Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 22

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 26 janvier 2000
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente,

puis de M. Gérard Gouzes, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen, en application de l'article 88 du Règlement, des amendements au projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'élection des sénateurs (n° 1742) (amendements)


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- Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (n° 735) ; des propositions de loi : de M. André Gerin et plusieurs de ses collègues, relative à l'attribution de la prestation compensatoire en cas de divorce (n° 156) ; de M. Pierre-André Wiltzer et plusieurs de ses collègues, relative à l'assouplissement des conditions de versement de la prestation compensatoire définie à l'article 273 du code civil (n° 579) ; de M. Yves Nicolin et plusieurs de ses collègues, tendant à substituer à la prestation compensatoire une indemnité de séparation entre époux divorcés (n° 1900) ; de M. Michel Hunault, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (n° 1989) et de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues, relative aux prestations compensatoires en matière de divorce (n° 2098) (rapport)










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- Informations relatives à la Commission

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Statuant en application de l'article 88 du Règlement, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Marc Dolez, les amendements au projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'élection des sénateurs (n° 1742).

Article additionnel avant l'article premier (art. L. 52-11-2 du code électoral) : Plafonnement des dépenses des candidats pour les élections sénatoriales :

La Commission a accepté l'amendement n° 15 de M. René Dosière visant à étendre aux élections sénatoriales les dispositions du code électoral plafonnant les dépenses des candidats. M. René Dosière a précisé que le dispositif qu'il proposait ne comportait pas de règles relatives au remboursement d'une partie de ces dépenses par l'Etat, soulignant qu'il appartenait au Gouvernement de faire des propositions en ce domaine. M. Marc Dolez, rapporteur, a estimé que la démarche initiée par M. René Dosière méritait d'être suivie à ce stade de la procédure, la navette permettant ensuite de réfléchir à une adaptation du plafond de dépenses en fonction de la taille du département ainsi qu'à des modalités éventuelles de remboursement de ces dépenses par l'Etat.

Articles additionnels après l'article premier : (art. L. 286 du code électoral) : suppléants des délégués des conseils municipaux dans les collèges électoraux sénatoriaux et (art. L. 287 du code électoral) : députés, conseillers régionaux, conseillers à l'Assemblée de Corse et conseillers généraux exerçant également le mandat de conseiller municipal :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur réduisant le nombre de suppléants pour tenir compte de l'augmentation du nombre de délégués et des difficultés que pourraient éprouver les formations politiques pour constituer des listes de délégués et de suppléants complètes, cet amendement prévoyant également que, dans les communes comptant moins de 2 000 habitants, les suppléants sont élus au sein du conseil municipal.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur disposant que les députés, les conseillers régionaux, les conseillers à l'Assemblée de Corse et les conseillers généraux, qui sont déjà grands électeurs pour le scrutin sénatorial, ne pouvaient être désignés délégués par les conseils municipaux dans lesquels ils siègent également. Le rapporteur a insisté sur le fait qu'il s'agissait de ne donner qu'une seule voix à ces grands électeurs qui, actuellement, peuvent se faire remplacer par une personne de leur choix au sein du conseil municipal pour l'élection des sénateurs. Après que M. Roger Franzoni se fut déclaré favorable au dispositif proposé par le rapporteur, M. René Dosière s'est interrogé sur le maintien de la règle selon laquelle les députés sont électeurs de droit au scrutin sénatorial, observant que les membres de l'Assemblée nationale ne représentaient pas les collectivités territoriales mais la Nation tout entière. M. Alain Tourret ayant remarqué que les sénateurs participaient de leur côte à l'élection des députés, M. Thierry Mariani s'est interrogé, quant à lui, sur la pertinence de la disposition proposée par le rapporteur.

Article 2 (art. L. 288 du code électoral) : Mode de scrutin pour l'élection des délégués des conseils municipaux dans les communes de moins de 1 000 habitants :

La Commission, à l'initiative du rapporteur, a accepté de rectifier son amendement n° 3 pour prévoir que l'élection des délégués des conseils municipaux se déroulerait au scrutin majoritaire dans les communes de moins de 2 000 habitants, et non pas dans celles de moins de 3 500 habitants, tirant ainsi les conclusions de l'adoption par l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi sur la parité, du seuil de 2 000 habitants pour les élections municipales. M. Claude Goasguen a tenu à remarquer que la présentation d'un tel sous-amendement confirmait l'impression désagréable qu'il avait ressentie lors de l'examen du projet de loi relatif à la parité, utilisé comme prétexte pour modifier le mode de scrutin municipal. Il a vivement regretté que l'on politise ainsi inutilement et excessivement les petites communes.

Article 3 (art. L. 289 du code électoral) : Mode d'élection des délégués des conseils municipaux dans les communes d'au moins 1 000 habitants :

La Commission a adopté un sous-amendement de coordination présenté par le rapporteur à l'amendement n° 4 de la Commission.

