Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 44

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 26 avril 2000
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Bernard Roman, président

et de M Gérard Gouzes, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (lecture définitive)


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- Propositions de loi constitutionnelle : tendant à compléter l'article 3 et à supprimer l'article 88-3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers pour les élections aux conseils des collectivités territoriales (n° 2063) ; tendant à compléter l'article 3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'éligibilité des étrangers non communautaires dans les élections municipales (n° 1881) ; visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux résidents étrangers non citoyens de l'Union européenne (n° 2042) et visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France (n° 2075) (rapport)








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- Informations relatives à la Commission

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Bernard Roman, le projet de loi, modifié par le Sénat en nouvelle lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

M. Bernard Roman, rapporteur, a indiqué que le Sénat avait adopté en nouvelle lecture le projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives dans des termes identiques à ceux qu'il avait votés en première lecture. Il a rappelé qu'à ce stade de la procédure et en application des articles 45, alinéa 4, de la Constitution et 114 du Règlement, l'Assemblée ne pouvait que reprendre le texte qu'elle avait voté en nouvelle lecture, aucun amendement du Sénat n'étant compatible avec la position qu'elle avait adoptée précédemment.

M. Pascal Clément a regretté, pour sa part, que l'Assemblée nationale fasse si peu de cas du travail des sénateurs.

La Commission a adopté le projet de loi dans le texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Noël Mamère, les propositions de loi constitutionnelle : tendant à compléter l'article 3 et à supprimer l'article 88-3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers pour les élections aux conseils des collectivités territoriales (n° 2063) ; tendant à compléter l'article 3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'éligibilité des étrangers non communautaires dans les élections municipales (n° 1881) ; visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux résidents étrangers non citoyens de l'Union européenne (n° 2042) et visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France (n° 2075).

M. Noël Mamère, rapporteur, a indiqué que le groupe RCV, à l'initiative des députés Verts, avait demandé l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale de leur proposition de loi n° 2063 relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers, parce que ceux-ci jugeaient le moment venu de débattre sereinement d'une question essentielle pour la vitalité démocratique de notre pays. Il a rappelé que, en application du traité de Maastricht, les citoyens de l'Union européenne résidant en France s'étaient vu accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, sans pouvoir toutefois exercer les fonctions de maire ou d'adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux ou à l'élection des sénateurs. Il a donc considéré qu'il existait désormais en France une « citoyenneté de castes », se déclinant en une citoyenneté pleine et entière pour les Français, une citoyenneté au rabais pour les citoyens de l'Union européenne résidant en France et une privation de citoyenneté pour les autres étrangers alors même que la République impose à tous un certain nombre de devoirs. Rappelant que ce sujet avait donné lieu par le passé à des débats irraisonnés et non exempts d'arrière-pensées, il a estimé que les conditions étaient aujourd'hui réunies pour qu'il puisse être abordé sans passion à l'Assemblée nationale et sorte ainsi symboliquement du « monde des tabous ». Il a indiqué que, tout comme les juristes, organisations et collectifs qu'il avait reçus, il estimait que les étrangers résidant en France devaient pouvoir voter et être élus aux élections locales, non pas en contrepartie du fait qu'ils paient des impôts et participent à la richesse de la France mais pour mettre fin à une rupture d'égalité contraire à la conception universaliste des droits de l'Homme formulée par les pères fondateurs de la démocratie dès 1789 et confirmée en 1793. Il a précisé que la démarche de son groupe ne relevait ni de la provocation, ni du maximalisme mais était guidée par la conviction qu'un consensus pouvait se dégager pour mettre fin à une rupture d'égalité devant la citoyenneté, soulignant que plusieurs membres de l'opposition, notamment MM. Gilles de Robien ou Dominique Paillé, n'étaient pas hostiles à une telle évolution. Il a souhaité que la réflexion sur la citoyenneté, et donc sur le vote des résidents étrangers, soit découplée des questions de souveraineté et de nationalité. Il a ainsi fait valoir que la souveraineté de la France était peu ou prou écornée à chaque fois que des directives européennes étaient transposées en droit interne, sans susciter pour autant un débat permanent sur ce fait. Par ailleurs, il a observé que les titulaires de fonds de pension ou les actionnaires de sociétés transnationales ne se voyaient pas opposer leur nationalité. Surtout, il s'est déclaré attaché à la tradition d'une République ouverte et généreuse, qui s'honorerait à accepter enfin un principe universaliste, celui de l'égalité de tous devant la citoyenneté, ne serait-ce que par reconnaissance à l'égard d'étrangers vivant parfois sur notre territoire depuis des dizaines d'années et ayant donné leur sang ou leur liberté pour défendre un pays qui n'était pas le leur à l'origine. Après avoir rappelé que les propositions de loi présentées par le groupe communiste, les députés radicaux de gauche et le groupe socialiste étaient examinées conjointement avec celle présentée par les députés Verts, il a indiqué que cette dernière était plus ambitieuse car elle complète l'article 3 de la Constitution pour permettre aux citoyens étrangers résidant en France d'être électeurs et éligibles pour les élections de l'ensemble des conseils des collectivités territoriales, dans des conditions déterminées par une loi organique, et qu'elle ne s'oppose pas à ce qu'ils puissent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint et participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. En conclusion, après avoir rappelé que le nombre des conseillers municipaux était déjà proportionnel à la population de la commune, indépendamment de la nationalité de ses habitants, et non au nombre d'électeurs, il a souhaité que la question du droit de vote des étrangers ne se réduise pas, une fois encore, à un combat entre la droite et la gauche et que des passerelles puissent, au contraire, être trouvées afin que les quatre millions de résidents étrangers qui représentent 7 % de la population française, puissent être traités en toute égalité.

Plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Exprimant de vives réserves sur ce texte, M. Claude Goasguen s'est indigné, en préalable, du lien qui, selon certaines rumeurs, pouvait exister entre le vote à l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à la chasse et la discussion de cette proposition de loi, qu'il a qualifiée de maximaliste. Constatant que les initiatives législatives de la gauche sur le droit de vote des étrangers survenaient toujours peu avant les élections municipales, il a considéré que cette coïncidence n'était pas fortuite et jugé que, si la majorité entendait débattre, par ce biais, de la question de l'immigration, une discussion avec le ministre de l'intérieur sur l'application des lois en la matière serait plus opportune. Observant que le rapporteur semblait considérer qu'il s'exprimait au nom d'une « conscience universelle », M. Claude Goasguen a estimé que cette proposition de loi était inutile, parce qu'elle ne répondait à aucune véritable demande sociale, si ce n'est celle des associations ou du Conseil de l'Europe. Il a contesté le postulat selon lequel il existerait de profondes inégalités de droits entre Français et étrangers. Exprimant des doutes sur le fait que des étrangers demandent le droit de vote sans être naturalisés, il a, en revanche, jugé légitime qu'ils souhaitent être naturalisés pour voter et a regretté les retards administratifs pris dans les procédures de naturalisation. M. Claude Goasguen a ensuite fait valoir qu'il n'existait pas d'exemples de pays étrangers ayant accordé le droit de vote aux résidents étrangers, exceptions faites du Royaume-Uni, dont la réglementation, très spécifique, résulte de l'existence du Commonwealth, du Portugal, qui reconnaît le droit de vote aux étrangers sous réserve de réciprocité de la part du pays dont ces étrangers sont ressortissants, et des pays scandinaves, qui compensent ainsi un régime restrictif d'acquisition de la nationalité, fondé, à la différence de la situation française, sur le droit du sang. Enfin, contestant l'interprétation donnée par le rapporteur de la Constitution et des principes inscrits dans la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, il a rappelé que le Conseil constitutionnel avait jugé, dans une décision du 18 novembre 1982, que le droit de vote était de même nature qu'il s'exerce aux élections législatives ou municipales. Regrettant, à nouveau, que cette discussion s'engage avant les élections municipales, il a considéré que la proposition de loi ravivait, de manière inopportune, un débat « sulfureux ».

