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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 30

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 28 mars 2001
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Pierre Ducout, Vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen du projet de loi n° 2909 relatif à la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse

 

(M. Yvon  MONTANÉ, rapporteur). :

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- Informations relatives à la commission

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La commission a examiné, sur le rapport de M. Yvon Montané, rapporteur, le projet de loi n° 2909 relatif à la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse.

M. Yvon Montané, rapporteur, a indiqué que le dépôt du projet de loi relatif à la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse était rendu nécessaire par des impératifs de procédure administrative et judiciaire. La réalisation de cet itinéraire à grand gabarit était prévue depuis longtemps afin de relier le pôle industriel de Toulouse à l'Atlantique. Actuellement, les convois exceptionnels circulant entre Bordeaux et Toulouse empruntent la N 113. L'élargissement du canal du Midi avait été envisagé mais le projet était resté au stade des études en raison de l'importance excessive des travaux à réaliser, notamment pour la mise en eau du canal à grand gabarit.

Le rapporteur a ensuite fait observer que le projet de loi avait pour objectif d'accélérer la réalisation de l'itinéraire à très grand gabarit afin que cette voie soit utilisable dès novembre 2003 pour les premiers assemblages de l'A380. Le projet de loi vise donc simplement à permettre de créer l'itinéraire à très grand gabarit selon la procédure d'extrême urgence. Cette procédure est prévue par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique mais une loi est indispensable pour autoriser l'expropriation de terrains bâtis dans le cadre de cette procédure. Une telle autorisation législative a déjà été donnée à quatre reprises pour l'organisation des Jeux Olympiques d'hiver de Grenoble et d'Albertville, la mise en _uvre des travaux nécessaires à la construction de la ligne expérimentale d'aérotrains et la réalisation du grand stade à Saint-Denis. Le rapporteur a souligné que ces quatre précédents n'avaient eu aucune incidence néfaste sur les riverains concernés, que les difficultés avaient systématiquement été réglées à l'amiable avec l'administration et que les projets de loi n'avaient jamais eu de visées partisanes mais avaient été motivés par la défense de l'intérêt général.

Il a ensuite précisé que la réalisation de l'itinéraire à très grand gabarit n'aurait pas d'incidence financière sur les budgets des collectivités territoriales et que les personnes concernées par les mesures d'expropriation ne subiraient aucun préjudice financier particulier du fait du recours à cette procédure d'extrême urgence puisque l'évaluation financière définitive obéira aux mêmes règles de fond que celles du droit commun et qu'elle sera arrêtée par le juge à défaut d'accord amiable avec l'administration. Les personnes expropriées devront seulement quitter leur propriété plus rapidement. Il a également fait observer que l'essentiel des constructions concernées par les expropriations ne serait pas des habitations et que des terrains bâtis ne seraient expropriés que pour une partie sur laquelle n'est sise aucune construction.

Il a ajouté qu'il n'appartenait pas au pouvoir législatif de déterminer le tracé de l'itinéraire à très grand gabarit. L'intérêt général veut toutefois que cet itinéraire évite dans la mesure du possible le passage dans les agglomérations. Les convois exceptionnels des pièces d'assemblage de l'A380 devraient emprunter cet itinéraire une fois par semaine au début, puis deux fois par semaine selon le rythme des commandes. Le trajet sera effectué de nuit. Il a conclu que cet itinéraire permettra d'améliorer le réseau routier en confortant la chaussée, en renforçant la sécurité de la voirie et en multipliant les contournements d'agglomérations.

M. Noël Mamère a jugé que la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit entre Bordeaux et Toulouse, quoiqu'inscrite au schéma multimodal de services de transport de marchandises, ne correspondait pas à la logique d'intermodalité qu'il est nécessaire de développer. Il s'agit en effet d'un élément supplémentaire favorisant le transport des marchandises par camions et susceptible d'entraîner une détérioration de l'environnement et de générer des risques pour la santé humaine.

M. Noël Mamère a précisé qu'il comprenait la position des collègues attachés au désenclavement que peut permettre la réalisation de cet itinéraire. Il a toutefois estimé que la route n'était pas le seul moyen de réaliser ce désenclavement.