Article additionnel après l'article 11 (art. L. 312 du code électoral) : Bureaux de vote :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant la réunion du collège électoral dans les chefs-lieux d'arrondissement pour les départements qui élisent leurs sénateurs à la représentation proportionnelle, la réunion de ce collège à la préfecture dans les autres départements et dans les mairies d'arrondissement à Paris, Lyon et Marseille. Le rapporteur a justifié cette mesure par l'augmentation importante du nombre de délégués et la nécessité consécutive de multiplier le nombre de bureaux de vote dans les plus grands départements. Regrettant la fin d'une tradition républicaine qui consistait à réunir les élus locaux à la préfecture pour l'élection des sénateurs et rejoint en cela par M. Thierry Mariani, M. Alain Tourret a souligné le risque de clientélisme qui pourrait apparaître avec un vote par arrondissement. M. René Dosière a jugé que la proposition du rapporteur répondait aux nouvelles contraintes liées à l'augmentation du nombre de délégués tandis que M. Dominique Bussereau déplorait que l'on mette fin ainsi au contact direct entre les électeurs et les candidats, MM. Claude Goasguen et Roger Franzoni exprimant, quant à eux, leur désaccord avec l'amendement du rapporteur.

Article 14 (art. L. 334-4 du code électoral) : Application de la loi dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon :

La Commission a adopté deux amendements de coordination du rapporteur.

Article 15 (art. L. 334-15-1 du code électoral) : Application de la loi dans la collectivité territoriale de Mayotte :

La Commission a adopté deux amendements de coordination du rapporteur.

Article 16 (art. 16-1, 16-2 et 21 de la loi n° 85-691 du 10 juillet 1985) : Application de la loi en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie :

La Commission a adopté trois amendements de coordination du rapporteur.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Alain Vidalies, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (n° 735), et les propositions de loi : de M. André Gerin et plusieurs de ses collègues, relative à l'attribution de la prestation compensatoire en cas de divorce (n° 156) ; de M. Pierre-André Wiltzer et plusieurs de ses collègues, relative à l'assouplissement des conditions de versement de la prestation compensatoire définie à l'article 273 du code civil (n° 579) ; de M. Yves Nicolin et plusieurs de ses collègues, tendant à substituer à la prestation compensatoire une indemnité de séparation entre époux divorcés (n° 1900) ; de M. Michel Hunault, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (n° 1989) et de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues, relative aux prestations compensatoires en matière de divorce (n° 2098).

Evoquant le régime de la prestation compensatoire institué par la loi de 1975 sur le divorce, M. Alain Vidalies, rapporteur, a souhaité, en préambule, faire état des nombreux cas douloureux et des situations manifestement iniques dont sont saisis très fréquemment les parlementaires dans leur permanence. Rappelant que l'inadéquation de cette loi aux situations rencontrées quotidiennement avait suscité de nombreuses initiatives parlementaires venant d'horizons politiques divers et avait conduit le Sénat à adopter une proposition de loi se limitant à modifier les conditions de révision de la prestation compensatoire, le rapporteur a indiqué que l'urgence d'une réforme sur le sujet avait convaincu le Gouvernement d'inscrire cette proposition de loi adoptée par le Sénat à l'ordre du jour prioritaire plutôt que de l'intégrer, comme il le souhaitait initialement, dans une réforme plus globale du droit de la famille. Soulignant le risque qu'une simple réforme des modalités de révision de la prestation compensatoire ne répète les erreurs du dispositif existant avant la loi du 11 juillet 1975, le rapporteur a rappelé qu'avant la réforme du divorce, les relations entre les ex-époux étaient régies par l'article 301 du code civil qui prévoyait pour l'époux non fautif l'allocation d'une pension alimentaire, dont le montant était révisable en permanence, en fonction des ressources des conjoints. Il a indiqué qu'il en résultait souvent un conflit permanent entre les ex-conjoints pour tenter d'augmenter ou de réduire cette pension alimentaire, entretenant ainsi entre eux à la fois une prolongation des liens de conjugalité souvent très mal vécue et une insécurité juridique.

Rappelant la rédaction retenue en 1975 pour l'article 270 du code civil, qui dispose que la prestation compensatoire est destinée à compenser « autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives », il a constaté qu'une telle disposition relevait d'une conception économique du régime des relations entre ex-époux. Il a également précisé que le régime actuel issu de la loi de 1975 retenait le principe général d'une attribution de la prestation compensatoire sous forme de capital, tout en ouvrant la possibilité, lorsque le débiteur ne peut en assurer le règlement, du versement d'une rente temporaire ou viagère. Il a ajouté que le régime de révision de la rente était très stricte, limité aux seules situations d'exceptionnelle gravité, afin notamment de ne pas encombrer les tribunaux de manière excessive. Décrivant les dérives qui ont résulté de l'application de la loi de 1975, le rapporteur a déploré que les tribunaux aient interprété de façon très restrictive les clauses de révision pour cas d'exceptionnelle gravité et a constaté que cette jurisprudence s'était révélée très dissuasive, aboutissant à ce que moins de 800 à 900 demandes par an soient présentées. Il a également regretté que le juge retienne, dans 80 % des cas, le principe du versement de la prestation compensatoire sous forme de rente, viagère ou temporaire, alors même que le législateur en 1975 avait souhaité instaurer le principe du versement en capital, le versement sous forme de rente devant rester marginal. Observant que le succès du versement sous forme de rente tenait en priorité à des considérations d'ordre fiscal, la rente pouvant être déduite du revenu du débirentier pour le calcul de l'impôt, il a regretté la distorsion existant entre ce dispositif fiscal qui, du fait de l'intervention, certes indirecte, de l'Etat dans les relations entre époux, privilégiait les versements sous forme de rente, et la volonté du législateur qui avait, au contraire, souhaité promouvoir le principe de versement sous forme de capital.

