quà la responsabilité pénale, civile et disciplinaire des magistrats devait sajouter une responsabilité fondée sur un système de relations plus transparentes entre le parquet et la Chancellerie, estimant que cette transparence permettrait de sanctionner plus facilement les magistrats ayant failli à leurs devoirs. Elle a ainsi considéré que la mise en place dun système de recours contre les décisions de classement sans suite était susceptible de prévenir des comportements désinvoltes de la part des magistrats. Elle a estimé, en outre, que le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature devait apporter toutes les garanties en ce qui concerne lindépendance de lensemble des magistrats, rappelant que ce projet élargissait les compétences du Conseil supérieur de la magistrature et sa composition par la présence majoritaire de non magistrats. Elle a ajouté que les deux projets de loi organique qui devaient suivre la révision constitutionnelle, lun relatif aux modalités de désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature, lautre relatif au statut des magistrats, permettraient de renforcer cette évolution, précisant quils étaient prêts. Rappelant que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, adoptée par les deux assemblées, devait maintenant être approuvée par le Congrès, elle a exprimé le souhait que celui-ci soit convoqué à lautomne pour que les projets de loi organique puissent être examinés par les deux assemblées. En conclusion, la Garde des sceaux a insisté sur le fait que le projet de loi sinscrivait dans un mouvement général de réforme de la justice, tendant à rendre celle-ci plus indépendante, plus proche des citoyens et plus responsable. Elle a rappelé que le projet de loi relatif à la présomption dinnocence introduisait des délais stricts en matière de détention provisoire, pour mettre fin à des situations dautant plus abusives quelles pouvaient se terminer par un non-lieu. Elle a également évoqué la loi du 18 décembre 1998 destinée à faciliter laccès à la justice. Elle a considéré que lensemble de ces textes devait permettre aux différents acteurs du système judiciaire de jouer leur rôle et dêtre plus responsables. Evoquant enfin la réforme des tribunaux de commerce et du droit de la famille, la Ministre a souligné que le Gouvernement respectait depuis dix-huit mois le calendrier quil sétait fixé en matière de réforme de la justice. Rappelant que ce texte changerait les conditions de nomination des magistrats du parquet en assurant leur indépendance, Mme Catherine Tasca, présidente, a également souhaité que le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature, qui doit marquer une étape essentielle dans la mise en uvre de la réforme proposée par la Garde des sceaux, puisse être rapidement soumis au Congrès. M. André Vallini a demandé à la Garde des sceaux si elle serait favorable à la création, à terme, de deux corps de magistrats, lun ayant pour fonction dexercer laction publique et lautre de juger, prenant acte du fait quune telle perspective napparaissait pas dans le projet de loi présenté par le Gouvernement. Observant que la Garde des sceaux ne recourait pas aux instructions individuelles écrites et que le projet de loi entendait prohiber cette pratique, il a souhaité savoir si les prédécesseurs de Mme Elisabeth Guigou avaient recouru à de telles instructions écrites, versées au dossier de la procédure, et quels avaient été leurs effets. Il a également demandé à la Garde des sceaux de fournir quelques exemples de cas dans lesquels lintérêt général pourrait justifier laction propre du ministre de la justice, ce droit daction étant une novation juridique proposée par le projet de loi. Il sest également interrogé sur les modalités de la mise en uvre de ce droit daction qui pourrait incomber à un avocat, à un procureur ad hoc ou au directeur des affaires criminelles et des grâces comme certains ont pu le suggérer. Puis il a souhaité savoir si des projections avaient été réalisées pour estimer le nombre de décisions de classement sans suite susceptibles de faire lobjet dun recours. Enfin, constatant que le projet améliorait le contrôle de la police judiciaire par lautorité judiciaire, il a demandé le sentiment de la Garde des sceaux sur lidée de créer des brigades de police judiciaire rattachées au procureur général dans le ressort de chaque cour dappel. M. Claude Goasguen sest interrogé sur la compatibilité du projet de loi avec les articles 20 et 21 de la Constitution. Il a, en effet, estimé que la politique de la Nation, qui relève du Gouvernement, ne devait pas seulement se traduire par des directives de portée générale mais également par des décisions individuelles, en particulier en