Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES, de la LÉGISLATION
et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 3

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 26 octobre 1999
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente,
puis de M. Arnaud Montebourg, secrétaire

SOMMAIRE

 

pages

- Projet de loi de finances pour 2000 : Fonction publique

· Audition de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation

· Avis : Fonction publique


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La Commission a procédé à l'audition de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, sur les crédits de son ministère pour 2000.

Le ministre a indiqué à titre liminaire que l'objectif premier de son action était de progresser dans l'adaptation de l'Etat à l'évolution de la société et d'engager de manière déterminée la rénovation du service public. Abordant la réforme de l'Etat, premier de ses trois domaines de compétence, il a souligné que l'une des priorités en la matière était de placer l'usager au centre de la démarche de rénovation du service public, notamment par un meilleur accès aux informations. Il a alors cité la procédure de codification des textes en vigueur, rappelant que l'encombrement du calendrier parlementaire avait amené le Gouvernement à déposer un projet de loi d'habilitation portant sur les neuf codes dont la Commission supérieure de codification avait terminé l'élaboration. Evoquant le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, il a fait valoir qu'il permettrait de rapprocher les services publics des administrés, notamment grâce à un regroupement au sein des maisons des services publics de plusieurs services d'usage courant et l'extension des pouvoirs du Médiateur de la République. Soulignant la nécessité d'associer les usagers à la concertation, il a rappelé que l'ancienne COSIFORM avait été remplacée par une nouvelle commission, la commission des simplifications administratives, et ajouté que la composition de la commission de modernisation des services publics avait été modifiée afin de renforcer la place des usagers. Après avoir insisté sur l'importance des nouvelles technologies de l'information et de la communication, il a observé que de nombreux formulaires administratifs étaient désormais mis en ligne sur Internet tandis que les téléprocédures dans les domaines sanitaires, sociaux et fiscaux se développaient très rapidement.

Présentant les mesures prises pour adapter l'organisation interne des services à l'évolution des missions de l'Etat, le ministre a évoqué le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 13 juillet dernier et rappelé que deux décrets avaient été présentés au Conseil des ministres du 20 octobre afin de renforcer les pouvoirs de coordination du préfet, ajoutant que ce dernier arrêterait désormais l'organisation de l'ensemble des services déconcentrés de l'Etat relevant de son autorité, qu'il pourrait désigner un responsable disposant d'une délégation complète inter-services et qu'il serait chargé de conduire une concertation locale lors de tout projet de fermeture ou de réorganisation des services publics avec un pouvoir d'appel suspensif. Il a souligné que le Premier ministre l'avait également chargé de proposer des mesures afin de favoriser l'accès des habitants des quartiers en difficulté aux services publics et de garantir la présence dans ces quartiers de fonctionnaires expérimentés et motivés. Après avoir évoqué la réorganisation des administrations centrales des ministères entreprise depuis deux ans, il a indiqué que les programmes pluriannuels de modernisation établis par chaque ministère à la demande du Premier ministre étaient consultables sur Internet. Abordant enfin les mesures destinées à améliorer la gestion de l'administration, il a cité le programme interministériel d'évaluation arrêté par le Comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 13 juillet dernier, la simplification des procédures budgétaires et financières et le développement d'Intranet.

Après avoir souligné que la gestion des ressources humaines dans la fonction publique devait être modernisée, M. Emile Zuccarelli a fait valoir que les orientations arrêtées en matière d'encadrement supérieur au printemps dernier, la réforme visant à diversifier le recrutement de l'ENA, la politique volontariste destinée à favoriser la représentation des femmes dans l'encadrement et la circulaire du 20 octobre 1999 sur la publication des textes indemnitaires et indiciaires, qui améliore la transparence de l'administration, participaient de cette démarche. Exposant les priorités pour l'année à venir dans ce domaine, il a annoncé l'élaboration d'une charte de la gestion des ressources humaines destinée à dégager les principes de bases d'une gestion moderne des ressources humaines et une plus grande rigueur dans la gestion des personnels non-statutaires ou précaires. Après avoir indiqué que l'accord salarial du 10 février 1998, qui avait prévu une revalorisation des traitements de 1,3 % en 1998 et en 1999, arrivait à échéance à la fin de l'année, il a précisé qu'une réunion avec les organisations syndicales était prévue sur cette question dans les prochains jours, en application de cet accord, rappelant que la politique salariale conduite dans la fonction publique concernait 5,1 millions de fonctionnaires en activité et 4,2 millions de retraités. Observant que l'accord du 10 février 1998 prévoyait également des groupes de travail sur les pensions d'invalidité, dont les prestations sont parfois inférieures aux minima du régime général, et sur les frais de déplacement, il a indiqué que les réflexions se poursuivaient, des améliorations notables ayant déjà été obtenues en matière de frais de déplacement. Evoquant enfin l'aménagement et la réduction du temps de travail, il a rappelé que le rapport au Parlement prévu par la loi du 13 juin 1998 avait été déposé le 22 juin dernier précisant qu'une concertation visant à élaborer un protocole d'accord inter-fonction publique pourrait s'ouvrir dès la rentrée prochaine. Après avoir indiqué que la première étape de cette concertation s'était ouverte le 21 septembre dernier avec les organisations syndicales et l'ensemble des associations d'élus locaux, le ministre a observé qu'il existait un consensus en faveur d'un accord inter-fonction publique et qu'il espérait aboutir sur cette question avant le début de l'an 2000.