Il a souligné que ce projet aurait en outre pour conséquence de financer une partie du programme A380 avec les impôts des Français puisque son coût, d'environ un milliard de francs, ne sera pas pris en charge par Airbus Industrie.

D'autres solutions étaient pourtant envisageables comme le transport par des dirigeables modernes ou par des avions Béluga, ce qui aurait nécessité des améliorations techniques d'un coût bien moindre. Il a donc jugé que ce projet était la démonstration par l'absurde de ce qu'il ne fallait pas faire et donnait une très mauvaise image de notre incapacité à imaginer d'autres formes de transport ou, a minima, des modes de transport complémentaires.

Il a rappelé que M. Yvon Montané avait évoqué le développement de l'aérotrain pour lequel beaucoup d'argent avait été dépensé avec les résultats que l'on sait. Une fois encore, on risque de demander aux Français de payer l'impéritie des pouvoirs publics en réagissant dans l'urgence.

M. Noël Mamère a ensuite rappelé que la France était le seul pays d'Europe où 85 % des marchandises étaient transportées par camion et que la SNCF, via sa filiale Geodis, était le premier transporteur routier de France. Il s'est en conséquence demandé si le législateur était là pour répondre aux attentes de certains lobbies ou à celles des Français.

A propos de la mise au gabarit du canal du Midi évoquée par M. Yvon Montané, il a souligné le rôle que pouvait jouer le transport par voie d'eau. Rappelant que 82 % des marchandises transportées dans le monde l'étaient sur mer, il a regretté que la France, qui a le privilège de compter trois façades maritimes, ne recoure pas davantage au cabotage.

En conclusion, il a déclaré ne pas comprendre la décision de réaliser ce projet. Notant qu'à sa connaissance Airbus Industrie n'avait pas été sollicité pour le financer, il s'est étonné que de l'argent soit aujourd'hui disponible pour le faire alors que des arguments financiers sont opposés depuis des années à la mise à deux fois deux voies de la route nationale Bordeaux-Pau, souhaitée par le conseil régional d'Aquitaine et qui correspond à une nécessité économique.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a indiqué qu'il ne fallait pas laisser accréditer l'idée que le désenclavement d'une région par la voie routière n'est plus d'actualité. Elle a rappelé qu'elle était très favorable au ferroutage, mais que sa mise en _uvre était souvent difficile. Soulignant que certaines régions françaises souffraient d'un retard économique significatif, elle a estimé que, dans certains cas, le désenclavement routier constituait la meilleure des solutions.

M. Jean-Marie Bockel a déclaré rejoindre les considérations générales émises par M. Noël Mamère, mais a regretté que certaines contradictions soient difficilement surmontées. Il a rappelé que le projet de mise à grand gabarit du canal Rhin-Rhône avait été abandonné sous la pression des Verts. Or, si ce projet était certes surdimensionné, il aurait néanmoins permis de transférer une partie du trafic de la route vers la voie fluviale. Il a également évoqué des oppositions similaires apparues à l'encontre du TGV Rhin-Rhône, qui aurait pourtant facilité le ferroutage, et a indiqué qu'un TGV « idéal » sans emprise au sol n'existait pas. Il a conclu qu'il convenait de surmonter de telles contradictions afin de mener une politique des transports plus équilibrée.

M. Joseph Parrenin, après avoir souligné qu'il revenait au Parlement de se prononcer seulement sur le recours à la procédure d'expropriation en extrême urgence, a souhaité que le rapporteur apporte des indications techniques complémentaires sur le projet d'itinéraire à très grand gabarit, par exemple lors de l'examen du projet de loi en séance publique.

Puis, M. Pierre Ducout, président, a relevé l'intérêt porté par M. Noël Mamère à une liaison routière rapide entre Bordeaux et Pau, qui serait positive en termes d'aménagement du territoire. Il a insisté sur l'intérêt économique évident qu'a, pour la France et l'Europe, la construction de l'A380 et a indiqué que Bordeaux aurait eu avantage à accueillir des sites de montage du nouvel avion. Il a également indiqué que le choix d'une complémentarité des modes de transport avait été fait, puisque les pièces construites à Hambourg étaient acheminées jusqu'à Langon par cabotage maritime. Enfin, il a rappelé que la commission de la production et des échanges avait déjà eu l'occasion de se montrer favorable au développement du ferroutage.

