Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 26

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 23 février 2000
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente

SOMMAIRE

 

pages

- Proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (n° 735) (amendements)

2

- Proposition de loi relative à la validation législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administrations pénitentiaire (n° 2046) (rapport)


6

- Projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 2140) (deuxième lecture)

7

- Projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité (n° 2139) (deuxième lecture)

13

- Projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (n° 2157) (deuxième lecture)


17

Statuant en application de l'article 88 du Règlement, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Alain Vidalies, les amendements à la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (n° 735).

Avant l'article 1er :

-  Article 271 du code civil

La Commission a repoussé l'amendement n° 35 de M. Emile Blessig tendant à modifier la rédaction de l'article 271 du code civil, après que le rapporteur eut émis un avis défavorable, estimant que cet amendement dépassait la portée de la proposition de loi en proposant une nouvelle définition de la prestation compensatoire.

-  Article 272 du code civil : Critères retenus pour la détermination des besoins et des ressources des époux :

Conformément à l'avis émis par le rapporteur, la Commission a repoussé l'amendement n° 36 de M. Emile Blessig supprimant la référence aux droits prévisibles parmi les éléments pris en considération par le juge pour déterminer les besoins et les ressources des parties et fixer le montant de la prestation compensatoire. Elle a également repoussé l'amendement n° 24 de M. Yves Nicolin visant à inscrire, parmi ces éléments d'appréciation, la situation professionnelle des parties au regard du marché du travail, la durée du mariage et les obligations existantes et prévisibles des parties, le rapporteur ayant précisé que les deux premiers ajouts étaient satisfaits par l'amendement n° 2 de la Commission et émis des réserves sur l'insertion dans l'article 272 du code civil d'une référence aux obligations des parties. Enfin, la Commission a repoussé le sous-amendement n° 46 de M. Patrick Delnatte visant à compléter l'amendement n° 2 de la Commission pour préciser que le montant de la prestation compensatoire prend en compte les droits des parties en matière de retraite, le rapporteur ayant estimé que cette précision était superflue au regard de la rédaction actuelle de l'article 272 du code civil, qui permet déjà au juge de prendre en compte les perspectives de retraite des parties.

Article 1er (art. 273 du code civil) : Conditions de révision de la prestation compensatoire :

La Commission a été saisie du sous-amendement n° 47 de M. Patrick Delnatte, tendant à compléter l'amendement n° 3 de la Commission afin de préciser que le montant de la prestation compensatoire est fixé en fonction d'un barème fixé par décret en Conseil d'Etat. Tout en admettant les difficultés qu'il y aurait à mettre en _uvre une telle disposition, M. Thierry Mariani a fait observer qu'il s'agissait d'éviter ainsi les disparités de jugements observés en la matière entre les différentes juridictions. Le rapporteur ayant précisé que des problèmes similaires se posaient dans d'autres contentieux, par exemple, en matière d'indemnisation des accidents de la route et ayant donc émis un avis défavorable sur le sous-amendement, la Commission l'a repoussé.

Elle a ensuite été saisie du sous-amendement n° 45 de M. Patrick Delnatte, tendant à compléter l'amendement n° 3 de la Commission afin de préciser que le juge peut surseoir à statuer sur le montant du capital jusqu'à la liquidation du régime matrimonial et, dans cette hypothèse, allouer une prestation compensatoire provisionnelle. Après que M. Thierry Mariani eut précisé que ce sous-amendement reprenait l'une des propositions du groupe de travail présidé par le professeur Dekeuwer-Défossez, le rapporteur a indiqué qu'il était favorable à la mesure proposée mais jugeait cette proposition prématurée parce qu'elle supposerait une réforme du droit du divorce. Il a, en outre, exprimé la crainte que cette disposition n'entraîne des procédures dilatoires, rappelant que le juge peut actuellement demander un état liquidatif du régime matrimonial avant de fixer le montant de la prestation compensatoire et que le lien entre le prononcé du divorce et la liquidation du régime matrimonial existe déjà dans les divorces sur requête conjointe. La Commission a repoussé le sous-amendement n° 45.

Elle a également repoussé l'amendement n° 25 de M. Yves Nicolin visant à préciser que le montant de la prestation compensatoire est fixée par le juge selon un barème indicatif fixé par décret. Elle a de même repoussé l'amendement n° 37 de M. Emile Blessig tendant à préciser que ce montant est obligatoirement fixé sous la forme d'un capital et non révisable, après que le rapporteur eut précisé que cet amendement était incompatible avec le dispositif déjà adopté par la Commission.

Après l'article 1er :

La Commission a été saisie de l'amendement n° 27 de M. Yves Nicolin tendant à insérer un article 273-1 dans le code civil précisant les éléments pris en considération par le juge lorsqu'il est saisi d'une demande de révision ou d'annulation de la rente. Le rapporteur ayant qualifié cet amendement d'« imprudent », estimant qu'il ouvrirait la voie à une révision, à la hausse comme à la baisse, de la prestation compensatoire, la Commission l'a repoussé.

Article 1er ter (art. 275, al. 3, du code civil) : Modalités de versement de la prestation compensatoire sous forme de capital :

La commission a été saisie de l'amendement n° 20 de M. Didier Quentin, précisant que les versements échelonnés de la prestation compensatoire cessent de plein droit en cas de décès du débiteur, si le créancier se remarie, conclut un pacte civil de solidarité ou est dans une situation de concubinage notoire. Considérant qu'il n'était pas justifié qu'un événement extérieur interrompe le paiement du capital et soulignant qu'il n'y avait, en outre, aucune raison pour que cette interruption des versements soit limitée aux seules situations évoquées dans l'amendement, le rapporteur a émis un avis défavorable à cet amendement que la Commission a repoussé.

Article 1er quater (art. 276 du code civil) : Substitution d'un capital à une rente :

La Commission a accepté, à son amendement n° 5, le sous-amendement n° 52 du Gouvernement précisant que la charge du solde du capital passe aux héritiers du débiteur de la prestation compensatoire et non pas à l'hérédité dans la limite de l'actif successoral comme elle l'avait prévu initialement. Le rapporteur a, en effet, considéré qu'il était préférable de ne pas déroger aux règles du droit commun des successions, selon lesquelles les héritiers acceptant la succession sont tenus du passif successoral au-delà de l'actif et sur leurs biens personnels.

Article 2 (art. 276-1 du code civil) : Fixation de la durée de la prestation compensatoire attribuée sous forme de rente :

La Commission a repoussé, comme non compatible avec ses décisions, l'amendement n° 39 de M. Emile Blessig autorisant, à titre exceptionnel, la conversion du capital en rente viagère en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier. M. Alain Tourret a estimé que les critères de l'âge et de l'état de santé, également prévus par la Commission pour la fixation de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère, devraient impérativement être précisés pour encadrer les décisions judiciaires. Tout en étant favorable, sur le principe, à la suppression des rentes viagères, M. Gérard Gouzes a estimé qu'il fallait toutefois maintenir, comme la Commission l'avait décidé, la possibilité de fixer la prestation compensatoire sous cette forme, à titre exceptionnel et par décision spécialement motivée, pour les femmes âgées et malades au moment du divorce. Il a considéré que, en pratique, le juge attribuerait une rente viagère lorsque l'ex-épouse ne pourrait pas vivre de manière autonome. Mme Christine Lazerges a souligné que des femmes jeunes pouvaient également se trouver dans cette situation, par exemple à la suite d'un accident de la route. Le rapporteur a rappelé que, dans le texte adopté par la Commission, l'âge et l'état de santé n'étaient pas des conditions cumulatives. La Commission a ensuite repoussé, à son amendement n° 6, le sous-amendement n° 48 de M. Patrick Delnatte précisant que la prestation compensatoire ne peut être supérieure à 25 % du revenu net d'impôt du débiteur.

