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Session ordinaire de 2000-2001

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

RÉUNION DU JEUDI 26 OCTOBRE 2000

Projet de loi de finances pour 2001

Audition de M. Claude Bartolone, Ministre délégué à la Ville
sur les crédits de son ministère

PRÉSIDENCE de M.  André LAJOINIE,
président de la commission

La séance est ouverte à neuf heures cinq.

M. le Président - Nous sommes réunis pour entendre M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, nous présenter les crédits de son ministère et pour émettre un avis sur ce budget.

C'est la deuxième année d'application de la procédure de « commission élargie », dont l'objectif est de rendre la discussion budgétaire plus vivante et d'éviter la répétition de débats identiques en commission et en séance plénière.

Le rapport spécial de la commission des finances et les rapports des rapporteurs pour avis ont été distribués. Vous avez dû recevoir, en outre, les réponses aux questions écrites. Notre objectif d'un dialogue plus vivant devrait donc être atteint. Les débats feront l'objet d'un compte rendu analytique qui sera publié dans le rapport de la commission et d'un compte rendu intégral publié au Journal officiel.

Je donnerai tout d'abord la parole à M. Bartolone. S'exprimeront ensuite le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Pierre Bourguignon, la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, Mme Chantal Robin-Rodrigo, et M. André Santini, notre rapporteur pour avis. Le ministre leur répondra, puis je donnerai la parole à tous ceux qui souhaiteront l'interroger. La procédure que nous inaugurons ne sera un succès que si nos débats conservent le caractère vivant et spontané qu'ils ont habituellement en commission, ce qui suppose des interventions concises.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Je commencerai par expliquer le sens que le Gouvernement donne à l'expression « mixité sociale », souvent employée et diversement interprétée. Il ne s'agit pas seulement de renouvellement urbain, et certainement pas de dire aux plus pauvres d'entre nous « nous irons mieux lorsque vous irez habiter ailleurs ». Notre volonté est tout autre : faire en sorte qu'en cette période de croissance retrouvée, les populations les plus vulnérables se sentent mieux soutenues grâce aux moyens donnés à cette fin aux municipalités, grâce, aussi, aux contrats de ville. Notre ambition est que les habitants des quartiers populaires bénéficient d'un environnement social amélioré, avec des services publics mieux implantés, de manière à favoriser l'égalité des chances à l'école et à renforcer la sécurité. On ne peut douter que donner une plus grande valeur aux territoires sur lesquels s'exerce la politique de la ville a pour conséquence de renforcer l'estime de soi de ceux qui y résident. La revitalisation des quartiers permet l'arrivée de nouveaux habitants. Je l'ai constaté moi-même en me rendant, il y a quelques jours, à Vénissieux : là où s'élevaient les tours qui ont été détruites, des maisons et de petits immeubles ont été construits et, pour la première fois depuis longtemps, on demande à venir habiter ce quartier. C'est donc un cercle vertueux qui a été engagé. Notre volonté demeure la même : redonner aux habitants des quartiers la dignité dont ils se sentent privés et permettre une légitime égalité de traitement.

Le budget 2001 de la politique de la ville contient sept mesures nouvelles.

650 millions de crédits sont affectés au programme de renouvellement urbain, Grands projets de ville -GPV- compris. Vous le savez, les GPV se substituent aux GPU. Nous avons en effet constaté que les crédits d'investissements octroyés dans ce cadre aux municipalités étaient utilisés avec une extrême lenteur, les collectivités n'ignorant pas qu'elles ne disposaient pas des crédits de fonctionnement qui leur seraient ensuite nécessaires. C'est pour mettre un terme à cette course de lenteur qu'un nouveau dispositif a été mis au point, visant précisément à renforcer les moyens de fonctionnement.

400 millions sont destinés au Fonds de revitalisation économique -FRE-, répartis par moitié entre l'aide au fonctionnement et l'aide à l'investissement.

Le dispositif « adultes relais » disposera de 300 millions, et 25 millions seront affectés au programme de formation des partenaires de la politique de la ville, pour répondre aux conclusions du rapport Brévan-Picard. 15 millions iront aux projets innovants en matière de santé, d'éducation et de famille ou de culture. 13 millions viendront améliorer les aides aux communes les plus pauvres engagées dans des GPV et 5 millions serviront à promouvoir l'accueil de volontaires dans les domaines couverts par la politique de la ville.

Un mot sur l'évolution du budget de la ville. J'ai eu l'occasion de vous le dire : en avril 1998, ma priorité était de remettre au travail les acteurs locaux de la politique de la ville, avec un nouvel enthousiasme. En 1999, les crédits du ministère délégué ont été augmentés de 32 %, et les contrats de ville recentrés. En 2000, notre budget s'est encore accru de 40 %.

C'est d'un changement d'échelle qu'il s'agissait, en même temps que s'opérait la simplification des procédures. Je peux d'ailleurs confirmer devant vous que les 250 nouveaux contrats de ville sont beaucoup plus ambitieux que ne l'étaient les précédents, et qu'ils sont, pour 80 % d'entre eux, intercommunaux, ce qui est une véritable révolution. Nous tournons désormais résolument le dos à une politique palliative, et sommes engagés dans une lutte contre les causes même de la ségrégation sociale. On le voit, l'évolution du budget traduit des ambitions nouvelles.

En de telles matières, les instruments de mesure précis manquent encore, j'en suis d'accord avec M. Cardo. On peut néanmoins considérer avec assez de justesse que 35 milliards au total ont été consacrés à la politique de la ville en 2000, contre 20 milliards seulement en 1997.

Déjà, plusieurs indices témoignent de la réussite de nos efforts. En premier lieu, on relève un certain apaisement du climat des banlieues, et les accès de violence sporadiques encore constatés sont le plus souvent liés à des incidents ponctuels avec la police. La mise en place de dispositifs de médiation n'est pas étrangère à l'amélioration du climat général et je rends hommage à nos partenaires locaux. Leur travail a sans aucun doute été facilité par la connaissance précoce qu'ils ont désormais des sommes dont ils pourront disposer, ce qui leur permet de définir des mesures « ville-vie-vacances » de bonne qualité. On a constaté récemment une moindre participation des jeunes de 18 à 23 ans à ce dispositif, ce qui s'explique par la plus grande facilité qu'ils ont à trouver des « petits boulots ». Ce phénomène démontre incidemment l'amélioration de l'emploi dans les quartiers populaires. On ne saurait cependant crier victoire trop tôt, comme le souligne Mme David dans sa question écrite, car la politique de la ville ne peut résoudre tous les problèmes. Je ne pense pas, toutefois, que quelques desperados de cages d'escalier transféreront à eux seuls le conflit du Moyen-Orient en France.

Comme le rappelle votre rapporteur spécial, M. Pierre Bourguignon, l'emploi est devenu la priorité de la politique de la ville. Les efforts accomplis par le Gouvernement pour lutter contre les discriminations commencent à produire leurs effets et les agences locales indiquent toutes que le taux de chômage diminue dans les quartiers dans des proportions identiques à la moyenne départementale. C'est bien, mais c'est loin d'être suffisant, puisque l'écart entre le taux de chômage dans les quartiers et le taux de chômage national ne se réduit pas encore.

Troisième indice de la réussite de ces efforts, le tabou de la démolition est tombé. La destruction des barres n'est plus ressentie comme un constat d'échec, mais comme une première victoire du renouvellement urbain.

Le budget pour 2001 a vocation à conforter les acteurs de la politique de la ville et à faire profiter les habitants des quartiers de la croissance. Au-delà des crédits dévolus à mon seul ministère, l'effort public global en faveur de la politique de la ville marque qu'une nouvelle étape dans la prise en compte de la crise urbaine a été franchie. Il atteint ainsi 40 milliards, soit deux fois plus qu'en 1997 et 5 milliards de plus qu'en 2000 : 3 milliards octroyés aux ministères, 500 millions à la Caisse des dépôts et consignation et 1,5 milliard aux collectivités locales. Je tiens enfin à relever l'entrée dans le jeu des départements, qui sont déterminés à devenir de véritables acteurs de la politique de la ville au travers notamment des contrats de ville. Au-delà de la bonne utilisation des crédits qui leur sont affectés, ils ont dégagé des crédits nouveaux au bénéfice des nouveaux moyens d'intervention.

M. Pierre Bourguignon , rapporteur spécial de la commission des finances - Le budget que vient de nous présenter le ministre est un bon budget. Depuis trois ans, le gouvernement de Lionel Jospin a entrepris un important effort de revalorisation des moyens dévolus à la politique de la ville. Cette mobilisation s'est concrétisée dès la loi de finances pour 1999 avec une progression des financements publics de plus d'un quart en faveur du développement social urbain. Le budget 2000 a poursuivi l'effort en atteignant 35 milliards. Pour 2001, les 40 milliards atteints traduisent une progression de 65 % en 3 ans.

Pour la troisième année consécutive, le budget de la ville est celui qui bénéficie de la plus forte augmentation, ce qui traduit la volonté du Gouvernement d'en faire une priorité nationale. Du reste, une telle mobilisation était attendue car le retour de la croissance risque d'augmenter les difficultés dans certaines zones urbaines. L'amélioration de la conjoncture profite en effet d'abord aux habitants des zones les moins défavorisées et il convient de tout mettre en _uvre pour que la croissance ne s'arrête plus aux portes des quartiers populaires.

Il n'y a plus de place désormais pour une politique de la ville à visées essentiellement réparatrices. Elle a en effet vocation à devenir un véritable outil de transformation sociale. Ainsi, son champ s'est élargi à de nouveaux territoires et à de nouvelles thématiques, au point que je puis affirmer qu'il s'agit aujourd'hui d'une politique adulte, destinée à se pérenniser.