matière pénale. Illustrant son propos par lexemple de la condamnation de terroristes qui pourrait entraîner des représailles contre la France, il sest demandé si, dans une telle hypothèse, il serait illégitime que le Gouvernement puisse intervenir. Il a, en outre, rappelé que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 3 août 1993, avait annulé, comme contraire à larticle 20 de la Constitution, une disposition limitant la faculté pour le Gouvernement de donner des instructions à la Banque de France. Il sest ensuite interrogé sur la nature juridique des orientations générales de la politique pénale qui seraient arrêtées par le ministre de la justice. Il a souhaité savoir quelles sanctions sappliqueraient si, dans ces orientations générales, apparaissaient en fait des instructions individuelles, soulignant quaucune autorité ne serait compétente pour examiner la légalité de la décision ministérielle qui aurait le caractère dun acte de Gouvernement insusceptible de recours. Observant que le projet de loi napportait nulle réponse à ce problème, il a critiqué le caractère flou du dispositif en la matière. Il a également souhaité savoir ce qui se passerait dans lhypothèse où le procureur de la République refuserait de déférer à la demande dexplications du Garde des sceaux. Concernant les relations entre la police et la justice, il a observé que des conflits pourraient apparaître lors dune enquête entre le procureur et le commissaire de police et sest interrogé sur la manière dont ils pourraient se résoudre, alors quil appartient au ministre de lintérieur de gérer les effectifs de police et que le projet de loi reconnaît au procureur, désormais indépendant, un pouvoir accru sur la police judiciaire. Après avoir rappelé que, dès le début de lannée 1997, le Président de la République avait évoqué la nécessité de trancher le « cordon » entre le parquet et le ministère de la justice, puis chargé une commission conduite par M. Truche de réfléchir à la réforme de la justice, M. Gérard Gouzes a constaté que le projet de loi sinspirait en grande partie des conclusions de cette commission. Il a considéré quil était normal que le Garde des sceaux puisse définir des orientations générales en matière pénale, prenant lexemple de la politique à mener pour la poursuite des actes à caractère raciste, dans un contexte où certains nhésitent pas à prononcer en public des discours relevant de cette définition. Constatant que les justiciables demandaient avec insistance que le Gouvernement fasse avant tout appliquer la loi, il a souligné que lopinion publique ne distinguait pas toujours cependant le rôle respectif des différents acteurs et leurs responsabilités. Il sest ensuite demandé si lon ne pourrait distinguer de linstruction générale, « linstruction de partialité », qui permettrait au Garde des sceaux de demander le traitement exceptionnel dun dossier, soulignant, par ailleurs, que lorsquun procureur navait pas souhaité engager de poursuite, il était difficile denvisager quil le fasse à la demande de la Chancellerie. Il a appelé à éviter le double écueil dun encadrement trop rigide de laction du parquet et dun abandon par le Garde des sceaux de son autorité sur la justice, précisant quil lui semblait difficile de ne pas imaginer, à terme, une séparation totale du parquet et du siège. Enfin, il a insisté sur la nécessité dorganiser une plus grande transparence dans le domaine pénal et sest félicité que le projet de loi poursuive cet objectif. Qualifiant le texte de « trompe lil », M. Pascal Clément a regretté, quil ne soit pas plus clair sur les intentions du Gouvernement en matière de relations entre la Chancellerie et le parquet ; il a ainsi considéré quen permettant au procureur dévoquer une question auprès de la Chancellerie et au garde des sceaux de demander des renseignements sur une affaire, le texte nétablissait pas de rupture claire entre le parquet et lexécutif. Rappelant que les procureurs généraux étaient le plus souvent demandeurs dinstructions individuelles, il a estimé que linterdiction en la matière pourrait en outre toujours être contournée. A cet égard, il a mentionné des propos tenus par le président de la Conférence nationale des procureurs généraux, lors du déplacement de la Commission à la cour dappel de Grenoble, évoquant une situation dans laquelle le ministère public de Toulon, nayant pas obtenu de réponse à des demandes répétées dinstructions, avait cependant constaté quune circulaire dordre général avait fini par répondre implicitement à ces questions. Il a, par ailleurs, considéré que le texte, en renforçant les responsabilités du procureur, tout en lui garantissant une plus grande indépendance, était contradictoire. Observant