M. Bruno Le Roux a souligné que la proposition de loi permettait d'aborder non seulement les questions de la citoyenneté mais, plus largement, les discriminations à l'encontre des étrangers, en évoquant notamment, à cet égard, la question de l'accès à l'emploi dans la fonction publique. Précisant que le groupe socialiste jugeait ce débat parfaitement opportun, il a d'ailleurs exprimé sa conviction qu'il ne susciterait pas d'incompréhension dans l'opinion, observant que la participation des résidents étrangers aux élections municipales constituait, notamment dans les milieux urbains, une demande le plus souvent considérée comme légitime. Evoquant les différentes structures permettant d'associer les étrangers au fonctionnement des municipalités, il a observé que les élus qui en avaient fait l'expérience souhaitaient aller au-delà. Il a indiqué que le groupe socialiste était déterminé à débattre, amender puis voter la proposition de loi, précisant qu'il souhaitait permettre la participation des résidents étrangers aux seules élections municipales et selon les mêmes modalités que celles prévues pour les ressortissants communautaires, c'est-à-dire sans possibilité d'accès aux fonctions de maire ou d'adjoint. Il a, enfin, insisté sur la nécessité de bien expliquer aux Français la longueur du processus législatif qui précédera nécessairement l'adoption définitive de la proposition de loi.

Précisant qu'il intervenait en tant que porte-parole du groupe UDF, M. Jean-Antoine Léonetti a indiqué que cette proposition de loi avait fait l'objet d'un large débat au sein du groupe et des instances de son parti. Constatant que cette initiative réactualisait une proposition du candidat Mitterrand en 1981, il a estimé que la question du droit de vote des étrangers restait l'un des derniers grands clivages entre la droite et la gauche. Saluant l'effort du rapporteur pour préciser la notion de citoyenneté, il a considéré que la définition qu'il en donnait, fondée sur un humanisme mondialiste, différait fondamentalement de celle retenue par les partis de droite, qui s'appuie sur la reconnaissance d'un destin commun. Rappelant l'engagement européen de l'UDF, il a précisé que la reconnaissance d'une citoyenneté européenne n'avait jamais eu vocation à supplanter la citoyenneté française, issue d'une culture, d'une histoire et d'un enseignement. Il a considéré que la procédure de naturalisation demeurait l'élément essentiel du débat sur l'intégration, précisant que celle-ci reposait sur la volonté de partager un ensemble de valeurs, davantage que sur le droit de mettre un bulletin de vote dans une urne. Il a regretté la procédure à laquelle les partis de gauche avaient une nouvelle fois recours, identique à celle utilisée pour la réforme du cumul des mandats, consistant à débattre d'un texte dont les auteurs savent pertinemment, compte tenu de l'opposition du Sénat et de l'obligation de procéder par voie référendaire, qu'elle n'aboutira pas. Dénonçant, en conclusion, une conception particulière de la démocratie consistant à susciter des débats dans l'unique objectif de recueillir une unanimité dans les rangs de la majorité, il a déclaré que le groupe UDF s'opposerait à cette proposition dont l'adoption aurait pour conséquence de détruire les mécanismes d'intégration par la voie de la naturalisation.

Se félicitant que ce débat, qui honore le Parlement, puisse s'engager, M. Alain Tourret a relevé, à cet égard, l'existence d'un clivage fort entre les partis de droite et de gauche. Il a rappelé que, sur la question des droits des étrangers, la France se situait dans une position spécifique, à l'image de la Grande-Bretagne, en raison des liens historiques qu'elle conserve avec les ex-pays de l'Empire, qui créent indubitablement des obligations envers leurs ressortissants résidant dans notre pays. Evoquant la directive du Conseil européen du 19 décembre 1994, qui a fixé les modalités du droit de vote des ressortissants de l'Union européenne à l'échelon européen, il a observé que les données du débat sur le vote des étrangers étaient désormais totalement différentes. Rappelant ainsi que les Européens disposaient désormais du droit de vote aux élections municipales, il a estimé que nombre de ces nouveaux électeurs paraissaient finalement moins proches de la culture française que les ressortissants des anciennes colonies et dépendances françaises et considéré que cette situation ne ferait que s'aggraver avec les perspectives d'élargissement de l'Europe aux pays de l'Est. Notant que les étrangers disposaient déjà du droit de vote dans de nombreuses élections régies par le droit social, telles que l'élection des délégués du personnel ou des comités d'entreprise, il s'est demandé quelle logique il y avait à autoriser leur participation à la vie de l'entreprise, tout en la refusant quand il s'agit de traiter des affaires courantes relevant de la gestion d'une commune. Reconnaissant que le débat se posait dans des termes tout à fait différents pour les élections législatives, qui sont une manifestation de l'exercice de la souveraineté, il a considéré que les élections municipales ne suscitaient pas de tels enjeux.