Article 2 bis : Ouverture de l'action en révision aux héritiers du débiteur :

La Commission a repoussé l'amendement n° 21 de M. Didier Quentin supprimant la transmission de la charge de la rente ou du capital aux héritiers du débiteur. Elle a également repoussé le sous-amendement n° 49 du même auteur, à son amendement n° 7, transformant automatiquement en capital, à la mort de l'époux débiteur, la prestation compensatoire à la charge des héritiers. Intervenant en application de l'article 38, alinéa 1er du Règlement, M. Charles de Courson a souligné qu'une telle disposition pourrait conduire les héritiers à refuser la succession.

Après l'article 2 bis (art. 276-3 et 276-4 du code civil) : Prestations compensatoires fixées sous forme de rente viagère :

La Commission a repoussé, à son amendement n° 8, le sous-amendement n° 30 de M. Yves Nicolin précisant que le mariage, la conclusion d'un pacte civil de solidarité ou le concubinage notoire du créancier constituent un changement important dans les ressources ou les besoins des parties susceptibles de donner lieu à une révision à la baisse de la rente viagère. Tout en convenant que ces changements de situation pourraient donner lieu à révision de la rente, le rapporteur a souligné que d'autres événements pourraient être considérés comme des changements importants et observé que, par ailleurs, le fait pour le débiteur d'avoir refait sa vie pourrait également constituer un changement important. Puis la Commission a également repoussé le sous-amendement n° 40 de M. Emile Blessig, à son amendement n° 9, tendant à favoriser la « capitalisation » des rentes viagères par la fixation en capital du montant de la prestation compensatoire au moment du divorce. Elle a, en revanche, accepté, à son amendement n° 9, le sous-amendement n° 53 du Gouvernement autorisant le créancier d'une prestation compensatoire sous forme de rente viagère à saisir le juge, à tout moment, aux fins de statuer sur la substitution d'un capital à cette rente, notamment lors de la liquidation du régime matrimonial, s'il établit qu'une modification de la situation du débiteur permet cette substitution. Favorable à ce sous-amendement au nom de l'équivalence des droits du créancier et du débiteur, le rapporteur a rappelé que la Commission avait souhaité que le débiteur de la rente viagère puisse à tout moment demander la substitution d'un capital à la rente et que le créancier puisse, après la liquidation du régime matrimonial, saisir le juge d'une demande en paiement du solde du capital. Tout en soulignant l'importance de ce sous-amendement, M. Claude Goasguen s'est interrogé sur ses incidences sur la logique du projet. Après avoir rappelé que, dans la détermination des besoins et des ressources des époux, le juge prend en compte leur patrimoine après la liquidation du régime matrimonial, et non pas au moment du divorce, M. Gérard Gouzes a jugé inopportune cette précision dans la mesure où la liquidation intervient après le prononcé du divorce, parfois même plusieurs années après. Tout en estimant que ce sous-amendement affaiblissait l'idée centrale de la réforme selon laquelle il convenait de régler une fois pour toutes les conséquences du divorce entre les époux, Mme Catherine Tasca, présidente, a néanmoins considéré que l'argument de l'équivalence des droits entre le créancier et le débiteur méritait d'être pris en considération.

Un débat s'est ensuite engagé sur l'amendement n° 41 de M. Emile Blessig tendant à soumettre les versements de la prestation compensatoire, lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital sans échelonnement, au même régime fiscal que les pensions alimentaires. M. Charles de Courson a estimé qu'une disparité de traitement fiscal des rentes et des versements fractionnés du capital ne serait pas compréhensible. M. Gérard Gouzes a souligné l'importance du dispositif fiscal, rappelant qu'il avait mis en échec la volonté du législateur de 1975 de favoriser le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital. M. Claude Goasguen a estimé que, pour assurer le succès de la réforme, il convenait de ne pas multiplier les difficultés en introduisant des exceptions au principe de la fixation d'un capital et de mettre en place un contexte fiscal favorable à l'application de ce principe. La Commission a accepté cet amendement, le rapporteur ayant souligné qu'il correspondait aux objectifs de la réforme.

Article 4 : Dispositions transitoires :

La Commission a repoussé l'amendement n° 42 de M. Emile Blessig relatif aux modalités de révision des prestations compensatoires.

Après l'article 4 : Révision et transformation en capital des rentes temporaires en cours de versement :

La Commission a accepté l'amendement n° 51 du Gouvernement tendant à préciser que les dispositions du projet sont applicables aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée. Un débat s'est ensuite engagé sur l'amendement n° 50 du Gouvernement permettant de déduire les pensions de réversion versées du chef du conjoint décédé du montant des rentes en cours lors de l'entrée en vigueur de la réforme, si les héritiers du débiteur en font la demande auprès du juge. Le rapporteur a indiqué qu'il souhaitait s'en tenir à la décision de la Commission de rendre automatique la déduction des pensions de réversion, y compris aux rentes en cours. Soulignant que, par définition, le juge n'avait pas pu tenir compte de la pension de réversion lors de la fixation de la prestation compensatoire, il a jugé que c'était l'un des apports principaux de la réforme pour ne pas maintenir une situation inique, le décès de l'ex-époux se transformant en aubaine pour la crédirentière, ajoutant qu'il n'était pas souhaitable d'obliger les héritiers du débiteur à engager une procédure judiciaire pour obtenir la déduction de la pension de réversion. Tout en soulignant que le choix de la Commission aurait pour conséquence d'entraîner une baisse immédiate de revenus pour les crédirentières, sans prise en considération de leur situation matérielle au cas par cas, M. Gérard Gouzes a estimé que cet amendement soulevait toutefois plus de problèmes qu'il n'en résolvait. M. Alain Tourret a souligné que la déduction de la pension de réversion de la prestation compensatoire était l'un des objectifs de la réforme. Rappelant son souci d'une loi claire ne multipliant pas les exceptions, M. Claude Goasguen s'est déclaré très hostile à la « réinjection » d'une possibilité d'intervention du juge dans les modalités de versement de la prestation compensatoire. M. Charles de Courson a estimé qu'il y aurait une différence de traitement entre les ex-épouses qui se sont vu attribuer une prestation compensatoire sous forme de capital, qui pourront percevoir la pension de réversion, et les crédirentières, qui ne le pourront pas. Le rapporteur a estimé que les deux situations ne pouvaient pas être mises sur le même plan et qu'il importait de mettre fin à une situation injustifiable consistant à laisser à la charge des héritiers le versement de la prestation compensatoire sans modification de son montant, alors que la première épouse se trouve dans une situation améliorée à la suite du décès du débiteur. M. Charles de Courson a estimé que le partage de la pension au prorata de la durée des mariages devrait se faire, non pas au décès de l'époux remarié, mais à la date de sa retraite. La Commission a repoussé cet amendement.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. André Gerin, la proposition de loi relative à la validation législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire (n° 2146).