que les formations politiques étaient divisées sur la question du lien entre la police judiciaire et les juges, il a estimé quun renforcement de ces liens, qui passerait par exemple par un droit de regard du procureur sur les effectifs de la police judiciaire, relèverait du vu pieux. Concluant que le texte présenté par la Garde des sceaux nétait quun nouvel habillage des dispositions existantes, il a souhaité quune réflexion approfondie soit engagée sur la justice, exprimant sa préférence personnelle pour un système dans lequel les magistrats du parquet relèveraient plus étroitement de lexécutif et pourraient, à ce titre, mieux défendre les valeurs de la République, tandis que lindépendance des juges du siège serait accrue. Se félicitant que le projet de loi instaure un réel équilibre dans les relations entre la Chancellerie et le parquet, M. Jacques Brunhes a exprimé son opposition à légard de toute disposition qui marquerait une rupture complète en la matière. Il a souligné que le garde des sceaux conserverait ses compétences puisquil pourrait émettre des observations générales, pour la définition des grandes orientations de la politique judiciaire et notamment de la politique pénale, et aurait toujours la possibilité de mettre en uvre laction publique. Constatant par ailleurs que ce projet donnait lieu à des critiques, portant en particulier sur les pouvoirs des procureurs généraux, qualifiés par certains de « préfets judiciaires », M. Jacques Brunhes sest inquiété de certaines modalités pratiques dapplication, souhaitant savoir, notamment, si, comme lévoquait M. Gérard Gouzes, la politique suivie en matière de poursuites contre le racisme relèverait effectivement dobservations générales dans le cadre de la définition de la politique judiciaire. Concernant la question de lindépendance du procureur, il a constaté que celle-ci ne pourrait être absolue, dans la mesure où elle restait encadrée par les orientations générales données par le garde des sceaux. Concluant sur un problème connexe à ceux évoqués par le projet de loi, M. Jacques Brunhes a suggéré quune réflexion approfondie puisse avoir lieu sur la présomption dinnocence et la détention provisoire. Observant en premier lieu que ce texte ne permettait pas une réelle clarification des liens entre Chancellerie et parquet, M. Renaud Donnedieu de Vabres a souligné quil était en fait motivé par une suspicion permanente à légard des instructions individuelles données par le garde des sceaux. Considérant que ce type dinstructions étaient plus aisément contrôlables lorsquelles devaient être écrites et motivées, il a fait observer que léquilibre entre le parquet et la Chancellerie apparaissait alors plus clairement. Admettant quil y avait pu y avoir des événements provoquant la suspicion, il a regretté néanmoins quune législation soit construite sur la seule base de la constatation de quelques dysfonctionnements. Il a également insisté sur le fait que lexécutif avait des responsabilités en matière judiciaire quil se devait dassumer, soulignant quil revenait ensuite au juge du siège de se prononcer en toute indépendance. Considérant que, dans la pratique, le garde des sceaux ne pourrait se priver de donner des instructions, il a noté que le texte comportait sur ce point une ambiguïté évidente, puisquil permettait à la Chancellerie dobtenir des informations sur une affaire. Concluant sur la nécessité pour lexécutif dassumer ses responsabilités, M. Donnedieu de Vabres a estimé que le texte naurait dautre effet que dautoriser, de manière plus déguisée, des pratiques que le Gouvernement affirme pourtant combattre. Observant que le projet de loi devait être perçu comme un long et patient travail de reconstitution de la crédibilité de linstitution judiciaire, M. Arnaud Montebourg sest réjoui que lexécutif ne puisse plus manipuler le cours de la justice, ou même être soupçonné de le faire. Il sest néanmoins interrogé sur certaines modalités prévues par le texte, évoquant notamment le droit daction propre conféré au garde des sceaux lorsque lintérêt général ou la carence de linstitution judiciaire le requièrent, et le cas où le garde des sceaux décide dintervenir en son nom propre, sans possibilité de délégation de signature. M. Robert Pandraud sest interrogé sur les responsabilités qui seraient engagées en matière de respect de lordre public, exprimant la crainte que lintervention du procureur, auparavant sollicité en cas de manifestation ou de menaces à lordre public, ne soit amenée à disparaître, compte tenu de la coupure instaurée entre police judiciaire et police administrative. Il sest également inquiété du fait que le garde des sceaux ne puisse répondre convenablement à la sollicitation