Abordant la question de la décentralisation, il a fait valoir que le projet de loi modifiant le régime juridique des interventions économiques des collectivités territoriales et des sociétés d'économie mixte, qui est le troisième projet de la législature sur ce thème après ceux sur l'aménagement du territoire et l'intercommunalité, répondait à la triple nécessité de mettre en harmonie les textes et la réalité, de mieux prendre en compte la dimension communautaire et de sécuriser les élus en adoptant un dispositif moins complexe et mieux adapté. Evoquant le rapport de M. Rémy Schwartz sur les difficultés de recrutement, de formation et de déroulement de carrière des fonctionnaires territoriaux, il a indiqué que les mesures prioritaires retenues par le Gouvernement étaient l'assouplissement des quotas de promotion interne et d'avancement de grade, l'adaptation des seuils démographiques, inchangés depuis trente ans, et la mise en place d'une concertation avec les associations d'élus et les syndicats pour améliorer la transparence des conditions d'accès aux emplois supérieurs et favoriser une plus grande mobilité vers la fonction publique de l'Etat.

Commentant enfin le budget de son ministère pour 2000, le ministre a souligné que celui-ci, qui s'élève à 1,316 milliard de francs, progressait sensiblement par rapport à l'année précédente, si l'on fait abstraction de l'enveloppe exceptionnelle de 230 millions de francs de crédits sociaux prévue par l'accord salarial pour 1998 et 1999. Il a fait valoir que les crédits d'action sociale augmentaient de manière importante, rappelant que cette augmentation correspondait pour l'essentiel à la pérénnisation du fonds en faveur de l'insertion des handicapés et à l'augmentation de l'enveloppe consacrée aux chèques-vacances. Il a précisé que les dotations consacrées aux opérations interministérielles de formation déconcentrée et aux subventions de fonctionnement pour les établissements de formation progressaient de manière sensible, tandis que les crédits du fonds pour la réforme de l'Etat étaient stables. Il a observé en conclusion que l'évolution de la répartition des financements traduisait clairement la priorité donnée à la déconcentration.

Plusieurs commissaires sont ensuite intervenus.

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis des crédits de la fonction publique, a fait part de la satisfaction qu'avait exprimée l'ensemble des organisations syndicales qu'il a reçues sur l'accord salarial de 1998 mais aussi de leurs interrogations sur les problèmes posés par la gestion des effectifs. Ainsi, il a souhaité savoir quelles mesures le ministre envisageait de prendre pour faire face au départ à la retraite de 700 000 agents titulaires des services civils de l'Etat d'ici 2010 et pour donner suite au souhait du Premier ministre d'attirer des agents motivés et compétents vers les quartiers difficiles. Rappelant que seulement 8 % des emplois supérieurs laissés à la décision du Gouvernement reviennent à des femmes, il a demandé quelles suites seraient données au rapport de Mme Anne-Marie Colmou sur la parité dans la haute fonction publique. Par ailleurs, il a jugé indispensable que le Gouvernement ouvre la fonction publique sur l'étranger en favorisant, notamment, le détachement dans les administrations des Etats membres de l'Union européenne et le placement de fonctionnaires français dans les administrations communautaires. Il a appelé de ses v_ux une réflexion sur la déontologie des fonctionnaires portant, en particulier, sur le « pantouflage », l'exercice par des agents publics d'une fonction publique élective et le cumul d'activités publiques et privées. Enfin, il a souhaité que des mesures soient prises pour faciliter l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et pour apporter des solutions aux problèmes rencontrés par les jeunes mères de famille fonctionnaires en développant les crèches et en aménageant le calendrier des concours, comme l'a suggéré l'association des anciens élèves de l'ENA, afin que celui-ci soit mieux adapté à leurs contraintes familiales.