Abordant ensuite le dispositif prévu par la proposition de loi et les amendements qu'il présentait à ce sujet, le rapporteur a mis l'accent sur le fait que le nouveau système proposé devait avant tout être cohérent et lisible. Evoquant les principaux points qui semblent susciter un consensus - le principe général d'un versement sous forme de capital et les possibilités de révision de la prestation compensatoire - il a proposé, dans cette optique, que la possibilité de versement sous forme de rente temporaire soit supprimée. Après avoir exprimé sa crainte que le dispositif retenu par le Sénat, qui se limite à assouplir les conditions de révision du montant de la prestation compensatoire, ne soulève les mêmes difficultés que celles apparues avant 1975, il a souhaité présenter un dispositif plus ambitieux modifiant, pour les divorces contentieux, les modalités de versement de la prestation compensatoire qui ferait l'objet soit, à titre principal, d'un versement sous forme de capital, soit, de manière exceptionnelle, d'un versement sous forme de rente viagère. Il a reconnu que ces deux modalités de versement ne pouvaient obéir aux mêmes règles de révision, soulignant qu'il fallait, dès lors, bien distinguer, dans le dispositif proposé, les deux procédures. Précisant que, la procédure de rente temporaire étant supprimée, les modalités de versement de la prestation sous forme de capital devaient être aménagées afin de permettre un étalement du versement sur dix ans contre trois actuellement, il a ajouté que seules les modalités de versement du capital pourraient éventuellement être modifiées par le juge en raison du changement notable de la situation du débiteur, le montant du capital ne pouvant, lui, en aucun cas être révisé. Il a précisé que cette possibilité de révision des modalités de versement serait également ouverte aux héritiers du débiteur. Evoquant la procédure de versement sous forme de rente viagère, il a souhaité que celle-ci ne puisse être accordée que par décision spéciale et motivée du juge, se fondant pour cela sur l'âge ou l'état de santé du créancier ainsi que sur les critères de détermination des besoins et ressources décrits à l'article 272 du code civil. Après avoir constaté que les rentes viagères étaient à l'origine de situations extrêmement délicates et douloureuses, il a préconisé l'instauration d'un dispositif qui permettrait une révision plus aisée de leur montant. Il a également souhaité que, lors du décès du créancier, puisse être déduit de la rente viagère versée par les héritiers le montant de la pension de réversion revenant à la créancière. Enfin, évoquant les démarches effectuées auprès d'organismes financiers, il a estimé qu'il faudrait envisager la possibilité d'accorder, à la demande du créancier ou de ses héritiers, une capitalisation de la rente.

Concernant les versements sous forme de rente temporaire, le rapporteur a souhaité qu'ils soient supprimés, tout en proposant un aménagement du dispositif actuel pour les rentes temporaires en cours, qui consisterait à prévoir une possibilité de révision à la baisse en cas de changement important dans les ressources et les besoins des parties et l'interdiction d'un allongement de la durée du versement.

Intervenant dans la discussion générale en application de l'article 38, alinéa 1er, du Règlement, Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteuse au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a fait part des principales observations de cette délégation sur le projet de loi. Elle a ainsi indiqué que la délégation souhaitait que le principe du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital soit réaffirmé et que sa mise en _uvre soit facilitée, notamment par des versements mensuels ou annuels d'une durée limitée, mais suffisamment longue. Elle a ajouté qu'il était nécessaire que la prestation compensatoire soit fixée parallèlement à la liquidation du régime matrimonial et que les règles fiscales applicables à la prestation versée sous forme de capital soient reconsidérées, afin de favoriser ce mode de versement. Estimant que le montant du capital fixé par le juge ne devait pas être révisable, elle a proposé que seules ses modalités de paiement puissent être modifiées en cas de changement notable et imprévu de la situation du débiteur. Elle a également souhaité que le versement de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère ne soit prévu qu'exceptionnellement, par une décision spécialement motivée fondée sur des considérations tenant notamment à l'âge du créancier, à la durée du mariage et aux besoins et ressources des parties, cette rente viagère pouvant être révisable en cas de changement imprévu dans les ressources du débiteur ou les besoins du créancier. Elle a enfin demandé qu'au décès du débiteur de la prestation compensatoire, ses héritiers puissent engager une action en révision, l'éventuelle pension de réversion versée au créancier du chef du conjoint divorcé prédécédé devant être déduite de la charge du paiement du solde du capital ou de la rente viagère qui leur est transmise.

