Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission de la commission de la production et des échanges (2001-2002)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 11 octobre 2001
(Séance de 17 heures 30)

Présidence de M. André Lajoinie, Président

SOMMAIRE

 

page

- Désignation d'un rapporteur sur la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne sur la proposition de directive du Parlement et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (COM (2000) 319/E 1520) et examen de cette proposition de résolution




2

   

La commission a tout d'abord désigné M. François Brottes, pour la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne sur la proposition de directive du Parlement et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (COM (2000) 319/E 1520) et procédé à l'examen de cette proposition de résolution.

M. François Brottes, rapporteur, a tout d'abord rappelé l'obstination de la Commission européenne à faire adopter, contre l'avis du Parlement européen, une modification de la directive très libérale. Il a précisé que cette proposition tendait notamment à faire passer le seuil de poids des services réservés de 350 à 50 grammes et le seuil de prix de cinq fois le tarif postal de base à 2,5 fois celui-ci.

Il a souligné que le Parlement européen avait en revanche une position intéressante et que celui-ci déplorait d'ailleurs que la commission n'ait pas procédé à une étude d'impact préalable sérieuse, pays par pays. Le rapporteur a en effet rappelé que les situations des secteurs postaux de chaque Etat membre étaient très différentes puisqu'il est évident, par exemple, que la fourniture du service universel postal est beaucoup plus coûteuse dans les Etats membres qui comprennent d'importantes zones montagneuses ou insulaires. Il a remarqué que de telles situations rendaient nécessaires un périmètre des services réservés suffisant pour pouvoir financer le service universel.

Il a ensuite indiqué que le projet compromis préparé par la présidence belge du Conseil ne lui paraissait pas non plus acceptable. Il a précisé que deux éléments devaient toutefois être pris en compte :

- la nécessité de modifier la directive avant le 1er juin 2003 puisque la Commission pourrait imposer unilatéralement de nouvelles règles dans un souci exclusif de fonctionnement de la concurrence si la directive devient caduque à cette date ;

- la capacité de la Commission à peser dans la procédure dite de codécision dans la phase où le Conseil est saisi des amendements à sa position commune adoptés par le Parlement européen puisque l'unanimité, en pratique très difficile à réunir, est alors nécessaire pour accepter des amendements sur lesquels la Commission a émis un avis négatif.

Le rapporteur a donc jugé que seule la Commission pouvait avoir intérêt à chercher à gagner du temps, qu'elle disposait des pouvoirs nécessaires pour le faire et s'est demandé, au vu de son comportement, si telle n'était pas l'explication de son attitude.

Il a ensuite précisé qu'il était probable que la procédure aboutisse à la réunion d'un comité de conciliation chargé d'aboutir à un accord entre le Conseil et le Parlement européen. Il a jugé que cet accord se ferait donc probablement sur une position comprise entre celle adoptée par le Parlement européen en décembre 2000 et celle que définira le Conseil, la semaine prochaine. Cette réunion du Conseil, a-t-il précisé, sera donc d'une grande importance et il est nécessaire qu'elle aboutisse à une position commune préservant le périmètre des services réservés. Le rapporteur a donc jugé que l'Assemblée nationale devait réaffirmer, dans la perspective de cette négociation, sa volonté concernant le service public postal.

Puis, il a déploré que la Commission ait, en modifiant sa proposition, si peu tenu compte des votes très larges du Parlement européen, dont les membres sont pourtant élus au suffrage universel. Il a également relevé que la Commission semblait marquer peu d'intérêt pour les avancées réalisées lors du sommet de Nice en matière de services d'intérêt économique général.

Le rapporteur a ensuite rappelé que la France n'était pas isolée dans cette négociation et a illustré son propos en citant des extraits d'une proposition de résolution relative au service universel dans le cadre de la libéralisation européenne du secteur des services postaux et des télécommunications adoptée par la commission de l'infrastructure, des communications et des entreprises publiques de la Chambre des représentants de Belgique, Etat qui préside le Conseil.

