Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 34

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 mars 2000
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente

SOMMAIRE

 

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- Examen des propositions de résolution (rapports) :

· sur la proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale des enfants communs (E 1270) (n° 1839) · de Mme Huguette Bello, tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de la justice à la Réunion (n° 1872) ;

· de M. Christian Estrosi tendant à la création d'une commission d'enquête relative à la pénétration des mafias des pays de l'Est en France (n° 2120) · de M. François d'Aubert, visant à créer une commission d'enquête sur les dysfonctionnements des services des ministères de l'Intérieur et de la Justice (n° 1962) ;

· de M. Philippe de Villiers et plusieurs de ses collègues, tendant à la création d'une commission d'enquête ayant pour objet de faire le point sur les chiffres actuels de l'immigration (n° 2168)

· de M. Alfred Marie-Jeanne tendant à la création d'une commission d'enquête relative à la prévention et à la lutte contre le trafic des stupéfiants dans les départements d'outre-mer (n° 2184) de M. François d'Aubert, visant à créer une commission d'enquête sur les dysfonctionnements des services des ministères de l'Intérieur et de la Justice (n° 1962) ;- Examen des propositions de résolution (rapports) :




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- Information relative à la Commission

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Christophe Caresche, la proposition de résolution sur la proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale des enfants communs (E 1270) (n° 1839).

Rappelant que la proposition de résolution déposée par la Délégation pour l'Union européenne portait sur une proposition de règlement relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale des enfants communs, le rapporteur a souligné l'importance de ce projet de texte communautaire qui, d'une part, vise à apporter une réponse aux problèmes douloureux que rencontrent certains citoyens en cas de désunion, lorsque surviennent des conflits entre les décisions rendues par des juridictions de pays différents, et, d'autre part, constitue une première traduction de la communautarisation de la coopération judiciaire civile. Faisant état de la complexité des conditions d'élaboration de cette proposition de règlement, le rapporteur a précisé qu'elle reprenait, pour l'essentiel, les dispositions d'une convention adoptée par les Etats membres de l'Union européenne le 28 mai 1998, dont l'Assemblée nationale avait autorisé la ratification le 29 février dernier. Pour expliquer la concurrence de ces deux instruments communautaires, il a indiqué que, compte tenu, d'une part, de l'importance des délais requis pour l'application de la convention et, d'autre part, de l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, qui a « communautarisé » les mesures relevant de la coopération judiciaire civile, la Commission européenne avait souhaité reprendre les dispositions de la convention dans un règlement qui serait d'application directe dans l'ensemble de l'Union européenne. Rappelant que la proposition de règlement introduisait des règles simplifiées et uniformes de compétence judiciaire en matière de divorce, d'annulation de mariage, de séparation et de responsabilité parentale à l'égard des enfants, il a précisé que, dans l'attente de l'adoption - sans doute le 27 mars prochain - de cette proposition de règlement par le Conseil, la France avait souhaité poursuivre la procédure de ratification de la convention, notamment pour en permettre l'application avec l'Allemagne, qui devrait également la ratifier prochainement, et dénouer ainsi les difficultés auxquelles se trouvent confrontés des couples franco-allemands, 46 cas faisant l'objet d'une procédure judiciaire du côté français.

Le rapporteur a fait observer que le proposition de résolution de la Délégation, adoptée le 7 octobre 1999, se plaçait également dans la perspective du Conseil européen qui s'est tenu à Tampere, en Finlande, les 15 et 16 octobre dernier, ajoutant que les chefs d'Etat et de gouvernement y avaient défini, en vue de la construction d'un espace judiciaire européen, des orientations politiques et des objectifs concrets rejoignant largement les préoccupations exprimées par la Délégation dans la proposition de résolution. Il a précisé que le Conseil européen avait notamment approuvé le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et demandé la création d'une unité - Eurojust - regroupant des procureurs, des magistrats et officiers de police ayant des compétence équivalentes, chargée de coordonner les autorités nationales et d'apporter son concours dans les enquêtes relatives à la criminalité organisée. Il a donc souhaité prendre en compte, dans la proposition de résolution, les résultats du Conseil européen de Tampere et y inscrire des observations en vue de la présidence française de l'Union européenne, soulignant que, d'après les informations qu'il avait recueillies auprès du ministère de la justice, elle devrait s'attacher à la mise en _uvre de dispositifs concrets, tels que la mise en place d'un titre européen directement exécutoire entre les Etats membres.