Le ministre a clairement défini les moyens et les outils : 250 contrats de ville, 50 grands projets de ville et 30 autres opérations. Je note que des efforts de simplification ont été réalisés en vue de simplifier les circuits de financement et la ventilation des crédits. La déconcentration de l'ensemble des crédits doit ainsi permettre de les rendre plus rapidement disponibles.

S'agissant du programme de renouvellement urbain, je ne veux pas jouer les Cassandre mais je souhaite que tout soit mis en _uvre pour éviter leur enlisement. La politique de la ville tend à conjuguer le temps court du quotidien et le temps, plus long, de la transformation sociale. Les GPV y répondent mais il faudra être attentif à associer les habitants des quartiers concernés pour qu'ils produisent tous leurs résultats. N'oublions pas en effet que les GPU, auxquels ils se sont substitués se sont enlisés et que les réalisations concrètes sont restées maigres. Les GPV traduisent un changement de format et d'orientation en vue de renouveler l'offre urbaine et d'améliorer la vie quotidienne des habitants des villes.

Toutefois, les procédures restent trop complexes et les simplifications introduites en 2000 doivent être amplifiées. A cet égard, je souhaite que les GPV puissent être gérés dans le cadre d'une caisse unique, afin de mutualiser les moyens disponibles. Il convient aussi de ne pas méconnaître la dimension sociale des GPV et nous serons sur ce point vigilants.

Pour ce qui concerne les services publics dans les quartiers, j'insiste sur l'idée que le retour dans le droit commun de ces territoires passe par une présence plus visible de services publics plus performants. Dans ces zones, la politique de la ville est un levier d'entraînement pour les autres politiques publiques. A cet égard, les diagnostics de services publics n'ont pas donné de résultats suffisants et nous devons être vigilants à la mise en _uvre des schémas d'orientation des services publics prévus par la loi d'orientation et d'aménagement du territoire. Pourquoi ne pas instituer une conférence annuelle des services publics qui dresse un état des lieux de la présence publique dans les quartiers et propose des mesures d'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers ?

Autre point important de l'excellent rapport Brévan-Picard, la professionnalité des fonctionnaires et agents publics qui exercent dans les territoires d'exclusion doit être affirmée. Nous devons rompre avec l'idée que les métiers du service public peuvent partout s'exercer de la même manière : on n'enseigne pas de la même façon dans tous les établissements. Pour remédier aux inégalités qui peuvent en découler, il convient de prévoir des formations adaptées et des mesures tendant à assurer aux professionnels qui exercent dans les zones difficiles une meilleure reconnaissance.

S'agissant de la lutte contre le chômage, nous sommes heureux de constater que les quartiers éligibles à la politique de la ville bénéficient de la reprise de l'emploi, mais le risque persiste qu'ils ne restent des territoires de relégation sociale. En effet, ce sont en priorité les habitants les moins éloignés de l'emploi qui retrouvent du travail et il existe un risque mécanique qu'ils ne quittent ces quartiers le plus vite possible. Nous devons donc sans cesse imaginer de nouveaux outils pour entamer le noyau dur du chômage car je ne suis pas de ceux qui considèrent que l'on peut se satisfaire d'un taux de chômage « structurel » de 8 %. C'est économiquement absurde et socialement inacceptable ! La logique partenariale dont procèdent les équipes « emploi-insertion » va dans le bon sens mais les mises à disposition d'agents de l'ANPE, qui s'opèrent à effectif constant, restent insuffisantes.

La création du fonds de revitalisation économique doit également être saluée car il s'agit d'un outil assez souple et qui semble suffisamment doté. En outre, tous les acteurs du terrain se félicitent de la diligence de sa mise en _uvre.

Il convient cependant d'aller plus loin encore pour éradiquer le chômage dans les quartiers populaires. Le plan Nouveaux services-Emplois jeunes a en effet été trop peu mobilisé en faveur des habitants de ces territoires.

Je souhaite, pour conclure, vous poser Monsieur le ministre trois questions précises.

Quels seront les critères d'éligibilité au fonds de revitalisation économique ? Les projets éligibles devront-ils figurer dans le contrat de plan Etat-régions ?

Malgré la simplification des circuits de financement de la politique de la ville, les acteurs de terrain -et en particulier les associations- ne disposent pas des crédits dans des délais satisfaisants. Du reste, la déconcentration des crédits n'a pas entraîné de facto une accélération sensible des délais de traitement. Comment entendez-vous y remédier ? Les préfets recevront-ils des instructions ?

Les jeunes issus des quartiers populaires ne bénéficient pas suffisamment du plan Nouveaux-services-Emploi-jeunes et nous sommes sur ce point très loin de l'objectif qui fixait à 20 % la proportion d'habitants de ces quartiers devant y avoir accès. Quelles mesures concrètes envisagez-vous de proposer pour accroître la participation de ces jeunes à ce plan ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je salue à mon tour la progression considérable pour la troisième année consécutive, du budget du ministère de la ville. Conformément aux objectifs fixés par la conférence interministérielle de la ville en 1998 et en 1999, les efforts se concentrent sur la réhabilitation urbaine, la revitalisation économique et sociale des zones les moins favorisées et le renforcement des services publics dans les quartiers.

S'il est encore prématuré de dresser un bilan des nouveaux contrats de ville, car nous devons attendre les conventions thématiques et territoriales qui s'y rapportent, j'observe que 80 % d'entre eux ont une dimension intercommunale et qu'on note une implication nouvelle des conseils régionaux et des conseils généraux. Il y a là l'amorce d'une politique structurante à l'échelle intercommunale, qui repose sur des actions ciblées sur des sites prioritaires.

Pour autant, la réussite des contrats de ville tiendra à la qualité des équipes mises en place pour les exécuter et il est essentiel à cet égard de dépasser les clivages entre collectivités et entre services de l'Etat qui, trop souvent dans le passé, ont nui à la qualité des réalisations. Pour y remédier, l'Etat doit disposer de moyens en personnel renforcés et les services déconcentrés doivent être associés à la politique de la ville au-delà du volet strictement institutionnel. En effet, les sous-préfets à la ville restent trop peu de temps en place, leurs équipes sont squelettiques et la disparition du service national ne va rien arranger. Peut-on espérer une amélioration prochaine, et laquelle ?

La politique de la ville draine des sommes considérables : il est normal de vouloir en évaluer les résultats. Sur ce point, des progrès restent à faire. La multiplicité des intervenants et la diversité des actions rendent l'exercice difficile, mais d'autant plus nécessaire. Nous devrions disposer bientôt d'éléments statistiques plus récents grâce à l'exploitation des résultats du recensement de 1999. Mais il faut s'interroger sur ce que l'on veut évaluer : plutôt que de concentrer les évaluations sur des procédures, il faut vérifier les résultats des actions pour les habitants des quartiers. Cette évaluation doit, plus que par le passé, se faire en continu, pour permettre d'éventuels ajustements. On ne peut laisser un contrat de ville aller à son terme sans faire des ajustements au bout d'un an ou deux, car tout bouge.

Il faut, d'autre part, favoriser la diffusion des expériences. La politique de la ville a maintenant plus de vingt ans d'âge ; elle couvre presque tous les domaines de l'action publique et mobilise des intervenants très divers. Elle a donné lieu à une multitude d'initiatives originales : même si elles ne sont pas mécaniquement transposables d'un lieu à un autre, on peut tirer de chacune d'elles des enseignements pour l'avenir. Il est donc souhaitable que chaque expérience locale soit mieux connue, pour que les autres puissent en tirer profit. L'effort de la DIV et des centres de ressources locaux devrait permettre d'améliorer la circulation de l'information ; le futur Institut des villes y contribuera aussi. Sur ces points, je souhaiterais avoir des précisions quant à vos intentions.

Un aspect essentiel de la politique de la ville est le développement économique des quartiers en difficulté. Ne reproduisons pas la coupure traditionnelle entre le social, l'insertion d'une part, et d'autre part l'économique, le développement. Même si, dans les quartiers en difficulté, l'urgence appelle en priorité des mesures purement sociales, la politique de la ville, si elle doit être efficace à long terme, ne saurait s'y limiter : aujourd'hui, pour être intégré dans la société, il faut être intégré dans l'économie. Il faut donc se féliciter de la démarche du Gouvernement qui met au c_ur de son action la revitalisation économique des quartiers en difficulté, dans une perspective qui ne doit pas être de fermeture de ces quartiers sur eux-mêmes, mais d'ouverture sur l'ensemble de l'agglomération. A cet égard, j'ai relevé avec intérêt, dans le projet SRU en cours d'examen, la création d'un fonds de revitalisation économique. Il apportera des aides destinées à compenser les charges particulières des entreprises déjà installées dans les zones urbaines sensibles, ainsi que des aides à l'investissement dans ces zones. Des crédits importants sont prévus pour cela dans le budget 2001. Mais déjà le collectif pour 2000 avait doté ce fonds de 100 millions et il avait décidé de le mettre en _uvre expérimentalement sans attendre le vote de la loi SRU. Je souhaite des précisions sur le fonctionnement de ce fonds et la date à laquelle il sera vraiment opérationnel.

Le renforcement du tissu économique local doit s'accompagner d'un vigoureux effort en faveur des habitants. Cet effort ne doit pas être conçu de telle manière qu'il les enferme dans leur quartier. Quand les habitants ont un projet d'entreprise, ils bénéficient de certains soutiens au démarrage, mais sur une période actuellement trop brève : un suivi plus long, qui pourrait être de trois ou cinq ans, augmenterait leurs chances de succès. En outre la création d'entreprise, si elle ne doit pas être négligée, reste une voie marginale par rapport à l'emploi salarié. Le programme gouvernemental d'aide à la création en trois ans de 10 000 postes d'adultes-relais est très positif : il améliorera les rapports sociaux dans les quartiers, tout en confortant le rôle des adultes et des parents. Pour les jeunes, il faut continuer nos efforts pour que 20 % des emplois jeunes soient réellement occupés par des jeunes des quartiers. Le Gouvernement a proposé aux collectivités locales de les aider à constituer des équipes emploi-insertion : ceci devrait apporter un appui aux demandeurs d'emploi et permettre d'organiser des relais efficaces vers les différentes structures présentes localement. Ce type de mesures qui tend à fédérer les énergies montre la voie à suivre.