S'agissant des arguments plaidant pour la naturalisation invoqués par les opposants au droit de vote des étrangers, il s'est élevé contre une procédure qui, utilisée abusivement, contribuerait à l'exil des élites des pays d'émigration. Considérant que le droit de vote était la seule mesure permettant à des étrangers de participer à une communauté de destin et de favoriser l'intégration, il a rappelé que la proposition de loi déposée par les députés radicaux se limitait, à l'instar de ce qui a été retenu pour les Européens, aux élections municipales, et retenait le principe de réciprocité de droit de vote dans le pays d'origine. Soulignant qu'il s'agissait de reprendre ainsi les termes de l'article 88-3 de la Constitution, il a cependant considéré que le débat restait ouvert. Il a également observé que, à la différence de la proposition de loi déposée par le groupe socialiste, qui renvoie à une loi ultérieure les conditions d'obtention du droit de vote, la proposition des députés radicaux tranchait en faveur d'une condition de résidence minimale de cinq ans, destinée à mieux exprimer la volonté d'une communauté de destin.

Saluant le talent provocateur du rapporteur et s'interrogeant sur certaines de ses formulations telles que « le vote de castes » ou « la rupture de l'égalité citoyenne », M. Thierry Mariani a dénoncé la confusion logomachique et l'usage sans réserve du mot, désormais à la mode, de « citoyen », regrettant que celui-ci soit en grande partie vidé de sa substance. Il a fait savoir que, pour le groupe RPR, ce texte n'était pas amendable et qu'il convenait simplement de proposer sa suppression. Il a jugé, en effet, que cette proposition de loi constituait une provocation supplémentaire à moins d'un an des élections municipales, remarquant que l'on avait déjà, par deux fois, rompu avec la tradition républicaine qui exclut qu'un mode de scrutin soit modifié à une date aussi proche d'une échéance électorale, en instaurant la parité, ce qui est acceptable, mais aussi en abaissant le seuil au-delà duquel les élections municipales se déroulent au scrutin proportionnel à correctif majoritaire, ce qui est beaucoup plus critiquable. Il a souhaité, par ailleurs que le rapporteur éclaircisse les échos parus dans la presse selon lesquels la présentation de cette proposition de loi en séance publique serait la contrepartie d'un vote favorable des députés Verts sur le projet de loi relatif à la chasse, condamnant, si tel était le cas, un calcul médiocre pour un sujet aussi important.

Faisant état de son expérience de maire, il a rapporté qu'aucun des étrangers de sa commune ne l'avait sollicité pour obtenir le droit de vote, alors qu'en revanche, les demandes d'emplois publics existaient. Or, il a constaté que, si la proposition de loi était adoptée, un étranger pourrait être élu maire d'une commune, sans pouvoir bénéficier d'un emploi public de technicien de surface titulaire dans la même commune. Il a, par ailleurs, jugé que relancer la question de l'immigration à un an des élections municipales ne pouvait être interprété autrement que comme une provocation. Il a considéré qu'il était, en tout état de cause, inacceptable d'organiser un débat aussi important dans le cadre d'une séance réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée, limitée à une seule demi-journée, rappelant, à cet égard, le précédent de la proposition de loi sur le PACS, que la majorité à l'Assemblée nationale avait tenté de faire adopter dans la précipitation. Il a également critiqué le caractère incomplet du dispositif proposé, observant que la proposition de loi organique annoncée dans le texte soumis à l'examen de la commission n'était pas déposée. Enfin, il s'est élevé contre le contenu même de la proposition de loi constitutionnelle, réaffirmant avec vigueur la nécessité de maintenir un lien indissociable entre la nationalité et la citoyenneté. Il a rappelé que toutes les constitutions françaises, à l'exception de celle de 1793 qui n'a jamais été appliquée, avaient préservé ce lien, et ajouté qu'aucun pays ne l'avait rompu, sauf le cas marginal des Pays-Bas ou du Portugal à l'égard de la communauté lusophone, sous réserve de réciprocité de la part des Etats d'origine. Constatant que les conditions d'accès à la nationalité étaient aujourd'hui très largement ouvertes en France, les naturalisations ayant augmenté de 6,5 % en 1998 par rapport à l'année précédente, il a estimé que les étrangers qui souhaitaient voter en France pouvaient le faire en devenant français.

