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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 37

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 mai 2001
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. André Lajoinie, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de loi de Mme Roselyne Bachelot-Narquin visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux familles ayant un enfant handicapé à leur charge (n° 613) - (Mme Roselyne Bachelot-NARQUIN, rapporteure).



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- Examen de la proposition de résolution de MM. Jean-Louis Debré, Jean-François Mattei et Philippe Douste-Blazy tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes notamment climatiques, environnementales et urbanistiques des inondations exceptionnelles afin d'établir les responsabilités, d'évaluer les coûts et de prévenir les crues à répétition (n° 2982) et la proposition de résolution de M. Jacques Fleury tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes des inondations répétitives et sur les moyens propres à faire face aux aléas climatiques (n° 3031) - (M. Eric DOLIGÉ, rapporteur). :








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La commission a examiné, sur le rapport de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, sa proposition de loi visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux familles ayant un enfant handicapé à leur charge (n° 613).

Mme Roselyne Bachelot, rapporteure, a indiqué que la proposition de loi dont elle est l'auteur porte sur le problème difficile qu'est l'insertion des personnes handicapées - et, plus spécifiquement, sur la question de leur accès au logement social.

Elle a rappelé qu'en matière d'accessibilité au logement, une série de dispositions législatives et réglementaires existe déjà. C'est ainsi que l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation impose que les dispositions architecturales et les aménagements de nombreux locaux soient tels que leur accessibilité soit garantie. Quant aux articles R. 111-18 et suivants du même code, ils imposent que la plupart des espaces des bâtiments d'habitation collectifs neufs soient adaptés aux personnes à mobilité réduite.

Mme Roselyne Bachelot, rapporteure, a estimé que la situation en matière d'attribution des logements sociaux apparaît en revanche moins satisfaisante. On constate par exemple que l'article L. 441-1 du code de la construction de l'habitation prévoit une attribution prioritaire aux personnes « mal logées ou défavorisées », sans faire expressément mention des personnes handicapées. On retrouve dans ces termes généraux l'inspiration commune à ces « cathédrales législatives » qu'affectionne l'actuelle majorité - qu'il s'agisse de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ou de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Ceci est d'autant plus regrettable que la mention du handicap comme élément de nature à justifier une priorité a également disparu de l'article R. 441-4 du même code.

Les associations représentant les personnes handicapées soulignent également le problème crucial de l'insuffisance de l'offre de logements adaptés. D'une part, en dépit des textes précités imposant aux logements neufs de présenter des caractéristiques d'accessibilité minimales, les bailleurs sociaux ne semblent satisfaire que très partiellement à leurs obligations. D'autre part, outre qu'il n'existe pas de fichier centralisé des logements adaptés qui permettrait aux associations d'orienter les demandeurs, l'attribution de tels logements laissés vacants par suite, par exemple, du départ de leur occupant, ne semble faire l'objet d'aucun suivi particulier.

Dans ce contexte, la proposition de loi n° 613 est modeste par son dispositif, mais plus ambitieuse par son objet. Elle vise en effet à permettre à des familles doublement fragiles - fragiles par la présence d'un enfant handicapé en leur sein, fragiles par leur niveau de revenu - d'être prioritaires dans l'attribution des logements sociaux.

M. Alain Cacheux a estimé que la proposition de loi de Mme Roselyne Bachelot-Narquin constituait une mauvaise réponse à une vraie question.

Il s'est tout d'abord félicité de ce que l'opposition semble avoir renoncé au discours caricatural et stigmatisant qu'elle avait adopté à propos du logement social lors de la discussion de l'article 55 de la loi SRU. Les choix opérés en la matière au cours des années soixante reposaient en effet sur des principes urbanistiques datés, fondés sur une minimisation de l'emprise au sol permettant de multiplier les espaces collectifs pour favoriser les contacts entre les individus ; ils ne sont plus de mise désormais.

Le problème majeur est aujourd'hui celui de l'insuffisance globale de l'offre de logements sociaux, qui appelle une vigoureuse politique de relance. Les mesures récemment présentées par le Gouvernement, qui permettent un meilleur financement de la construction locative sociale, présentent à ce titre un intérêt incontestable. Il a donc fait valoir que c'est d'abord à travers la reprise de la construction qu'une augmentation de l'offre de logements adaptés pourra être obtenue.

M. Alain Cacheux a également estimé qu'il fallait élargir l'attribution prioritaire de logements sociaux que la proposition accorde aux familles ayant à charge un enfant handicapé, aux personnes en situation de perte d'autonomie, comme le sont souvent les personnes âgées.

