Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 41

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 5 avril 2000
(Séance de 11 heures)

Présidence de Pierre Albertini, vice-président,

puis de M. Bernard Roman, président

SOMMAIRE

 

pages

- Election du Président et d'un vice-président de la Commission

2

- Proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (n° 2121) (amendements)


3

- Proposition de loi, modifiée par le Sénat, tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité (n° 2277) (deuxième lecture)


4

- Information relative à la Commission

6

La Commission s'est réunie en vue de procéder à l'élection du Président (en remplacement de Mme Catherine Tasca) et d'un vice-président (en remplacement de Mme Christine Lazerges).

Election du Président :

La Commission a été saisie des candidatures de M. Bernard Roman et de M. Dominique Bussereau

L'élection a donné lieu à un seul tour de scrutin :

Nombre de votants 40

Bulletins blancs ou nuls 1

Suffrages exprimés 39

Majorité absolue 20

Ont obtenu :

M. Bernard Roman 29 suffrages

M. Dominique Bussereau 10 suffrages

M. Bernard Roman, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, a été proclamé Président.

*

* *

Avant que la Commission ne procède à l'élection d'un poste de vice-président, M. Bernard Roman a souhaité saluer le talent, le tact et la conviction avec lesquels Mme Catherine Tasca avait animé les travaux de la commission des Lois pendant trois ans ; il a exprimé l'espoir de pouvoir se montrer son digne successeur. Rappelant que la commission des Lois était saisie de textes qui étaient l'expression des valeurs de la société, il a déclaré qu'il serait particulièrement attentif à l'expression de la diversité des opinions et a mesuré l'honneur que lui faisaient ses collègues en le portant à la présidence.

Election d'un vice-président :

La Commission a été saisie de la candidature de Mme Nicole Feidt.

La Commission n'étant saisie que d'une seule candidature, Mme Nicole Feidt a été proclamée vice-présidente de la Commission.

*

* *

En conséquence, le Bureau de la Commission est ainsi constitué :

-  Président M. Bernard Roman

-  Vice-Présidents M. Pierre Albertini

Mme Nicole Feidt

M. Gérard Gouzes

-  Secrétaires MM. Richard Cazenave

André Gerin

Arnaud Montebourg

*

* *

Statuant en application de l'article 88 du Règlement, la Commission a examiné, sur le rapport de M. René Dosière, les amendements à la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (n° 2121).

Article premier (art. 121-3 du code pénal) : Nouvelle définition des délits non intentionnels :

La Commission a examiné un amendement n° 24 présenté par M. Gilbert Meyer proposant une nouvelle définition générale des délits non intentionnels. M. René Dosière, rapporteur, a expliqué que cet amendement, qui prévoit, que lorsque le lien entre la faute et le dommage est indirect, la responsabilité pénale d'une personne physique ne pourra être engagée qu'en cas de « violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement », était proche de la proposition initiale du Sénat. Il a jugé que cette définition était trop restrictive et ne prenait pas suffisamment en compte le point de vue des victimes, notamment dans les domaines de la responsabilité médicale ou des accidents du travail. Il a rappelé que la définition qu'il avait lui-même proposé et qui a été adoptée par la Commission (amendement n° 9) prévoit que cette responsabilité peut également être engagée en cas de « faute d'une exceptionnelle gravité exposant autrui à un danger que son auteur ne pouvait ignorer ». La Commission a repoussé cet amendement. Elle a ensuite autorisé le rapporteur à effectuer une rectification d'ordre rédactionnel à l'amendement n° 9 précité.

Après l'article 6 :

La Commission a repoussé deux amendements nos 20 et 21 présentés par M. François Guillaume prévoyant, avant toute mise en examen d'un élu local ou d'un agent public, une saisine préalable du juge administratif. Elle a également repoussé l'amendement n° 23 présenté par M. Maurice Adevah-P_uf tendant à imposer à l'Etat de prendre en charge la protection d'un maire qui agit en son nom, le rapporteur ayant indiqué que cette proposition serait satisfaite par le sous-amendement n° 27 du Gouvernement à l'article 7 ter.

