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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 34

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 24 avril 2001
(Séance de 8 heures 45)

Présidence de M. André Lajoinie, président

SOMMAIRE

 

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- Suite de l'examen des propositions de loi de M. Yves Cochet tendant à interdire aux aéronefs de décoller et d'atterrir la nuit de tous les aéroports français (n° 2946), de M. Denis Jacquat visant à lutter contre les nuisances aéroportuaires et à interdire les vols de nuit (n° 2429), et de M. Francis Delattre tendant à la fermeture de l'ensemble des aéroports français pendant une partie de la nuit (n° 2716)

 

(M. Yves  COCHET, rapporteur)

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La commission a poursuivi l'examen, sur le rapport de M. Yves Cochet, de sa proposition de loi tendant à interdire aux aéronefs de décoller et d'atterrir la nuit de tous les aéroports français (n° 2946), et de celles de M. Denis Jacquat visant à lutter contre les nuisances aéroportuaires et à interdire les vols de nuit (n° 2429) et de M. Francis Delattre tendant à la fermeture de l'ensemble des aéroports français pendant une partie de la nuit (n° 2716).

M. Yves Cochet, rapporteur, a rappelé que l'examen de la proposition de loi, entamé la semaine précédente, avait été reporté en raison de la publication d'un rapport de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA). Il a également rappelé que le dépôt de la proposition de loi dont il était l'auteur était motivé par trois constats :

- l'explosion du trafic aérien, notamment nocturne, a pour corollaire une forte augmentation des nuisances sonores qui suscite les protestations des riverains, ceux-ci considérant que la gêne sonore devient insupportable ;

- les nuisances sonores constituent un problème majeur de santé publique. Les nombreuses études médicales menées sur les perturbations du cycle du sommeil en raison de ces nuisances mettent en évidence un impact sanitaire, direct et indirect, très négatif. Cela est d'autant plus préoccupant que des millions de personnes sont concernés ;

- la France se situe en retrait par rapport à de nombreux pays européens qui ont élaboré une législation plus restrictive en matière de limitation des nuisances sonores aéroportuaires. Même si la création de l'ACNUSA en 1999 constitue une avancée, il convient de rattraper le retard accumulé par la réglementation française.

Puis, le rapporteur a signalé que la publication du rapport de l'ACNUSA, qui comporte des recommandations aux pouvoirs publics pour limiter le bruit nocturne des aéronefs, avait donné lieu à une réflexion commune de la part des députés, d'experts et du Gouvernement. Il a enfin indiqué que ces travaux avaient abouti à la rédaction d'amendements reprenant l'esprit et en partie la lettre des recommandations de l'ACNUSA et a invité les commissaires à les adopter.

Puis, M. Yves Bur a souligné que le problème des nuisances générées à proximité des aéroports était bien connu et que de nombreuses études avaient porté sur les perturbations du sommeil liées aux nuisances sonores nocturnes. Il a également souligné que toute réflexion sur ce sujet devait tenir compte du rôle des aérodromes en tant que facteurs de développement économique.

Indiquant que l'objectif de limitation des vols nocturnes était largement partagé, il a relevé que celui-ci était également affirmé dans les conclusions du rapport de l'ACNUSA. Par ailleurs, il a estimé que la fermeture arbitraire des aérodromes la nuit était une mesure peut-être trop sévère et difficile à obtenir et qu'il convenait de fonder la réflexion menée sur les propositions émises par l'ACNUSA, particulièrement intéressantes car elles prennent en compte le niveau sonore réellement constaté au sol, donc la gêne ressentie par les riverains. Observant que la France était « en retard » par rapport à ses voisins européens en matière de lutte contre les nuisances sonores aéroportuaires, il s'est néanmoins félicité que l'ACNUSA ait été créée et a jugé urgent que le Gouvernement prenne en compte les conclusions de cette dernière.

Enfin, il a souligné qu'il ne fallait pas réduire la part laissée à la négociation locale pour limiter les nuisances sonores aéroportuaires. Prenant pour exemple le cas de l'aérodrome de Strasbourg et du conflit d'intérêts apparu lorsque le transporteur DHL avait décidé de s'y implanter, il a indiqué que ce conflit avait été résorbé grâce aux négociations engagées par les élus avec l'autorité gestionnaire de l'aéroport, qui ont abouti à la création d'une commission de voisinage coprésidée par le président de la chambre de commerce et d'industrie et lui-même. Il a également indiqué que ces négociations avaient permis d'aboutir à un accord prévoyant la non-utilisation de la plate-forme aéroportuaire de minuit à 6 heures.