M. Pascal Clément a indiqué que le fait qu'un étranger puisse être électeur dans une commune ne le choquerait pas, si l'accès à la nationalité était difficile. A cet égard, il a rappelé qu'il s'était opposé à la suppression par la gauche du consentement explicite de l'étranger souhaitant devenir français et a réaffirmé son attachement à une nationalité fondée sur le vouloir et non sur l'automaticité. Observant que la proposition présentée par les Verts, maximaliste et excessive, revêtait ainsi un caractère provocateur, il a considéré que le rapporteur ne souhaitait manifestement pas que le débat avance réellement. Il a critiqué la confusion organisée par la gauche entre la demande militante et la demande sociale, estimant que l'évolution des m_urs et des mentalités ne pouvait être confondue avec l'activisme de certaines associations et évoquant, à cet égard, le débat sur le PACS. Relevant la sensibilité des Français sur la question du droit de vote des étrangers, il a regretté que le rapporteur se proclame l'adversaire le plus acharné de l'extrême droite, tout en contribuant à lui redonner vigueur par le dépôt de propositions provocatrices. Il a estimé qu'être citoyen du monde, au sens donné à cette expression par M. Noël Mamère, était contradictoire avec l'idée patriotique et a déploré que l'on fasse ainsi fi de l'attachement des Français à la Nation. Il a d'ailleurs noté que, paradoxalement, les revendications identitaires d'une communauté particulière semblaient admises : faisant référence aux événements qui ont suivi la mort d'un jeune homme à Lille, à la suite d'une intervention policière, il a, en effet, observé que la libération rapide des auteurs des troubles pouvait apparaître comme légitimant le droit de représailles de cette communauté. Enfin, il a considéré que l'élection d'un maire étranger maghrébin à la tête d'une commune comme Saint-Etienne, par exemple, ne serait pas de nature à pacifier la ville, ni la société française.

Intervenant en application de l'article 38, alinéa premier, du Règlement, M. Kofi Yamgnane s'est insurgé contre les propos tenus par M. Pascal Clément, rappelant que, malgré ses origines étrangères, il avait pu être élu maire d'une commune sans que cela ne provoque de troubles.

M. Pascal Clément a précisé, à cet égard, que, dans son esprit, le trouble ne serait pas suscité par l'origine étrangère d'un maire mais par le fait que, à la différence de M. Kofi Yamgnane, il ne serait pas français.

M. Jean-Pierre Michel a considéré que le calendrier d'examen de la proposition de loi était singulier et ne s'expliquait que par une négociation récemment intervenue entre différentes formations de la majorité. Il a jugé que, dans la République, l'exercice de la citoyenneté découlait de l'adhésion à la Nation. Par ailleurs, il a estimé que, le droit de vote étant indivisible et les décisions des conseils généraux, des conseils régionaux et du Parlement ayant également des incidences importantes sur les affaires communales, il serait, en conséquence, hypocrite de limiter le droit de vote des étrangers aux seuls scrutins municipaux. Regrettant l'opacité et la longueur des procédures de naturalisation, il a estimé qu'il serait préférable de permettre aux étrangers d'acquérir automatiquement la nationalité française après une durée de résidence déterminée, cette acquisition leur conférant le droit de vote et d'éligibilité, sans pour autant les priver de leurs droits politiques dans leur pays d'origine puisqu'ils conserveraient la possibilité de détenir une double nationalité. Rappelant son hostilité au principe posé par le Traité de Maastricht du droit de vote des ressortissants communautaires aux élections municipales, il a toutefois estimé qu'il était injuste que les résidents étrangers issus de notre ancien empire colonial ne disposent pas des mêmes droits. Abordant la question de la fonction publique, il s'est déclaré favorable à son ouverture plus large aux résidents étrangers non ressortissant de l'Union européenne. Enfin, il a jugé qu'il était malhonnête d'ouvrir le débat sur le vote des étrangers à moins d'un an des élections municipales, alors même que la proposition de loi n'avait aucune chance d'aboutir d'ici là compte tenu de l'opposition prévisible du Sénat et de la nécessité d'organiser un référendum pour approuver une révision de la Constitution issue d'une initiative parlementaire.