de gouvernements étrangers sur des affaires délicates, au motif quil ne pourrait plus donner dinstructions. En réponse aux commissaires, la Ministre a apporté les précisions suivantes : û En votant, en termes identiques, le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature, les deux assemblées ont choisi de maintenir un corps unique de magistrats. Revenir sur ce principe supposerait, à terme, un changement complet de la procédure pénale. û Il apparaît préférable que les membres du ministère public conservent la qualité de magistrat, lautorité judiciaire étant gardienne de la liberté individuelle, car ils contrôlent la police judiciaire et exercent laction publique. Néanmoins, il nest pas interdit de réfléchir aux modalités de passage du siège au parquet, en particulier à lintérieur dune même juridiction. Si des instructions écrites et versées au dossier de la procédure ont été données sous la législature précédente, sur le fondement de la loi du 24 août 1993, il na pas été possible den trouver trace à la Chancellerie. Toutefois, la consultation de dossiers remontant à une période bien plus lointaine montre que les instructions pouvaient sapparenter à des règlements de comptes politiques. Quoi quil en soit, depuis larrivée en fonction du gouvernement de M. Lionel Jospin, aucune instruction, écrite ou orale, sous quelque forme que ce soit, na été donnée ; cette pratique claire et constante a été parfaitement assimilée par les parquets généraux après quelques mois dadaptation. û Le garde des sceaux peut déjà saisir une juridiction, la Cour de cassation, dans lintérêt de la loi. Conditionnée et légitimée par labsence de poursuites pénales et la défense de lintérêt général, la mise en mouvement de laction publique par le ministre sera exceptionnelle et engagera sa responsabilité politique, car il devra en rendre compte devant le Parlement. Il sagit dune soupape de sécurité qui pourra être utile, par exemple, dans des affaires concernant la défense des intérêts nationaux, la défense nationale, les crimes contre lhumanité, le terrorisme, le racisme ou lenvironnement. Si à la fin de la procédure, la juridiction ne suit pas le garde des sceaux, cela ne sera pas plus problématique que lorsque le Conseil dEtat annule une décision prise par un ministre. Des améliorations techniques peuvent être recherchées sur les modalités de mise en mouvement de laction publique, dès lors quelles ne donnent pas au garde des sceaux la qualité de partie à la procédure même par personne interposée ou un droit dintervention en cours de procédure, ce qui reviendrait à réintroduire les instructions dans les affaires individuelles. û La motivation des classements sans suite devrait concerner environ 80 000 procédures et les moyens des parquets seront renforcés pour faire face à cette obligation nouvelle. û Si, dans lidéal, un rattachement de la police judiciaire à lautorité judiciaire peut paraître souhaitable, il se heurte à des difficultés tenant notamment aux perspectives matérielles, moins favorables, que le ministère de la justice peut offrir aux policiers ou aux gendarmes. Le projet privilégie dautres moyens de parvenir, en pratique, à une amélioration du contrôle de la police judiciaire par les magistrats : lattribution, le maintien et le redéploiement des effectifs affectés aux investigations et linformation sur létat davancement de lenquête. û La loi du 24 août 1993 ne garantit pas lobéissance absolue aux instructions données par le ministre, car un procureur est toujours libre dexprimer son désaccord à laudience. Par ailleurs, si un membre du ministère public viole la loi, notamment celle qui lui fera à lavenir obligation de mettre en uvre les orientations générales de la politique pénale, il est passible dune procédure disciplinaire. En outre, un procureur qui aurait de façon évidente méconnu ces orientations générales dans la conduite de laction publique ne peut pas espérer, dans la suite de sa carrière, voir sa nomination proposée par le garde des sceaux au Conseil supérieur de la magistrature. û Le projet donne au Gouvernement la possibilité de déterminer et de conduire sa politique pénale sans le caractère aléatoire quintroduisaient les instructions dans les affaires individuelles. Le renoncement à toute instruction est une option fondamentale, car cest le seul moyen de mettre fin au soupçon dintervention politique : or, maintenir la possibilité de donner des instructions, même « justifiées », revient à légitimer le principe même des instructions. Par ailleurs, il ny a pas dincohérence à donner des directives générales de politique pénale et aucune instruction dans les affaires individuelles, comme le prouve une pratique persévérante et constante