La multiplication de priorités d'attribution concomitantes risque en effet de vider les mécanismes existants de leur substance - ce qui avait précisément conduit la loi du 29 juillet 1998 précitée à refuser la logique d'une énumération par catégorie et à privilégier la référence plus générale aux personnes « mal logées ».

Il a par ailleurs observé que les travaux réalisés par les organismes constructeurs de logements sociaux pèsent lourdement sur les charges financières inscrites au compte d'exploitation. Une politique en faveur des personnes handicapées suppose une aide financière à ces organismes, qui pourrait prendre la forme d'une déduction totale ou partielle du coût des travaux réalisés, du montant de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) - en progression continue au cours des années récentes.

M. Georges Colombier a estimé que le mérite de cette proposition était d'aborder un sujet important dont on ne parlait pas suffisamment.

Il a regretté que les personnes handicapées ne soient pas nommément citées à l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation et a souligné l'intérêt de la proposition de loi, qui complète ces dispositions pour établir une priorité au bénéfice des familles ayant à leur charge un enfant handicapé.

M. Georges Colombier a insisté pour que cette proposition aboutisse. Dans le cas contraire, il faudrait étudier la possibilité de recourir au mécanisme des contingents préfectoraux : le préfet dispose en effet, en vertu de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 441-1 et de l'article R. 441-5 du code de la construction et de l'habitation, d'un droit de réservation de 30 % des logements, qui pourrait être utilisé au profit des personnes handicapées.

M. Georges Colombier a rappelé que, plus globalement, il convenait de réfléchir aux moyens financiers à mobiliser afin de rendre les logements sociaux accessibles aux personnes handicapées - qu'il s'agisse d'enfants, d'adultes ou de personnes âgées dépendantes.

M. Léonce Deprez a déclaré que l'esprit de cette proposition de loi, ainsi que son objectif, ne pouvaient qu'être approuvés.

Il a en revanche estimé qu'il convenait, à l'Assemblée nationale comme dans d'autres instances, d'éviter un langage stigmatisant pour qualifier les logements considérés.

Il a jugé néfaste de perpétuer des formulations classant les logements en catégories, qui traduisent des différences de classe et de niveau de vie dommageables à la cohésion sociale et souhaité que soit utilisé le terme de « logement à loyer modéré », plus neutre, notamment vis-à-vis de la population jeune.

M. Patrick Ollier, s'exprimant au nom du groupe RPR, a souligné le caractère incontestablement généreux de cette proposition de loi et a émis le v_u qu'elle aboutisse, même si des mesures d'ordre réglementaire auraient peut-être pu remplir le même objectif.

Il a rappelé qu'il convenait ainsi de marquer l'attention des pouvoirs publics à l'égard de familles qui doivent assumer de lourdes charges.

M. Francis Hammel a estimé que la proposition de loi de Mme Roselyne Bachelot-Narquin partait d'un excellent sentiment, mais qu'il était souhaitable d'ouvrir le champ d'application du texte - notamment, comme le souhaite M. Alain Cacheux, aux « personnes en situation de perte d'autonomie ».

Il a dit partager l'analyse de M. Alain Cacheux, selon laquelle la construction de logements sociaux constitue un préalable à toute action en faveur des handicapés.

Il a souligné qu'un dispositif législatif cohérent existe déjà, notamment depuis la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions et la loi SRU. Les dispositions contenues dans ces lois doivent simplement être appliquées, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

M. André Lajoinie a rappelé que cette proposition ne pouvait aboutir que si un compromis était trouvé entre la majorité et l'opposition.

Il a souligné qu'il convenait d'ouvrir le dispositif aux personnes adultes handicapées et, plus largement, à toute personne ayant perdu son autonomie.

En réponse aux différents intervenants, Mme Roselyne Bachelot a regretté que certains tentent d'utiliser un artifice parlementaire consistant à élargir l'objet de la proposition de façon à la vider de toute substance. Elle a estimé que, face à un problème précis et ponctuel, la perspective d'un grand programme de relance de l'offre locative sociale n'était pas une réponse convaincante, et rappelé que les personnes handicapées représentent aujourd'hui 10 % de nos concitoyens.

· Examen de l'article unique

La commission a rejeté un amendement de rédaction globale présenté par M. Alain Cacheux, mentionnant les personnes en situation de perte d'autonomie parmi celles qui sont susceptibles de bénéficier d'une priorité d'attribution, la rapporteure ayant exprimé un avis défavorable fondé sur l'imprécision de la formulation proposée.