Après avoir observé que la prestation compensatoire était versée à 97 % par des hommes, M. Alain Tourret s'est insurgé contre le fait que l'Etat assume, en fait, plus de la moitié de la charge de la prestation versée sous forme de rente par les divorcés fortunés, faisant référence à sa déductibilité de l'impôt sur le revenu qu'il a critiquée. Il a estimé indispensable de ne prévoir aucune exception à la fixation d'un capital, faisant valoir que le versement de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère conduisait en fait, compte tenu de la prolongation de la durée de la vie, au paiement de sommes très importantes, dont la révision était jusqu'à présent quasiment impossible, malgré un assouplissement récent de la jurisprudence. Observant que les magistrats décidaient fréquemment d'allouer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère, alors même que la loi de 1975 ne le prévoyait qu'à titre exceptionnel, il a regretté que son montant soit souvent fixé en prenant en compte la pension alimentaire versée pour l'éducation des enfants, ce qui revenait à assimiler dans un calcul global deux prestations ayant des finalités différentes et dont l'instruction ne relève pas des mêmes juridictions. Evoquant les modalités de paiement de la prestation compensatoire, il a jugé nécessaire de prévoir une possibilité de suspension des versements, afin de répondre rapidement à certaines situations d'urgence, telles que le licenciement. Après avoir souligné que la situation de séparation de corps pouvait perdurer, il a proposé d'aligner son régime sur celui du divorce.

M. Richard Cazenave s'est interrogé sur la cohérence du texte proposé par le rapporteur en soulignant qu'il ne réglait pas l'ambiguïté pesant sur le régime de la prestation compensatoire, celle-ci constituant une indemnité et non une pension alimentaire. A ce titre, il a estimé qu'il serait logique de supprimer la possibilité d'octroyer une rente viagère en cas de divorce pour ne prévoir que le versement d'un capital. Il a en outre considéré que l'Etat devait encourager de tels versements par des incitations fiscales. Il a, par ailleurs, indiqué que la disposition permettant au juge de fixer la durée de versement du capital risquait, si ce terme était éloigné, de créer une situation hybride, plaçant les débiteurs dans une situation identique à celle créée par le versement d'une rente viagère. Il s'est enfin demandé quelle marge d'interprétation serait laissée au juge pour prendre en compte l'évolution de la situation du débiteur astreint au versement de la prestation compensatoire sous cette forme.

Répondant à l'observation de M. Alain Tourret sur le caractère contestable de la déductibilité de la prestation compensatoire, M. Jérôme Lambert a souligné que les pertes de recettes fiscales dues au versement de rentes devaient être appréciées au regard du supplément d'impôts payé par le créancier. Il s'est ensuite interrogé sur la liberté qu'il convenait de laisser au juge pour fixer le terme du versement du capital, s'inquiétant de l'absence d'un délai maximal impératif. Il a, par ailleurs, demandé s'il était possible à un débiteur versant une rente d'obtenir un jugement qui permette de la transformer en capital, en prenant en compte les sommes déjà acquittées. Il a enfin soulevé le problème des personnes se plaçant volontairement en situation d'insolvabilité, soulignant qu'aucune disposition du texte ne permettait de répondre à ce cas de figure.

Mme Véronique Neiertz a observé que la question de l'insolvabilité volontaire n'était pas spécifique au versement de la prestation compensatoire, remarquant qu'elle constituait également un moyen de frauder le fisc. Rappelant que les cas d'insolvabilité frauduleuse constituaient des délits, elle a jugé qu'il n'était pas nécessaire de prévoir dans ce texte des dispositions spécifiques sur ce point.

M. Roger Franzoni a estimé que si l'on posait le principe que le versement du capital ne pouvait être étalé sur plus de dix ans, il était cependant souhaitable de laisser au juge la possibilité d'apprécier les cas particuliers pour, le cas échéant, retarder le terme des versements sans qu'une limite maximale ne soit fixée par la loi. Il s'est, en outre, interrogé sur la possibilité de prendre en compte les modifications de situation affectant le créancier.

M. Claude Goasguen a jugé que pour encourager les débiteurs à abandonner le système de la rente viagère au profit de la capitalisation, il était indispensable de mettre en place des incitations fiscales.

M. Gérard Gouzes a souligné que, depuis la réforme de 1975, les prestations compensatoires accordées mélangeaient à la fois les critères indemnitaires et alimentaires, alors même que l'obligation alimentaire pesant sur les époux cesse avec le divorce et que la compensation vise avant tout à indemniser le préjudice causé par la rupture. Citant les articles 271 et 273 du code civil, il a rappelé le caractère forfaitaire de la prestation compensatoire, dont le montant ne peut être révisé que si l'absence de révision a pour le débiteur des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Considérant que la jurisprudence était, sur ce point, trop restrictive puisqu'elle obligeait le débiteur à apporter la preuve de l'exceptionnelle gravité de sa situation, il a jugé indispensable que cette jurisprudence soit infléchie et qu'elle puisse, dans le même temps, tenir compte de l'évolution de la situation du créancier.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

-  Le débiteur d'une prestation compensatoire ayant fait l'objet d'un échéancier de paiement aura la faculté, à tout moment, de se libérer de ses mensualités ou, le cas échéant, de ses annualités, en s'acquittant, par un versement unique, du solde restant dû.