depuis deux ans, période qui na pas été exempte de crises graves ou de conflits sociaux et pendant laquelle la justice a agi en toute indépendance, sans que cela pose problème. Il est donc souhaitable de consacrer dans la loi cette approche de laction publique, qui garantit, dans la transparence, une meilleure application de la politique pénale et une meilleure défense de lintérêt général. Cette approche présente, en outre, lavantage de permettre au garde des sceaux de consacrer son énergie, non pas à la gestion quotidienne de laction publique, mais aux nombreux problèmes que connaît linstitution judiciaire. û Les demandes dinformation sont légitimes, dès lors quelles ne sont pas prétexte à envoi dinstructions. Le garde des sceaux doit être informé le plus précisément possible sur létat dune procédure quand il le juge utile. û Le Gouvernement na pas varié dans son analyse des rapports entre le ministre de la justice et lorganisation hiérarchique du ministère public depuis la communication sur la réforme de la justice présentée en Conseil des ministres, le 29 octobre 1997, suivie dun débat au Parlement en janvier 1998. Il nest pas admissible quun membre du ministère public puisse laisser entendre que des instructions déguisées parviennent au parquet. En conséquence, il sera demandé au procureur général, qui aurait indiqué devant des membres de la commission des Lois que des instructions concernant une affaire individuelle auraient été données par le détour dune circulaire, de rendre compte de ses propos. En ce qui concerne le magistrat de Toulon condamné au plan pénal, la seule action du garde des sceaux a consisté, après lintervention de linspection générale des services judiciaires, à demander au Conseil supérieur de la magistrature de le condamner au plan disciplinaire pour connivence et violation du secret de linstruction au profit du Front national. Soulignant la grande disponibilité de la Garde des sceaux depuis le début de la réforme de la justice, la présidente a considéré que les relations constructives entretenues avec la commission des Lois donnaient aux parlementaires la possibilité de participer utilement à lélaboration dune réforme fondamentale. * * * La Commission a ensuite poursuivi laudition de la Garde des sceaux, sur lévolution des moyens, les résultats et les perspectives de laction des services de lEtat pour assurer le respect de lEtat de droit en Corse. Après avoir rappelé que les événements récents qui se sont déroulés en Corse seraient traités dans le cadre de la commission denquête récemment créée, Mme Catherine Tasca, présidente, a indiqué que la commission des Lois avait souhaité entendre la Garde des sceaux afin dêtre informée, au-delà de ces événements ponctuels, sur les moyens daction mis en uvre, les résultats obtenus et les perspectives de laction des services de lEtat pour assurer le respect de lEtat de droit en Corse. Ayant observé que, conformément aux recommandations du rapport de la commission denquête présidée par M. Jean Glavany, laction du Gouvernement en Corse avait porté en priorité sur le renforcement et le renouvellement des services judiciaires, la Garde des sceaux a indiqué, dune part, que 48 magistrats étaient actuellement en poste dans cette région, pour 44 postes budgétaires, dont 21 en fonction depuis moins de deux ans et que, dautre part, les structures avaient été renforcées par la nomination de 2 magistrats en 1998 comme procureurs adjoints à Bastia et Ajaccio et par laugmentation du nombre de chambres du tribunal de grande instance dAjaccio, porté de une à deux. Elle a ensuite fait état de deux affectations de fonctionnaires de greffes en surnombre et de lexistence de 16 assistants de justice et de 3 assistants spécialisés, avant dobserver quun effort particulier avait été fait en matière dinformatique puisque tous les postes de travail étaient maintenant informatisés grâce à une dotation de 1,3 millions de francs. Evoquant les travaux de la commission denquête qui estimait indispensable de casser le système pré-mafieux et de lutter contre la délinquance économique et financière qui freine le développement de la Corse, la Ministre a annoncé que les assistants spécialisés du pôle financier de Bastia, clés de voûte de cette nouvelle politique, étaient installés aujourdhui même et précisé que des moyens spécifiques avaient été mis en place avec le recrutement dun juge dinstruction supplémentaire, la création dun poste de greffier et laffectation de quatre assistants de justice et de trois assistants spécialisés. Sagissant de la restauration de lEtat de droit, la Garde des sceaux a annoncé la réactivation de la commission mixte sur le statut fiscal de lindivision, puis elle a évoqué le