Intervenant au titre de l'article 38, alinéa premier, du Règlement, M. Bernard Birsinger a considéré que les propositions de loi examinées par la Commission correspondaient à une demande sociale réelle et a donc souhaité que le droit de vote des étrangers aux élections municipales puisse entrer en vigueur pour le prochain scrutin. Jugeant que l'opinion publique était aujourd'hui majoritairement favorable à cette réforme, il a fait observer qu'il était curieux qu'un Autrichien résidant depuis quelques mois seulement dans notre pays y ait des droits politiques, tandis qu'un Algérien qui y vit depuis de nombreuses années ne peut y voter. Il a, par ailleurs, observé que ceux qui opposaient à cette réforme la conception française de la Nation étaient moins prompts à défendre la souveraineté nationale sur les questions de la monnaie unique ou de la défense des services publics. Estimant que reconnaître le droit de vote aux étrangers constituerait un signal fort pour combattre le racisme, en même temps qu'il donnerait aux personnes étrangères une véritable reconnaissance, il a considéré que cette réforme serait de nature à répondre à la crise actuelle de la représentation politique. Regrettant que le droit de vote des non-nationaux soit actuellement limité aux seuls ressortissants communautaires, il a jugé que la France était trop tournée vers une Europe blanche et judéo-chrétienne alors qu'elle devrait s'ouvrir davantage sur le Sud. Rappelant que des maires de l'opposition avaient pris position pour le droit de vote des étrangers, il a estimé qu'il était indispensable que celui-ci entre en vigueur le plus rapidement possible.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

-  L'initiative des députés Verts n'est pas le fruit d'un marchandage, mais traduit leur position constante sur la question du droit de vote des étrangers depuis 1981. Elle témoigne de la solidarité des quatre groupes de la majorité plurielle, qui ont chacun déposé une proposition de loi sur ce sujet.

-  La date de la discussion des propositions de loi n'a pas été choisie pour des raisons politiques, mais correspond à celle d'une séance réservée à un ordre du jour parlementaire accordée au groupe Radical, citoyen et vert.

-  Il ne peut être reproché aux députés Verts de vouloir adopter un texte qui ne serait pas applicable immédiatement. Au demeurant, six années se sont écoulées entre la révision de la Constitution, en 1992, faisant suite à l'adoption du Traité de Maastricht, et le vote de la loi organique, en 1998, qui a traduit dans les faits le droit de vote des citoyens de l'Union européenne aux élections municipales françaises.

-  La notion de citoyenneté doit évoluer. La citoyenneté européenne doit être ouverte et reposer non sur la nationalité, mais sur la résidence au sein de l'Union européenne.

-  Pour les autres étrangers, même s'il n'existait pas de réelle demande de la part de l'opinion publique, ce qui reste encore à démontrer, la représentation nationale ne doit pas, pour autant, s'interdire de légiférer, comme elle l'a fait dans le passé en votant l'abolition de la peine de mort ou en accordant le droit de vote aux femmes.

-  Les déclarations de M. Bruno Le Roux indiquant que le groupe socialiste est déterminé à aller au terme de la procédure d'examen de la proposition de loi par l'Assemblée nationale répondent aux attentes des députés Verts. Dans l'hypothèse où l'opposition aurait recours à des motions de procédures faisant obstacle à l'adoption du texte, dans le cadre de la séance réservée, il conviendrait de demander au Gouvernement son inscription à l'ordre du jour prioritaire.

-  Dès lors que la majorité plurielle aura réussi à élaborer un texte de compromis, il sera loisible au Gouvernement de le reprendre sous la forme d'un projet de loi. Ceci permettrait son adoption par la voie du Congrès et non par le recours au référendum comme l'exige l'article 89 de la Constitution pour les propositions de loi constitutionnelle. En tant que représentants du peuple, soumis à la sanction de l'élection, les parlementaires ont la légitimité nécessaire pour réformer la Constitution ; or, la procédure du référendum, qui peut exacerber inutilement les passions politiques, n'est pas toujours la plus favorable à l'adoption de grandes réformes de société.