Au total, on recense de nombreux dispositifs pour aider les habitants des quartiers à prendre place dans la vie économique et sociale de la cité. Certains, qui ne sont pas spécifiques à la politique de la ville, peuvent aussi les concerner, par exemple dans le cadre général de la lutte contre les exclusions. Tous ces dispositifs sont perfectibles. Mais il est tout aussi important, face à leur multiplicité, d'essayer de réduire les procédures redondantes, de développer les synergies, de favoriser les partenariats entre les acteurs : c'est une condition essentielle pour que la politique de la ville ait toutes ses chances de succès.

M. André Santini, rapporteur pour avis de la commission de la production - Monsieur le ministre, vous êtes un ministre heureux : pour la troisième année, votre budget est celui qui augmente le plus. Il est doté de 2,4 milliards en moyens de paiement et de plus de 3 milliards en moyens d'engagement. Son augmentation, qui était de 32 % en 1999 et de 10 % en 2000, s'élève encore aujourd'hui à près de 8 %.

Mais il faut aller au-delà des chiffres. Les crédits ne sont que les moyens d'une politique, sur laquelle je souhaite vous interroger. La fédération des maires de villes moyennes a récemment publié une étude sur les financements croisés dans les villes de 20 000 à 100 000 habitants, sous-titrée « Enfer ou paradis ? » en référence à la complexité des échanges financiers sur un même projet d'investissement. Il en résulte le retour à une certaine forme de tutelle administrative, car il faut entrer dans telle structure imaginée par l'Etat pour obtenir tel type d'aide. L'étude propose la désignation de chefs de projet de plein exercice, la vérification de l'intérêt de maintenir les financements croisés, la simplification des procédures. Le Gouvernement envisage-t-il de reprendre ces idées ? Peut-il proposer un calendrier ?

D'autre part, la présidence de l'Union européenne est pour notre pays à la fois une chance et un défi. Le calendrier des dernières semaines fait apparaître une multiplication d'initiatives concernant notre sujet. Les 14 et 15 septembre à Paris a eu lieu la Conférence-Forum européenne du logement. Les 18 et 20 octobre, la Conférence européenne de l'habitat social a travaillé sur la cohésion urbaine et sociale dans l'Union européenne. Le festival international de la ville, à Créteil, s'est penché du 22 au 24 septembre sur les villes en Europe. Mais le grand rendez-vous dans ce domaine sera la Conférence « Europe : villes et territoires » organisée à Lille, les 2 et 3 novembre, par la DIV et la DATAR. Où en est aujourd'hui la politique européenne de la ville ? Quelles sont ses réalisations ? On évoque à la DATAR certains scénarios catastrophe, qui prévoient une déstructuration progressive des territoires et la formation d'un archipel de grandes métropoles régionales qui donneraient la priorité à leurs relations avec l'économie mondialisée, en délaissant leur environnement immédiat. Ce risque est-il réel ? Comment le combattre ? Quel sera sur ce point l'acquis de la présidence française ?

Je souhaiterais enfin des précisions sur le futur Institut des villes : qu'est-ce qui justifie de créer une nouvelle structure ? Quels seront ses missions et ses moyens ? Sur quel chapitre budgétaire figureront ces derniers ?

La démarche de la DIV et de la Caisse des dépôts pour constituer un vivier de directeurs pour les grands projets de ville rencontre un succès certain. Or des dizaines de sites ont déjà fait connaître leurs besoins. Où en est aujourd'hui la procédure ?

M. le Président de la commission - Je vais maintenant donner la parole aux porte-parole des groupes.

M. Patrick Rimbert - Votre budget, Monsieur le ministre, est courageux. Pour la troisième année il est celui qui augmente le plus. En outre, l'examen de vos crédits n'épuise pas l'effort du Gouvernement pour la politique de la ville : il faut y ajouter les emplois jeunes dans les quartiers, les crédits de la lutte contre les exclusions, la CMU, la police de proximité, la mobilisation des fonds sociaux européens. Bref, c'est tout le gouvernement que vous animez, et vous êtes en quelque sorte le premier ministre de la ville....

J'insisterai sur deux points. Tout d'abord la grande cohérence de la politique de la ville, qui ne met pas seulement en jeu le cadre urbain, mais tous les éléments de la vie sociale, et tout d'abord l'école. Je peux témoigner, comme élu local, que les emplois jeunes de l'Education nationale ont démontré la nécessité d'une autre approche des pratiques à l'école. J'en donnerai deux exemples. Les aides éducateurs, qui font le lien entre les familles, les quartiers et l'école, obtiennent des résultats étonnants. J'ai vu l'autre jour dans une école des parents qui n'étaient jamais venus auparavant dans l'établissement et qui ont réalisé un film d'une heure retraçant leurs activités et montrant une mobilisation que je n'avais jamais connue. Autre exemple : les rapports qui existent aujourd'hui entre certains élèves un peu en marge de l'école et les aides éducateurs qui leur apprennent la citoyenneté, le respect du règlement, mais qui les aident aussi dans leur vie d'écolier. Nous devons être vigilants pour une réalisation réelle de l'objectif de 20 % de jeunes des quartiers dans les emplois jeunes.

Je ne reviens pas sur la police de proximité, les services publics en général, qu'à évoqués M. Bourguignon, et les problèmes économiques dont a parlé Mme Robin-Rodrigo : il est clair que ce sont tous les aspects de la vie sociale que vous mettez en _uvre.

La politique sociale ne peut se réduire à une politique d'offre, même s'il faut bien une offre pour répondre aux besoins des quartiers en difficulté. Il faut que les populations de ces quartiers se prennent en main et participent à la construction de leur vie quotidienne. A ce titre, le programme de création de 10 000 postes d'adultes relais permettra de créer des liens sociaux et de mobiliser tous les acteurs, notamment les familles : cela est essentiel.

Je note aussi le soutien à la vie associative, aux milliers d'associations qui travaillent avec 6 millions d'habitants dans 1 300 quartiers populaires. Les crédits qui lui sont consacrés montrent votre volonté de faire en sorte qu'il y ait, au-delà des politiques gouvernementales et décentralisées, une vraie prise en main de leur destin par les habitants là où ils sont. Ne faut-il pas aller plus loin dans cette direction ?

Un mot sur le problème du renouvellement urbain et de la mixité sociale. Projet social et projet urbain sont indissociables, et vous le montrez bien à travers cinquante grands projets de ville et trente opérations de renouvellement urbain. Les grands projets de ville ont tiré les leçons des opérations précédentes. Mais je m'interroge sur la capacité de l'Etat à gérer des fonds décentralisés, pour des opérations complexes et sur mesure, avec des normes nationales. La réussite de la politique de la ville dépendra pour une part de la capacité de l'Etat à accompagner les projets sans être uniquement un censeur budgétaire, ni imposer des critères trop rigides. Vous avez innové, et il faut s'en féliciter, en prévoyant dans les grands projets de ville des crédits libres destinés aux ajustements, ce qui laissera sans doute perplexes certains personnels de l'Etat... Mais si nous n'entrons pas résolument dans une logique de projet et de maîtrise d'ouvrage partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales, nous connaîtrons des échecs, des retards, des impatiences par rapport à ce que nous annonçons et qui est très fort.

Un mot sur la loi SRU et le problème de la mixité urbaine. Tout le monde est d'accord avec la mixité, sauf quand il s'agit de la mettre en _uvre chez soi, comme l'ont montré les débats parlementaires. Cette mixité, aujourd'hui, il faut la préserver quand elle existe, et il est important à cet égard de prendre en compte le parc social de fait ancien privé et les co-propriétés dégradées. Il y aurait en effet un grand risque à réaliser la mixité sociale dans certains périmètres en délaissant les quartiers anciens où elle existe encore. Pourriez-vous nous éclairer sur vos intentions à cet égard ?

Par ailleurs, tandis que les opérations de restructuration devraient entraîner la construction de dix mille logements par an, la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain obligera à en construire 20 000, dans les communes de plus de 1 500 habitants de la région parisienne, et dans celles de plus de 3 500 habitants du reste de la France, afin d'atteindre l'objectif de 20 % de logements sociaux. Il importe que nous soyons réellement en mesure de monter les opérations complexes que l'entreprise suppose. Or, le cadre actuel n'est pas idéal. Ainsi, dans ma ville, lorsque nous voulons aménager des bureaux, des logements en accession à la propriété et des logements sociaux dans un même immeuble, nous sommes obligés de « saucissonner » cet immeuble, ainsi que les appels d'offre. Ces procédures complexes prennent plus de temps que la recherche des financements. Il est donc indispensable de mieux adapter les lois et règlements à ce travail en faveur de la mixité sociale.

La loi sur la solidarité et le renouvellement urbain comportera trois volets, donc l'un nous a trop peu occupés jusqu'ici : je veux parler du droit aux transports, composante essentielle du droit à la ville. Trop d'habitants ont encore des difficultés pour se rendre dans le centre ville, pour participer aux échanges et aux manifestations culturelles qui s'y déroulent. Un effort s'impose donc à cet égard.

En conclusion, je vous apporte le soutien déterminé des députés socialistes. Appuyé par l'ensemble du Gouvernement, vous animez, Monsieur le ministre délégué, une politique qui constitue un vrai projet social. Cependant, si l'on ne peut que se féliciter de la croissance retrouvée, celle-ci entraîne de nouvelles inégalités. Nous avons donc le devoir d'anticiper et d'inventer pour les conjurer. Quelles propositions faites-vous sur ce point ? D'autre part, nous avons souvent à monter des opérations complexes et sur mesure qui ne répondent pas toujours aux critères nationaux. Comment surmonter cette difficulté ? Enfin, comme Mme Robin-Rodrigo, j'insisterai sur la nécessité d'évaluer l'application des contrats de ville. Deux ans me sembleraient un bon délai à cet égard.