renforcement de la formation des professionnels du droit, citant le centre interprofessionnel de formation continue juridique financé par les collectivités locales et les ordres professionnels, le ministère de la justice mettant à sa disposition deux assistants de justice. Sappuyant sur les premiers résultats obtenus, la Garde des sceaux a constaté que les attentats étaient passés de 574 en 1996 à 198 en 1998, celui des assassinats et des homicides volontaires de 36 en 1995 à 20 en 1998 et, enfin, celui des vols à main armée de 150 en 1996 à 63 en 1998. Rappelant que le Gouvernement avait fait de la lutte contre la délinquance économique et financière une priorité, elle a indiqué que des résultats probants avaient été obtenus puisque actuellement 64 procédures étaient en cours et que sur les 46 affaires nouvelles enregistrées depuis deux ans, 12 étaient déjà jugées ou audiencées. Elle a, en outre, fait valoir que des condamnations exemplaires avaient été prononcées, citant notamment plusieurs décisions des tribunaux correctionnels de Bastia et dAjaccio et de la cour dappel de Bastia. Après avoir rappelé quentre 1988 et 1998, 21 % des accusés avaient été acquittés en Corse, contre une moyenne de 4,9 % au niveau national et que les crimes de sang et les vols criminels étaient cinq fois supérieurs à la moyenne nationale avec un taux délucidation inférieur de 20 %, elle a indiqué quune commission locale avait, à sa demande, été mise en place afin de faire des suggestions pour améliorer la justice criminelle, notamment grâce à laudition de témoins sous x, lenregistrement des auditions et le renforcement des moyens techniques et de médecine légale. En matière de lutte contre le terrorisme, elle a précisé que le nombre dinterpellations était passé de 104 en 1996 à 430 en 1998, celui des personnes écrouées augmentant, quant à lui, de 37 à 55, ajoutant que 107 affaires étaient en cours pour 74 personnes mises en examen et 24 détenues. Elle a enfin tenu à souligner que la justice poursuivait son uvre de restauration dans des domaines moins connus comme la protection judiciaire de la jeunesse, où la Chancellerie applique les orientations décidées par les conseils de sécurité intérieure du 8 juin 1998 et du 29 janvier 1999, ou de la justice administrative. Concluant sur cette présentation générale de laction du ministère de la justice en Corse, elle a estimé que, même sil restait encore beaucoup de choses à faire, le chemin parcouru depuis le constat dressé par la commission denquête était considérable. La Garde des sceaux a ensuite souhaité revenir sur la question du placement en détention provisoire du préfet Bonnet. Après avoir rappelé que toute décision en la matière devait respecter un équilibre entre les nécessités de lenquête et la protection de la liberté individuelle, elle a jugé quen lespèce les nécessités de lenquête et la nature de linfraction, commise en bande organisée, semblaient justifier la mise en détention du préfet, un contrôle judiciaire, même approfondi, nétant pas suffisant pour interdire notamment les contacts téléphoniques. Insistant sur le fait que la pratique de la détention provisoire devait être la même pour tous, elle a observé que lon ne pouvait demander à la fois la libération du préfet Bonnet et un durcissement de la politique à légard des mineurs délinquants. Tout en espérant que la poursuite des investigations permette une libération rapide du préfet, elle a tenu à souligner que la décision dincarcération avait été prise par un juge indépendant et fait valoir que le projet de loi relatif à la protection de la présomption dinnocence permettrait, à lavenir, grâce à lintervention de deux magistrats du siège, dinstaurer un minimum de dialogue pour une décision aussi grave. Mme Catherine Tasca, présidente, a indiqué quil ne serait évidemment pas acceptable de mettre à labri de la détention provisoire une catégorie spécifique de la population, tout en évoquant les réflexions récurrentes de nombreux parlementaires sur la nécessité de définir des bornes temporelles à la détention provisoire et de garantir la proportionnalité entre cette mesure privative de liberté et la gravité des faits incriminés, considérant quil reviendrait au texte relatif à la présomption dinnocence de répondre à ces préoccupations. Elle sest cependant interrogée sur le point de savoir si les nécessités de lenquête justifiaient réellement le maintien en détention du préfet Bonnet, sinterrogeant sur la pertinence de la qualification de crime commis en bande organisée retenue en lespèce. M. Renaud Donnedieu de Vabres a souhaité obtenir des précisions sur la mise en uvre du principe de la présomption dinnocence en cas de poursuites mettant en cause des