La commission a en revanche adopté un amendement de rédaction globale de la rapporteure, accordant une priorité pour l'attribution de logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne dans cette situation, après que M. Alain Cacheux eut indiqué que le groupe socialiste s'abstenait.

· Article additionnel après l'article unique

La commission a adopté à l'unanimité un amendement de M. Alain Cacheux, prévoyant la déductibilité de la taxe foncière acquittée sur les propriétés bâties, des dépenses engagées par les organismes d'habitation à loyer modéré pour assurer l'accessibilité et l'adaptation des logements.

· Titre

La commission a adopté un amendement de la rapporteure rectifiant le titre de la proposition de loi pour tenir compte de l'amendement de rédaction globale précédemment adopté.

La commission a ensuite adopté la proposition de loi n° 613 ainsi modifiée et intitulée.

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La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Eric Doligé, la proposition de résolution de MM. Jean-Louis Debré, Jean-François Mattei et Philippe Douste-Blazy tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes notamment climatiques, environnementales et urbanistiques des inondations exceptionnelles afin d'établir les responsabilités, d'évaluer les coûts et de prévenir les crues à répétition (n° 2982) et la proposition de résolution de M. Jacques Fleury tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes des inondations répétitives et sur les moyens propres à faire face aux aléas climatiques (n° 3031).

M. Eric Doligé, rapporteur, a tout d'abord souligné que si le thème de la prévention et de la gestion des inondations était en soi un sujet qui méritait d'être étudié avec intérêt, il s'inscrivait malheureusement dans l'actualité et devrait donc être traité « à chaud ». Notant que deux propositions de résolution visant à créer une commission d'enquête sur les causes des inondations avaient été déposées sur le bureau de l'Assemblée nationale, il a relevé qu'elles étaient identiques en de nombreux points et s'est déclaré confiant en la capacité des commissaires à aboutir à un dispositif unique.

Puis, évoquant les inondations récentes survenues dans les départements de la Vilaine, de la Somme et aujourd'hui du Cher, il a constaté que de tels événements étaient de plus en plus fréquents et d'une ampleur croissante. Cette situation, conjuguée à l'inefficacité de l'action des pouvoirs publics et à la carence des politiques de prévention, explique que nos concitoyens soient pour la plupart excédés. Le Parlement n'a pas souhaité rester passif dans un tel contexte ; en outre, l'examen du futur projet de loi sur l'eau, dont les avant-projets traitent peu des politiques à mener en matière d'inondations, constituerait un support judicieux pour intégrer les propositions qui pourraient émaner d'une commission d'enquête, si celle-ci devait être créée.

Puis, le rapporteur a indiqué que Mme Marylise Lebranchu, Garde des Sceaux, ministre de la justice, ayant fait savoir qu'aucune poursuite judiciaire n'était en cours sur les faits ayant motivé le dépôt des deux propositions de résolution, ces dernières étaient recevables.

S'agissant de l'opportunité de créer une commission d'enquête, il a estimé qu'elle ne faisait aucun doute. Il convient tout d'abord de tirer les leçons du caractère répétitif d'inondations de grande ampleur sur les vingt dernières années, ces catastrophes ayant malheureusement causé de nombreuses morts et des dégâts matériels très importants. Elles ont en outre pris des formes variées, qui ont dû être différemment gérées. Il serait donc particulièrement opportun qu'une commission d'enquête dresse un état des connaissances en la matière et qu'elle établisse quelles ont été les causes des inondations passées, que celles-ci aient été liées aux remembrements, aux drainages, à des facteurs climatiques, à un défaut d'entretien des rivières ou encore à certaines pratiques urbanistiques. Une telle analyse permettrait d'évaluer la pertinence du dispositif de gestion et de prévention des inondations, dont l'application reste variable selon les circonstances.

Il conviendrait également qu'une commission d'enquête étudie les modalités de gestion des crises dues à des inondations, l'impression dominante étant celle d'une gestion au coup-par-coup qui manque de cohérence et de continuité. Il est nécessaire de gérer à la fois la crise et la « post-crise », bien que l'on constate souvent un retrait des pouvoirs publics sur le moyen terme. Il serait, à cet égard, judicieux qu'une commission d'enquête établisse un bilan, notamment financier, des crises et qu'elle propose un cadre juridique permettant d'inscrire la gestion des inondations dans la durée.