M. André Gerin, rapporteur, a expliqué que cette proposition de loi tendait à valider la promotion de 181 agents de l'administration pénitentiaire au grade de premier surveillant des services extérieurs, leur nomination ayant été annulée par le juge administratif en raison d'irrégularités dans l'organisation de leur concours. Après avoir rappelé que le concours invalidé avait eu lieu il y a près de dix ans et que l'annulation de ces promotions aurait des conséquences inadmissibles sur le plan social et choquantes en termes d'équité, il a justifié l'intervention du législateur par un impératif d'intérêt général.

Sans contester la réalité de ce motif d'intérêt général, M. Robert Pandraud a indiqué qu'il ne pourrait voter en faveur de cette proposition de loi, dès lors qu'aucune sanction ne serait prononcée à l'encontre du directeur de l'administration pénitentiaire et des personnes en charge de l'organisation du concours annulé par le juge.

Mme Nicole Feidt a observé que le législateur était effectivement conduit de manière trop fréquente à valider les résultats de concours annulés en raison d'irrégularités matérielles. Elle a admis, néanmoins, que les conséquences de ces erreurs ne pouvaient être reportées sur les candidats reçus.

Mme Catherine Tasca, présidente, s'est également indigné du caractère répétitif de ces validations. Elle a souhaité que les remarques de la Commission soient portées à la connaissance du Gouvernement.

M. André Gerin, rapporteur, a déclaré qu'il en ferait état dans son rapport écrit et qu'il engagerait, concomitamment, une démarche officielle auprès de la garde des sceaux, afin de l'informer des observations de la Commission.

La Commission a ensuite adopté la proposition de loi n° 2046.

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La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Raymonde Le Texier, le projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 2140).

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse, a rappelé que le texte adopté en première lecture à l'Assemblée nationale reposait sur une logique décentralisée avec, en particulier, la mise en place, dans des délais courts, de schémas départementaux relatifs à l'installation d'aires d'accueil pour les gens du voyage. Observant qu'actuellement, pour 30 000 personnes recensées, il n'existait que 5 000 places, elle a jugé que le texte adopté par l'Assemblée nationale était équilibré dans la mesure où il prévoyait simultanément davantage d'efforts de la part des maires, une implication financière de l'Etat plus intense et des dispositions plus répressives à l'égard des gens du voyage qui ne respecteraient pas les termes de la loi. Elle a regretté, en revanche, que le Sénat se soit laissé aller à des dérapages au fil du débat, modifiant ainsi substantiellement le projet de loi, en dépit des propositions nuancées qu'avait pu avancer le rapporteur de sa commission des Lois, M. Jean-Paul Delevoye.

Elle a ainsi indiqué qu'à l'article premier le Sénat avait substitué un schéma national aux schémas départementaux que l'Assemblée nationale avait retenus afin de mieux prendre en compte les réalités locales et avait, en outre, supprimé la faculté laissée aux préfets de signer seuls ces schémas en cas de carence des conseils généraux. Elle a noté, par ailleurs, qu'à l'article 2 du projet, le Sénat avait supprimé le seuil de 5 000 habitants déterminant les communes tenues de participer, dans un délai de deux ans, à la mise en _uvre du schéma départemental et a ajouté qu'au même article, les sénateurs avaient ouvert la faculté de prolonger le délai de réalisation de ce schéma par les communes au-delà de deux ans, confirmant ainsi leur souhait de limiter les contraintes imposées aux communes dans le cadre de ce projet de loi. Elle a également observé que le Sénat avait supprimé le pouvoir de substitution reconnu aux préfets lorsque les communes refusent d'appliquer les schémas départementaux. Après avoir indiqué qu'à l'article 7, la seconde chambre avait proposé d'intégrer, dans la « population DGF », les gens du voyage à hauteur de quatre habitants par caravane et non, comme l'Assemblée l'avait souhaité, à raison d'un habitant par caravane, la rapporteuse a regretté que le Sénat ait adopté, à l'article 9, la possibilité d'expulser sans jugement les gens du voyage en cas d'entrave à l'activité économique ou de stationnement sur le domaine public de l'Etat, tout en revenant, par ailleurs, sur l'unification du contentieux au profit de la juridiction judiciaire décidée par l'Assemblée nationale en première lecture. Enfin, elle a indiqué que le Sénat avait supprimé, à l'article 9 bis, l'obligation faite à l'employeur d'assumer les charges liées au stationnement des gens du voyage qui participent à des travaux saisonniers.

Plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Robert Pandraud a émis le souhait, compte tenu des nouvelles vagues d'immigration en provenance de l'Europe de l'Est, que le Gouvernement engage de façon plus systématique des contrôles portant sur les titres de stationnement attribués aux gens du voyage ou sur leur situation fiscale, en s'appuyant pour cela sur le critère des signes extérieurs de richesse.

Contestant l'analyse de la rapporteuse selon laquelle le Sénat, bien que conscient des problèmes posés par le stationnement des gens du voyage, n'aurait rien voulu changer à la situation actuelle, M. Jean-Antoine Léonetti a estimé que le texte issu en première lecture des travaux de l'Assemblée nationale aboutissait, en fait, à un déséquilibre puisque les efforts demandés aux communes ne faisaient l'objet d'aucune contrepartie imposée aux gens du voyage. Il a salué, au contraire, les propositions du Sénat qui permettent de rétablir l'équilibre, en prévoyant des garanties pour sanctionner le stationnement illicite. Il a ajouté que le texte du Sénat instaurait un véritable partenariat entre les communes et le préfet, améliorant ainsi le texte adopté par l'Assemblée nationale, caractérisé par un déséquilibre au profit du préfet.

Intervenant en application de l'article 38, alinéa premier, du Règlement, M. Daniel Vachez a souhaité rappeler, en préambule, les lacunes de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990, mises en lumière par le fait qu'un tiers seulement des départements se sont dotés de schémas départementaux et un quart des communes ont prévu la construction d'aires de stationnement. Reconnaissant que les maires éprouvaient de nombreuses difficultés pour obtenir l'exécution des décisions de justice en cas de stationnement illicite, il a toutefois regretté que certaines communes se réfugient derrière ces difficultés de procédure pour ne pas procéder à la construction d'aires de stationnement. Estimant que les communes ayant accepté de construire des aires étaient aujourd'hui pénalisées, il s'est déclaré favorable aux solutions préconisées par le projet de loi permettant la construction d'aires de stationnement en nombre suffisant.

En réponse aux différents intervenants, la rapporteuse a apporté les précisions suivantes.

-  Le rapport de M. Jean-Paul Delevoye pour la commission des Lois du Sénat est nuancé et modéré, à l'inverse d'un certain nombre d'amendements adoptés par le Sénat.

-  Le texte adopté par l'Assemblée nationale propose une réponse équilibrée aux problèmes liés au stationnement des gens du voyage dans le respect des principes constitutionnels, la position du Sénat, notamment pour ce qui concerne les expulsions sans jugement, ne s'inscrivant manifestement pas dans un tel cadre constitutionnel.

-  L'Assemblée nationale ne doit pas rejeter en bloc les propositions sénatoriales, certaines étant acceptables comme le référé d'heure à heure.

-  Les maires qui ont eu la volonté et le courage d'installer des aires dans leur commune subissent aujourd'hui des stationnements sauvages ; le projet de loi entend rééquilibrer les charges ainsi assumées par les communes et mettre fin à de tels effets pervers.

Puis, la Commission est passée à l'examen des articles du projet de loi.