M. Dominique Bussereau a tout d'abord interrogé le Ministre sur la politique de recrutement menée pour faire face aux départs massifs en retraite prévus jusqu'en 2010, se demandant si le Gouvernement envisageait des remplacements poste pour poste ou entendait au contraire privilégier les fonctions régaliennes de l'Etat. Après avoir estimé que l'accord salarial récemment signé dans la fonction publique pouvait apparaître comme un moyen « d'acheter la paix sociale » et soulignant qu'il ferait sans doute beaucoup d'envieux dans le secteur privé, il a ensuite souhaité connaître les modalités envisagées par le Gouvernement pour l'application des 35 heures dans la fonction publique. M. Dominique Bussereau a ensuite interrogé le Ministre sur l'avenir de la bilocalisation de l'ENA, puis sur la mise en _uvre des conclusions du rapport de M. Jean Prada afin de prévenir le « pantouflage » des cadres supérieurs de la fonction publique. Enfin, évoquant la récente circulaire relative aux régimes indemnitaires des fonctionnaires, il s'est inquiété des risques de recours pouvant être intentés contre plusieurs de ces régimes, motivés par le défaut de base juridique.

En réponse aux observations de M. Dominique Bussereau, Mme Claudine Ledoux a jugé qu'il n'était pas fondé de dire que l'accord salarial récemment signé dans la fonction publique participait du souci d'« acheter la paix sociale », soulignant, au contraire, que l'engagement de négociations avec les syndicats et l'application des engagements souscrits par l'Etat reflétaient le respect de la fonction publique et du service public. Après avoir interrogé le Ministre sur le contenu des prochaines discussions salariales, elle a ensuite souhaité connaître les intentions du Gouvernement à l'égard du congé de fin d'activité, considérant que ce dispositif était favorable à l'emploi et qu'il était opportun d'envisager sa prolongation en 2000, voire sa pérennisation. Enfin, elle a évoqué le dispositif des chèques-vacances, désirant connaître le bilan de cette procédure.

Mme Raymonde Le Texier a abordé la question de la bonification indiciaire versée aux fonctionnaires affectés dans les quartiers difficiles. A cet égard, s'appuyant sur l'exemple de la ville de Villiers-Le-Bel, elle a fait observer que ce dispositif pouvait poser des difficultés, certains fonctionnaires essayant d'obtenir une mutation en zone sensible au sein de la même commune, d'autres, tels les personnels d'accueil en mairie ou ceux travaillant dans les centres communaux d'action sociale, ne bénéficiant pas de ce supplément de traitement alors même qu'ils sont également au contact de populations en grande difficulté.

M. Michel Hunault a mis l'accent sur les difficultés rencontrées par les petites communes rurales pour mettre en _uvre la réduction du temps de travail. A cet égard, après avoir rappelé que le dispositif législatif conférait aux communes une grande latitude pour engager des négociations en la matière, il a estimé que les marges de man_uvre différaient considérablement selon leur taille. Craignant que les négociations n'aboutissent à créer des disparités de statut entre les agents des petites communes, il a souhaité que l'Etat propose un certain nombre d'orientations pour encadrer cette liberté contractuelle et s'est interrogé sur l'opportunité d'envisager un certain nombre d'incitations financières au profit des petites communes rurales.

En réponse aux questions des commissaires, le Ministre a apporté les précisions suivantes.

-  Concernant les prochains départs à la retraite, qui s'annoncent effectivement nombreux puisque 700 000 agents publics seraient concernés, les ministères effectuent déjà des prospectives afin d'évaluer leurs besoins futurs en recrutement ; ces départs à la retraite seront en effet l'occasion de procéder à une embauche dynamique, notamment en direction des jeunes. La création d'un observatoire de l'emploi de la fonction publique permettra à cet égard d'avoir une vision globale des nouveaux recrutements, en procédant à une étude approfondie des besoins réels des services publics.

-  En ce qui concerne le cumul d'un emploi public avec un emploi privé, le Gouvernement est conscient de l'insuffisance du dispositif législatif et réglementaire, qui date effectivement de 1936. Une étude demandée au Conseil d'Etat sur la question a proposé plusieurs pistes de réflexion ; sur la base de cette étude, une concertation interministérielle, regroupant les ministères de la fonction publique, de l'intérieur et de l'emploi et de la solidarité, devrait aboutir à un projet de réforme, concernant les trois fonctions publiques, qui pourrait être présenté au premier trimestre de l'année 2000.