L'inadaptation du dispositif juridique de prévention des inondations plaide également en faveur de la création d'une commission d'enquête. Certes, la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite loi « Barnier », a permis de simplifier un système confus qui reposait sur une multiplicité d'instruments, tels que les plans de surfaces submersibles, les plans d'exposition aux risques ou les projets d'intérêt général, auxquels la loi précitée a substitué un dispositif unique, le plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPR). Cela était certes une bonne initiative, mais dès la création des PPR, M. Pierre Albertini, député, soulignait que tout dépendrait de la manière dont ces plans seraient utilisés. Un rapport récent de la Cour des Comptes relatif à la prévention des inondations en France, montre que les résultats ne sont pas brillants. Le nombre de PPR approuvés reste insuffisant. Les difficultés rencontrées pour les appliquer sont en outre largement liées au fait que ces plans n'ont pas été élaborés comme le souhaitait le Parlement, en combinant un volet réglementaire et un volet comportant des mesures complémentaires résultant d'une large concertation locale. En pratique, la concertation entre l'Etat et les collectivités locales est rare, ce qui conduit ces dernières à concevoir les PPR davantage comme une obligation que comme un outil efficace de partenariat pour prévenir les risques naturels. Les mesures complémentaires souffrent, quant à elles, de financements insuffisants. Enfin, les périmètres des PPR sont souvent restreints, alors qu'il serait plus pertinent d'appréhender la prévention des inondations à l'échelle des bassins versants.

S'agissant du financement de la prévention, il se caractérise par une approche économique du risque trop succincte. Les analyses des coûts, a priori et a posteriori, sont souvent peu exploitées, et mériteraient une étude approfondie de la part d'une commission d'enquête, qui pourrait alors formuler des propositions sur les modalités de financement de la prévention. Les coûts des inondations sont en effet considérables, puisqu'on les estime à 3 milliards de francs par an, dont la moitié environ est indemnisée par les compagnies d'assurance.

Enfin, il serait opportun de créer une commission d'enquête pour étudier la question de la répartition des responsabilités en matière d'inondations, qui se caractérise aujourd'hui par une totale confusion. Les responsabilités étant éclatées entre les élus, l'Etat et les services techniques, on en vient à ne plus savoir qui est responsable, et quand. Ainsi, c'est le maire qui a l'obligation de prévenir la population de la montée des eaux, mais il revient à l'Etat d'assurer une alerte météorologique auprès des communes. L'Etat organise une annonce des crues, mais cela ne constitue pas une obligation légale ; sa responsabilité n'est engagée qu'en cas de faute lourde. Le maire est responsable de la protection contre les dangers d'inondations, au titre de ses pouvoirs de police, mais lorsque l'ampleur de l'inondation risque de dépasser les capacités de la commune, il doit provoquer l'intervention du préfet. Tous ces exemples montrent qu'une simplification du système actuel est nécessaire.

En raison de l'ensemble de ces éléments, le rapporteur a estimé que la création d'une commission d'enquête portant sur les causes des inondations exceptionnelles afin d'établir les responsabilités, d'évaluer les coûts et de prévenir les inondations à répétition était désormais indispensable. Elle permettrait à la fois de tirer les leçons du passé, de dresser un bilan de l'application des recommandations émises en 1994 par la précédente commission d'enquête portant sur le sujet et d'évaluer l'efficacité du dispositif juridique actuellement en vigueur en matière de prévention et d'indemnisation. En outre, les conclusions et propositions de cette commission pourraient utilement être intégrées dans le futur projet de loi sur l'eau que le Parlement aura bientôt à examiner. En conclusion, M. Eric Doligé, rapporteur, a émis le souhait que la commission de la production et des échanges adopte un dispositif intégrant les préoccupations de l'ensemble des commissaires.

Puis, M. Jacques Fleury a estimé que l'actualité montrait combien la création d'une commission d'enquête était nécessaire pour tirer les leçons des inondations et s'adapter à l'apparition de nouvelles exigences et de nouveaux problèmes. A cet égard, il a souligné l'originalité de la situation du bassin de la Somme, caractérisée par la durée des inondations, puisque selon certaines estimations, elles pourraient ne se résorber que d'ici six mois. La situation est donc totalement différente et peut être plus catastrophique que celle que l'on a pu connaître dans l'Aude en 1999, où les inondations ont été beaucoup plus brèves. Dans la Somme, de nombreux secteurs économiques sont désormais paralysés : les agriculteurs ne peuvent ni semer ni récolter et les commerces et entreprises, lorsqu'ils n'ont pas été inondés, souffrent du blocage des voies de circulation. Les conséquences économiques, patrimoniales et sociales des inondations devraient donc être particulièrement lourdes et il serait nécessaire qu'une commission d'enquête entreprenne de les recenser et de les analyser. Cela permettrait en conséquence d'élargir le champ de la prévention et d'éviter d'octroyer des financements à des investissements destinés à être victimes d'inondations répétitives.