Article premier : Schéma départemental d'accueil des gens du voyage :

La Commission a adopté un amendement présenté par la rapporteuse supprimant la définition des résidences mobiles introduite par le Sénat, son auteur ayant fait valoir qu'une telle définition n'avait pas de portée juridique et que la référence aux « abris mobiles » n'était pas pertinente. La rapporteuse a ensuite présenté un amendement supprimant le dispositif introduit par le Sénat qui institue un schéma national pour les rassemblements traditionnels des gens du voyage. Prenant l'exemple de la grande braderie de Lille qui réunit chaque année un nombre important de gens du voyage, elle a estimé qu'il était préférable de régler l'organisation de ces manifestations dans le cadre des schémas départementaux, plutôt que de s'en remettre à une décision à l'échelon national. La Commission a adopté cet amendement. Elle a ensuite été saisie d'un amendement présenté par la rapporteuse rétablissant le seuil démographique de 5 000 habitants pour déterminer les communes devant obligatoirement figurer dans le schéma départemental et supprimant le recensement obligatoire des autorisations délivrées par les communes pour permettre l'installation des terrains familiaux ; après que la rapporteuse eut précisé que la réintroduction du seuil de 5 000 habitants n'interdirait pas aux communes ayant une population inférieure de figurer dans le schéma si elles étaient intéressés. La Commission a adopté cet amendement. Elle a ensuite été saisie d'un amendement également présenté par la rapporteuse, rétablissant le texte de l'Assemblée nationale afin d'intégrer dans le schéma départemental les terrains destinés à l'accueil des grands rassemblements traditionnels.

La Commission a ensuite examiné l'amendement n° 3 présenté par M. Patrice Martin-Lalande rendant obligatoire la procédure d'enquête publique préalablement à la construction d'aires de stationnement. Se déclarant défavorable à cet amendement, qui conduirait à alourdir les procédures et à différer d'autant la construction de nouvelles aires, la rapporteuse a cependant souligné que le texte actuel laissait toute liberté aux maires qui le souhaiteraient de procéder à cette enquête. La Commission a rejeté cet amendement. Elle a également rejeté, sur proposition de la rapporteuse, l'amendement n° 5 présenté par M. Patrice Martin-Lalande prévoyant, pour le schéma départemental, l'avis des conseils municipaux de toutes les communes du département, et non plus seulement des communes concernées par le schéma.

La Commission a ensuite été saisie de l'amendement n° 4 de M. Patrice Martin-Lalande prévoyant l'approbation des schémas départementaux dans les dix-huit mois suivant les décrets d'application de la loi. Son auteur a considéré qu'il ne pouvait être imposé aux communes des investissements inhérents à la construction d'aires de stationnement, alors qu'elles ne sont pas en mesure de connaître les modalités de financement de ces investissements. La rapporteuse a fait valoir que l'essentiel du dispositif législatif était suffisamment précis pour être d'application immédiate, notamment le principe du financement qui est clairement prévu par la loi ; M. Patrice Martin-Lalande ayant souligné que le projet définissait le taux de subvention sans préciser les plafonds de financement, la rapporteuse a observé qu'en prévoyant un délai de dix-huit mois après la publication de la loi pour l'approbation des schémas, le texte laissait ainsi suffisamment de temps pour la mise en place du dispositif. Elle a annoncé qu'elle interrogerait néanmoins le Gouvernement sur le calendrier de publication des décrets d'application. M. Daniel Vachez a précisé qu'une circulaire, publiée cet automne, précisait d'ores et déjà les modalités de financement des aires de stationnement. La Commission a rejeté l'amendement n° 4. Elle a, ensuite adopté un amendement présenté par la rapporteuse rétablissant le texte de l'Assemblée nationale concernant le pouvoir de substitution des préfets en cas d'échec de la concertation départementale ainsi que le principe d'opposabilité des schémas départementaux, la rapporteuse ayant rappelé que ce principe avait été adopté, en première lecture, à l'initiative de M. Jean-Jacques Weber. Elle a également adopté un amendement présenté par la rapporteuse rétablissant le texte de l'Assemblée nationale pour la composition de la commission consultative des schémas départementaux, la rapporteuse estimant que la rédaction proposée laissait davantage de souplesse et permettrait aux acteurs locaux d'élargir la composition de cette commission. La Commission a ensuite adopté, après avis favorable de la rapporteuse, l'amendement n° 6 de M. Patrice Martin-Lalande prévoyant la représentation d'associations intervenant auprès des gens du voyage au sein de la commission consultative.

Puis elle a été saisie d'un amendement présenté par la rapporteuse rétablissant le texte de l'Assemblée nationale prévoyant la coordination régionale des schémas départementaux sur l'ensemble du territoire national. M. Robert Pandraud ayant estimé qu'une coordination régionale s'imposait pour éviter que les mêmes départements soient toujours mis à contribution, la rapporteuse a souligné que l'amendement présenté répondait à cette préoccupation ; rappelant que le texte initial du Gouvernement ne prévoyait cette coordination au niveau régional que pour l'Ile-de-France, elle a indiqué que ce principe avait été étendu à l'ensemble du territoire en première lecture. Exprimant néanmoins sa crainte que la coordination prévue par le dispositif n'ait dans les faits qu'une portée limitée, M. Robert Pandraud a souhaité voir retenu un dispositif qui, sous l'égide du préfet de région, notamment en Ile-de-France, serait davantage coercitif. La rapporteuse a observé qu'une telle solution irait à l'encontre de l'esprit du projet, qui repose sur une volonté de déconcentrer les décisions afin de répondre plus efficacement aux réalités du terrain. M. Robert Pandraud ayant admis que le problème qu'il soulevait paraissait spécifique à l'Ile-de-France, et plus particulièrement aux départements situés dans la « petite couronne », Mme Catherine Tasca, présidente, a exprimé son accord avec le dispositif proposé par la rapporteuse, soulignant que le préfet de la région Ile-de-France saurait faire modifier les schémas départementaux s'il en était besoin ; elle a insisté sur le fait que le rôle du préfet de région devrait toutefois se limiter à une coordination, l'intérêt du dispositif tenant dans l'adaptation des schémas aux réalités et aux spécificités de chaque département. La Commission a adopté cet amendement ainsi qu'un autre amendement présenté par la rapporteuse supprimant les dispositions introduites par le Sénat, relatives aux ententes interdépartementales. Elle a ensuite adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article premier bis : Pouvoirs du préfet :

La Commission a adopté un amendement présenté par la rapporteuse supprimant cet article introduit par le Sénat, rendant ainsi sans objet l'amendement n° 7 présenté par M. Patrice Martin-Lalande imposant la procédure d'enquête publique préalablement à la fixation du schéma national.

Article 2 : Obligations des communes :

La Commission a adopté d'un amendement de la rapporteuse tendant à clarifier la portée des obligations pesant sur les communes inscrites au schéma départemental et prévoyant que toutes les communes y figurant doivent en appliquer les dispositions sans considération de seuil démographique. Elle a ensuite rejeté les amendements n° 8 de M. Patrice Martin-Lalande visant à préciser la portée du délai imparti pour réaliser les aires de stationnement et n° 1 de M. Patrick Delnatte, exonérant les communes accueillant des grands rassemblement de l'obligation de réaliser des aires permanentes d'accueil. Puis, la Commission a adopté un amendement de la rapporteuse tendant à supprimer la possibilité pour les communes de retarder le délai de réalisation des aires d'accueil et l'article ainsi modifié.

Article 3 : Pouvoir de substitution du représentant de l'Etat :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse donnant à cet article une nouvelle rédaction revenant au texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture pour permettre au préfet de se substituer aux communes refusant d'appliquer les dispositions des schémas départementaux en matière d'accueil des gens du voyage.