M. Jean-Claude Mignon - Comme les années précédentes, vous vous félicitez de la forte progression de votre budget, Monsieur le ministre délégué, mais ce budget souffre, comme l'ensemble du projet de loi de finances, d'un défaut relevé par notre collègue Carrez : l'opacité l'y emporte sur la transparence, et la dépense publique n'y est pas contenue.

Je tempérerai également votre satisfecit en vous rappelant que la plupart des crédits consacrés à la ville viennent d'autres ministères, de la Caisse des dépôts, des fonds structurels européens, ainsi que des collectivités territoriales dont l'Etat occulte trop souvent la participation, pourtant en constante augmentation. D'autre part, vous revendiquez comme un atout la caractère interministériel de la politique de la ville, mais cette caractéristique complique fortement la lecture des fascicules budgétaires et donc l'analyse de cette politique. Comme le Président Lajoinie, je déplore par ailleurs que nous n'ayons connu que très tardivement les données sur l'effort global de l'Etat.

En raison de la multiplicité des départements ministériels concernés, la politique de la ville demeure d'une excessive complexité pour les acteurs de terrain. Son fonctionnement mériterait donc d'être simplifié car il engendre des retards inacceptables dans la mise en _uvre de projets urgents. Ce n'est pas dépenser plus qui importe, c'est avant tout dépenser mieux, c'est-à-dire dépenser pour améliorer la vie quotidienne des habitants.

A cette dilution s'ajoute l'effet d'une stratification de dispositifs aux sigles divers, dont le résultat est de déposséder les élus et les associations au profit de consultants et de cabinets d'ingénierie sociale. Vous restez trop dans une logique technocratique et centralisatrice. Il faut faire davantage confiance aux acteurs locaux, qui attendent de l'Etat un soutien, mais certainement pas qu'il se substitue à eux ou qu'il leur impose des décisions unilatérales, comme par exemple celle qui consiste à obliger les maires à signer un contrat local de sécurité pour obtenir un contrat de ville.

Chaque année donc, vous annoncez un effort budgétaire sans précédent. Les crédits auraient triplé en trois ans, dites-vous. Cependant les résultats sont bien minces. Un sondage de mars 1999 avait montré que la priorité, pour les populations des quartiers sensibles, allait à la sécurité. Or vous vous contentez de proposer l'élaboration d'un guide de l'accueil policier, informatisé, ainsi que d'un livre d'accueil informatique pour la gendarmerie ; vous suggérez également de dédier un serveur Internet à la diffusion d'informations relatives à la police judiciaire, afin de « faciliter les contacts entre la police nationale et les citoyens ». Mais croyez-vous que ceux qui vivent dans la précarité disposent d'un ordinateur et d'un abonnement Internet ? Quelles réponses opposez-vous à la violence dans les établissements scolaires ? Est-ce la réalisation d'un logiciel des événements de violence ?

Vous voulez mettre en place 150 équipes « emploi-insertion » en vue d'offrir à tout demandeur d'emploi une solution individualisée : voilà bien une mesure qui risque de créer la confusion dans l'esprit des intéressés, déjà déconcertés par la multitude de leurs interlocuteurs. Cette initiative révèle votre méconnaissance des politiques déjà menées sur le terrain, en concertation entre l'ANPE, les missions locales et les services mis en place par les élus. Vous vous donnez bonne conscience au lieu de garantir aux habitants des villes de réelles chances d'emploi.

La création de 10 000 emplois d'« adultes-relais » en trois ans, pour un coût supérieur au milliard, est la parfaite illustration d'une politique qui risque de laisser un goût amer aux habitants et aux associations de quartier. Cette mesure, financée pour 300 millions en 2001, semble curieusement calquée sur celle des emplois jeunes, dont la pérennité est pourtant loin d'être garantie. Mais peut-être les titulaires de ces emplois pourront-ils devenir « adultes-relais » ... Il reste que tout cela va alourdir la charge financière pesant sur les collectivités et les associations. Je crains même que le projet n'aboutisse qu'à maintenir les habitants dans leur quartier, alors que vous vouliez lutter contre la ghettoïsation.

Vous consacrez trois millions à la création de délégués de l'Etat, chargés de missions de communication et du suivi des contrats de ville. Croyez-vous vraiment que ces volontaires pourront assumer correctement cette tâche, alors qu'ils ne peuvent remplir leurs propres fonctions, à la justice ou à l'éducation nationale, faute de temps et de moyens ?

Un fonds de revitalisation économique, doté de 375 millions, devrait, selon vous, servir à compenser les charges des entreprises implantées dans les zones urbaines sensibles et à favoriser l'investissement par des primes. Or un tel dispositif existe déjà depuis quatre ans, dans les zones de redynamisation urbaine. Cette nouvelle mesure ne vise-t-elle pas à mettre fin à l'existence de ces zones et à atténuer les effets des zones franches, dont vous vous apprêtez à reconsidérer également l'existence ? La lecture du projet de loi de finances nous apprend en effet que les crédits de celles-ci vont baisser de 416 millions. En fait, vous lancez un nouveau dispositif en le finançant par redéploiement des crédits. Vous donnez l'impression de faire encore plus, mais ce n'est à nouveau qu'un habillage.

Les 247 villes ou groupements éligibles au fonds d'intervention pour la ville pourraient se réjouir a priori de l'augmentation de 24 % du fonds d'intervention pour la ville, porté à 953 millions. Mais il ne s'agit en fait que de financer la création de 27 sites supplémentaires. D'autre part, vous annoncez la création, pour 15 millions, d'un fonds de participation des habitants : décidément, vous êtes fortement enclin à vouloir orienter les initiatives de ces derniers vers des domaines tels que la prévention, la sécurité, la santé, qui relèvent pourtant de la responsabilité de l'Etat. Je rappelle que, dans un rapport du 19 septembre, la délégation interministérielle à la ville soulignait pourtant les risques de dérive sécuritaire auxquels peuvent mener des initiatives du genre « correspondants de nuit ».

Les élus locaux, les associations et les habitants ne sauraient se réjouir des mesures que vous annoncez. Les maires attendent toujours les moyens financiers annoncés. La DGF versée aux communes n'augmente depuis des années que de 1 % en moyenne. Et les subventions versées au titre des allégements de taxe professionnelle ne sont pas suffisamment compensées. Les choses en sont au point qu'on peut se demander si la décentralisation a encore un avenir, la seule liberté encore reconnue aux collectivités étant celle de dépenser. Il y a deux ans, j'avais déploré la suppression du dispositif pour l'aménagement des rythmes scolaires, et appelé votre attention sur les incertitudes qui pesaient déjà sur le financement des nouveaux contrats éducatifs locaux. Cette année, les aides correspondantes ont notablement diminué : pour ma ville, la subvention est tombée de 1,1 million à 770 000 francs, ce qui compromet la mise en _uvre du CEL. Voilà un exemple flagrant du décalage entre vos effets d'annonce et les réalités.

Le Gouvernement a-t-il bien conscience des attentes ? Une politique pour les villes, c'est celle qui permet à nos concitoyens de vivre en sécurité, à nos enfants d'être éduqués et aux entreprises de créer des emplois ; c'est celle qui permet aux élus de limiter la pression fiscale et aux habitants des 725 quartiers sensibles de ne pas avoir le sentiment d'être « labellisés ». Les élus attendaient un assouplissement des procédures, une augmentation des dotations de l'Etat et des dispositions concrètes : ils n'auront que davantage de complexité, de saupoudrage, de mesures virtuelles. Le « signal fort » attendu depuis 1999 n'est toujours pas au rendez-vous.

M. Pierre Cardo - Il est toujours réjouissant de constater que le budget de la ville ne cesse de progresser, même s'il demeure difficile de se retrouver dans des crédits qui vont d'un ministère à l'autre. Je trouve même que vous êtes trop modeste, Monsieur le ministre délégué : vous vous contentez d'afficher une progression de 15,93 %, sans doute pour mieux mettre en valeur la contribution des collectivités et d'autres acteurs, mais c'est d'une croissance de 49,44 % que vous auriez pu en fait faire état, en vous appuyant sur le montant des crédits spécifiques et des crédits contractualisés en provenance d'autres ministères.

Cependant, le « basculement » de crédits du ministère compétent à votre ministère pose souvent problème sur le terrain ; les sommes ainsi affichées donnent parfois trop bonne conscience aux institutions intervenant dans les quartiers. Or il ne faut pas que cette bonne conscience conduise l'éducation nationale, la police, la justice à considérer que tout va bien puisque de l'argent supplémentaire a été distribué. On observe, en effet, souvent sur le terrain que la répartition des moyens est loin de toujours correspondre à la concentration des problèmes.

Lorsque l'on parle de « zones de non-droit », on pense généralement aux bandes de jeunes qui font la loi dans certains quartiers, mais pour moi, il y a également « non-droit » quand les habitants ne jouissent pas des droits auxquels ils peuvent prétendre : droit à la réussite scolaire, accès à l'emploi, aux services publics, etc.

Le budget lui-même n'est pas mauvais, il est en nette augmentation, et les budgets n'étaient pas meilleurs dans le passé. Ce qui importe, au-delà des chiffres, c'est le contenu des politiques menées. Il semble, et je m'en réjouis, que vous soyez décidé à prendre à bras-le-corps le problème des communes qui n'ont pas les moyens d'accompagner financièrement les GPU ou les GPV, mais il faudrait que vous les rassuriez en précisant noir sur blanc les intentions de l'Etat : celui-ci prendra-t-il en charge les équipements supplémentaires ? les intérêts d'emprunts ? le capital lui-même ? Les maires attendent vos réponses avec impatience, car elles ne sont pas sans incidence sur leurs propres décisions.