Usant de la faculté offerte par l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale, M. Denis Jacquat a estimé que la discussion de ces propositions de loi tendant à lutter contre les nuisances aéroportuaires engendrées par les vols de nuit représentait un réel progrès et que les amendements proposés par M. Yves Cochet paraissaient raisonnables. Il a néanmoins tenu à souligner que l'adoption de cette proposition n'était qu'une première étape et qu'il faudrait aboutir à une harmonisation de la législation européenne concernant les vols de nuit des avions afin d'éviter les risques de délocalisation d'activités économiques notamment dans les zones frontalières.

Prenant acte des progrès réalisés en matière de nuisances sonores aéroportuaires notamment avec la création de l'ACNUSA, il a enfin souhaité que des accords locaux soient encouragés pour définir des solutions adaptées aux contraintes économiques locales tout en limitant aux maximum les nuisances sonores pour les riverains des aéroports.

M. Jean Besson a rappelé que les aéroports disposaient d'une autonomie de gestion leur permettant de définir des solutions négociées avec les partenaires économiques et les associations de riverains qui lui paraissaient bien préférables à l'adoption d'une norme définie unilatéralement et uniformément pour l'ensemble du territoire national alors que les réalités locales sont très diverses. Il a souligné que la définition de solutions librement consenties par les parties prenantes permettait aussi d'éviter les délocalisations d'activités économiques. Il a enfin évoqué la nécessité de limiter les nuisances sonores nocturnes engendrées par le transport ferroviaire et le trafic des poids lourds.

M. Patrick Rimbert s'est félicité qu'il ait été possible de réaliser une synthèse entre les propositions de l'ACNUSA et celles de M. Yves Cochet afin de parvenir à une meilleure prise en compte des contraintes environnementales dans la limitation des nuisances sonores engendrées par les vols de nuit. Il s'est cependant interrogé sur la nécessité d'intervenir par voie législative pour mettre en _uvre des procédures visant à réduire les nuisances sonores dans les zones aéroportuaires, estimant préférable que des accords locaux, s'inspirant des recommandations de l'ACNUSA soient élaborés en concertation avec les associations de riverains et les partenaires économiques locaux afin de mieux tenir compte des spécificités des territoires. C'est pourquoi il a fait part de son souci d'aboutir à un régime souple et donc de son intention de sous-amender en ce sens l'amendement n° 1 de M. Yves Cochet.

M. Claude Billard a estimé que le report de la discussion des articles avait permis la prise en compte du rapport de l'ACNUSA et que les amendements proposés par le rapporteur témoignaient d'une réelle avancée. Il a fait valoir que si les nuisances engendrées par les vols de nuit existent, l'interdiction n'est cependant pas sans soulever des difficultés.

Il a ensuite approuvé l'observation formulée par M. Patrick Rimbert à propos de la référence aux conditions météorologiques dans le dernier alinéa du premier amendement du rapporteur. Il a jugé cette précision inutile et fait valoir qu'il était préférable de donner plus de souplesse au Gouvernement dans la rédaction du décret d'application. Ainsi, a-t-il indiqué, la charge des avions peut avoir des incidences très importantes sur le bruit des avions.

M. Yves Cochet, rapporteur, a tout d'abord salué le souci d'un développement durable animant les interventions des commissaires. Il a ensuite indiqué partager la volonté de M. Yves Bur de parvenir à une réduction de l'ensemble des nuisances sonores, indépendamment de leur source. Rappelant que le bruit, peut être parce que plus aisément perceptible que d'autres pollutions, était la nuisance la plus vivement ressentie par nos concitoyens, il a indiqué que le gouvernement avait mis en _uvre un plan de résorption des points noirs en matière de bruit auquel des moyens significatifs sont consacrés. Ainsi, plus de 100 millions de francs seront consacrés cette année à la lutte contre les nuisances sonores ferroviaires essentiellement par la réalisation de murs anti-bruit que peuvent également entreprendre les conseils régionaux comme le fait d'ores et déjà le Conseil régional d'Ile-de-France.

Puis, la commission est passée à l'examen des articles.

· Article 1er : Interdiction des mouvements nocturnes d'aéronefs

La commission a examiné un amendement du rapporteur portant rédaction globale de cet article et prévoyant que :

- sur les grands aérodromes, visés au 3 de l'article 266 septies du code des douanes, les décollages et atterrissages d'aéronefs ne peuvent être autorisés, sur une durée de 7 heures consécutives, s'ils provoquent un bruit supérieur à 85 décibels (A), mesuré à la limite extérieure de la zone B des plans d'exposition au bruit (PEB) ;

- cette disposition peut être étendue à d'autres aérodromes, sur proposition de l'ACNUSA et de la commission consultative de l'environnement compétente, dès lors qu'ils sont couverts par un plan d'exposition au bruit ;

- il revient à un décret de déterminer les modalités de mesure de la valeur de bruit, dans le cadre des conditions météorologiques de référence qu'il définit.

M. Jean-Yves Le Déaut a fait valoir que l'amendement du rapporteur allait parfaitement dans le sens de la réduction des nuisances sonores aéroportuaires mais s'est interrogé, comme MM. Patrick Rimbert et Claude Billard, sur la référence, dans la loi, aux conditions météorologiques.