Article 4 : Participation financière de l'Etat à l'aménagement des aires d'accueil :

La Commission a été saisie d'un amendement de la rapporteuse tendant à supprimer le financement automatique par l'Etat des frais résultant des dommages causés aux aires d'accueil. La rapporteuse a indiqué qu'elle était défavorable à cette disposition introduite par le Sénat, qui risquerait de déresponsabiliser les élus locaux en les incitant à pratiquer une gestion peu rigoureuse. M. Patrice Martin-Lalande a, pour sa part, souligné que le coût d'investissement pour la réalisation d'une aire d'accueil était généralement faible par rapport à son coût d'entretien, ce qui justifiait la proposition du Sénat. M. Bruno Le Roux a considéré que l'amendement sénatorial garantissait la pérennité de l'application de la loi, en évitant que certains élus locaux ne préfèrent fermer les aires d'accueil, plutôt que d'en supporter les coûts d'entretien. M. Daniel Vachez ayant fait remarquer que les aires d'accueil adaptées aux besoins des gens du voyage faisaient l'objet de moins de dégradations que les autres, la Commission a adopté l'amendement de la rapporteuse et l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 : Aide des organismes de sécurité sociale aux personnes gestionnaires d'aires d'accueil :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse revenant au texte adopté par l'Assemblée nationale en faisant référence à la notion « de droit d'usage », et non à celle de « redevance » qui exclut la possibilité de subvention, pour couvrir les frais de fonctionnement des aires d'accueil. La Commission a ensuite été saisie de l'amendement n° 19 de M. Patrice Martin-Lalande tendant à obliger les gens du voyage à déposer une caution auprès du gestionnaire de l'aire d'accueil. Tout en soulignant l'intérêt de cette proposition, la rapporteuse a estimé que ce dispositif était irréaliste puisqu'il aurait pour effet de dissuader les gens du voyage de venir sur les aires prévues pour leur accueil. La Commission a rejeté cet amendement puis elle a adopté l'article ainsi modifié.

Article 6 : Organisation des interventions sociales relatives aux gens du voyage :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse revenant au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture pour prévoir que le financement départemental est plafonné au quart des dépenses de fonctionnement des aires d'accueil. Elle a adopté l'article ainsi modifié.

Article 7 : Majoration de la population prise en compte au titre du calcul de la DGF :

La Commission a été saisie de deux amendements identiques, l'un de la rapporteuse et l'autre, n° 17, de M. Daniel Vachez, tendant à intégrer dans le calcul de la population pris en compte pour la DGF, les gens du voyage à hauteur d'un habitant par caravane au lieu de quatre. Elle a, dans le même temps, examiné un amendement de la rapporteuse portant à deux le nombre des habitants par caravane pour les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine ou à la fraction « bourgs-centre » de la dotation de solidarité rurale. M. Daniel Vachez a souligné que ces amendements rejoignaient les préoccupations manifestées par l'Assemblée nationale en première lecture tendant à mettre en place un financement pérenne en faveur des communes qui satisfont aux obligations des schémas départementaux. Faisant observer que l'augmentation de la population DGF à quatre habitants par place de caravane sauf abondement substantiel de l'enveloppe de la DGF, aurait des répercussions négatives sur la DSU et la DSR, il a jugé préférable de moduler la définition de la population DGF en fonction des critères d'éligibilité retenus pour le versement des dotations à vocation péréquatrice. La Commission a adopté ces amendements puis l'article 7 ainsi modifié.

Article 8 : Dispositions modifiant le code de l'urbanisme :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse revenant au texte précédemment adopté par l'Assemblée nationale afin de définir le régime juridique des terrains familiaux dans le code de l'urbanisme. Puis elle a adopté l'article ainsi modifié.

Article 9 : Pouvoirs de police du maire - Procédure d'expulsion :

La Commission a été saisie d'un amendement de la rapporteuse donnant à cet article une rédaction revenant, pour l'essentiel, au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture et unifiant le contentieux de l'expulsion des gens du voyage au profit du juge civil. La rapporteuse a indiqué que le Sénat avait rétabli le principe de la dualité de juridictions en matière d'expulsion des gens du voyage et a jugé que ce dispositif était contraire à l'intérêt des maires qui demandent une unification de la procédure. M. Robert Pandraud a présenté un sous-amendement complétant la liste des motifs permettant au maire d'enclencher la procédure d'expulsion en y ajoutant les atteintes à la continuité des services publics. Il a souligné que les critères de salubrité, sécurité et tranquillité publiques visés dans l'amendement de la rapporteuse ne permettaient pas de répondre à tous les cas d'occupation illégale de terrains communaux par les gens du voyage, évoquant, à titre d'exemple, l'occupation d'une cour d'école ou de collège. M. Daniel Vachez a tenu à préciser que l'atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ne devait être invoquée qu'en cas de substitution du maire au propriétaire défaillant. Il a souligné que, pour les terrains à usage économique, le chef d'entreprise pouvait, au contraire, agir directement en justice sans être tenu d'invoquer de tels motifs pour obtenir l'expulsion de gens du voyage. Il a estimé que le critère supplémentaire introduit par M. Robert Pandraud ne permettrait pas de prévenir les interprétations restrictives de certains magistrats. Tout en soulignant que le recours au motif d'ordre public prévu dans son amendement ainsi que la procédure du référé d'heure en heure devraient permettre de répondre aux préoccupations exprimées par M. Robert Pandraud, la rapporteuse a indiqué qu'elle n'était pas, cependant, opposée à son sous-amendement. La Commission l'a adopté ainsi que l'amendement de la rapporteuse. En conséquence, sont devenus sans objet : les amendements nos 14 et 13 de M. Patrice Martin-Lalande, le premier, tendant à rendre obligatoire la prescription faite par le juge aux gens du voyage en stationnement irrégulier de rejoindre une aire d'accueil, le second, obligeant le juge des référés à se prononcer dans un délai de 24 heures, les amendements nos21 et 20, de M. Charles Cova, le premier imposant au juge des référés de statuer dans un délai de 48 heures sans appel possible, le second donnant au préfet la possibilité d'expulser les gens du voyage sur demande du maire sans décision juridictionnelle, l'amendement no 11 de M. Patrice Martin-Lalande imposant au juge administratif de prononcer un jugement en référé dans un délai de 24 heures, l'amendement no 22 de M. Charles Cova prévoyant une procédure de référé sans appel devant la juridiction administrative ainsi que l'amendement no 15 de M. Patrice Martin-Lalande permettant au maire de procéder à la mise en fourrière des véhicules tracteurs des gens du voyage. M. Patrice Martin-Lalande a ensuite retiré son amendement n° 12 tendant à conférer au maire, agissant en tant qu'officier de police judiciaire, le pouvoir de constater lui-même les infractions de stationnement, sans recourir à un huissier. Il a indiqué qu'il présenterait un sous-amendement reprenant ce dispositif dans le cadre de la réunion de l'article 88. Estimant cet amendement très utile, M. Robert Pandraud a fait remarquer que nombre de magistrats avaient oublié que les maires possédaient la qualité d'officier de police judiciaire.

Article 9 bis A : Expulsion des gens du voyage occupant le domaine public de l'Etat

La Commission a adopté un amendement de suppression de cet article prévoyant que l'expulsion des gens du voyage occupant le domaine public de l'Etat pouvait être effectuée par le préfet en l'absence de toute décision juridictionnelle.