Le chômage recule globalement, c'est vrai, dans les quartiers en difficulté, mais il est vrai aussi que ce recul profite surtout à ceux qui étaient les moins éloignés du marché de l'emploi. Ce qu'il faut, c'est intensifier l'effort en faveur du « noyau dur » des chômeurs de longue durée, mettre davantage l'accent sur l'accompagnement psychologique de la réinsertion, et mieux assurer la pérennité des entreprises d'insertion, étant donné que le nombre des CES et des CEC tend à se réduire. Je regrette, par ailleurs, que l'on reste trop inattentif à la gestion urbaine de proximité : il est inadmissible que des offices HLM, au motif que la population qui les habite est pauvre, laissent les parties communes à l'abandon et que des familles, déjà en proie à des difficultés financières, n'osent plus inviter leurs amis, pour ne pas avoir à leur faire traverser des cours et des couloirs repoussants.

Le risque existe qu'à force de raisonner soit au niveau du quartier, soit à celui de l'agglomération, on finisse par oublier la ville en tant que telle. On oublie, par exemple, que Chanteloup-les-Vignes ne se réduit pas à sa ZAC, ni Mantes-la-Jolie au Val-Fourré !

Je me réjouis que l'activité de médiation des « adultes-relais » soit enfin reconnue en tant que telle, car on a pu la croire, au moment de la création des emplois-jeunes, réservée aux jeunes eux-mêmes. Quant à la revalorisation dont bénéficient les chefs d'établissement, il faut s'en féliciter également, mais les élus locaux sur lesquels s'appuie la politique de la ville ne la mériteraient-ils pas eux aussi ? L'une des villes qui font l'objet d'un GPV va passer sous la barre des 10 000 habitants, c'est-à-dire qu'elle va perdre un adjoint et quatre conseillers, et que les autres seront donc mis davantage à contribution. Est-il raisonnable que leur rémunération reste sans commune mesure avec celle d'un directeur de projet ? Il y a là une incohérence à laquelle il faut remédier.

Plus que les crédits, ce qui compte, je l'ai dit, c'est la volonté politique. Vous avez montré en différentes circonstances, Monsieur le ministre, que vous l'aviez. Il vous reste à l'insuffler aux niveaux intermédiaires de l'administration d'Etat. Les collectivités, quant à elles, suivent mieux que par le passé, mais une meilleure prise en considération de certains de leurs problèmes les aiderait grandement à assurer leurs missions.

M. Patrick Braouezec - Je voudrais revenir sur la réponse du Ministre à certaines observations que je lui avais faites par écrit. S'agissant de la mixité sociale, je crains que le terme lui-même ne sous-entende un certain rejet, avoué ou non, de la partie de la population qui connaît les plus grandes difficultés. Culpabiliser ces habitants en leur faisant ressentir qu'ils sont indésirables pourrait avoir de graves conséquences. Aussi la mixité sociale ne peut-elle être un objectif en soi : celui-ci doit rester l'égalité des droits. De même, le terme de discrimination positive, souvent employé lui aussi, renvoie fâcheusement à une conception caritative de l'action publique, comme s'il s'agissait de distribuer des cadeaux et non de reconnaître des droits. J'en prendrai deux exemples.

Je me souviens très bien de la construction, dans les années 60-70, de l'autoroute A1, qui a éventré Saint-Denis, tandis qu'à l'ouest de Paris, sous le bois de Boulogne que je traversais alors pour me rendre à l'école normale, on a vidé un lac, puis creusé un tunnel pour y faire passer le périphérique, puis rempli le lac à nouveau. Il s'agissait bel et bien d'une inégalité de traitement, qui n'a été réparée qu'au moment de la construction du Stade de France, lorsque l'autoroute A1 a été recouverte.

Deuxième exemple : lors de ma première rencontre avec le directeur départemental de La Poste, nous avons constaté que Saint-Denis ne comptait que quatre agences postales pour près de 100 000 habitants, quand Versailles en compte sept pour un peu moins de 80 000 habitants. Nous sommes convenus de rattraper cet écart, et c'est maintenant chose presque faite, mais ce rattrapage constitue une simple application du principe d'égalité de traitement, non une discrimination positive.

Le budget de la ville, dont la hausse est la plus forte au sein de ce projet de loi de finances, correspond bien à l'enjeu, qui est de permettre à la fraction défavorisée de la population de bénéficier de la croissance. Il s'écarte de la logique du traitement social, caritatif, pour remettre l'emploi au c_ur des préoccupations. Aussi notre débat doit-il porter en priorité sur l'utilisation des crédits.

Il faut en premier lieu épauler davantage les collectivités les plus défavorisées en augmentant fortement la DSU, qui ne représente que 1 % des dotations aux communes. Sans une contribution accrue de l'Etat, elles auront du mal à participer aux contrats de ville et aux grands projets de ville, comme elles ont eu du mal à participer aux grands projets urbains, et la déception risque d'être grande. En outre, la non-contractualisation des crédits affectés aux GPV n'est pas de nature à les rassurer, étant donné le montant élevé des coûts de fonctionnement des équipements nouveaux.

Il convient également d'adapter la formule du GPV, conçue pour les agglomérations de province où les problèmes sont circonscrits à certains quartiers, à la situation particulière des zones très étendues et très urbanisées, notamment en région parisienne.

Enfin, je veux évoquer ces partenaires essentiels que sont les associations. Les deux questions majeures sont la pérennité et le délai de versement des subventions. Il faut donc que la pluriannualité devienne la règle. Créer des zones sans loyers serait une façon de reconnaître l'utilité de leur travail. Pour leur assurer des moyens pérennes -car la précarité n'a rien de motivant !- on pourrait imaginer un conventionnement des locaux, ou la création d'un fonds d'Etat. Et l'adoption d'un amendement au projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbain visant à garantir la location gracieuse de ces locaux serait, certes, un premier pas, mais ne réglerait pas définitivement le problème.

Le budget de la politique de la ville pour 2001 doit traduire une véritable ambition. C'est donc dans un esprit d'encouragement et de vigilance que les députés communistes voteront ce projet.

M. le Président de la commission - Six orateurs doivent encore prendre la parole, et je vous propose de clore la liste. M. le ministre leur répondra ensuite.

M. Jean-Marie Bockel - Le projet de budget que vous nous présentez est bon, mais la politique de la ville est faite de réussites et d'échecs Les échecs, ce sont les dégradations qui s'aggravent, la ghettoïsation qui s'accroît, une trop grande dispersion des actions : autant de phénomènes qui font reculer l'objectif de mixité sociale. Un nouvel élan était nécessaire, qui suppose la remise à plat des dispositifs en vigueur. Il y va de la crédibilité, dans les quartiers, de la politique de la ville qui, heureusement, connaît aussi des réussites. L'expérience m'a montré qu'elles sont d'autant plus probantes que l'on s'attache à concentrer tous les moyens disponibles, sur une longue période, en un même lieu. Cette politique volontariste porte ses fruits, et tire les quartiers concernés vers le haut. C'est la démarche choisie par le Gouvernement pour les GPV, et je m'en félicite.

Certes, les montants annoncés n'atteignent pas ce sur quoi nous pensions pouvoir compter, mais des propos du Ministre, on retiendra que les choses pourraient s'améliorer. Il convient aussi de choisir les meilleures méthodes. A cet égard, l'évaluation des politiques est certes indispensable, mais elle doit se faire en étroite coopération entre les services déconcentrés de l'Etat et les collectivités locales. On y gagnera en simplicité, et l'on permettra aussi les adaptations nécessaires.

On doit encore s'interroger sur la manière de concilier le retour au droit commun et l'objectif de donner davantage aux plus démunis ou, plus exactement, comme vient de le rappeler justement Patrick Braouezec, de leur donner autant qu'aux autres citoyens. Il faut souligner que s'il est bon de détruire des tours, ces opérations spectaculaires ne doivent pas servir à dissimuler la dégradation de quartiers anciens, tout aussi délabrés.

On l'aura compris : la réussite de la politique de la ville suppose l'articulation des actions entreprises au niveau national pour améliorer aussi bien le système éducatif que la responsabilisation des familles, pour assurer une justice et une sécurité de proximité, pour traiter de l'immigration et de l'apparition d'un islam français, pour garantir, enfin un égal accès à l'emploi.

A cet égard, la pérennisation des emplois-jeunes n'est pas la meilleure idée qui soit. Mieux vaudrait privilégier l'école de la deuxième chance pour permettre aux jeunes gens victimes de l'échec scolaire de profiter de la reprise économique. L'indication d'une réussite réelle sera celle-ci : qu'un jour, nous puissions dire que chaque jeune peut, en France, mener à bien son projet de vie.

M. Guy Malandain - Nous avons des moyens, des instruments et la volonté politique de conduire un travail qui, nous le savons bien, sera toujours inachevé. L'humilité et la ténacité doivent donc être la règle, même si le Gouvernement nous présente un budget de qualité.

Qui traite de politique de la ville a d'autres préoccupations que les seules préoccupations financières. La restructuration urbaine et l'application des GPV se heurtent en effet à l'inertie de certains partenaires. Il ne s'agit pas de mauvaise volonté de leur part, mais le fait est que la réglementation et les habitudes empêchent les projets d'aboutir rapidement. J'ai ainsi épuisé mon énergie à tenter de convaincre le ministère de l'éducation nationale que l'on pouvait aussi implanter un collège universitaire dans un quartier de Trappes et qu'aucune fatalité n'imposait que de tels équipements soient exclusivement installés dans des quartiers huppés. On peut encore s'interroger sur le curieux paradoxe qui consiste à demander à ceux des offices HLM qui connaissent les plus grandes difficultés de consentir un effort supplémentaire alors qu'ils doivent faire face à un taux d'impayés considérable. Il faut savoir rompre avec les idées toutes faites.