-  Privilégier le versement en capital de la prestation compensatoire en matière de divorce, ce qui constitue le principal objet de la proposition de loi, implique, effectivement, de réfléchir à la mise au point de nouveaux produits d'épargne ainsi qu'aux modalités de transmission de ce capital. Les débiteurs, regroupés en associations, poursuivent des négociations avec les établissements de crédit, d'une part, et avec le ministère de l'économie et des finances, d'autre part : un statut fiscal spécifique devra être élaboré, les règles actuellement en vigueur favorisant la rente par rapport au versement en capital.

-  Bien que les difficultés les plus importantes proviennent des rentes viagères, leur principe ne peut être totalement écarté, certaines situations rendant nécessaire le recours à ce dispositif. Les inconvénients de la subsistance des rentes viagères ne doivent cependant pas être surestimés puisqu'il s'agit, d'ores et déjà, d'un procédé exceptionnel, qui ne concerne qu'environ 3 % des divorces prononcés chaque année.

-  S'agissant de la durée de l'échéancier qui pourra être retenue, le cas échéant, par le juge, pour le paiement de la prestation compensatoire, il semble préférable qu'une limite supérieure, qui pourrait être de dix ans, soit fixée par la loi. Toutefois, une certaine souplesse devra sans doute être introduite dans le dispositif, afin de tenir compte des événements exceptionnels qui peuvent affecter la situation du débiteur dans la phase finale de cet échéancier. La possibilité de suspendre, dans certains cas, le paiement des échéances, pourrait résoudre opportunément ces difficultés, sous réserve que cette faculté soit sans incidence sur le montant total du capital à verser.

-  Il ne paraît pas souhaitable, en revanche, d'ouvrir au débiteur d'une prestation compensatoire la faculté de demander la révision du montant du capital dont il doit s'acquitter, même en cas de changement important de la situation financière de son ex-conjoint. Une telle solution imposerait, en effet, de prévoir un dispositif analogue au profit de ce dernier, et reviendrait, de facto, à rétablir la situation qui prévalait avant le vote de la loi du 11 juillet 1975, en réintroduisant une possibilité de révision, à la baisse mais également à la hausse, du montant du capital fixé à l'origine.

Puis, la Commission est passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Avant l'article 1er :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à insérer un titre premier dans lequel figureront les dispositions relatives au nouveau régime de la prestation compensatoire. Elle a ensuite été saisie de deux amendements présentés respectivement par MM. Claude Goasguen et Gérard Gouzes tendant à modifier l'article 270 du code civil. Après avoir présenté son amendement, qui substitue à la prestation compensatoire une indemnité de séparation destinée à permettre à l'époux la percevant de s'adapter à la situation créée par la rupture du mariage, M. Claude Goasguen a fait part de l'intérêt qu'il portait aux propositions faites par le rapporteur et de son souci de privilégier le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital, M. Richard Cazenave s'est interrogé sur la possibilité de prévoir une indemnité de « réparation » plutôt que de « séparation ». Tout en étant conscient que cette question relèverait davantage d'une discussion générale sur la rénovation du droit de la famille, M. Gérard Gouzes a présenté son amendement visant à conférer un caractère exceptionnel à l'attribution d'une prestation compensatoire, cette définition lui paraissant mieux refléter l'évolution de la société. Le rapporteur ayant estimé que la modification de l'article 270 du code civil aurait des conséquences sur la conception et la procédure du divorce, qui donneront lieu à un débat plus général dans le cadre la réforme du divorce, la Commission a rejeté ces deux amendements. Elle a également rejeté un amendement de conséquence de M. Claude Goasguen tendant à préciser les conditions de fixation de l'indemnité de séparation.

Avant l'article 1er (art. 272 du code civil) : Critères retenus pour la détermination des besoins et des ressources des époux :

La Commission a été saisie de deux amendements tendant à modifier l'article 272 du code civil, qui énumère les critères pris en compte pour définir les besoins et les ressources des époux et fixer le montant de la prestation compensatoire, le premier, présenté par le rapporteur tendant à ajouter la durée du mariage au nombre des critères retenus, le second, présenté par M. Claude Goasguen prévoyant, en outre, la prise en compte de la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail et de leurs obligations existantes et prévisibles. Le rapporteur acceptant de retenir, outre la durée du mariage, la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail, tandis que M. Claude Goasguen acceptant de renoncer à faire référence aux obligations des époux, la Commission a adopté les deux amendements ainsi modifiés.

Article 1er (art. 273 du code civil) : Conditions de révision de la prestation compensatoire :

La Commission a rejeté un amendement de M. Claude Goasguen affirmant le caractère indemnitaire et forfaitaire de la prestation compensatoire et autorisant sa révision en cas de changement substantiel dans les ressources ou les situations des parties, après que M. Gérard Gouzes eut exprimé des réserves sur le terme « substantiel », susceptible de donner lieu à une interprétation jurisprudentielle restrictive, et que le rapporteur eut fait observer que cet amendement n'était pas compatible avec le dispositif qu'il proposait à la Commission. La Commission a, pour la même raison, rejeté un amendement de M. Emile Blessig, imposant au juge de fixer la prestation en référence à un capital et autorisant sa révision en cas de changement substantiel dans la situation patrimoniale, les ressources, les besoins ou les conditions de vie des parties. Après avoir également rejeté un amendement de M. Claude Goasguen tendant à supprimer les modalités de révision de la prestation compensatoire telles qu'elles sont prévues à l'article premier de la proposition de loi, la Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que la prestation compensatoire prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge, M. Gérard Gouzes et Mme Véronique Neiertz ayant souligné l'extrême importance de cet amendement pour l'avenir. La Commission a adopté l'article premier ainsi modifié.