Puis, la Commission est passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article premier : Droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections locales :

La Commission a rejeté un amendement de suppression de cet article présenté par M. Thierry Mariani. Puis elle a examiné un amendement de M. Bruno Le Roux proposant une nouvelle rédaction de l'article 1er de la proposition de loi n° 2063. M. Bruno Le Roux a expliqué qu'il s'agissait de faire figurer le principe du droit de vote et d'éligibilité des étrangers non ressortissants d'un pays de l'Union européenne dans un nouvel article du titre XII de la Constitution, relatif aux collectivités territoriales, plutôt que dans l'article 3 du titre Ier, relatif à la souveraineté. Il a précisé, en second lieu, que cet amendement excluait, à la différence de l'article 1er de la proposition de loi présentée par les députés écologistes, que les étrangers puissent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint et participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Enfin, il a jugé nécessaire que le droit de vote et d'éligibilité des étrangers non ressortissants d'un pays de l'Union européenne soit subordonné à une durée minimale de résidence en France, qui pourrait être de cinq ans selon les uns, ou de dix ans selon d'autres, mais qui relève, en toute hypothèse, de la loi organique prévue par cet article.

M. Alain Tourret a approuvé le principe de la recherche d'un compromis sur lequel pourrait se réunir l'ensemble des composantes de la majorité parlementaire. Il a jugé que l'amendement présenté par M. Bruno Le Roux allait effectivement dans ce sens, en particulier parce qu'il ne vise que les seules élections municipales et exclut, dans le prolongement des droits déjà octroyés aux citoyens de l'Union européenne, qu'un étranger puisse être maire ou adjoint au maire d'une commune française. Il a rappelé, toutefois, que pour les députés radicaux, l'exigence d'une condition minimale de résidence, qui pourrait être fixée à cinq ans, était importante, ajoutant qu'à défaut de la faire figurer dans le texte de la proposition de loi constitutionnelle, il conviendrait, à tout le moins, que l'intention du législateur ressorte clairement des débats parlementaires. Il a considéré qu'il conviendrait également de prévoir une condition de réciprocité vis-à-vis du pays d'origine de l'étranger résidant en France auquel serait accordé le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales. Tout en admettant les objections que cette exigence pouvait soulever, il a estimé que, dès lors qu'elle figurait à l'article 88-3 de la Constitution pour les citoyens de l'Union européenne, il était juridiquement plus rigoureux de la prévoir également pour les autres étrangers.

M. Bernard Birsinger a également approuvé le principe d'un compromis et a considéré que le fait de faire figurer le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales des étrangers non originaires d'un pays de l'Union européenne dans le titre XII de la Constitution plutôt que dans l'article 3 de son titre premier pouvait participer de cette démarche. Il a précisé, par ailleurs, que le groupe communiste était relativement ouvert sur la durée minimale de résidence qui pourrait être exigée des étrangers pour qu'ils puissent voter et être élus aux élections municipales françaises, mais a considéré qu'en tout état de cause, cette condition était nécessaire.

Le rapporteur a réaffirmé sa préférence pour le texte de l'article 1er de la proposition de loi déposée par les députés écologistes. Il a jugé plus pertinent de modifier l'article 3 de la Constitution et a observé que telle était également la position initiale du groupe socialiste à travers sa propre proposition de loi n° 2075. Il a considéré que, si l'option d'une modification du titre XII, plutôt que du titre Ier, de la Constitution, devait être retenue, le respect du principe d'égalité supposait néanmoins que tous les étrangers soient visés dans une disposition commune, indépendamment de leur origine. En revanche, il a récusé l'introduction d'une condition de réciprocité, jugeant paradoxal d'envisager de priver du droit de vote en France des étrangers au motif qu'ils sont originaires d'un pays non démocratique. Il a ajouté que le fait de leur accorder le droit de vote en France serait, au contraire, de nature à diffuser les idées démocratiques dans le monde, dans l'hypothèse où ces personnes choisiraient un jour de rentrer dans leur pays d'origine. Il a indiqué que par souci de cohérence, il s'abstiendrait sur le vote de cet amendement, que la Commission a ensuite adopté, donnant une nouvelle rédaction à l'article 1er.