-  S'agissant de la politique de la ville, le Premier ministre a demandé à ce qu'il soit procédé à une réflexion concernant l'amélioration des services publics dans les quartiers difficiles. Cette réflexion doit notamment porter sur la question de la qualité des services publics ainsi que sur les améliorations possibles des dispositifs incitant les fonctionnaires à se porter candidats pour être affectés dans ces quartiers. Si certains dispositifs existent déjà, notamment d'ordre financier avec des possibilités de bonification indiciaire, force est de constater qu'ils n'ont pas toujours été suffisants ; un effort particulier en direction de la formation ou de la prise en compte de l'affectation dans le déroulement des carrières doit être entrepris afin d'attirer davantage les fonctionnaires dans les quartiers difficiles. La question de l'accès des jeunes à la fonction publique, et notamment des jeunes issus de l'immigration est plus délicate ; il existe en effet des principes d'ordre constitutionnel, tel que l'égal accès au service public, qui rendent difficiles des mesures spécifiques en direction de ces jeunes. En revanche, un véritable effort a été entrepris en matière de présence des services publics dans les quartiers difficiles, avec l'expérience des maisons de services publics qui bénéficieront, désormais, grâce aux dispositions du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, d'une réelle assise juridique.

-  Devant la très faible présence des femmes dans la haute fonction publique, un rapport a été demandé sur la question à Mme Anne-Marie Colmou, conseiller d'Etat. Les propositions contenues dans ce rapport ne plaident pas pour l'instauration de quotas en la matière ; le système de quota, pourtant souhaitable en matière d'élections, paraît en effet pour le moins inadapté à la fonction publique. Les mesures retenues sont d'ordre plus pragmatique et, pour certaines, sont déjà mises en _uvre ; elles concernent notamment les jurys de concours ou les commissions administratives paritaires, dont la composition doit davantage promouvoir la présence des femmes ; la préparation d'un plan d'objectif sur la parité pourrait également être imposé à chaque ministère. Des décrets ont été proposés en ce sens, mais le Conseil d'Etat a estimé que l'ensemble des mesures en cause relevaient du domaine législatif.

-  Le détachement de fonctionnaires dans des administrations étrangères et notamment européennes, est actuellement à l'étude ; la question des cotisations aux régimes de retraite pendant la durée du détachement reste encore en suspens, la France, à l'inverse de ses partenaires, plaidant pour un système qui permettrait au fonctionnaire détaché de continuer à cotiser pour le régime français. Il est probable qu'un accord sur le sujet permettra d'aboutir à un texte en début d'année prochaine. Concernant les fonctionnaires dans les administrations européennes, 650 experts nationaux, dont 20 % de français, sont actuellement détachés auprès des institutions européennes ; 22 000 Français ont, par ailleurs, réussi le concours leur permettant de devenir fonctionnaires européens.

-  La question de l'inégalité de traitement entre fonctionnaires et salariés du secteur privé en matière de candidatures à des fonctions publiques électives s'avère délicate. Il est indubitable que le dispositif actuel favorise les fonctionnaires ; la réponse à ce problème ne paraît pas, pour autant, devoir se traduire par un recul dans le statut de la fonction publique. S'il doit y avoir un alignement en la matière, c'est davantage par le haut, c'est-à-dire par la transposition des dispositions applicables dans le secteur public au secteur privé ; il ne faut pas se cacher que, dans la pratique, cette transposition risque d'être difficile à mettre en _uvre, notamment lorsqu'il sera question du reclassement d'anciens élus dans leurs entreprises d'origine, surtout s'il s'agit de petites entreprises. Une disposition qui aurait pour objectif de réduire les avantages dont bénéficient les fonctionnaires entraînerait sans nul doute un appauvrissement du profil des candidatures aux élections, essentiellement au profit des personnes retraitées. Une question annexe consiste à s'interroger sur le régime dont bénéficient les fonctionnaires durant leur mandat : le détachement, régime actuellement applicable, ne doit pas être condamné d'avance au motif qu'il est le plus favorable aux fonctionnaires. Outre le fait qu'il n'assure qu'un avancement à l'ancienneté, et non au mérite, il permet de valoriser légitimement, en tant qu'expérience professionnelle, les années d'exercice du mandat.

-  A propos des départs de fonctionnaires pour le secteur public, la commission de déontologie a rendu, en 1998, 813 avis dont 80 % concluaient à la compatibilité de l'activité professionnelle envisagée avec le statut d'ancien fonctionnaire. Un projet de réforme en la matière consisterait à rendre la commission compétente également pour les cas de détachement et de mise à disposition ; actuellement, le contrôle opéré par la hiérarchie pour les autoriser paraît insuffisant. Une autre piste de réflexion consisterait à autoriser la commission à se pencher sur les postes antérieurement occupés par le demandeur et à étudier leur compatibilité avec la nouvelle activité professionnelle envisagée.