Enfin, si les inondations de la Somme ont été très médiatisées en raison de leur caractère spectaculaire, il conviendrait qu'une commission d'enquête étudie certaines conséquences des intempéries parfois passées sous silence, notamment l'apparition d'affaissements de terrains et de véritables puits. Ainsi, dans la Somme, près de huit cents phénomènes de ce type se sont produits, sous des habitations, des parcelles cultivées ou encore des routes. L'évacuation de nombreux logements s'est révélée nécessaire, sans possibilité pour les habitants d'en reprendre possession avant qu'ait été certifiée leur viabilité. De tels problèmes méritent d'être étudiés par une commission d'enquête, qui pourrait utilement élargir son champ d'investigation aux conséquences des intempéries.

Puis, M. Philippe Duron a estimé que MM. Eric Doligé, rapporteur, et Jacques Fleury, avaient bien montré combien il importait d'étudier de nouveau le phénomène des inondations et les instruments disponibles pour les prévenir et les gérer, ce sujet ayant par ailleurs été fort bien traité par M. Thierry Mariani dans le cadre de la commission d'enquête de 1994.

Il a souligné que les inondations actuelles étaient liées à la fois à un phénomène climatique d'ampleur exceptionnelle et à une remontée des eaux des nappes souterraines. Pour y faire face, il a estimé indispensable d'améliorer la collecte des données afin d'assurer une information rapide et fiable des élus et des populations. Réservé sur l'opportunité de retirer aux maires les moyens de gérer ces crises, il a jugé nécessaire de les faire bénéficier plus largement des travaux d'analyse et de prévision menés par les services de l'État.

S'agissant de la politique de prévention, notamment en matière d'urbanisme, il s'est félicité de la montée en puissance des PPR, mais il a estimé souhaitable d'aller plus loin, notamment grâce aux schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) dont l'élaboration est lourde et complexe et dont il conviendrait de réformer la procédure, notamment s'agissant du rôle des commissions locales de l'eau ;

Soulignant que la stratégie des compagnies d'assurances obéissait à une logique d'indemnisation, il a jugé qu'il fallait les inciter à faire mieux et notamment encourager les mesures individuelles de prévention, par exemple en cas de réhabilitation des logements pour le choix des matériaux. On peut aujourd'hui craindre pour l'avenir du dispositif d'indemnisation, qui date de 1982 ; l'État a ainsi dû l'abonder à hauteur de 2,4 milliards de francs ;

Enfin, - a-t-il observé - même si le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts (CEMAGREF) a mené des travaux d'évaluation du coût global des inondations pour les collectivités qui en sont victimes, les coûts économiques, directs et indirects, des inondations, ne sont pour l'instant pas bien connus et il est nécessaire de les étudier en prenant en compte les dommages subis par l'ensemble des acteurs économiques (agriculteurs, artisans, commerçants ou encore industriels).

M. Philippe Duron a conclu que compte tenu de ces éléments, la création d'une commission d'enquête était tout à fait justifiée.

M. Jean Launay a estimé que la mise en place d'une commission d'enquête pourrait être l'occasion, au-delà des événements récents, d'aborder d'autres questions importantes comme celles de la connaissance et de la cartographie des zones inondables, de l'information fournie à la population et portée à la connaissance des élus, de la gestion des procédures d'alerte, des travaux d'aménagement, des procédures applicables en situation de crise, comme les plans communaux de secours, ou encore la question de l'organisation de « retours d'expérience » à l'issue des inondations.

La commission devra également s'efforcer de définir une approche méthodique de la gestion des crises, opérationnelle quel que soit le lieu sur lequel le sinistre se produit, et, par une mise en commun des expériences, effectuer un travail de synthèse sur les politiques conduites à l'échelle des bassins versants, notamment par les établissements publics territoriaux de bassin.