En réponse aux différents intervenants, M. Yvon Montané, rapporteur, a donné les précisions suivantes :

- la référence aux quatre précédents d'autorisations législatives de recours à la procédure d'expropriation en extrême urgence résulte de faits juridiques. Le rapporteur n'a pas voulu porter une appréciation sur l'objet des travaux concernés par ces quatre lois ;

- l'entretien prévu prochainement avec le directeur des routes permettra de donner des informations précises sur l'emprise des convois exceptionnels devant emprunter l'itinéraire à très grand gabarit. On parle de volumes atteignant 12 mètres de large sur 8 mètres de haut ;

- le ministre chargé des transports a été saisi de trois tracés d'itinéraire différents. Il devrait annoncer sa décision avant l'examen du projet de loi en séance publique. Il entend respecter les décisions exprimées par les collectivités territoriales traversées. En particulier, la traversée d'agglomérations sera évitée dans toute la mesure du possible ;

- l'agrandissement du Béluga pose de gros problèmes techniques. Un transport par aéroglisseur sur la Garonne a même été envisagé mais il a fallu y renoncer pour des raisons de faisabilité technique. Il faut avoir présent à l'esprit que l'exploitation de l'A380 s'étalera sur une vingtaine d'années et que la réalisation de l'itinéraire routier à très grand gabarit entre Langon et Toulouse n'exclut pas l'étude ultérieure d'itinéraires alternatifs. Par ailleurs, cet itinéraire n'est pas spécialement destiné à Airbus, il sera emprunté par tous les convois encombrants. Seule l'urgence de l'assemblage des premières commandes d'A380 a imposé le dépôt du projet de loi ;

- la mise en deux fois deux voies de la N 124 entre Auch et Toulouse est en cours. La réalisation de l'itinéraire à très grand gabarit permettra d'accélérer les travaux afin que ceux-ci soient achevés en trois ans au lieu de six ;

- il faut se féliciter du choix de Toulouse pour réaliser l'assemblage de l'A380 alors qu'Hambourg était également candidate. 9 000 emplois directs et 20 000 en sous-traitance sont en effet en jeu. Les bassins de Toulouse, Bordeaux et Saint-Nazaire pourront tirer bénéfice du choix de Toulouse, mais des pays comme l'Espagne et la Grande-Bretagne participeront également à la réalisation de l'A380.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles du projet de loi.

· Article 1er : Application de la procédure d'extrême urgence pour l'acquisition des terrains nécessaires à l'aménagement d'un itinéraire de très grand gabarit entre Bordeaux et Toulouse

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 2 : Relogement préalable des occupants

La commission a adopté cet article sans modification.

La commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi n° 2909 relatif à la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse, sans modification.

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Informations relatives à la Commission

La commission a procédé à la nomination de rapporteurs. Ont été désignés :

- M. Yvon MONTANÉ pour le projet de loi (n° 2909) relatif à la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse ;

- M. Jean-Jacques FILLEUL pour la proposition de résolution de M. Yves Cochet et plusieurs de ses collègues (n° 2927) visant à la création d'une commission d'enquête relative aux désordres causés par les travaux de percement de la ligne Eole sur les immeubles riverains du tracé ainsi que sur les mesures propres à parvenir à une indemnisation équitable des copropriétés au regard des travaux à effectuer ;

- M. Maxime BONO pour la proposition de résolution de M. Noël Mamère (n° 2937) tendant à créer une commission d'enquête relative à l'existence et au stockage de déchets nucléaires non retraitables à l'usine de la Hague, en violation de la loi du 30 décembre 1991, et sur les responsabilités de la COGEMA en la matière.

Puis la commission a procédé à la désignation de M. Joseph PARRENIN comme candidat pour siéger à la Commission nationale d'information sur les farines animales.

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