-  L'accueil des handicapés qui ne représentent que 3 % des effectifs au sein de la fonction publique, reste encore insuffisant. Il faut réfléchir à un renforcement des réseaux handicap au sein de chaque ministère. Une concertation avec les organisations syndicales permettra de faire progresser les actions menées en matière de formation, de placement des fonctionnaires atteints en cours de carrière d'un handicap, ou de recours à des procédures contractuelles pour encourager le recrutement d'handicapés.

-  S'agissant de l'aménagement et la réduction du temps de travail, une démarche continue et sérieuse a été menée afin d'aboutir à un accord inter-fonction publique. L'objectif n'est pas toutefois d'apporter une réponse quelconque en terme d'emploi mais de promouvoir une avancée sociale, un progrès appréciable en terme d'amélioration des conditions de vie. La question de l'emploi ne se pose pas, en effet, dans les mêmes termes pour le secteur public et le secteur privé : outre le fait que la création d'emplois dans le secteur public a été plus importante que dans le secteur privé ces dernières années, les gains de productivité induits par la réduction du temps de travail ont une signification en terme de bénéfices pour le secteur marchand, qui n'existe pas pour le secteur public. Il est vrai que concernant la fonction publique territoriale, des disparités subsisteront entre les communes, les petites communes rencontrant certainement des difficultés à appliquer la réduction du temps de travail, notamment lorsqu'elles n'emploient qu'un seul agent. Un effort sera entrepris en concertation avec les centres de gestion afin d'encourager la co-utilisation d'agents publics par plusieurs collectivités ou l'emploi de travailleurs saisonniers. Néanmoins, il faut reconnaître qu'aucune aide spécifique en matière de réduction du temps de travail ne pourra être accordée. C'est surtout au travers de la dotation de solidarité rurale que seront prises en compte les difficultés spécifiques aux petites communes.

Il faut ajouter que les disparités entre collectivités locales en matière de statut des fonctionnaires existent déjà, et que les marges de man_uvre pour remédier à ces disparités sont étroites compte tenu du principe de libre administration des collectivités locales. Il y aura bien un accord inter-fonction publique en matière de réduction du temps de travail, mais les associations représentatives des élus locaux semblent favorables à l'édiction d'une règle plus normative. La présentation d'un projet de loi sur le sujet ne pourra être faite en tout état de cause que lorsque la concertation aura été menée à son terme.

-  Au sujet de l'avenir de l'ENA, et notamment de sa bilocalisation à Paris et Strasbourg, le débat parlementaire de l'année précédente avait été l'occasion d'une passe d'armes animée entre les parlementaires et le ministre. Le coût net de cette bilocalisation, de l'ordre de 8 millions de francs, paraît finalement se justifier, eu égard aux avantages que celle-ci comporte, notamment en terme d'ouverture de l'école sur l'Europe. Il faut à cet égard rendre hommage à M. le Premier ministre, qui a opté pour le statu quo dans ce domaine. Il est nécessaire également de poursuivre les efforts entrepris en matière de diversification du recrutement et de réfléchir à une réforme des études qui rendrait le poids du classement final moins excessif. L'ENA procure un enseignement qui présente de grandes qualités et qui aura un rôle important à jouer dans la diffusion à l'étranger de la science juridique française.

-  La revalorisation de la situation des postes d'encadrement supérieur est en cours. Il est vrai qu'il existe actuellement un décalage entre les rémunérations et l'investissement exigé pour les postes d'encadrement ; la réflexion doit porter notamment sur la revalorisation des rémunérations pour les postes de responsabilité dans les services déconcentrés ainsi que ceux ayant trait à l'expertise.

Cette réflexion rejoint une réflexion plus globale sur la politique de formation et d'évaluation de la gestion des carrières.

-  Contrairement à ce qu'a pu affirmer l'un des commissaires, la paix sociale ne s'achète pas mais elle se gagne par la volonté d'un dialogue suivi et l'absence de « satanisation » de la fonction publique. L'objectif ne saurait être de retirer aux fonctionnaires certains avantages dont ils peuvent disposer mais bien d'essayer, dans la mesure du possible, d'en faire bénéficier un nombre sans cesse croissant de citoyens.

-  Le 18 novembre prochain, sera tenue une réunion sur l'accord salarial, conformément à la clause de renégociation contenue dans cet accord. Celui-ci a manifestement contribué à entretenir un climat de confiance au sein de la fonction publique, ainsi qu'à soutenir la croissance économique dans notre pays.