Après l'article 7 bis :

La Commission a repoussé un amendement n° 22 présenté par M. Maurice Adevah-P_uf tendant à prévoir que les violations du code des marchés publics ne peuvent donner lieu qu'à des réparations civiles, dès lors qu'elles n'ont pas été commises intentionnellement dans un but d'enrichissement personnel, le rapporteur ayant considéré que cette question n'avait pas de lien avec la proposition de loi en discussion.

Article 7 ter (art. L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales) : Protection des élus locaux en cas de faute non détachable :

La Commission a accepté le sous-amendement n° 27 présenté par le Gouvernement prévoyant que l'Etat prend en charge la protection d'un maire ou d'un élu municipal, dès lors que celui-ci agit en son nom.

*

* *

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Christiane Taubira-Delannon, la proposition, modifiée par le Sénat, tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité (n° 2277).

Après avoir rappelé que la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le 18 février 1999, n'avait été examinée par le Sénat que le 23 mars dernier, Mme Christiane Taubira-Delannon, rapporteuse, a indiqué que le texte transmis à l'Assemblée nationale avait été sensiblement modifié par les sénateurs. Elle a précisé que, si l'article premier, qui permet à la France de reconnaître officiellement comme crime contre l'humanité la traite négrière transatlantique et dans l'océan indien et l'esclavage perpétrés contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes, avait été finalement adopté sans modification, la commission des Lois du Sénat avait néanmoins proposé une nouvelle rédaction qui remplaçait ce texte par un article de portée générale rappelant simplement que l'esclavage, conformément à l'article 212-1 du code pénal, constitue un crime contre l'humanité. Elle a ensuite observé que le Sénat avait supprimé l'article 2, qui pose le principe d'un accroissement de la place accordée à la traite négrière et à l'esclavage dans les manuels scolaires et dans les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines, ainsi que l'article 5, qui donne la possibilité aux associations défendant la mémoire des esclaves d'exercer les droits reconnus à la partie civile en cas d'injure ou de discrimination racistes. Elle a, enfin, rappelé que les sénateurs avaient modifié l'article 3 bis, afin de fixer au 23 août la date de commémoration en France métropolitaine de l'abolition de l'esclavage, alors que l'Assemblée nationale, pour recueillir le plus large consensus, avait renvoyé à un décret la fixation de cette date. Elle a ajouté que cette modification lui paraissait d'autant plus contestable que la date retenue n'était pas opérationnelle, la mobilisation des communautés scientifiques et éducatives paraissant difficile pendant la période des vacances scolaires.

Faisant valoir que la Commission avait désormais le choix entre une adoption sans modification du texte proposé par le Sénat et un rétablissement du dispositif adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, la rapporteuse a exprimé sa préférence pour la deuxième solution. Evoquant l'article 2, elle a insisté sur le fait que les sénateurs avaient approuvé l'objectif poursuivi et n'avaient supprimé cet article que pour des motifs d'ordre juridique, les dispositions proposées relevant, selon eux, du domaine réglementaire. Elle a alors rappelé que cette objection avait déjà été soulevée en première lecture, ajoutant cependant que les députés avaient décidé à l'unanimité de maintenir cet article, qui permet d'afficher clairement la nécessité d'améliorer l'enseignement et la recherche sur la traite négrière et l'esclavage. Elle a également proposé de rétablir l'article 5, rappelant que la rédaction figurant dans sa proposition de loi initiale était très différente et que le dispositif finalement retenu par l'Assemblée nationale avait donné lieu à une expertise approfondie démontrant son utilité.

Approuvant les propos de la rapporteuse, M. Louis Mermaz a considéré que le vote de cette proposition de loi par l'Assemblée nationale avait revêtu une valeur symbolique forte dont le retentissement avait été manifeste dans les départements d'outre-mer. En conséquence, il a souhaité que ce symbole soit maintenu intact, par le retour au texte voté par l'Assemblée nationale.