Article 9 bis : Hébergement des gens du voyage dans le cadre d'emplois saisonniers :

La Commission a adopté deux amendements identiques, l'un de la rapporteuse et l'autre, n° 16, de M. Patrice Martin-Lalande, tendant à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture et mettant, partiellement, à la charge de l'employeur l'accueil des gens du voyage effectuant pour son compte des travaux agricoles saisonniers.

Article 10 bis (nouveau) : Recensement des gens du voyage :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse supprimant cet article qui institue un recensement spécifique des gens du voyage, son auteur ayant souligné le caractère stigmatisant d'un tel dispositif.

La Commission a ensuite adopté le projet de loi ainsi modifié.

*

* *

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Bruno Le Roux, le projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat, portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité (n° 2139).

M. Bruno Le Roux, rapporteur, a rappelé que le projet de loi, correspondant à l'un des engagements pris par le Premier ministre lors de son discours de politique générale, tendait à créer une nouvelle autorité administrative indépendante en charge du contrôle du respect de la déontologie par les personnes exerçant une activité de sécurité. Observant qu'en première lecture, l'Assemblée nationale avait souhaité renforcer les prérogatives de cette nouvelle autorité administrative indépendante, il a noté que le Sénat, après s'être interrogé sur le principe de la création de telles autorités dénuées de légitimité, n'en avait pas moins jugé opportun de mettre en place un organe en charge du contrôle du respect de la déontologie en matière de sécurité. Il a indiqué que le rapporteur du Sénat, M. Henri de Richemont, avait estimé que la commission nationale pourrait être utile aux citoyens ainsi qu'aux acteurs de la sécurité, son rôle complétant celui de l'autorité disciplinaire et judiciaire et noté que les sénateurs avaient également considéré que le rôle de filtre confié aux parlementaires dans la saisine de la commission était pertinent, puisqu'il confortait leur rôle de médiation avec les citoyens. Il s'est, par ailleurs, déclaré satisfait de voir que le rapporteur du Sénat avait estimé que le champ de compétence de cette nouvelle autorité pourrait conduire à l'émergence d'un socle de règles commun à l'ensemble des acteurs publics et privés de la sécurité. Il a souligné que le Sénat avait ainsi validé la plupart des dispositions introduites par l'Assemblée nationale lors de la précédente lecture, tout en apportant quelques améliorations substantielles au projet de loi, telles que la désignation de deux membres supplémentaires de la commission ainsi que le renouvellement par moitié de celle-ci, ce dispositif allant dans le sens d'une plus grande indépendance de cet organe. Notant que les points de divergence entre les deux assemblées étaient, au total, peu nombreux, le rapporteur a proposé l'adoption sans modification de la plupart des dispositions du projet de loi restant en navette, après s'être déclaré satisfait de la démarche constructive adoptée par le Sénat, qui devrait permettre aux deux assemblées d'aboutir rapidement à un accord permettant d'améliorer durablement la transparence dans un domaine sensible pour nos concitoyens.

Plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Exprimant ses réticences à l'égard de ce projet de loi, M. Jean-Antoine Léonetti a déploré la multiplication des autorités administratives indépendantes, jugeant qu'elle conduisait à la mise en place d'une république d'experts exerçant leur pouvoir à la place des autorités démocratiques légitimes. Il a critiqué la volonté implicite de la majorité de découvrir de noirs secrets dans les profondeurs des commissariats, alors même que le ministère de l'intérieur a souligné que les manquements à la déontologie étaient, non seulement extrêmement rares, mais aussi systématiquement sanctionnés. Observant qu'en matière de déontologie dans le domaine de la sécurité, la justice était le plus souvent compétente compte tenu de la gravité des faits en cause, il s'est interrogé sur la marge de man_uvre de la commission estimant qu'elle serait sans doute très réduite. Il a considéré qu'on allait ainsi mettre en place une forme de justice parallèle qui, heureusement, n'aurait que l'apparence de la justice sans en détenir les pouvoirs. Critiquant une loi de simple affichage, il a cependant jugé qu'il convenait de réfléchir aux questions de déontologie dans certains secteurs, notamment celui des prisons. Il s'est enfin interrogé sur les déclarations du Premier ministre annonçant la suppression des renseignements généraux, soulignant qu'une telle réforme ne semblait pas à l'ordre du jour alors même que les activités de ce service de police étaient sans cesse critiquées, et a fustigé le double langage ainsi pratiqué par le Gouvernement.

M. Arnaud Montebourg s'est réjoui du retour de ce projet de loi en deuxième lecture, regrettant cependant que celle-ci intervienne deux ans après le premier examen du texte par l'Assemblée nationale, alors même que le sujet en débat est manifestement urgent. Evoquant la création de la commission, il a souligné l'importance de la mise en place de tels contre-pouvoirs, et s'est étonné de la position du Sénat, qui demande la limitation des pouvoirs des magistrats, sans s'interroger sur ceux des organes chargés des questions de sécurité. Il a souhaité que certains points soient éclaircis notamment la possibilité d'opposer à la commission le secret en matière de défense nationale et de sûreté de l'Etat. Soulignant que cette dernière notion, qui rappelait des souvenirs désagréables, présentait des contours trop flous, il a exprimé la crainte que, par exemple, en matière d'écoutes illégales, on oppose à la commission le secret lié à la sûreté de l'Etat ce qui rendrait impossible l'accomplissement de ses missions par la commission nationale.

Se déclarant opposé au projet de loi, M. Robert Pandraud a vivement critiqué le principe de la création de telles autorités administratives indépendantes dépourvues de toute légitimité. Il a déploré que l'on fasse siéger dans cet organe un membre du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes dont la compétence en matière de sécurité n'est pas avérée, et dont l'indépendance et la neutralité - quoi que l'on en dise habituellement - sont loin d'être indiscutables. C'est pourquoi il a proposé que siègent seuls des parlementaires au sein de cette commission, ce qui permettrait la représentation de l'opposition et de la majorité et l'amarrage de cet organe à une institution légitime.

Relevant que M. Jean-Antoine Léonetti était opposé par principe au dispositif du projet de loi alors que M. Robert Pandraud s'interrogeait essentiellement sur la composition de la nouvelle autorité, M. Christophe Caresche a exprimé ses réserves sur la multiplication de telles instances administratives qui dépossèdent de leur pouvoir des institutions plus légitimes. Il a pourtant considéré que, en l'espèce, l'organe que le projet de loi se proposait d'instituer serait utile, soulignant que, depuis deux ans, il avait pu observer de multiples affaires qui auraient justifié sa saisine. A titre d'exemple, il a cité des incidents dans le XVIIIe arrondissement de Paris mettant en cause un policier ainsi que les opérations de surveillance du parti socialiste, à Bordeaux, par des policiers des renseignements généraux. Il a considéré qu'il était important de conférer au contrôle en matière de déontologie toute sa crédibilité en faisant appel à des personnalités extérieures, les procédures de contrôle interne faisaient toujours l'objet de suspicions, légitimes ou non. Estimant que ce dispositif nouveau n'affaiblirait pas les fonctionnaires chargés de la sécurité mais au contraire les renforceraient dans leur rôle, il a rappelé que les syndicats de policiers s'étaient d'ailleurs exprimés en faveur de ce projet de loi. Il a conclu en soulignant que ce texte permettrait des avancées notables, d'une part en suscitant l'édiction de règles déontologiques cohérentes et d'autre part en permettant la saisine d'un organe indépendant sur des cas très précis.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

-  Malgré les préventions manifestées par le Sénat à l'encontre de la création d'autorités administratives indépendantes, rarement débat entre les deux assemblées aura été aussi constructif au cours de cette législature.