M. Michel Hunault s'est étonné que l'exposé du rapporteur puisse laisser accroire que le Conseil européen de Tampere prenait en compte la proposition de résolution présentée par la délégation, alors que c'est, au contraire, la tenue de ce Conseil qui justifiait la saisine de l'Assemblée. Soulignant que la réciprocité des décisions judiciaires en matière civile ne se limitait pas aux relations franco-allemandes, il a, en outre, jugé indispensable de mettre également en place une réciprocité des décisions en matière pénale. Rappelant que la criminalité organisée profitait des défaillances juridiques au niveau européen, il a indiqué qu'il n'était pas exceptionnel qu'un juge d'instruction français, qui délivre une commission rogatoire, attende quatre à cinq mois pour avoir une réponse. Après avoir rappelé que les conclusions du Conseil de Tampere appelaient à la mise en place d'un espace judiciaire européen, il a souhaité que la commission des Lois soit associée en amont aux propositions que la France sera amenée à formuler pendant qu'elle assurera la présidence de l'Union européenne afin, notamment, de favoriser la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière pénale, observant que les travaux de la mission d'information sur le blanchiment des capitaux pourraient ainsi se trouver concrétisés.

Le rapporteur a rappelé que la proposition de résolution présentée par la délégation avait été adoptée avant la tenue du Conseil de Tampere et confirmé que les conclusions du Conseil avaient rejoint les souhaits exprimés par la délégation. Il a, par ailleurs, indiqué qu'il proposerait à la Commission d'adopter un amendement prenant en compte les orientations définies à Tampere, dans lesquelles une large part est faite à la lutte contre la criminalité organisée et transnationale. Tout en rappelant que ces questions étaient examinées au sein de la délégation pour l'Union européenne, il s'est déclaré favorable à ce que la commission des Lois assure un suivi des propositions contenues dans la résolution soumise aujourd'hui à son examen et a proposé que les ministres responsables soient entendus par la Commission.

Mme Catherine Tasca, présidente, s'est déclarée favorable à une audition conjointe de la garde des sceaux et du ministre délégué chargé des affaires européennes par la Commission avant que la France n'assure, en juillet prochain, la présidence de l'Union européenne.

La Commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique.

Elle a adopté neuf amendements présentés par le rapporteur.

Au huitième alinéa, la Commission a adopté un amendement tendant à faire référence aux résultats du Conseil européen de Tampere.

Au troisième alinéa (2.) du I, elle a adopté un amendement appelant à la mise en place d'un titre européen directement exécutoire dans certains domaines sensibles, comme les droits de visite des enfants des couples séparés et les créances commerciales non contestées.

Après le troisième alinéa (2.) du I, elle a adopté un amendement tendant à souligner l'urgence qui s'attache à l'adoption de la proposition de règlement du Conseil relatif aux décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale des enfants communs.

Au deuxième alinéa (1.) du II, elle a adopté un amendement faisant référence à la ratification des seules conventions d'extradition et non à la ratification des conventions de coopération judiciaire pénale en général, l'entraide judiciaire pénale n'ayant pas encore donné lieu à l'adoption d'une convention.

Au troisième alinéa (2.) du II, elle a adopté un amendement exprimant son soutien au renforcement de la reconnaissance mutuelle des décisions pénales et appelant à l'adoption de dispositions pour faciliter, entre les Etats membres, le gel, la saisie et la confiscation des avoirs issus d'activités criminelles.