M. Léonce Deprez a souligné que les difficultés rencontrées aujourd'hui révèlent les carences des politiques d'aménagement du territoire conduites au cours des années récentes et l'abandon de toute politique nationale et volontariste en la matière. Il faut donc souhaiter que le rôle de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) soit réévalué et que celle-ci se voie reconnaître une place majeure, inspiratrice de l'action des pouvoirs publics.

Il convient également de renforcer la politique d'aménagement des bassins versants. Il est néanmoins regrettable que la procédure d'élaboration des SAGE soit si lourde ; il a ainsi fallu près de dix ans pour élaborer le schéma d'aménagement et de gestion des eaux en Pas-de-Calais.

Quant aux inondations, elles ont largement pesé sur la situation de la SNCF et celle de ses usagers, de sorte qu'il serait opportun que la commission d'enquête puisse analyser les surcoûts ainsi induits - et que l'électrification de la ligne reliant le Pas-de-Calais et l'Ile-de-France soit enfin décidée.

M. Jacques Masdeu-Arus s'est déclaré préoccupé par la fréquence croissante de l'élévation du niveau de la Seine dans les Yvelines et a déploré que de nombreux équipements collectifs, tels des équipements sportifs, ne puissent fonctionner normalement en raison des inondations. Estimant nécessaire d'étudier avec attention la situation et la manière dont sont régulés les bassins de retenue, ainsi que l'urbanisation en Ile-de-France, qui contribue à imperméabiliser les sols, il s'est demandé si les capacités des bassins de retenue étaient aujourd'hui suffisantes. Il a par ailleurs souligné les problèmes d'affaissement des berges de la Seine, du fait de la circulation fluviale et a déploré l'absence de curage des fleuves, alors qu'une telle mesure de prévention coûterait moins cher que la gestion des inondations. Relevant que s'il appartenait aux PPR d'éviter une urbanisation excessive des zones inondables, certains espaces avaient néanmoins fait l'objet de constructions pour lesquelles des digues ont ensuite dû être érigées, il a insisté sur la nécessité de développer et d'améliorer le dispositif actuel en matière de prévention.

Puis, M. Jacques Fleury a déclaré qu'il n'était pas sûr que la politique d'aménagement du territoire soit la plus appropriée pour résoudre le problème des inondations. Citant l'exemple des inondations par montée des nappes souterraines, il a jugé nécessaire de réfléchir aux actions à mener dans de tels cas, pour lesquels le dispositif actuel n'est pas adapté. Rappelant que seulement deux ans auparavant, on s'inquiétait dans la Somme d'un éventuel assèchement, il a estimé que ces circonstances nouvelles exigeaient de nouvelles réponses, auxquelles la commission d'enquête aurait à travailler.

Puis, la commission est passée à l'examen de l'article unique.

· Article unique : Création d'une commission d'enquête

La commission a examiné un amendement de M. Jacques Fleury, visant à préciser que figurent notamment, parmi les causes des inondations répétitives, l'utilisation des sols et la gestion des cours d'eau à l'échelle des bassins versants et tendant à introduire, dans le champ d'investigation de la commission d'enquête, les conséquences des intempéries, l'adéquation des outils d'indemnisation et les mesures permettant d'assurer, face à l'aléa climatique, la continuité de l'activité humaine.

M. Eric Doligé, rapporteur, a déclaré partager l'ensemble des préoccupations exprimées par les commissaires, tout en restant dubitatif quant au rôle que pourrait jouer la DATAR en matière de prévention des inondations. Soulignant la communauté d'intérêts des élus de zones ayant fait ou pouvant faire l'objet d'inondations, il a présenté un amendement portant rédaction globale de l'article unique et opérant une synthèse entre le texte de la proposition de résolution de M. Jean-Louis Debré et celui proposé par M. Jacques Fleury. Après que le rapporteur eut signalé qu'il avait en outre introduit dans le dispositif la nécessité d'évaluer les outils d'alerte ainsi que celle de respecter les sites et paysages, M. Jacques Fleury a proposé une modification rédactionnelle que le rapporteur a acceptée. Puis, M. Christian Bataille a déclaré que sous réserve de la modification rédactionnelle proposée par M. Jacques Fleury, le groupe socialiste était favorable au dispositif présenté par le rapporteur. M. Léonce Deprez, s'exprimant au nom du groupe UDF, a également déclaré approuver la proposition de rédaction globale rectifiée du rapporteur.

La commission a adopté l'amendement rectifié du rapporteur portant rédaction globale de l'article unique.

· Titre

La commission a adopté un amendement de coordination présenté par le rapporteur.

Puis, elle a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée et intitulée.


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