Par ailleurs, croyant bien faire, le Gouvernement, les parlementaires et les élus locaux ont entrepris de « labelliser » certains quartiers, et ont fait converger les efforts sur les zones ainsi définies, sans se rendre compte que des problèmes aussi graves apparaissaient ailleurs. Cette situation périlleuse mérite que l'on s'y attarde.

Vous nous avez dit, Monsieur le ministre, que certains indices permettaient de penser que les tensions s'apaisaient dans les quartiers en difficulté. Ce n'est pas mon sentiment. Au contraire, les violences urbaines reprennent, attisées par un fort sentiment d'injustice. Les jeunes habitants de ces quartiers considèrent en effet que la reprise économique se fait sans eux, et les missions locales font état d'une recrudescence de « clientèle » particulièrement vulnérable. Dans ces conditions, on peut se demander s'il ne conviendrait pas de modifier le dispositif en vigueur en privilégiant l'action sur le terrain, au bénéfice des plus fragiles, culturellement ou psychologiquement incapables de se rendre dans les institutions qui leur sont pourtant destinées.

M. Daniel Marcovitch - C'est de mixité commerciale que je vous parlerai, car certains quartiers, parisiens en tout cas, se ghettoïsent pour d'autres raisons que celles qui ont été dites jusqu'à présent. Ainsi, un très grand nombre de boutiques kasher se sont ouvertes porte de la Villette, cependant que le haut du faubourg Saint-Denis connaît une concentration de commerces indo-pakistanais et qu'à Château Rouge n'existent pratiquement plus d'autres magasins que ceux d'alimentation afro-antillaise. Cette spécialisation fait fuir la population traditionnelle, qui ne parvient plus à s'approvisionner. La constitution de ces ghettos a pour autre conséquence la création d'hypercentres commerciaux qui ne favorisent en rien la mixité urbaine et aggravent le marasme des boutiques traditionnelles, ce qui renforce la spirale communautariste. Quelle politique mettre en place pour endiguer cette dérive et encourager la mixité commerciale ?

M. Pierre Cohen - En deux ans, vous avez su, Monsieur le ministre, augmenter considérablement les budgets alloués à la politique de la ville. Presque tous les contrats de ville ont été signés, les priorités sont clairement affichées par le Gouvernement, et nous sommes donc en ordre de marche. Pourtant, nous ne devons pas nous leurrer : c'est un défi majeur qu'il nous faut relever, et la tâche sera très rude.

On met très souvent en avant les carences des services publics en zone rurale, sans dire assez qu'elles sont au moins aussi graves dans les quartiers. Les contrats de ville doivent donc garantir une évolution équitable des implantations des services déconcentrés de l'Etat. Cela suppose que les coordonnateurs détachés ne soient pas, par habitude, farouchement attachés au cloisonnement administratif traditionnel. La modernisation de l'Etat ne peut être menée correctement à son terme si des logiques contraires se superposent.

S'agissant des contrats de ville, on ne peut se permettre de dresser dans quatre ou cinq ans un bilan qui établira que la distance des publics concernés avec les institutions s'est encore accru. Les populations les plus exclues ne connaissent pas les institutions ni les dispositifs mis en place. Nous aurions donc tout intérêt à créer une charte d'institutionnalisation de la parole et de la place des citoyens. Et pourquoi ne pas organiser dès 2001 un rassemblement national qui permette aux acteurs locaux et aux élus de confronter leurs expériences ? Si nous voulons institutionnaliser la démocratie locale, commençons par ces quartiers.

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Il est absolument indispensable de rendre les procédures d'attribution des crédits de la politique de la ville aussi transparentes que possible. En effet, si le Gouvernement est maître des crédits qu'il accorde, il ne faut pas négliger que dans certaines collectivités où la majorité est différente, la minorité a parfois du mal à faire valoir ses positions. Monsieur le ministre, de quels moyens d'action, d'information et de contrôle disposera une minorité municipale pour faire respecter vos orientations nationales ? Quels moyens le Gouvernement a-t-il prévus pour que les mesures qu'il propose soient appliquées par les différents acteurs intéressés ?

M. Yves Dauge - Monsieur le ministre, les moyens et les outils sont là, et l'effort du Gouvernement est exceptionnel. Pour autant, il arrive que l'on estime que tout va bien, alors que tout va mal et nous sommes dans un système très fragile où l'émotion et la passion ont leur place. La crise de l'institutionnel est en effet incontestable et elle ne touche pas que l'Etat. Les collectivités locales ont elles-mêmes du mal à anticiper et à dénouer les mécanismes de crise. Nous sommes ainsi confrontés à un problème permanent de décryptage des réalités sociales. Je pose cependant ce constat dans un esprit positif, car la politique de la ville doit justement nous permettre de réintroduire du relationnel dans l'institutionnel.

J'insiste sur le fait que la politique de la ville ne doit pas rester une politique d'exception : il faut qu'elle devienne le droit commun pour tous et que la logique des périmètres et des subventions soit enfin dépassée. Je rejoins, en l'exprimant différemment, la position de M. Malandain : il faut partout y arriver par le droit commun, quitte à changer le droit. Pour ce faire, il faut que l'Etat soit excellent là où il doit être, et je souligne à cet égard l'exceptionnelle réussite des Maisons de la Justice. J'ai pu le constater à Joué-les-Tours, alors même que le procureur de la République n'y croyait pas. Mais la réforme de l'Etat passe aussi par de nouveaux comportements dans les administrations. Malgré les efforts des préfets, nos concitoyens ont souvent le sentiment d'être maltraités par l'institution publique, qui n'est pas perçue comme se mettant suffisamment au service de l'usager. Les jeunes y sont particulièrement sensibles, et nous devons veiller à ce qu'ils ne solidarisent pas dans la délinquance, faute de capacité de notre part à les reconnaître autrement. Vive la politique de la ville si elle nous a fait comprendre cela !

Vous avez obtenu beaucoup de moyens et nous ne pouvons que nous en féliciter. Mais la révolution des esprits reste à faire.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Les trois rapporteurs ont bien voulu constater la progression réelle et forte de ce budget, et j'eût pu être plus vantard encore si je ne l'avais présenté à périmètre constant : en intégrant les adultes relais et quelques autres dispositions, la progression des crédits d'un exercice à l'autre atteint en effet 70 %.

En réponse à M Cardo, je précise que depuis cette année l'éclatement des moyens entre ministères n'a plus cours. Seul le ministère de la Culture conserve 60 millions mais je n'ai pas voulu l'en priver alors qu'il tend à se rapprocher de l'objectif de 1 % du budget de l'Etat. J'ai souhaité mettre fin aux transferts afin que les autres ministères ne se sentent pas dédouanés de toute responsabilité dans la politique de la ville, une fois acquittée leur contribution. Les crédits de la ville ont vocation à devenir des crédits de droit commun, ne serait-ce que parce que la ville est de manière inéluctable et pour longtemps notre avenir à tous.

C'est en faisant évoluer les pratiques des grands ministères, tels que la justice, l'intérieur ou l'éducation nationale, que nous obtiendrons les meilleurs résultats. Les crédits de la politique de la ville ne sont là que pour permettre de monter des opérations qui ne pourraient voir le jour à partir des seules dotations de droit commun.

Suite à l'intervention de M. Mignon, j'insiste sur les efforts que nous avons réalisés pour rendre la présentation de ce budget plus simple et plus honnête. Dans une matière aussi sensible, il est indispensable de savoir en permanence où l'on en est.

Les propos de M. Braouezec m'incitent à revenir sur la notion de mixité sociale. A la différence de certains, nous ne serons jamais de ceux qui considèrent que tout pourrait aller mieux si, dans certains quartiers, certaines populations étaient chassées. On ne peut raisonner ainsi. Notre responsabilité est de garantir les droits des populations là où elles se trouvent. Restructurer les quartiers, démolir là où cela est nécessaire, relancer l'activité économique, telle doit être ambition. L'exemple de Vaulx-en-Velin est à cet égard très parlant. Dois-je rappeler que la situation qui prévalait dans cette commune fut à l'origine de la création de la délégation interministérielle à la ville puis du ministère ? Or, l'intervention publique en faveur de la sécurité, de l'emploi et de l'éducation a permis de revaloriser son image au point que des programmes d'accession à la propriété y ont vu le jour, et qu'ils attirent des habitants extérieurs.

S'agissant de la discrimination positive, je crois utile de préciser les termes. J'accepte encore cette notion dans les endroits qui ont accumulé un tel retard que l'écart ne serait jamais rattrapé si l'on n'y avait recours. Il en va ainsi de Strasbourg où le taux de chômage global est tombé à 4 %, mais où le quartier du Neuhoff enregistre encore un inacceptable 8 %. Comment faire en sorte que les jeunes de ces quartiers n'aient pas le sentiment que la couleur de leur peau ou la consonance de leur nom sont à l'origine de ce déséquilibre ?

Vous l'aurez compris au fil de mes interventions, notre priorité essentielle reste l'emploi. Il nous faut éviter par tous les moyens que le sentiment d'inégalité qui prévaut parfois ne débouche sur la violence. Dans le pays, les mentalités ont fortement évolué depuis quatre ou cinq ans. Lorsque la crise était générale, le sentiment d'exclusion n'était pas moins fort mais il était, paradoxalement, peut-être moins durement ressenti. La publicité, qui parle aux jeunes d'une société où « le bonheur, c'est de consommer », accentue le décalage entre ceux qui peuvent accéder à la consommation et ceux qui en restent exclus. Il y a là un ferment de révolte que nous ne devons pas négliger. La reprise économique est en effet en train de paupériser certains quartiers et risque de jouer comme une véritable « pompe à misère » en fixant sur place les plus fragilisés, cependant que ceux qui retrouvent un emploi les quittent le plus vite possible.