-  Le problème principal n'est pas lié à l'existence d'une autorité administrative indépendante compétente en matière de déontologie de la sécurité ; il est posé par sa composition faisant trop largement appel aux membres des grands corps de l'Etat. Sur ce point, les dispositions adoptées par le Sénat, qui portent à quatre le nombre de membres n'appartenant pas à la haute fonction publique, apportent une réponse satisfaisante.

-  Face à l'accroissement des missions du secteur privé en matière de sécurité et compte tenu de l'exigence accrue des citoyens vis-à-vis des services publics compétents dans ce domaine, la création d'une nouvelle institution capable de faire émerger un socle commun de règles déontologiques constitue une réforme tout à fait appropriée.

Puis, la Commission est passée à l'examen des articles du projet de loi.

Article premier : Institution d'une commission nationale de déontologie de la sécurité :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur clarifiant la définition du champ de compétence de la nouvelle autorité administrative indépendante en se fondant sur le seul critère matériel et en supprimant l'énumération des personnes publiques concernées. Puis, elle a adopté l'article premier ainsi modifié.

Articles 2 : Composition du conseil et mandat de ses membres et 4 : Procédure de saisine :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article 5 : Pouvoirs d'investigation :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur limitant les secrets opposables à la commission nationale aux seuls secrets concernant la défense nationale, la sûreté de l'Etat ou la politique extérieure. Puis, elle a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6 : Vérification sur place :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur permettant à la commission nationale d'effectuer des visites sur place sans préavis. Puis, elle a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7 : Pouvoir d'avis, de recommandation et de publication d'un rapport spécial :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 8 : Rapports avec l'autorité judiciaire :

La Commission a examiné deux amendements du rapporteur, le premier supprimant les dispositions introduites par le Sénat dans le but de permettre à la commission nationale de saisir la justice en cas de réclamation présentant un caractère de dénonciation calomnieuse et d'éviter que les parlementaires ayant transmis une telle réclamation ne soient poursuivis pour complicité ; le second, de coordination. Le rapporteur a déclaré que cette disposition nouvelle était satisfaite puisque l'article 40 du code de procédure pénale s'appliquait à la nouvelle instance et qu'elle pouvait, en conséquence, saisir la justice d'éventuelles dénonciations calomnieuses. Il a, en outre, indiqué que les parlementaires ne pouvaient être poursuivis pour un tel motif du fait de l'absence de caractère intentionnel attaché à la transmission des réclamations. La Commission a adopté ces deux amendements, puis, l'article 8 ainsi modifié.

Articles 9 : Information des autorités détentrices du pouvoir disciplinaire ; bis (nouveau) : Information des parlementaires par la commission nationale ; 13 bis : Dispositions pénales et 14 : Application outre-mer :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

La Commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jacky Darne, le projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, modifiant le code pénal et le code de procédure pénal et relatif à la lutte contre la corruption (n° 2157).

Après avoir souligné que la corruption avait des effets dévastateurs, tant au niveau économique qu'humain, M. Jacky Darne, rapporteur, a relevé qu'il était difficile de concilier l'éthique et la réalité économique telle que la conçoivent les entreprises. Faisant valoir que chacun analysait ce texte à la lumière de sa propre expérience, il a indiqué que les entreprises privilégiaient leurs intérêts économiques, tandis que les organisations internationales soulignaient la nécessité de lutter contre les phénomènes de corruption qui contribuent à déstabiliser la démocratie. Il a estimé qu'un pas important serait franchi en matière de lutte contre la corruption avec ce projet de loi, qui étend aux agents publics étrangers le délit de corruption, actuellement limité aux seuls fonctionnaires nationaux. Il a ensuite souligné l'importance des accords internationaux dans ce domaine, observant qu'il était difficile de lutter seul contre la corruption en raison de l'importance de la concurrence internationale. Il a, à cet égard, rappelé que la convention de l'OCDE avait également été signée par cinq pays non membres de cette organisation, tout en reconnaissant qu'il serait utile d'obtenir l'adhésion d'autres Etats.

Présentant le texte adopté par le Sénat, il a indiqué que les sénateurs avaient remis en cause toutes les modifications apportées par l'Assemblée nationale en première lecture, avant de préciser qu'il proposerait à la Commission de revenir à ces modifications en supprimant l'exigence d'antériorité du pacte de corruption dans la définition de cette infraction, en rétablissant des peines identiques pour la corruption de fonctionnaires nationaux et pour celle d'agents publics étrangers et en maintenant la compétence des juridictions spécialisées en matière économique et financière pour la corruption d'agents publics étrangers.

Il a ensuite fait part des critiques de l'OCDE et des Etats-Unis sur le dispositif proposé à l'article 2, qui précise que les nouvelles incriminations ne s'appliquent pas aux commissions liées à des contrats signés antérieurement à leur entrée en vigueur, et fait valoir qu'un tel dispositif, qui n'existe dans aucun autre pays ayant transposé en droit interne la convention de l'OCDE, risquait de mettre la France en difficulté sur le plan international. Rappelant que le Gouvernement considérait qu'il s'agissait d'une simple application du principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, il a observé que ce dispositif pouvait, dès lors, être considéré comme inutile et donc supprimé. Evoquant les diverses mesures qui, tout en maintenant l'article 2 pourraient, encadrer le dispositif proposé, comme par exemple le système de déclaration auprès de l'administration fiscale adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, il a constaté qu'elles présentaient un risque d'inconstitutionnalité, puisqu'elles pouvaient conduire à limiter l'application d'un principe constitutionnel, et estimé qu'il était donc préférable d'y renoncer. Il a fait remarquer que les entreprises pourraient toujours déclarer auprès d'un notaire les contrats antérieurs à la publication de la loi, ainsi que les commissions y afférant, et que cette déclaration pourrait éventuellement leur servir en cas de difficultés devant le juge pénal. Il a enfin indiqué qu'il proposerait que la non-déductibilité fiscale des commissions s'applique dès l'entrée en vigueur de la loi, faisant valoir qu'il était nécessaire d'affirmer clairement la volonté de la France de lutter contre la corruption.

Plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Présentant la position du groupe socialiste sur ce projet de loi, M. Jacques Floch a indiqué que la France se devait d'adapter sa législation en matière de lutte contre la corruption dans le commerce international. Après avoir souligné que le respect de la libre concurrence en matière de commerce international rendait nécessaire l'adoption de règles du jeu claires, il a observé que c'était loin d'être le cas aujourd'hui, citant l'exemple des paiements de facilitation qui ne sont pas considérés par certains comme des actes de corruption. Tout en considérant que la France devait montrer l'exemple en matière de lutte contre la corruption, il a estimé nécessaire de protéger les entreprises contre des fausses actions concurrentielles et souligné que notre pays n'avait de leçon à recevoir de personne, et surtout pas de ceux qui ont introduit dans leur législation des dispositions favorables à leurs entreprises. Il a, à cet égard, cité l'exemple de la législation américaine qui punit la corruption d'un fonctionnaire américain d'un maximum de quinze ans d'emprisonnement, alors que la peine d'emprisonnement pour la corruption d'un fonctionnaire étranger est limitée à cinq ans, qui autorise les entreprises américaines à prendre en charge les frais d'invitation de fonctionnaires étrangers lorsqu'elles y trouvent un avantage économique et qui exonère de toute sanction une entreprise effectuant des paiements à l'étranger sans justification, lorsque cette dernière a un contrat avec une agence fédérale ayant pour mission d'assurer la sécurité du pays.