Dans les cinquième (4.) et sixième (5.) alinéas du II, elle a adopté deux amendements rédactionnels afin de tenir compte de la tenue du Conseil européen de Tampere.

Après le sixième alinéa (5.) du II, elle a adopté un amendement exprimant le souhait que la France prenne des initiatives pour que les conclusions du Conseil de Tampere soient rapidement mises en _uvre par des actions concrètes contre le blanchiment d'argent, contre le recours à des centres offshore non coopératifs et contre l'utilisation du secret bancaire, du secret fiscal ou de sociétés écrans pour faire obstruction aux enquêtes judiciaires.

Au septième alinéa (6.) du II, elle a adopté un amendement procédant à une nouvelle rédaction, qui appelle à la mise en application des dispositions du traité d'Amsterdam confiant un rôle opérationnel à Europol et à l'élaboration d'un instrument juridique donnant à l'unité Eurojust, prévue par le Conseil de Tampere, les moyens de sa mission pour favoriser la coordination des politiques pénales européennes contre la criminalité organisée et mettre au même niveau les coopérations judiciaire et policière dans l'Union européenne.

La Commission a ensuite adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Raymond Forni, la proposition de résolution présentée par M. Christian Estrosi tendant à la création d'une commission d'enquête relative à la pénétration des mafias des pays de l'Est en France (n° 2120).

Evoquant le contexte dans lequel s'inscrit le dépôt de la proposition de résolution, M. Raymond Forni, rapporteur, a rappelé l'achat en 1997 dans les Alpes maritimes du château de la Garoupe grâce à un montage financier complexe impliquant des financiers russes proches du Président de l'époque et le scandale de la Bank of New York révélant des détournements de fonds portant sur des montants proches de 10 milliards d'euros et mettant en cause des citoyens russes naturalisés américains. Tout en observant que l'objet de la proposition de résolution n'était pas très précis, contrairement aux prescriptions de l'article 140 du Règlement, et qu'une information judiciaire était actuellement en cours à la suite de la mise en cause de ressortissants du Kazakstan dans des opérations de blanchiment, il a néanmoins reconnu que la proposition de résolution pouvait être considérée comme recevable, puisque son champ d'investigations dépasse le simple cadre judiciaire. Abordant l'opportunité de cette initiative, il a fait valoir que les événements marquants précédemment cités ne devaient pas occulter le fait que l'implantation des mafias russes en France était encore relativement limitée. Il a cité, à cet égard, le président de la chambre départementale des notaires de la Côte d'Azur, qui évalue le montant des investissements immobiliers russes au millième des investissements italiens. Il a indiqué que les enquêtes menées récemment par divers quotidiens concluaient au caractère limité de l'implantation des mafias russes dans notre pays, notamment par rapport à nos voisins belges, allemands ou suisses, le procureur général de ce dernier pays estimant à 40 milliards de francs suisses le montant des sommes investies par la mafia russe en 1999. S'appuyant sur des rapports d'experts, il a considéré que la France était, en fait, une base de repli et de villégiature pour les mafieux russes, qui continuent de diriger leurs affaires à l'étranger, notre pays étant idéalement située entre les paradis bancaires que sont le Luxembourg, la Suisse, Monaco, Andorre, Jersey ou Guernesey. Après avoir souligné que la lutte contre cette nouvelle forme de délinquance passait donc, avant tout, par un meilleur contrôle des circuits de blanchiment de capitaux en Europe, il a rappelé que cette question faisait l'objet d'une mission d'information commune qui doit rendre prochainement ses conclusions. Il a également indiqué que des dispositions renforçant la lutte contre le blanchiment des capitaux devraient figurer dans le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, adopté aujourd'hui en Conseil des ministres.