Rappelant que, sur le fond, le groupe UDF approuvait la proposition de loi, M. Jean-Antoine Léonetti a constaté qu'il existait une incompatibilité entre la volonté de donner un fort caractère symbolique à la reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité par le vote d'une loi sur cette question et le fait que l'essentiel du dispositif contenu dans la proposition était, à l'évidence, de nature réglementaire. Considérant que l'essentiel, sur ce sujet, ressortissait à l'éducation des enfants, il a insisté sur le fait que l'histoire de France devait leur être apprise dans ce qu'elle a de positif comme dans ses aspects les plus noirs.

M. Jacques Floch a considéré qu'il était pleinement justifié que la représentation nationale adopte des lois symboliques relatives aux périodes douloureuses de notre histoire. Rappelant que l'esclavage avait perduré dans certains territoires soumis au contrôle de la République jusqu'en 1886, il a jugé que la proposition de loi de Mme Christiane Taubira-Delannon était tout à fait opportune. Il s'est, par ailleurs, interrogé sur la possibilité de prolonger le travail de la Commission dans ce domaine en analysant les textes permettant de lutter contre l'esclavage moderne, dont les femmes et les enfants sont les premières victimes.

M. Bernard Roman, président, a estimé que la portée symbolique de la proposition de loi primait sur le strict respect du domaine législatif et du domaine réglementaire, considérant qu'il était légitime que la représentation nationale fasse passer des messages relatifs à notre histoire. Il a, par ailleurs, déclaré que la Commission pourrait utilement se saisir de la question de l'esclavage moderne, contre lequel luttent de nombreuses associations, et qui existe sous de multiples formes, telles notamment que la prostitution et le travail clandestin.

La rapporteuse a remercié les différents intervenants de leur soutien à sa proposition de loi, soulignant que les populations d'outre-mer seraient sensibles à l'unanimité de l'Assemblée nationale sur cette question.

Puis, la Commission est passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article 2 : Développement de l'enseignement et de la recherche sur la traite négrière et l'esclavage :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse rétablissant cet article dans le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, sous réserve d'une modification d'ordre rédactionnel conduisant à remplacer la référence aux manuels scolaires par un renvoi aux programmes scolaires.

Articles 3 bis et 4 (art. unique de la loi n° 83-550 du 30 juin 1983) : Date de la commémoration de l'abolition de l'esclavage en métropole - Création d'un comité de personnalités chargées de proposer des lieux et des actions de mémoire :

A l'article 3 bis, la Commission a adopté un amendement de la rapporteuse qui rétablit le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture afin de renvoyer à un décret le soin de fixer la date de commémoration de l'abolition de l'esclavage en France métropolitaine, pris après une consultation la plus large possible. La Commission a ensuite été saisie d'un amendement de la rapporteuse supprimant, par coordination avec le rétablissement de l'article 2, la référence aux programmes scolaires dans les dispositions relatives au comité de personnalités qualifiées chargé de proposer des actions garantissant la mémoire du crime de l'esclavage. MM. Camille Darsières et  Louis Mermaz se sont interrogés sur les modalités de fixation de la composition de ce comité. M. Bernard Roman, président, a observé que la composition serait fixée par le décret en Conseil d'Etat, prévu par l'article 3 bis, ajoutant que, s'il convenait de ne pas aller trop loin en matière d'injonction au Gouvernement, la Commission pourrait néanmoins fixer un délai pour la publication de ce décret. Après que M. Louis Mermaz eut évoqué la liste relativement longue des décrets d'application non publiés, la rapporteuse a proposé de modifier son amendement afin d'insérer une référence aux compétences du comité et de fixer un délai de six mois pour la publication du décret. La Commission a alors adopté l'amendement de la rapporteuse ainsi modifié.

Article 5 (art. 48-1 de la loi du 29 juillet 1881) : Possibilité pour les associations défendant la mémoire des esclaves d'exercer les droits reconnus à la partie civile :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse rétablissant le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, afin de donner la possibilité aux associations défendant la mémoire des esclaves de se constituer partie civile en cas d'injure ou de diffamation racistes.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

*

* *

Information relative à la Commission

La Commission a désigné :

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour le projet de loi d'orientation relatif aux départements d'outre-mer.

--____--


© Assemblée nationale