fonctionnaires de lEtat. A cet égard, il sest étonné que le ministre de lintérieur prenne en charge les frais davocat de ses fonctionnaires, alors que le ministère de la défense avait adopté la position contraire. Evoquant laffaire de la paillote, il a regretté que la Garde des sceaux ne donne plus dinstructions au parquet, soulignant que cette pratique permettrait de connaître la doctrine du Gouvernement en matière dégalité entre les justiciables. Abordant enfin la question de la « corsisation » des personnels de lEtat en charge de la sécurité dans lîle, il a demandé quel était le point de vue du Gouvernement sur les pratiques divergentes entre la gendarmerie et la police nationale. M. Raymond Forni a indiqué, en préambule, quil reviendrait à la commission denquête sur le fonctionnement des forces de sécurité en Corse détudier les pratiques des forces de police et de gendarmerie dans lîle. Après avoir jugé peu pertinent de poser le problème de la détention provisoire à travers le cas du préfet Bonnet, notamment parce quune majorité de lopinion publique ne semblait guère choquée par cette mesure, il a interrogé la Ministre sur le point de savoir si les relations entre les services de police et de gendarmerie et la justice en Corse sétaient améliorées depuis larrivée du nouveau gouvernement. Ayant souhaité que la Ministre dresse un bilan des difficultés rencontrées par les magistrats sur le terrain, il a fait part de ses doutes face aux responsabilités énormes pesant sur certains juges dinstruction nayant pas toujours lexpérience nécessaire, attirant lattention sur le fait que lexercice solitaire et excessif de pouvoirs considérables pouvait, dans certains cas, comporter des risques de dérives dangereuses pour la démocratie. M. Michel Hunault a contesté les propos de M. Raymond Forni selon lesquels lopinion publique serait favorable au placement en détention provisoire du préfet Bonnet, constatant, en revanche, quelle ne comprenait pas la reconstruction, autorisée par le Gouvernement, dune paillote construite illégalement. Il a par ailleurs jugé que le cas du préfet Bonnet était intéressant pour évoquer de manière plus large les abus en matière de détention provisoire et les pouvoirs exorbitants reconnus au juge dinstruction, indiquant que de nombreux membres de la Commission sinterrogeaient périodiquement sur le recours systématique à une incarcération qui nétait pas toujours justifiée par les nécessités de lenquête. M. Pascal Clément a fait part de linefficacité du système des permanences des juges dinstruction dans les juridictions, se demandant sil nétait pas envisageable de saisir le doyen des juges dinstruction pour les affaires les plus importantes, afin déviter quun jeune magistrat sans expérience ne soit conduit à se prononcer par hasard sur une affaire dEtat. M. Christian Paul a estimé que la Garde des sceaux était fondée à ne pas critiquer la décision dun magistrat de placer un prévenu dimportance en détention provisoire mais que, dans le cas du préfet Bonnet, la décision du juge dinstruction mettait en cause lhonneur dun homme plutôt quelle nétait imposée par les nécessités de lenquête. Faisant état du bilan dressé par la commission denquête, il a souligné les progrès accomplis en Corse depuis deux ans au regard des moyens à la disposition de la justice, observant que le travail des magistrats dans lîle était rendu difficile par le climat dintimidation qui y règne. Partant du cas pratique corse, il a ensuite interrogé la Ministre sur les orientations quelle souhaitait définir en matière de politique pénale et sur les améliorations quelle souhaitait apporter afin que les services de police judiciaire puissent travailler plus efficacement sous lautorité des magistrats. Réagissant à ces propos, M. Michel Hunault a regretté le ton polémique adopté par M. Christian Paul, qui laisse de côté la politique et les actions de la justice menées sous le Gouvernement précédent. Mme Catherine Tasca, présidente, a reconnu que la situation existant en Corse sétait installée progressivement et a jugé quil nétait pas opportun de faire reposer les responsabilités de cette situation une période trop courte. Après avoir rappelé que le travail denquête policière était théoriquement placé sous la direction exclusive du juge, M. Arnaud Montebourg, sest tout dabord interrogé sur le contraste apparu depuis lélucidation de lassassinat du préfet Erignac entre, dune part, la valorisation du travail effectué par les renseignements généraux et la direction nationale anti-terroriste et, dautre part, la relative discrétion de lautorité judiciaire, estimant que le travail effectué par cette dernière mériterait dêtre reconnu à sa juste valeur. Rappelant les