Après l'article 1er :

Compte tenu des précédentes décisions prises par la Commission, M. Claude Goasguen a retiré deux amendements tendant à préciser, le premier, les conditions de révision de l'indemnité de séparation, le second à prévoir que l'indemnité de séparation prend la forme d'un capital.

Article 1er bis (art. 247 du code civil) : Compétence du juge aux affaires familiales pour statuer sur les demandes de révision de la prestation compensatoire :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer cet article, ses dispositions étant reprises dans un article additionnel après l'article 2 ter.

Article 1er ter (art. 275, al. 3, du code civil) : Modalités de versement de la prestation compensatoire sous forme de capital :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 1er quater (art. 276 du code civil) : Substitution d'un capital à une rente :

Après que M. Gérard Gouzes eut exprimé des réserves sur la procédure de capitalisation, la Commission a rejeté un amendement présenté par M. Emile Blessig visant à supprimer cet article. Elle a ensuite été saisie d'un amendement de M. Claude Goasguen visant à imposer le versement du capital dans un délai d'un an et d'un amendement du rapporteur tendant à proposer une nouvelle rédaction de l'article 276 du code civil. Soulignant qu'on abordait ici le c_ur du dispositif proposé à la Commission, le rapporteur a précisé qu'il s'agissait, après avoir réaffirmé le principe du versement en capital, de prévoir de nouvelles modalités pour le paiement de celui-ci, qui permettront au débiteur d'une prestation compensatoire d'échelonner ses versements sur une durée maximale de dix ans. Il a précisé que ces modalités de versement pourront être révisées à la demande du débiteur en cas de changement notable de sa situation, une révision conduisant au versement du capital sur une durée totale supérieure à dix ans pouvant être consentie à titre exceptionnel et par décision spéciale et motivée du juge. Après avoir fait observer que cette possibilité de révision était également ouverte aux héritiers du débiteur, tenus au paiement du solde du capital dans la limite de l'actif successoral, le rapporteur a précisé que le débiteur ou ses héritiers pourraient également se libérer à tout moment du solde du capital, tandis que le créancier pourrait saisir le juge d'une demande en paiement du solde du capital après la liquidation du régime matrimonial.

M. Jérôme Lambert s'est interrogé sur l'opportunité de cette dernière disposition. Soulignant que les modalités de paiement peuvent pervertir le principe même du versement en capital, Mme Véronique Neiertz a souhaité ne pas laisser au juge la possibilité de fixer des durées de versement du capital trop longues, sous peine de revenir au mécanisme de la rente et d'accroître les risques de modification de la situation du débiteur. Elle a insisté sur la nécessité de fixer le capital au moment du divorce et estimé que, lorsque les époux disposaient d'un patrimoine, le versement du capital pouvait se faire dans un délai très court. Après avoir rappelé que la proposition de loi déposée par le groupe socialiste sur la prestation compensatoire échelonnait les versements en capital sur une durée maximale de six ans, elle a considéré que porter cette durée à dix ans et prévoir la possibilité pour les juges de la dépasser irait à l'encontre de l'objectif de la réforme qui est de privilégier le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital. M. Richard Cazenave a estimé que le dispositif proposé par le rapporteur pouvait laisser croire au maintien de la rente temporaire et a jugé nécessaire d'entamer une réflexion sur la façon dont le débiteur pourrait se libérer du capital dû, notamment en contractant à un emprunt. Il a considéré que la possibilité laissée au juge d'étaler les versements sur une durée très longue pourrait l'inciter à fixer des prestations compensatoires d'un montant très élevé et souligné que l'on ne pouvait négliger les incidences des modalités de paiement du capital sur la détermination de son montant. Mme Marie-Françoise Clergeau a précisé que la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes avait évoqué la possibilité, lors de sa discussion sur la proposition de loi, d'échelonner les versements sur une durée maximale de huit ans, par correspondance avec la durée des produits financiers offerts par les institutions bancaires. Rappelant que l'objectif était de résoudre les difficultés posées par les rentes viagères, M. Claude Goasguen a estimé que le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital était réservé aux ménages disposant d'un patrimoine et souligné qu'à raccourcir les délais de versement, on risquait d'une part de favoriser la rente viagère et d'autre part, d'inciter le juge à réduire le montant du capital. Il a donc marqué son accord avec la fixation d'un délai de versement du capital relativement long, rappelant que, le plus souvent, le capital se constituait progressivement et considérant donc que cette solution était conforme à la logique du dispositif proposé par le rapporteur.