Intervenant au titre de l'article 38, alinéa premier, du Règlement, M. Christian Estrosi a tout d'abord observé que les faits de délinquance des personnes originaires des pays de l'Est étaient de plus en plus nombreux, notamment dans le domaine de la prostitution. Il a cité, à cet égard, les statistiques de l'Office international pour les migrations, qui évalue à 300 000 le nombre de femmes originaires des pays de l'Est se prostituant en Europe, l'âge moyen se situant autour de 17 ans. S'agissant plus précisément de la délinquance financière, il a rappelé que TRACFIN recevait plus de 1 000 signalisations par an. Evoquant son expérience en tant que membre de la commission d'enquête sur la mafia italienne, il a estimé que les mafias russes étaient fortement implantées dans notre pays, qui n'est pas seulement un lieu de villégiature, mais abrite également des activités mafieuses moins visibles. Tout en reconnaissant qu'il était difficile de distinguer les actes individuels de la criminalité organisée, il a jugé nécessaire qu'une commission d'enquête examine l'ensemble de ces phénomènes. Il a également fait valoir qu'il était préférable d'éradiquer ces actes de délinquance à la source, avant qu'ils ne deviennent difficiles à maîtriser. Il a enfin fait état des nombreux dossiers parus dans la presse sur ce sujet et d'un rapport des renseignements généraux, estimant qu'ils démontraient que ce phénomène n'est pas quantitativement si limité que cela.

M. Michel Hunault a considéré que l'adoption de la proposition de M. Christian Estrosi aurait le mérite de permettre au Parlement de se pencher sur un problème mis en lumière actuellement par la presse. Il s'est réjoui, par ailleurs, du fait que le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques contienne des dispositions de lutte contre le blanchiment. Rappelant qu'il participait lui-même à la mission d'information chargée d'étudier les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux en Europe, il a souligné que le Parlement ne s'était jamais désintéressé de ces questions, comme l'adoption de la loi du 13 mai 1996 relative à la lutte contre le blanchiment et la discussion en cours du projet de loi relatif à la lutte contre la corruption le prouvent. Il a souhaité que la mission de la commission des lois sur le blanchiment élargisse son champ d'investigation, et pour aller plus loin que la proposition de M. Estrosi, au-delà même des seules activités de la mafia est-européenne. Il a dénoncé, en effet, les mécanismes d'une économie parallèle destinés à blanchir de l'argent sale, mécanismes que la règle de droit appréhende avec difficulté. A titre d'exemple, il a cité les développements récents des modes de paiement électronique. Au total, il a souhaité que le Parlement, et plus précisément la commission des lois, soit, en ce domaine, le lieu de propositions innovantes. Il a enfin estimé que les assemblées devaient contribuer à resituer le débat dans un cadre moins confus que celui qui préside parfois à l'évocation de ces questions complexes.

M. Jacky Darne a souligné que la mission d'information chargée d'étudier les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux en Europe prenait déjà en compte les problèmes soulevés par M. Christian Estrosi. Indiquant que la mission d'information avait fait le constat d'une augmentation des capitaux illicites en circulation sur la Côte d'Azur, notamment en interrogeant les notaires de la région, il a fait part à la Commission de la décision de la mission de s'y rendre prochainement dans le but de conduire des investigations plus approfondies. Pour ces raisons, il a jugé que, même si les questions soulevées par la proposition de résolution étaient importantes, il était préférable d'attendre les conclusions de la mission d'information pour juger quelle serait la réponse la plus appropriée.

Pour éclairer son examen sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques et, le cas échéant, lui permettre d'apprécier l'opportunité de la compléter par des amendements, Mme Catherine Tasca, présidente, a souhaité que la commission des lois soit éclairée par ceux de ses membres qui y siègent, sur les travaux de la mission d'information relative au blanchiment des capitaux.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

-  Si la prostitution des femmes originaire des pays de l'Est pose de réels problèmes, la mafia n'est pas toujours présente, cette prostitution étant souvent alimentée par une immigration économique.