-  La décision n'a pas encore été prise de proroger ou non le système des congés de fin d'activité (CFA) qui a fait ses preuves. Celle-ci interviendra après la réunion du 18 novembre prochain, sachant que si, aujourd'hui, le vivier des CFA tend à s'épuiser, la masse budgétaire qu'il représente demeure néanmoins importante.

-  Le dispositif des chèques-vacances a été réformé en 1998, afin de ramener les rendements de ces chèques à une proportion plus juste. En effet, la faible inflation que connaît la France, depuis quelques années, en avait fait un placement très fructueux. La réduction des rendements entreprise en 1998 a porté ses fruits, limitant ainsi les effets d'aubaine.

-  Parfois difficile à appliquer sur le terrain, la nouvelle bonification indiciaire (NBI) peut parfois présenter des effets pervers que le rapport rendu en 1998 sur ce sujet tend cependant à relativiser. A cet égard, une réflexion est actuellement en cours pour améliorer les conditions de travail des personnels intervenant dans les secteurs où est mise en application la NBI, notamment en menant des actions en matière de formation et de soutien psychologique. De même, on pourrait envisager des avantages en terme de carrière accompagnés de divers dispositifs d'ordre financier. Les résultats de cette réflexion seront connus en décembre, ce qui pourrait donner l'occasion de réexaminer le champ des bénéficiaires ainsi que les périmètres concernés.

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Après le départ du Ministre, la Commission a procédé à l'examen pour avis des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation pour 2000.

Faisant état des nombreuses auditions auxquelles il avait procédé, M. Alain Tourret a jugé que les crédits de la fonction publique inscrits dans le projet de loi de finances pour l'exercice 2000 étaient globalement satisfaisants. Evoquant l'accord salarial du 10 février 1998, dont l'impact budgétaire est évalué à 8,5 milliards de francs pour l'année 2000, il a souligné son effet très positif sur les rémunérations des fonctionnaires, particulièrement les plus basses. Il a également souligné l'importance de ses dispositions relatives au congé de fin d'activité et à l'action sociale interministérielle - qui a bénéficié d'une enveloppe annuelle exceptionnelle de 230 millions de francs pour 1998 et 1999 -à laquelle les syndicats sont très attachés.

S'agissant des effectifs de la fonction publique, le rapporteur a fait observer que, grâce à des redéploiements entre les ministères, ils enregistraient une très légère progression par rapport à 1999 avec une création nette de 366 emplois budgétaires. Il a précisé que les ministères de la justice, de l'environnement, de l'emploi et de la solidarité en étaient les principaux bénéficiaires, au prix de suppressions d'emplois affectant le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ainsi que le ministère de l'équipement. S'agissant de ce dernier, il a fait état des craintes exprimées par certaines organisations syndicales que ces suppressions n'apparaissent à terme préjudiciables à l'exécution de ses missions.

Après avoir souligné la diversité des préoccupations des organisations syndicales sur la question des effectifs, certaines mettant en valeur la nécessité d'engager une réflexion sur la réforme des classifications tandis que d'autres sont davantage préoccupées du maintien de ces effectifs, le rapporteur a évoqué différents aspects de la politique de la fonction publique. S'agissant tout d'abord de l'insertion des personnes handicapées, il a jugé indispensable que l'Etat soit exemplaire en la matière et, prenant acte des engagements du Ministre sur cette question, a souhaité que la fonction publique respecte l'obligation d'emploi posée par la loi en faveur des handicapés. Il a regretté que les efforts actuellement consentis en faveur des jeunes mères dans la fonction publique soient insuffisants. Souscrivant à l'initiative du Premier ministre tendant à une amélioration des dispositifs en faveur des agents publics travaillant dans les quartiers urbains difficiles, il a estimé que l'action gouvernementale serait jugée à l'aune de ses efforts en la matière, soulignant que l'égalité passait par un renforcement des services publics dans ces quartiers. Evoquant les sur-rémunérations dont bénéficient les fonctionnaires travaillant dans les DOM-TOM, il a souhaité que des crédits soient également dégagés en faveur des quartiers difficiles. Après avoir mentionné l'_uvre de longue haleine que constitue la politique de délocalisations publiques, qui doit encore donner lieu à de nombreux transferts d'emplois, le rapporteur a tenu à mettre au crédit du Ministre de la fonction publique les mesures prises en faveur des maisons de services publics, soulignant leur particulière importance en milieu rural et observant que, comme les greffes uniques, elles contribuent à rendre les services publics plus accessibles aux usagers.