allégations selon lesquelles le préfet Bonnet aurait précocement transmis certaines informations nominatives à lautorité judiciaire, il a ensuite souhaité savoir quelle utilisation en avait été faite par les juges chargés du dossier. Enfin, évoquant le rôle clef prétendument joué par la direction centrale des renseignements généraux dans cette affaire, il a demandé à la Ministre sur quels fondement juridiques cette même direction avait collaboré à lenquête. Mme Catherine Tasca, présidente a fait observer que la commission était réunie pour évoquer les moyens dont dispose la justice en Corse et non le fond dune affaire faisant, de surcroît, lobjet de poursuites judiciaires, estimant, par ailleurs, quil ne lui revenait pas daccorder des satisfecits à tel ou tel service ou administration de lEtat. En réponse aux intervenants, la Garde des sceaux a apporté les précisions suivantes : En ce qui concerne la question de la prise en charge des frais de justice exposés par un agent public, la tradition veut que lon distingue le cas de la faute non détachable du service, dans lequel cette prise en charge est possible, de celui de la faute détachable, hypothèse dans laquelle elle ne lest pas. En lespèce, le Ministre de la défense a considéré que la faute commise par les gendarmes était détachable, interprétation que le Ministre de lintérieur ne partage pas en ce qui concerne les actions du préfet mais quil admet, en revanche, pour les agissements du directeur de cabinet du préfet de région que celui-ci a reconnus. Sagissant de laffectation des magistrats en Corse, le Gouvernement a décidé de ne pas y nommer de très jeunes juges au sortir de lEcole nationale de la magistrature, démarche soutenue par le CSM. De surcroît, le renforcement des obligations de mobilité permet de limiter limpact des pressions auxquelles peuvent être exposés les magistrats en poste dans lîle. Dune manière générale, le procureur général de Bastia na pas fait état de difficultés particulières en ce qui concerne les relations entre magistrats et officiers de police judiciaire en Corse. Cela étant, il convient de rappeler que lévaluation des services et des effectifs déclenchée à la suite de lassassinat du préfet Erignac a conduit à la mutation dun certain nombre de hauts-fonctionnaires de police. Par ailleurs, sagissant de la gendarmerie, il faut insister sur le fait que la mission confiée par le Gouvernement à linspection générale de cette arme, à la suite de lincendie de la « paillote », na rencontré aucun obstacle. Les réserves exprimées à légard du placement en détention provisoire du préfet Bonnet fondées sur le défaut de proportionnalité de cette décision ne tiennent pas compte du fait que les agissements reprochés à ce dernier relèvent, en principe, de la Cour dassises. En outre, le parquet de Corse a considéré que cette mesure était justifiée par les besoins de lenquête, étant entendu que, en tout état de cause, la décision dincarcération a été prise par un magistrat indépendant. Si des interrogations sur lopportunité de maintenir M. Bonnet en détention provisoire à ce stade de lenquête sont acceptables, le ton employé par le président de lassociation du corps préfectoral pour critiquer cette décision apparaît, en revanche, excessif. Dune manière générale, il convient de mettre en exergue le fait que les critiques formulées, de part et dautre, sur cette décision de justice conduisent, ni plus ni moins, à remettre en cause lindépendance du magistrat qui en est lauteur. Contrairement à ce quavancent certains, le juge dinstruction en charge de laffaire nest pas seul puisque 3 magistrats interviennent sur ce dossier, effectuant ainsi un véritable travail déquipe. Sil est exact que les magistrats ne font pas publiquement état de leur rôle dans lélucidation de lassassinat du préfet Erignac, il nen reste pas moins que celui-ci a été essentiel, lautorité judiciaire restant fortement impliquée dans le déroulement de lenquête. Moyennant quoi, on peut regretter que le rôle des juges du tribunal de grande instance de Paris chargés de lenquête naient pas été plus équitablement reconnus par les commentateurs. Il est fréquent que les fonctionnaires des renseignements généraux livrent des informations aux officiers de police judiciaire, mais la question essentielle est de savoir comment ces informations sont ensuite traitées afin déviter quelles nalimentent déventuelles enquêtes parallèles. La rapide reconstruction de la « paillote » incendiée peut apparaître choquante, mais il convient de rappeler que, dès le 3 mai, le préfet Bonnet en avait autorisé le principe, sachant que le sursis à exécution de la décision de démolition prend fin le 30 octobre prochain. fpfp © Assemblée nationale |