-  Les mille signalisations évoquées par M. Christian Estrosi ne concernent pas uniquement des sommes liées à la mafia russe. Ainsi, en 1998, TRACFIN a reçu au total 1 244 déclarations de soupçons concernant différents secteurs économiques. Toutefois, force est de reconnaître que ce service ne fonctionne pas parfaitement, en raison notamment des comportements parfois contestables des banques.

-  Si personne ne conteste l'utilité des commissions d'enquête qui permettent au Parlement d'exercer sa fonction de contrôle, il convient d'éviter la multiplication d'initiatives parlementaires portant sur des sujets voisins. La question du blanchiment des capitaux étant traitée au sein de la mission d'information créée sur ce thème, il est nécessaire, à tout le moins, d'attendre ses conclusions avant d'envisager une éventuelle création de commission d'enquête.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission a rejeté la proposition de résolution n° 2120.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Raymond Forni, la proposition de résolution présentée par M. Philippe de Villiers et plusieurs de ses collègues, tendant à la création d'une commission d'enquête ayant pour objet de faire le point sur les chiffres actuels de l'immigration (n° 2168).

M. Raymond Forni, rapporteur, s'est déclaré défavorable à la création d'une telle commission d'enquête. Il a considéré que la proposition de résolution était critiquable tant sur le plan de la recevabilité, compte tenu du caractère ambigu de son objet, qui ne se limite qu'en apparence à un travail statistique, que de l'opportunité, puisque les données chiffrées sont déjà abondantes, relativement concordantes et publiques. Il a estimé qu'à travers le dépôt de cette proposition de résolution, ses auteurs avaient surtout cherché à réaliser une opération de communication.

M. Michel Hunault s'est, au contraire, prononcé pour la création de cette commission d'enquête. Il a admis que les statistiques relatives à l'immigration ne seraient jamais d'une précision absolue, mais a considéré qu'une meilleure connaissance des flux permettrait, paradoxalement, de renforcer la légitimité de la présence sur le sol français des étrangers en situation régulière au regard du droit au séjour, qui sont une source de richesse incontestable pour notre pays.

Suivant la proposition du rapporteur, la Commission a rejeté la proposition de résolution n° 2168.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Raymond Forni, la proposition de résolution présentée par M. Alfred Marie-Jeanne tendant à la création d'une commission d'enquête relative à la prévention et à la lutte contre le trafic des stupéfiants dans les départements d'outre-mer (n° 2184).

Evoquant les arguments développés par M. Alfred Marie-Jeanne dans sa proposition de résolution selon lesquels il y aurait une « une absence et une mauvaise répartition des moyens fonctionnels de prévention et de lutte contre l'emploi et le trafic des stupéfiants dans les DOM », M. Raymond Forni, rapporteur, a estimé que cette affirmation méconnaissait les efforts constants fournis par le gouvernement français pour endiguer le trafic de stupéfiants dans ces départements. Observant ainsi que le Gouvernement avait intégré dans son action contre le trafic de stupéfiants la dimension géographique des DOM, qui les rend particulièrement vulnérables, il a ajouté que les succès obtenus dans la lutte contre le trafic des stupéfiants n'étaient pas uniquement la conséquence de l'accroissement d'une politique de répression mais dépendaient également étroitement des fluctuations politiques dans les Etats voisins. Evoquant ainsi le discours paradoxal des Etats-Unis sur le sujet, qui a longtemps consisté à afficher une grande détermination tout en continuant à nouer des alliances avec des pays notoirement connus pour leur implication dans les trafics, le rapporteur a constaté que les départements français d'Amérique, et notamment la Guadeloupe, avec sa dépendance Saint-Martin, se situait dans une zone particulièrement complexe à contrôler. Estimant que l'axe essentiel de la lutte contre le trafic de stupéfiants dans cette région devait résider dans le développement de la coopération internationale, il a fait état des actions entreprises dans ce domaine, telles que la création du service de coopération technique internationale de police, de l'office central de répression du trafic illicite de stupéfiants et du développement d'antennes de ces organismes à l'étranger. Après avoir rappelé que le cadre législatif, avec la loi du 29 avril 1996, autorisait désormais la marine nationale à arraisonner des navires en haute mer, il a constaté que les récents arraisonnements auxquels il avait été procédé démontraient l'utilité d'un tel dispositif. Il a également évoqué la loi du 13 mai 1996 étendant le délit de blanchiment à tous les profits des trafiquants, auxquels il appartient désormais de démontrer l'origine légale de leurs biens. Il a constaté, là encore, que ce dispositif commençait à donner des résultats, les tribunaux français n'hésitant plus à confisquer les biens des trafiquants.