M. Alain Tourret a ensuite présenté certaines actions qui lui paraissent pouvoir concourir au mouvement de réforme de l'Etat. Dans cette perspective, il a tout d'abord souligné la nécessité de promouvoir la parité dans l'encadrement supérieur de la fonction publique. Il a rappelé que si les femmes représentaient globalement 56,9 % des effectifs de la fonction publique en 1998, elles n'occupaient que 8,1 % des emplois supérieurs laissés à la décision du Gouvernement. Jugeant cette situation scandaleuse et exprimant sa conviction que le temps ne suffirait à y remédier, il a affirmé la nécessité d'une politique volontariste en la matière. A ce titre, il a souhaité que le Gouvernement mette en _uvre la parité pour les emplois laissés à sa discrétion, avant de mentionner plusieurs aménagements pratiques tels que la modification du calendrier des concours administratifs, particulièrement celui de l'ENA, susceptibles de faciliter l'accès des femmes à la haute fonction publique.

S'agissant de l'ENA, M. Alain Tourret a mis en lumière l'augmentation de la moyenne d'âge d'entrée dans l'école et souligné la désaffectation relative dont souffrait cette école, particulièrement au concours interne. Jugeant, en définitive, positive la double localisation de l'école à Strasbourg et à Paris, il a cependant mentionné les coûts importants et les difficultés pratiques qu'elle entraînait pour les élèves.

Evoquant l'ouverture de la fonction publique française sur l'Europe et le monde, le rapporteur a souligné l'importance des programmes d'échanges de fonctionnaires et insisté sur les enjeux qui s'attachent à la participation de la France aux actions de coopération avec les pays d'Europe centrale et orientale, notamment dans le cadre des programmes communautaires Phare et Tacis, ainsi qu'au développement de la formation permanente auprès de fonctionnaires étrangers. Il s'est, en outre, demandé s'il ne serait pas possible d'autoriser des ressortissants communautaires à accéder à la fonction publique, s'interrogeant sur la pertinence des objectifs tenant à la souveraineté nationale ou à l'exercice de prérogatives de puissance publique.

Enfin, le rapporteur a souligné la nécessité de rénover la déontologie du fonctionnaire. A ce titre et tout en reconnaissant la difficulté de l'exercice, il a souhaité évoquer le pouvoir disciplinaire : rappelant le petit nombre de sanctions prononcées pour insuffisance professionnelle ainsi que la prévalence des sanctions les plus légères, il a exprimé la crainte que l'inexistence d'un pouvoir disciplinaire effectif ne porte atteinte à la crédibilité de la fonction publique et n'apparaisse particulièrement préjudiciable au moment où le Parlement s'apprête à examiner un texte relatif à la responsabilité des magistrats. Pour remédier à cette situation, il s'est prononcé en faveur d'une déconcentration de l'exercice du pouvoir disciplinaire, éventuellement disjoint du pouvoir de nomination.

Le rapporteur a ensuite insisté sur la nécessité de rénover la réglementation relative au cumul d'activités. Tout en admettant la nécessité d'une certaine souplesse et évoquant, à cet égard, la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, il a considéré que le cumul d'activités publiques, comme celui d'une activité publique et privée, soulevaient des problèmes de déontologie. Il a fait état des critiques formulées par le Conseil d'Etat sur certains cas de cumul, dans le rapport qu'il a récemment présenté sur cette question. S'agissant, plus précisément des possibilités d'exercice de professions libérale ouvertes aux personnel d'enseignement, il a indiqué qu'il entendait présenter un amendement qui, reprenant une proposition du Conseil d'Etat, vise à retirer le bénéfice des rémunérations complémentaires aux fonctionnaires rentrant dans ce cas de cumul. Dans le même esprit, il a souligné la nécessité d'engager une réflexion, qu'il a souhaité sereine, sur la situation des agents publics exerçant un mandat politique. Rappelant la rigueur de certains dispositifs applicables dans les pays voisins, particulièrement au Royaume-Uni, le rapporteur, sans prétendre détenir une solution sur cette question délicate, a fait état de la proposition figurant dans le livre blanc de l'ENA consistant à demander à l'agent public de choisir entre la fonction publique et sa carrière politique dès sa première réélection.

Evoquant l'attente des fonctionnaires en la matière, M. Alain Tourret a enfin jugé souhaitable que les plus hautes autorités de l'Etat définissent très clairement les fonctions et les missions de l'Etat, dont il a souligné les profondes mutations.