Il a ensuite demandé des précisions sur la notion de décibels acoustiques et souhaité savoir combien d'aéroports seraient concernés par le dispositif du premier alinéa de l'article.

M. Yves Bur s'est interrogé sur l'opportunité d'une mesure du bruit au sol à la limite extérieure de la zone B du plan d'exposition au bruit. Il a fait observer que le rapport de l'ACNUSA s'appuyait sur une mesure en dehors des zones A et B.

Puis, la commission a été saisie d'un sous-amendement de M. Patrick Rimbert supprimant des conditions de référence la référence explicite aux conditions météorologiques.

Après avoir indiqué que le décibel acoustique était une unité de mesure permettant de pondérer le volume sonore pour prendre en compte les caractéristiques de l'oreille humaine et que seuls les plus grands aéroports étaient visés à l'article 266 septies du code des douanes, M. Yves Cochet, rapporteur, a rectifié son amendement pour indiquer que le décret d'application est pris après avis conforme de l'ACNUSA et a accepté le sous-amendement de M. Patrick Rimbert qui a été adopté.

La commission a alors adopté l'amendement de rédaction globale du rapporteur ainsi modifié.

· Article 2 : Dérogations

La commission a adopté un amendement du rapporteur portant rédaction globale de cet article et prévoyant que l'autorité administrative peut, à titre exceptionnel, autoriser le décollage ou l'atterrissage d'un aéronef en cas de force majeure, pour lui permettre d'accomplir une mission urgente à caractère sanitaire ou humanitaire, pour des missions liées à la défense nationale, à la sécurité civile ou publique, ou enfin en cas de retard dû à des raisons techniques indépendantes de la volonté du transporteur ou aux conditions météorologiques.

· Article 3 : Interdiction des essais de moteur

La commission a adopté un amendement du rapporteur portant rédaction globale de cet article et prévoyant que sur les plus grands aérodromes, les essais de moteurs nocturnes sont interdits sur une durée de sept heures consécutives, sauf en cas d'utilisation d'un dispositif d'atténuation de bruit. Il est en outre précisé que sur proposition de l'ACNUSA et de la commission consultative de l'environnement compétente, cette disposition s'applique aux aérodromes couverts par un plan d'exposition au bruit. En conséquence, un amendement de M. Lucien Guichon est devenu sans objet.

· Après l'article 3

La commission a examiné un amendement de M. Lucien Guichon portant article additionnel et visant à étendre à l'ensemble des aérodromes français civils et militaires l'application des dispositions de la loi n° 99-588 du 12 juillet 1999 portant création de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires. Le rapporteur a estimé que l'objectif de cet amendement pouvait être souhaitable mais qu'il avait privilégié un dispositif applicable sans qu'il soit nécessaire d'équiper l'ensemble des aéroports en capteurs de bruit, ce qui serait long et par ailleurs très coûteux; il a jugé préférable de laisser une marge de man_uvre à l'initiative locale dans ce domaine. En conséquence, la commission a rejeté cet amendement.

· Article 4 : Sanctions

La commission a adopté un amendement du rapporteur portant rédaction globale de cet article et prévoyant :

- que des amendes administratives peuvent être prononcées par l'ACNUSA, sur proposition de la Commission nationale de prévention des nuisances, à l'encontre de l'Etat lorsqu'il exerce une activité aérienne ;

- que le montant des amendes maximales est exprimé en euros ;

- que le produit des amendes est affecté à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ;

- enfin, que les dispositions relatives aux sanctions prononcées par l'ACNUSA s'appliquent à l'ensemble des aéronefs, y compris militaires.

· Article additionnel après l'article 4 : Rapport du Gouvernement

La commission a examiné un amendement de M. Claude Birraux portant article additionnel et disposant que le Gouvernement déposera, avant le 31 décembre 2002, un rapport sur les initiatives prises au niveau communautaire en matière de limitation des nuisances sonores aéroportuaires nocturnes, et un rapport sur celles prises au niveau de l'organisation de l'aviation civile internationale.

M. Denis Jacquat s'est prononcé en faveur de l'adoption de cet amendement qui, selon lui, permettrait aux responsables politiques de bénéficier d'une information fiable et objective sur un sujet qui donne souvent lieu à des interprétations erronées. M. Yves Cochet, rapporteur, a alors proposé un sous-amendement disposant qu'un rapport unique traiterait des deux questions évoquées par l'amendement que la commission a adopté. Puis, elle a adopté l'amendement portant article additionnel, ainsi modifié.

· Titre

La commission a adopté un amendement de coordination présenté par le rapporteur, portant rédaction globale du titre de la proposition de loi.

Puis, la commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi (n° 2946) ainsi modifiée et intitulée.


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