Estimant, en conclusion, que si la recevabilité de la proposition de résolution pouvait être admise, parce que les faits en cause étaient clairement énoncés et ne donnaient pas lieu, en tant que tels, à des poursuites judiciaires, son opportunité était davantage sujette à discussion, il a considéré que la création d'une commission d'enquête n'était pas la réponse appropriée et, par conséquent, invité la Commission à repousser la proposition de résolution.

Intervenant à la demande de M. Alfred Marie-Jeanne, et regrettant la sévérité des propos tenus par le rapporteur, M. Alain Tourret, a exprimé son soutien à cette résolution tendant à la création d'une commission d'enquête. Se référant à la récente visite effectuée en Martinique et en Guadeloupe par le Président de la République, au cours de laquelle il a déclaré constater les ravages dans ces départements d'une toxicomanie qui n'existait pas lorsqu'il était Premier ministre, M. Alain Tourret a souligné que l'accroissement rapide des infractions à la législation sur les stupéfiants justifiait pleinement la création d'une commission d'enquête. Il a précisé qu'entre 1993 et 1996 les infractions à la législation sur les stupéfiants avaient augmenté de 25 % en Guyane, les interpellations liées à la consommation et au trafic de cannabis ayant été multipliées par cinq sur la même période en Martinique. Observant que la région des Antilles se transformait progressivement en plaque tournante du trafic de stupéfiants entre les pays producteurs et les Etats-Unis d'Amérique, il a indiqué que 80 % de la cocaïne consommée aux Etats-Unis transitait par cette région. Déplorant les graves retombées locales du développement de la consommation et du trafic des stupéfiants, et remarquant qu'aucun organe parlementaire ne travaillait sur ce sujet à l'heure actuelle, il a souhaité que la commission des Lois se prononce en faveur de la proposition de résolution présentée par M. Alfred Marie-Jeanne.

Tout en admettant que la consommation et le trafic de stupéfiants constituaient un véritable fléau pour la région des Antilles, M. Ernest Moutoussamy a souscrit aux conclusions de rejet du rapporteur. Faisant référence à la table ronde qui a eu lieu en présence du président de la République, lors de son récent voyage en Martinique et en Guadeloupe, il a indiqué qu'elle avait conclu à la nécessité de renforcer, en priorité, la coopération dans la lutte contre le trafic de stupéfiants dans la zone caraïbe.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a jugé peu souhaitable que les départements d'outre-mer se trouvent singularisés par la création d'une commission d'enquête sur la lutte contre le trafic des stupéfiants dont le champ d'investigation serait limité à leur seule situation particulière. Il a considéré qu'une telle initiative ne pourrait qu'alimenter les suspicions et risquerait, par là-même, d'aggraver un contexte économique et social difficile.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission a rejeté la proposition de résolution n° 2184.

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Information relative à la Commission

La Commission a donné son accord à la création d'une mission d'information commune à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République et à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, préparatoire au projet de loi de révision des « lois bioéthiques » de juillet 1994 constituée de 57 membres.

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