Ce dernier a considéré que la pire des solutions serait de mettre en place une législation inapplicable et a observé qu'imposer le versement du capital sur une durée trop brève pourrait conduire le juge à réduire le montant du capital, puisqu'il le déterminerait en fonction des possibilités de paiement du débiteur. Après avoir indiqué que le délai de dix ans rencontrait l'accord des personnes qu'il a auditionnées, il a rappelé que le juge ne pourrait autoriser le versement du capital sur une durée supérieure à dix ans que lorsque le débiteur aurait demandé la révision des modalités de paiement. Il a enfin souligné que, si la durée de versement était relativement longue, son amendement ouvrait toutefois au débiteur la possibilité de se libérer à tout moment du capital restant dû et au créancier de demander au juge l'accélération du paiement du capital après la liquidation du régime matrimonial. Mme Véronique Neiertz a proposé de sous-amender le texte présenté par le rapporteur pour limiter à huit années la durée de versement du capital, le rapporteur proposant en outre une modification d'ordre rédactionnel. La Commission a donc rejeté l'amendement présenté par M. Claude Goasguen et adopté l'amendement du rapporteur ainsi sous-amendé donnant à l'article 1er quater une nouvelle rédaction. De ce fait, un amendement de M. Claude Goasguen visant à supprimer la possibilité pour le créancier de demander la capitalisation de la rente est devenu sans objet.

Article 2 (art. 276-1 du code civil) : Fixation de la durée de la prestation compensatoire attribuée sous forme de rente :

M. Claude Goasguen ayant retiré un amendement visant à préciser que la rente et sa durée sont définies en référence à un capital dont le montant est fixé par le juge, la Commission a ensuite été saisie d'un amendement du rapporteur tendant à préciser les conditions dans lesquelles le juge peut fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. L'auteur a précisé que cette possibilité serait ouverte au juge à titre exceptionnel, en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier, ce qui supposerait une décision spécialement motivée qui prenne en compte les éléments d'appréciation prévus à l'article 272 du code civil. Mme Marie-Françoise Clergeau ayant rappelé que la Délégation souhaitait que la décision d'allouer la prestation compensatoire sous forme d'une rente viagère prenne également en compte la durée du mariage ainsi que les besoins et les ressources des parties, M. Gérard Gouzes a précisé que ces deux critères étaient satisfaits par l'amendements adopté par la Commission à l'article 2. Après que Mme Véronique Neiertz eut souligné l'importance d'adopter une rédaction qui manifeste le caractère dérogatoire et exceptionnel de l'octroi d'une rente viagère, la Commission a adopté cet amendement donnant à l'article 2 une nouvelle rédaction.

Après l'article 2 :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Emile Blessig tendant à modifier l'article 757 A du code général des impôts afin de doubler l'abattement prévu par l'article 779 du code général des impôts pour la perception des droits de mutation perçus sur les versements en capital entre ex-époux. Soulignant que l'auteur avait ainsi entendu poser le problème de la différence de fiscalité existant aujourd'hui entre le paiement de la prestation compensatoire sous forme de rente et sous forme de capital, Mme Nicole Feidt a jugé qu'il était effectivement nécessaire de modifier le régime fiscal du capital si l'on entendait favoriser ce mode de versement de la prestation compensatoire. Après avoir précisé que cet amendement reprenait un article adopté par la commission des Lois du Sénat retiré en séance, et tout en admettant l'importance des aspects fiscaux dans le régime de la prestation compensatoire, le rapporteur a toutefois considéré qu'il était difficile d'apporter une solution à ce problème tant que le cadre juridique de la réforme n'était pas arrêté. Tout en s'opposant au vote de cet amendement, il a indiqué qu'il soulèverait la question de la fiscalité de la prestation compensatoire en séance publique. Après que M. Claude Goasguen eut souligné l'extrême importance de cette question, la Commission a rejeté cet amendement. Elle a également rejeté un amendement présenté par M. Gérard Gouzes tendant à modifier la rédaction de l'article 271 du code civil afin de préciser que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins et les ressources de chacun des époux, en tenant compte de leur situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

Article 2 bis : Ouverture de l'action en révision aux héritiers du débiteur :

La Commission a rejeté un amendement de M. Claude Goasguen faisant cesser de plein droit le versement de la rente lors du décès du débiteur ou lorsque le créancier se remarie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage notoire. Le rapporteur a indiqué que ces nouveaux éléments pourraient être pris en compte par le juge au titre des changements importants susceptibles de donner lieu à une révision à la baisse de la rente viagère. Concernant la transmission de la rente viagère, il a présenté un amendement confirmant que sa charge passe à l'hérédité mais prévoyant que la pension de réversion est déduite de plein droit. M. Gérard Gouzes a rappelé que les héritiers peuvent toujours refuser la succession et qu'il ne devait pas être dérogé au principe selon lequel toutes les dettes patrimoniales se transmettent. Il a estimé que la rente viagère pouvait s'apparenter à une pension alimentaire lorsqu'elle est versée à un ex-conjoint âgé ou malade et jugé qu'il n'était donc pas possible d'y mettre fin en cas de décès du débiteur. Après avoir qualifié la rente viagère de « poison familial » et jugé souhaitable de supprimer le versement de la prestation compensatoire sous cette forme, M. Claude Goasguen a estimé que sa transmissibilité aux héritiers était une puissante incitation à verser la prestation compensatoire sous forme de capital, d'autant qu'il était beaucoup plus facile aujourd'hui que par le passé de constituer un capital en recourant à l'emprunt. Mme Véronique Neiertz a estimé qu'il était de l'intérêt des femmes de prendre conscience que le mariage n'est pas une assurance-vie et qu'il leur faut donc compter sur leurs propres forces, c'est-à-dire avoir un métier et travailler. La Commission a adopté l'amendement du rapporteur donnant une nouvelle rédaction à cet article, après qu'il eut souligné que la rente viagère serait révisable et capitalisable.