Je n'imagine pas une politique de la ville qui ne repose que sur l'Etat. Le retour à l'emploi dans les quartiers populaires passe aussi par une mobilisation des chefs d'entreprise. Ceux qui se plaignent d'une pénurie de main-d'_uvre ou qui s'inquiètent des départs massifs à la retraite dans les dix prochaines années devraient s'intéresser en priorité aux jeunes de ces quartiers : ce sont les salariés de demain. Du reste, la reprise américaine n'a-t-elle pas reposé sur la remise au travail de populations dont le niveau de qualification était souvent bien inférieur à la moyenne ? Même les plus fragiles sont souvent dans une meilleure situation au regard de la formation en France qu'aux Etats-Unis. Et il faut être clair quant à certains discours sur une indispensable reprise de l'immigration.

Tout d'abord, dans une Europe qui compte encore des millions de chômeurs, ce serait socialement catastrophique. En outre, de quelle immigration parle-t-on ? S'il s'agit d'aller chercher les gens qui ont acquis, grâce à un effort important de leurs pays d'origine, un niveau de formation supérieur à la moyenne, informaticiens, professionnels de santé, etc., ce serait une forme de néo-colonialisme qui priverait ces pays du fruit de leurs efforts. Et s'il s'agit de faire venir des populations non qualifiées, il faut savoir qu'en général elles le sont moins encore que les habitants actuels de nos quartiers populaires.

Nous devrons donc avoir un vrai débat avec le secteur privé, qui pourra éventuellement conduire à remettre en cause certains formations régionales, trop axées sur le niveau V, et pas assez sur le niveau IV. Mais il faut faire comprendre aux entreprises que les salariés de demain sont déjà à leur disposition dans les quartiers populaires. Il y a certes des comportements de racisme, de discrimination : je dis toujours aux chefs d'entreprise qu'il faut les combattre dans leur propre intérêt, car, pour que leurs entreprises tournent, il leur faut des salariés.

Il est indispensable de doter la politique de la ville d'outils permettant de conjuguer l'immédiat et les moyen et long termes. L'immédiat c'est l'impératif de mener des actions qui fassent revenir l'ambiance de l'emploi dans les quartiers : c'est le renforcement des emplois jeunes, l'amélioration des programmes TRACE. C'est aussi la réflexion sur les métiers de médiation, qui ne seront pas seulement un moment dans la vie de nos villes. Il y a un besoin de médiation durable, et nous devons déjà réfléchir, au-delà des emplois-jeunes, à la manière d'y répondre, y compris en modifiant les structures de l'emploi dans la fonction publique. C'est pourquoi nous avons voulu lancer le programme de 10 000 adultes-relais. Que constations-nous ? C'est l'image négative que donnait à un certain nombre d'enfants la situation de leurs parents durablement chômeurs. En même temps, nous connaissions l'importance que peuvent revêtir des adultes reconnus comme médiateurs dans leur quartier et qu'il faut consolider dans ce rôle, pour retrouver le contact avec les parents les plus éloignés du système scolaire ou les plus en difficulté avec la langue française. Bref, il fallait à la fois restaurer au plus vite l'image de l'adulte au travail et renforcer la fonction de médiation.

Il nous faut en outre des outils particuliers pour le développement économique et le développement de l'emploi. Comme sur le point précédent, je me suis inspiré des idées des parlementaires, en l'occurrence des travaux de Mme Robin-Rodrigo et de M. Bourguignon. Notre démarche sera pragmatique. M. Mignon a relevé une baisse des crédits consacrés aux zones franches urbaines : c'est que nous avons voulu moraliser le dispositif, et en faire sortir certaines entreprises auxquelles il offrait un simple effet d'aubaine ou une boîte aux lettres. Il s'agit de redonner du sens à ce dispositif et d'en tirer les conséquences non seulement pour les 44 sites existants, mais pour tous ceux qui en auraient besoin. Et je souligne que nous avons décidé, alors que ce n'était pas prévu dans le Pacte de relance pour la ville, de prolonger le dispositif de trois ans, pour qu'ensuite tous les salariés concernés puissent basculer dans le dispositif ZRU renforcé, qui est un nouvel outil de développement économique. Du reste, la liste des 44 ZFU montre que les sites qui ont bénéficié de cette mesure n'étaient pas nécessairement les plus en difficulté.

Nous avons proposé un fonds de développement économique en partant de l'idée qu'avant de faire venir des entreprises nouvelles, il fallait aider au maintien de celles qui existent. Nous avons décidé que la plus grande souplesse devrait prévaloir, pour que les préfets puissent prendre en compte les charges spécifiques de certaines entreprises. Je pense par exemple à l'épicier dont la vitrine a volé en éclats quatre fois et qui ne trouve plus d'assureur, ou qui paie une prime supérieure de 120 % à celle de son collègue du centre-ville. Je pense aux professionnels de santé obligés d'installer des portes blindées. Il est clair que ces professionnels subissent une inégalité par rapport à ceux d'autres quartiers. Nous avons donc décidé de mettre des moyens à la disposition de l'Etat déconcentré pour stabiliser le tissu économique existant.

Quant à l'installation de nouvelles entreprises, nous proposons de créer une aide minimale de 20 000 francs pour tout habitant des quartiers populaires qui crée un emploi. Nous avons un peu tardé, mais c'était par souci de ne pas créer une « usine à gaz ». Nous avons également souhaité pouvoir soutenir les investissements d'entreprises qui joueraient le jeu du quartier, en prévoyant une aide à l'investissement de 150 000 francs. La procédure que nous engageons diffère de celle des ZFU : dans les dossiers que nous demandons aujourd'hui aux collectivités locales, nous ne voulons pas que le développement économique et celui de l'emploi soient traités à part des autres outils de la politique de la ville. En effet, pour permettre ce développement, les élus doivent aussi réfléchir sur les transports, la sécurité, l'amélioration du bâti et des terrains mis à disposition.

M. Mignon a évoqué les nouvelles technologies. Je suis convaincu que dans les années qui viennent, les élus les utiliseront de plus en plus. Mais la politique de la ville doit aussi permettre aux habitants des quartiers populaires d'accéder à ces machines et à ces réseaux de communication. C'est pourquoi nous avons prévu 2 500 points d'accès aux nouvelles technologies pour éviter que l'invention de Gutenberg, alors même qu'elle n'est pas encore maîtrisée par toute la population, soit déjà dépassée par une nouvelle, qui creuserait encore les inégalités. Pour la partie la moins fragile des habitants, leur banlieue, avec les nouvelles technologies, c'est le monde. Mais pour les plus fragiles, jamais le monde n'a été aussi restreint : pour certains jeunes, il se réduit à leur cage d'escalier. Il y a là aussi un risque d'aggravation de la fracture sociale et de la violence.

Soutien aux activités existantes, donc, mais aussi aide aux créateurs d'entreprise, aide à l'investissement, et également aide à l'ingénierie de projet : les textes sont prêts, et nous pourrons expérimenter dès le début 2001, avant même la parution du décret, grâce au report de 100 millions prévus en 2000. Le léger retard au démarrage résulte des difficultés d'arbitrage, mais aussi, je l'ai dit, de la volonté de ne pas créer une usine à gaz, et de mon souci d'associer le secteur privé à cette dynamique. Ce sera là un de mes principaux objectifs en 2001. Ce lancement prendra par ailleurs la forme d'une grande campagne nationale pour la revitalisation des quartiers fin janvier.

L'évaluation est indispensable à la politique de la ville. Il faut savoir ce qu'on veut évaluer, à savoir certes les pratiques des collectivités locales et des associations, mais aussi celles de l'Etat, car je ne veux pas que l'évaluation conduise à un retour du jacobinisme. Dans quelques jours, un texte demandera aux préfets de préparer un dispositif d'évaluation pour que les objectifs des contrats de ville soient mieux quantifiés. Il ne s'agit plus de dire qu'on veut faire reculer le chômage : il faut dire de combien il doit reculer pour combler l'écart. L'évaluation doit aussi permettre d'adapter chaque année les actions, avec un bilan d'étape en 2003. C'est un effort indispensable, même s'il est difficile et si tout ne peut pas être quantifié.

J'en viens aux questions de Mme Robin-Rodrigo sur les moyens de l'Etat. La DIV va être renforcée par transfert de six postes provenant d'autres ministères ; cette mesure sera consolidée dans le budget pour 2002. D'autre part le Premier ministre signera dans les prochains jours une circulaire destinée à renforcer l'Etat local en revalorisant les postes de sous-préfets à la ville, en permettant de créer des délégations inter-services, et en prévoyant la nomination de délégués de l'Etat dans la plupart des quartiers. Cette dernière mesure, on l'a vu dans le Rhône, assure une présence de l'Etat dans les quartiers ; mais elle permet surtout à ces délégués, qui proviennent d'administrations très différentes, de sensibiliser ces dernières aux enjeux de la politique urbaine. C'est ainsi qu'une principale de collège m'a confié, non seulement que cette activité lui avait beaucoup apporté dans sa pratique professionnelle, mais qu'elle lui avait permis de faire entendre au niveau du rectorat une musique qui jusqu'alors n'y avait pas droit de cité, ce qui a abouti à des réunions de sensibilisation aux problèmes urbains de l'ensemble des personnels de l'éducation nationale.