Observant que la France devait être loyale vis-à-vis de ses engagements internationaux, tout en cherchant à éviter de pénaliser ses entreprises, il a estimé que la suppression de l'article 2 devait être accompagnée du rappel du principe constitutionnel de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, qui figure à l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à l'article 112-1 du code pénal. Il a souhaité que le rapporteur et le gouvernement recommandent fermement aux entreprises de donner date certaine aux contrats signés antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, l'acte d'authentification devant préciser, outre la date du contrat, le montant des sommes à verser et la date prévisible de leur versement. Il a observé que cette déclaration, qu'il n'appartient pas à la loi d'imposer, pourra permettre aux entreprises de prouver leur bonne foi et de faire appliquer le principe constitutionnel de non rétroactivité de la loi pénale. Il a suggéré que les entreprises prennent les devants et appliquent les nouvelles dispositions législatives avant même leur promulgation, et proposé que la garde des sceaux précise, dans une circulaire, l'esprit dans lequel la loi devra être appliquée, afin d'éviter que les entreprises ne subissent l'incertitude jurisprudentielle qui pourrait résulter d'interprétations diverses.

Après avoir estimé que le législateur ne devait céder, ni aux pressions des entreprises, ni à celles des Etats-Unis, dont la législation est loin d'être exempte de toute critique, M. Jean-Antoine Léonetti s'est rallié aux propositions du rapporteur concernant les juridictions compétentes en matière de corruption d'agents publics étrangers. Tout en reconnaissant que les amendements encadrant le dispositif transitoire proposé par l'article 2 pouvaient soulever des difficultés constitutionnelles, il a souhaité que le législateur recherche un juste équilibre, exprimant la crainte que la suppression pure et simple de ce dispositif ne pénalise les entreprises françaises par rapport à la concurrence internationale.

Puis, la Commission est passée à l'examen des articles du projet de loi.

Article premier A (art. 423-11, 433-1 et 439-9 du code pénal) : Définition du délit de corruption :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant l'article premier A afin de modifier la définition du délit de corruption d'un fonctionnaire national en supprimant l'exigence d'antériorité du pacte de corruption par rapport à l'acte demandé. Son auteur a indiqué que la seule modification par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture était le maintien, auquel le Sénat tenait, de l'expression « sans droit ».

Article premier (art. 435-1 à 435-6 [nouveaux] du code pénal) : Incrimination de la corruption de fonctionnaires communautaires ou appartenant aux autres Etats membres de l'Union européenne et d'agents publics étrangers :

-  Articles 435-1 et 435-2 du code pénal : Corruption passive et active de fonctionnaires communautaires ou de fonctionnaires d'un autre Etat membre de l'Union européenne :

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur procédant à une coordination rédactionnelle avec la nouvelle définition de la corruption d'un fonctionnaire national.

-  Article 435-3 du code pénal : Corruption active d'agents publics étrangers ou appartenant à des organisations internationales autres que les Communautés européennes :

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur : l'un porte de cinq à dix ans la peine d'emprisonnement encourue en cas de corruption d'agent public étranger, afin de respecter le principe de sanction comparable posé par la convention de l'OCDE ; l'autre procède à une coordination rédactionnelle rendue nécessaire par la nouvelle définition de la corruption d'un fonctionnaire national. La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Dominique Bussereau supprimant la référence aux personnes dépositaires de l'ordre public, après que le rapporteur eut indiqué qu'une telle référence existait dans la définition du délit de corruption d'un fonctionnaire national.

-  Article  435-4 du code pénal : Corruption active de magistrats étrangers ou appartenant à des organisations internationales autres que les Communautés européennes :

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, l'un portant de cinq à dix ans la peine d'emprisonnement encourue et l'autre procédant à une coordination rédactionnelle avec la nouvelle définition de la corruption d'un fonctionnaire national.

-  Article 435-6 du code pénal : Responsabilité pénale des personnes morales :

La Commission a adopté l'amendement du rapporteur qui rétablit le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture en prévoyant des peines identiques à celles encourues en cas de corruption de fonctionnaires nationaux. Tout en reconnaissant que ces peines étaient rarement appliquées, le rapporteur a estimé nécessaire de les maintenir afin de pouvoir les prononcer dans certains cas extrêmes.

La Commission a ensuite adopté l'article premier ainsi modifié.

Article 2 : Entrée en vigueur des nouvelles infractions :

La Commission a rejeté l'amendement de M. Thierry Mariani soumettant la légalité des commissions liées à des contrats antérieurs à l'entrée en vigueur des nouvelles incriminations à une déclaration effectuée auprès d'un notaire dans un délai de six mois à compter de cette entrée en vigueur. Tout en déclarant partager le souci de l'auteur de l'amendement d'éviter de pénaliser les entreprises françaises, le rapporteur a rappelé que les entreprises pouvaient toujours, même en l'absence de dispositions législatives en ce sens, déposer le contrat initial et les contrats annexes auprès d'un notaire pour prouver la légalité des commissions versées. Il a rappelé que le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, qui prévoyait un dispositif similaire avec une déclaration auprès de l'administration fiscale, avait été très largement critiqué, notamment en raison de son éventuelle inconstitutionnalité. Après avoir souligné que l'Allemagne avait transposé la convention de l'OCDE dès 1998, sans prévoir aucune disposition de ce type, il a fait valoir que les entreprises françaises avaient disposé de deux années de plus que leurs homologues allemandes pour prendre les dispositions d'adaptation nécessaire. La Commission a ensuite rejeté l'amendement n° 2 de M. Charles de Courson prévoyant une déclaration des commissions auprès du tribunal de grande instance du lieu du siège social de la société, avant d'adopter un amendement du rapporteur ainsi que l'amendement n° 1 de M. Roger Franzoni supprimant l'alinéa relatif à la légalité des commissions liées à des contrats signés antérieurement à l'entrée en vigueur des nouvelles incriminations. Elle a, en conséquence, rejeté l'amendement n° 3 de M. Charles de Courson limitant à cinq ans la durée d'application de cette disposition.

La Commission a ensuite adopté l'article 2 ainsi modifié.

Articles 3 bis et 4 (art. 704 et 706-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Compétence du procureur et des juridictions de Paris pour la corruption active d'agents publics étrangers :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant l'article 3 bis afin d'écarter la compétence de la juridiction parisienne pour les affaires de corruption d'agents publics étrangers, ainsi qu'un amendement du même auteur modifiant, par coordination, l'article 4 pour rétablir la compétence concurrente des juridictions spécialisées en matière économique et financière dans ces affaires. La Commission a ensuite adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 4 bis (art. 39 du code général des impôts) : Déductibilité fiscale des sommes ou avantages versés à des agents publics dans le cadre des transactions commerciales internationales :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur faisant coïncider la fin de la déductibilité fiscale de l'ensemble des commissions avec l'entrée en vigueur de la convention, après avoir rejeté un amendement de M. Jean-Antoine Léonetti autorisant cette déductibilité fiscale pendant un délai de cinq ans après cette entrée en vigueur.

La Commission a ensuite adopté l'article 4 bis ainsi modifié.

Puis elle a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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