Après l'article 2 bis (art. 276-3 et 276-4 du code civil) : Prestations compensatoires fixées sous forme de rente viagère

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rendant possible la révision à la baisse de la rente viagère en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties et ouvrant cette action au débiteur et à ses héritiers. En réponse à une observation de M. Richard Cazenave, le rapporteur a indiqué qu'il avait à dessein distingué la nature des changements susceptibles d'ouvrir droit à révision, un changement notable suffisant pour obtenir la révision des modalités de paiement du capital tandis qu'un changement important serait nécessaire pour obtenir celle d'une rente viagère. Mme Marie-Françoise Clergeau a souligné que la rente viagère pourrait être révisée à la baisse si la crédirentière voyait sa situation s'améliorer à la suite d'un remariage. La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur permettant au débiteur d'une rente viagère de demander, à tout moment, au juge de substituer un capital à cette rente.

Article 2 ter (art. 277 du code civil) : Garanties du paiement de la prestation compensatoire :

La Commission ayant adopté un amendement du rapporteur permettant au juge de garantir les versements en capital, elle a rejeté un amendement de M. Claude Goasguen ayant le même objet mais concernant l'indemnité de séparation.

Après l'article 2 ter (art. 274, 275-1, 278 et 279 du code civil) : Prestation compensatoire dans un divorce sur demande conjointe - Coordinations - Compétences du juge aux affaires familiales :

La Commission a été saisie d'un amendement présenté par le rapporteur précisant que les époux peuvent, en cas de demande conjointe, assortir la prestation compensatoire d'un terme extinctif ou d'une condition résolutoire et décider que la prestation prendra la forme d'une rente attribuée pour une durée limitée. Mme Véronique Neiertz a jugé dangereux de réintroduire les rentes temporaires dans le cadre de la requête conjointe et a mis en avant le risque que l'un des époux accepte, dans le cadre d'un accord global sur l'ensemble des conséquences du divorce, des modalités de versement de la prestation compensatoire qui lui soit défavorables. Après avoir d'abord exprimé la crainte que cette disposition n'introduise des ambiguïtés, M. Richard Cazenave a estimé que les parties pouvaient librement décider de la forme de la prestation compensatoire dans leur convention. M. Gérard Gouzes a souligné que le juge conservait la faculté de refuser l'homologation de la convention si elle fixait inéquitablement les droits et obligations des époux. Le rapporteur ayant précisé que son amendement avait seulement pour objet de donner un fondement légal à la possibilité pour les parties de choisir une rente temporaire, tout en soulignant qu'il n'était pas souhaitable de limiter le choix des parties si l'on souhaite encourager le recours à la procédure de la requête conjointe, qui permet de favoriser le dialogue entre les époux et de régler au plus près de leurs situations personnelles les conséquences du divorce, la Commission a adopté son amendement. Par coordination avec l'amendement relatif à la révision de la prestation compensatoire allouée sous forme de rente viagère, la Commission a adopté un amendement du rapporteur permettant aux époux de prévoir dans leur convention que chacun d'eux pourra demander au juge de réviser la prestation compensatoire en cas de changement, non plus imprévu, mais important dans ses ressources et ses besoins. La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur donnant compétence au juge aux affaires familiales pour statuer sur toutes les demandes de révision de la prestation compensatoire, quelle que soit la forme du divorce prononcé. Enfin, la Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer l'article 274 du code civil devenu sans objet ainsi que l'article 275-1 prévoyant le versement du capital en trois annuités.

Après l'article 3 : Insertion d'un titre II dans la proposition de loi :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à insérer, dans la proposition de loi, un titre II consacré aux dispositions transitoires.

Article 4 : Dispositions transitoires :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur donnant à l'article 4 une nouvelle rédaction pour autoriser la révision à la baisse des rentes viagères attribuées avant l'entrée en vigueur de la réforme, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties, ainsi que leur transformation en capital, à la demande du débiteur ou de ses héritiers.

Après l'article 4 : Révision et transformation en capital des rentes temporaires en cours de versement :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur permettant de réviser, sans proroger leur durée initiale, les rentes temporaires versées lors de l'entrée en vigueur de la réforme et de leur substituer un capital, à la demande du débiteur ou de ses héritiers. La Commission a également adopté un amendement du rapporteur prévoyant la déduction de plein droit des pensions de réversion pour les rentes en cours de versement. Enfin, elle a rejeté un amendement de M. Claude Goasguen tendant à préciser que les transferts et abandons effectués pour assurer le versement de l'indemnité de séparation ne sont pas assimilés à des donations.

La Commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifié.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

- M. Raymond Forni, rapporteur pour la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la gestion des effectifs et les systèmes de rémunération dans la fonction publique (n° 2069) ;

- M. Bernard Derosier, rapporteur pour le projet de loi portant diverses dispositions statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes et modifiant le code des juridictions financières (n° 2064).

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