Mme Claudine Ledoux a tout d'abord remercié M. Alain Tourret pour la qualité de son rapport, estimant que celui-ci constituait un message fort adressé à la fonction publique. Abordant ensuite l'examen du budget, elle a estimé qu'il était très satisfaisant, sachant que celui des deux exercices précédents avait été gonflé par des dotations exceptionnelles, puis, elle a souligné l'accent mis sur l'action sociale. Evoquant les 366 créations d'emplois, elle a estimé que celles-ci attestaient du souci du Gouvernement de tourner le dos à la politique destructrice menée jusqu'en 1997 et de renforcer les services publics les plus mobilisés, qu'il s'agisse de la justice, de l'emploi ou de la santé, tout en regrettant qu'un effort ne soit pas consenti au profit des effectifs du ministère de l'équipement qui est fortement sollicité. Mme Claudine Ledoux a ensuite souhaité que des mesures soient prises pour améliorer l'accueil des personnes handicapées, puis a attiré l'attention sur le fait que les mesures facilitant les gardes d'enfants ne pouvaient s'adresser aux seules femmes et devaient, au contraire, être conçues selon une perspective familiale. S'agissant des affectations de fonctionnaires dans les quartiers défavorisés, elle a estimé que les réponses du Ministre étaient encourageantes, notamment en ce qui concerne la formation des personnels concernés et les moyens mis à leur disposition pour exercer leur mission dans de meilleures conditions. Après avoir évoqué la parité dans la fonction publique en rappelant la citation selon laquelle les difficultés seront réglées lorsque « des femmes incompétentes auront accédé à des postes de responsabilité », elle a fait observer que la question de la mobilité professionnelle devait être utilisée comme un instrument de mobilisation des personnels et de valorisation des carrières. En ce qui concerne le débat sur les cumuls d'activités, tout en partageant les préoccupations du rapporteur, elle a souligné qu'une éventuelle réforme devrait concerner l'ensemble des fonctionnaires et qu'il était sans doute inopportun de pointer une catégorie plutôt qu'une autre. Enfin, s'agissant de l'exercice de fonctions électives par les fonctionnaires, elle a jugé que les difficultés rencontrées par les personnes exerçant dans le secteur privé ne devaient pas conduire à réduire les garanties accordées aux fonctionnaires, estimant préférable de proposer des aménagements dans le cadre des réflexions sur le statut de l'élu.

Tout en comprenant les difficultés rencontrées par les élèves de l'ENA, Mme Raymonde Le Texier a néanmoins fait observer que leurs collègues issus de l'ENM ou les internes en médecine étaient confrontés à des problèmes comparables. En ce qui concerne le statut des femmes dans la fonction publique, elle a souhaité, d'une manière générale, la multiplication de crèches et l'élaboration de dispositifs souples en faveur des fonctionnaires désireux de se libérer pour faire face à leurs charges parentales, tout en faisant part de ses réserves à l'égard de mesures spécifiques aux femmes, susceptibles d'entraîner des effets pervers. Evoquant ensuite la question des 35 heures dans les collectivités locales, elle a indiqué que dans sa commune, la réduction du temps de travail avait contribué à améliorer les conditions de gardes d'enfants tout en faisant chuter l'absentéisme. Enfin, elle a fait part de son accord sur le principe d'un amendement réduisant, pour les enseignants, les avantages résultant du cumul d'activités, suggérant néanmoins son retrait au vu des explications fournies par le Ministre.

Le rapporteur a ensuite présenté à la Commission l'amendement qu'il avait annoncé tendant à supprimer les rémunérations supplémentaires pour les membres du personnel enseignant, technique ou scientifique, des établissements d'enseignement et de la documentation des beaux-arts exerçant parallèlement, conformément à l'article 3 du décret-loi du 25 octobre 1936, une profession libérale. Tout en admettant qu'il soulevait des difficultés juridiques, il a insisté sur son souhait d'obtenir un engagement du Gouvernement de revoir la question du cumul d'une activité publique et privée.

Mme Claudine Ledoux a jugé qu'il n'était pas souhaitable de légiférer pour une catégorie particulière, estimant préférable d'attendre une réforme d'ensemble des règles de cumul dans la fonction publique.

M. Arnaud Montebourg a considéré que la Commission ne pouvait adopter l'amendement présenté par le rapporteur, faisant ressortir qu'il portait, non sur les crédits de la fonction publique, mais sur ceux de l'enseignement supérieur dont elle n'est pas saisie. Il a donc suggéré au rapporteur de le présenter en séance à titre individuel, en faisant état du soutien de principe de la Commission.

Le rapporteur a alors retiré son amendement.

Conformément aux conclusions de son rapporteur, la Commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des services généraux du Premier ministre, fonction publique, pour 2000.

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