Pour ce qui est de l'Institut des villes, le démarrage est en cours. Le but est aussi de s'appuyer sur les élus pour faire évoluer l'Etat. Les grandes missions de l'Institut seront d'être un observatoire des villes, un carrefour des recherches et des expertises, mais aussi d'assurer une formation de haut niveau et une action internationale. Par là il complétera le travail de la conférence des villes, car j'ai constaté avec plaisir que l'an dernier les grandes organisations d'élus représentants les villes avaient enfin décidé de se fédérer. On le constate, les thèmes sur lesquels l'Institut a mission de travailler sont de plus en plus à l'ordre du jour dans les différents pays européens qui s'intéressent à la politique de la ville, et chacun comprend la nécessité de tels lieux pour échanger les informations et les bonnes pratiques. Il s'agit aussi de se mettre en position d'avoir une influence sur les futurs crédits européens d'après 2006, et de voir comment améliorer leurs finalités et leurs caractéristiques urbaines. Le commissaire Barnier qui est intervenu à Créteil, partage ce souci de réfléchir non seulement sur l'élargissement, mais sur une réorientation des interventions financières des fonds européens.

M. Rimbert a évoqué la mixité sociale dans les quartiers anciens. Certains grands projets de ville concernent en effet des quartiers anciens : je citerai Mulhouse, Roubaix et en partie Montpellier. Ces projets visent à régler les problèmes d'insalubrité et de grande vétusté et intègrent du logement social résultant de réhabilitations.

Pour les équipes emploi-insertion, Monsieur Mignon, ce ne sont pas 20 mais 50 millions qui sont inscrits sur mon seul budget. En y ajoutant les apports de l'ANPE, des fonds structurels européens et des autres partenaires, nous pensons arriver à un total de 150 millions. Je vous rassure : il n'est pas question de créer une structure nouvelle, et j'entends bien que ces équipes viennent renforcer les dispositifs locaux existants, notamment les missions locales, avec l'idée d'aller chercher sur le terrain ceux qui sont les plus éloignés de ces structures.

En ce qui concerne les correspondants de nuit, les auteurs du rapport sur les métiers ne font pas la même analyse que vous, Monsieur Mignon. Selon eux, les emplois de médiation sociale ont permis d'éviter une approche strictement sécuritaire des problèmes rencontrés dans les quartiers. Par ailleurs, il ne s'agit pas de jouer au jeu de la patate chaude avec le ministère de l'intérieur. La sécurité est une responsabilité partagée et si le travail de la police est essentiel, il ne saurait suffire si l'on veut des résultats tangibles.

Monsieur Cardo, nous faisons déjà de grands efforts en faveur d'une gestion urbaine de proximité et nous continuerons en 2001. Il est exact que les situations sont diverses et qu'il faut presque les apprécier pour chaque office, mais c'est une exigence qui est posée dans les conventions de GPV et dans les contrats de ville. En outre, la ligne budgétaire « qualité de services » sera accrue de 100 millions, en provenance du ministère du logement, afin de remettre à niveau les parties communes et les abords des immeubles. En ce qui concerne les GPV, les trois points que vous avez évoqués seront l'objet d'un financement pris sur la partie « fonctionnement » : le texte sera réécrit pour le préciser si cela apparaît nécessaire.

Le fonds de revitalisation économique concerne également le secteur privé, Monsieur Bourguignon. Des discussions difficiles sont en cours avec le ministère des finances mais la prime de 20 000 F accordée aux créateurs ne sera subordonnée à l'octroi d'aucune autre aide. La mutualisation sera de mise en matière de fonctionnement et même d'investissement. S'agissant des services publics, la mise en _uvre du CIV est achevée. Le 9 septembre, le Premier ministre a envoyé aux ministres une circulaire leur demandant de renforcer la présence de ces services et il va en adresser une autre aux préfets leur demandant d'élaborer des projets, qui seront mis à exécution avec l'aide des délégués de l'Etat, comme vous le demandez. Cette deuxième circulaire invite également à renforcer les missions « ville » dans les préfectures.

Je n'entrerai pas dans l'analyse détaillée de ce que dit le rapport de la Fédération des maires des villes moyennes au sujet des financements croisés, Monsieur Santini. Mais je ne nierai pas non plus la complexité des financements publics, liée à leur double origine -ils relèvent en effet à la fois des blocs de compétences définis par les lois de décentralisation et des impulsions que l'Etat et les collectivités souhaitent donner au développement local. Je pense que nous pouvons améliorer la situation en faisant une meilleure place au contrat et en expliquant les possibilités offertes par le GIP. Enfin, la réforme de l'ordonnance de 1959 dont parle souvent le rapporteur général, devrait aussi nous aider à simplifier ces financements croisés.

Mme Nicole Bricq - Il ne suffit pas de parler !

M. le Ministre délégué - Le financement européen est à l'évidence essentiel, qu'il provienne de l'objectif 2 ou du programme URBAN, que nous avons finalement réussi à sauver. Je ne saurais d'ailleurs trop insister sur l'intérêt de ce programme de coopération pluriannuel, adopté à l'unanimité par les Etats membres le 6 octobre à Marseille, et sur lequel se pencheront les ministres des affaires urbaines lors de la Conférence de Lille, le 2 novembre.

La création de directeurs de GPV résulte d'une demande régulièrement présentée par les collectivités, qui souhaitaient être assistés par des professionnels de qualité. Mes services, en liaison avec la Caisse des dépôts, ont lancé un appel à candidatures. Celles-ci ont été analysées par des cabinets de recrutement et nous devrions bientôt disposer d'un vivier de directeurs susceptibles d'être mis à la disposition des comités de pilotage. Cependant, comme le nombre de ces candidatures a dépassé le millier, la sélection n'a pu se faire aussi vite que nous le souhaitions. Le problème est maintenant résolu et 15 comités de pilotage ont d'ores et déjà sollicité l'octroi d'un directeur.

Pour les métiers de la ville, nous avons prévu 15 millions sur le chapitre 37-82. Cette somme pourra être mobilisée directement à l'échelle nationale, pour des conventions, mais nous pourrons également faire appel aux 98,6 millions de la partie décentralisée, pour les subventions du FIV.

Les associations sont des partenaires dont on ne saurait se passer et nous avons donc pris des mesures pour essayer de leur simplifier la tâche : dossier unique pour les demandes de subventions, mise en place d'un pôle associatif dans les préfectures, procédure de paiement simplifiée -sans visa préalable- pour les subventions inférieures à 50 000 F, possibilités de mutualisation, création d'un Fonds de participation des habitants. Je conviens toutefois que des progrès restent à faire, notamment en ce qui concerne la généralisation des conventions d'objectifs pluriannuelles pour les subventions dépassant 150 000 F. Cette formule permettrait d'éviter un appel annuel à projets, très lourd pour beaucoup d'associations, et garantirait un versement plus précoce des avances.

Avec le renouvellement des contrats de ville et leur extension géographique, des retards étaient inévitables dans la répartition des crédits. Les préfets de région ayant souvent entrepris de modifier la clé de répartition entre les départements, cela a entraîné de longues discussions. Mais ces clés sont maintenant définies et les préfets ont été sensibilisés aux problèmes des associations. Un travail est en cours pour parvenir à plus de transparence. La généralisation du site « POLIVILLE » devrait permettre à ces associations de disposer d'un numéro d'entrée et d'un interlocuteur bien identifié, ainsi que de savoir à tout moment où elles en sont de leurs demandes de subventions. Nous pouvons aussi penser qu'elles tireront profit du centenaire de la loi de 1901 et du rapport confié par le Premier ministre à M. Sandrier. Par ailleurs, une mobilisation plus importante de l'Etat local devrait leur fournir de nouveaux moyens, comme certains d'entre vous l'ont montré.

Nous ne pouvons accepter que les villes soient structurées sur une base communautariste. Pour l'éviter, des mesures d'échelle nationale ne sauraient suffire. Les élus, les maires notamment, disposent de moyens que la mission Mauroy permettra sans doute d'enrichir. Il importe notamment que les municipalités puissent avoir leur mot à dire sur les installations nouvelles dans les centres commerciaux, afin d'éviter une évolution stigmatisante. Comme l'histoire de Paris le montre, on ne peut échapper à une certaine spécialisation des quartiers, mais il ne faut pas qu'elle devienne ghettoïsation.

Monsieur Malandain, la politique en faveur de la mixité repose en effet sur deux piliers : la gestion urbaine de proximité et la collégialité au sein de l'agglomération. Il est notamment impératif d'améliorer les liaisons entre les sociétés de logement social.

La participation des habitants est une notion qui me tient particulièrement à c_ur, Monsieur Cohen, mais nous devons être attentifs au sens que nous donnons à la notion afin d'éviter toute aggravation des exclusions. Or ce serait le cas si nous ne nous adressions qu'à ceux qui ont la maîtrise du langage. Il faut travailler à un renforcement effectif de la démocratie locale et, de ce point de vue, je ne saurais trop souligner le bon exemple donné par l'Université des citoyens, dans les Bouches-du-Rhône. Notre première préoccupation doit être d'aider à devenir de véritables citoyens. Mais cela suppose aussi de convaincre les élus de consentir à cette démarche ambitieuse...

Madame Benayoun-Nakache, votre question renvoie aux conclusions du rapport Mauroy. Je suis persuadé que celui-ci ouvrira de nouvelles possibilités d'intervention aux groupes de l'opposition, au sein des conseils municipaux. Mais votre propos s'explique : vous venez d'une ville dont la situation est bien particulière ; les relations entre l'Etat et les élus, entre la majorité et l'opposition, ne pourront que s'améliorer après les prochaines élections, quel qu'en soient les résultats. La décentralisation n'est pas qu'affaire de crédits, c'est aussi une question de rapports humains et de débats collectifs.

J'avais promis de terminer à midi : il est midi (Applaudissements).

VOTE SUR LES CRÉDITS

M. le Président - Il nous reste à donner notre avis sur les crédits de la ville, étant entendu que seuls les membres de la commission de la production peuvent se prononcer.

Les crédits, mis aux voix, sont adoptés.

La séance est levée à midi.

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Jeudi 26 octobre 2000
(Séance de 9 heures)

Projet de loi de finances pour 2001 : Audition de M. Claude Bartolone, Ministre délégué à la Ville, sur les crédits de son ministère.


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