Article 2 : Droit de vote et d'éligibilité des citoyens de l'Union européenne :

La Commission a examiné un amendement de suppression de cet article présenté par M. Bruno Le Roux, ainsi qu'un amendement identique présenté par M. Thierry Mariani. Le rapporteur a expliqué qu'ils tendaient à maintenir l'article 88-3 de la Constitution relatif au droit de vote et d'éligibilité des seuls citoyens de l'Union européenne, que les députés écologistes proposaient de supprimer puisqu'ils entendaient viser conjointement tous les étrangers dans un nouvel alinéa de l'article 3. Il a observé, toutefois, que bien qu'identiques, ces deux amendements s'inscrivaient dans une logique différente, le premier étant complémentaire de l'amendement précédemment adopté par la Commission sur l'article 1er, le second traduisant le refus de son auteur d'étendre le droit de vote et d'éligibilité à des étrangers non originaires d'un pays de l'Union européenne. Il a indiqué qu'il s'abstiendrait également sur le vote de ces amendements, que la Commission a adoptés.

Titre :

La Commission a adopté un amendement présenté par M. Bruno Le Roux tendant à modifier le titre de la proposition de loi constitutionnelle, afin de prendre en compte les modifications de fond précédemment apportées à ce texte par la Commission.

La Commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

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Informations relatives à la Commission

1.  La Commission a procédé à la désignation de candidats aux commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion. Ont été désignés :

-  sur le projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes :

·  membres titulaires : M. Bernard Roman, Mme Christine Lazerges, Mme Frédérique Bredin, M. Patrick Devedjian, M. Pierre Albertini, M. André Gerin, M. Alain Tourret ;

·  membres suppléants : M. Jacques Floch, M. Arnaud Montebourg, M. Christophe Caresche, M. André Vallini, M. Bruno Le Roux, M. Jean-Luc Warsmann, M. Philippe Houillon.

-  sur le projet de loi relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage :

·  membres titulaires : M. Bernard Roman, Mme Raymonde Le Texier, M. Daniel Vachez, M. Charles Cova, M. Yves Bur, M. Patrick Braouézec, M. Jacques Desallangre ;

·  membres suppléants : M. Jacques Floch, M. René Dosière, Mme Claudine Ledoux, Mme Nicole Feidt, M. Bruno Le Roux, M. Patrice Martin-Lalande, M. Michel Meylan.

-  sur le projet de loi relatif à l'élection des sénateurs :

·  membres titulaires : M. Bernard Roman, M. Marc Dolez, M. René Dosière, M. Jean-Luc Warsmann, M. Emile Blessig, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Pierre Michel ;

·  membres suppléants : M. Jacques Floch, M. Gérard Gouzes, M. Bernard Derosier, Mme Nicole Feidt, M. Jérôme Lambert, M. Thierry Mariani, M. Pascal Clément.

-  sur le projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée de la Polynésie française et de l'Assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna :

·  membres titulaires : Mme Nicole Feidt, M. Bernard Roman, Mme Cécile Helle, Mme Marie-Jo Zimmermann, Mme Marie-Thérèse Boisseau, Mme Muguette Jacquaint, Mme Marie-Hélène Aubert ;

·  membres suppléants : M. Jacques Floch, M. René Dosière, Mme Claudine Ledoux, Mme Raymonde Le Texier, M. Bruno Le Roux, M. Jean-Luc Warsmann, M. Claude Goasguen.

-  sur le projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques :

·  membres titulaires : M. Bernard Roman, Mme Nicole Feidt, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lellouche, M. Christian Martin, Mme Muguette Jacquaint, M. André Aschieri ;

·  membres suppléants : M. Jacques Floch, M. Marc Dolez, M. René Dosière, M. Gérard Gouzes, M. Christian Paul, M. Jean-Luc Warsmann, M. Philippe Houillon.

2.  La Commission a désigné M. Robert Honde, pour siéger, en qualité de titulaire, au Conseil national des services publics départementaux et communaux (en remplacement de M. Guy Hascoët).

3.  La Commission a désigné M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour la proposition de loi organique relative à l'élection de l'Assemblée de la Polynésie française (n° 2329).

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