Après avoir déclaré partager très largement l'exposé du rapporteur, M. Jean Besson a rappelé que la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications avait récemment défendu les seuils de 150 grammes et trois fois le tarif de base en 2003, seuls compatibles, selon elle, avec une ouverture progressive du marché postal à la concurrence. Or, a-t-il indiqué, la proposition de résolution a fixé le seuil du tarif à quatre fois le tarif de base ; il a donc estimé qu'il serait délicat d'adopter une position différente de celle de la Commission supérieure. Il a en outre regretté que les amendements présentés par le rapporteur, par ailleurs très satisfaisants, ne fassent aucune allusion au choix d'un processus de libéralisation à étapes. Il a jugé qu'il serait pourtant important d'insister sur la nécessité de pratiquer un audit de l'étape écoulée avant toute étape ultérieure, car la libéralisation n'est pas un objectif en soi mais un moyen et qu'il convenait donc de justifier à la fin de chaque étape l'opportunité d'aller plus loin dans la libéralisation.

M. François Brottes, rapporteur, a rappelé que la Commission européenne avait fixé l'étape ultime à 2009, année de libéralisation totale. Il a jugé que les députés devaient manifester une opposition absolue à cette décision, qui ne relève pas seulement de la provocation, mais traduit la conviction de ses auteurs. Puis, il a estimé que toute référence au respect d'un calendrier en trois étapes cautionnerait nécessairement l'idée d'une libéralisation progressive du secteur. Il a toutefois exprimé son accord à l'éventuelle introduction, dans la proposition de résolution, de la notion de bilan d'étape. Il a en outre souligné que la position de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications avait été définie avant le vote du Parlement européen. Il a jugé qu'il serait regrettable que l'Assemblée nationale adopte une position en retrait par rapport à ce dernier, d'où le choix d'un seuil fixé à quatre fois le tarif de base.

M. André Lajoinie, président, a fortement déploré que la Commission européenne refuse de procéder à un audit avant de passer à une nouvelle phase de libéralisation, cette attitude de la Commission ne se limitant pas aux services postaux mais concernant la plupart des services d'intérêt général. Il a souligné qu'il s'agissait en quelque sorte d'une position de principe, la libéralisation devant être poursuivie coûte que coûte.

En réponse, M. François Brottes a reconnu la nécessité de procéder à des études d'impact par pays similaires à celles qui sont menées lorsque des fusions d'entreprises qui risquent de menacer le libre jeu de la concurrence sont envisagées. Il a insisté sur le fait que la Commission européenne disposait de tous les moyens nécessaires pour réaliser de tels audits, comme le démontrent les capacités qu'elle met en _uvre pour étudier les fusions d'entreprises.

La commission a ensuite procédé à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

· Article unique

La commission a tout d'abord adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser que c'est la libéralisation qui rend nécessaire la préservation du service universel et non l'inverse, comme l'énonce la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne.

Puis, le rapporteur a présenté un amendement mettant l'accent sur les acquis du Conseil européen de Lisbonne du point de vue des services d'intérêt économique général. La commission a adopté cet amendement.

Elle a également adopté un amendement du rapporteur soulignant les effets pervers constatés dans certains Etats membres ayant procédé à des libéralisations très larges de leurs secteurs postaux, après que le rapporteur eut précisé qu'il proposerait la suppression de la mention de la Suède qui figure dans le texte adopté par la délégation pour l'Union européenne.

Puis, la commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que la libéralisation ne peut être un objectif en soi et supprimant la mention du rôle des services d'intérêt économique général dans le modèle social européen.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur disposant que, comme celui du service universel, le périmètre des services réservés doit évoluer en fonction des progrès technologiques.

Puis, la commission a examiné un amendement du même auteur relatif au périmètre des services réservés.

Le rapporteur a rappelé que la rédaction adoptée par la Délégation pour l'Union européenne insistait sur la nécessité de définir précisément les services spécifiques qui ne peuvent être réservés et demandait que la libéralisation du courrier transfrontalier sortant fasse l'objet de dérogations. Il a jugé que la notion de services spécifiques était dangereuse et susceptible de permettre de contourner les règles régissant les services réservés dont le périmètre sera également réduit pour la libéralisation du courrier transfrontalier sortant. Le rapporteur a donc estimé qu'il était préférable de s'opposer fermement, tant à l'introduction de services spécifiques, qu'à la libéralisation du courrier transfrontalier sortant.

M. Jean Besson a souligné qu'en l'absence de régulateur, la notion de services spécifiques était effectivement dangereuse puisqu'elle pouvait permettre de contourner les règles relatives aux services réservés, au fur et à mesure de la création de nouveaux produits postaux. Il a toutefois estimé que l'apparition de ces nouveaux produits était inéluctable et qu'il pouvait donc être pertinent d'encadrer leur développement en fixant des règles précises.

Après que le rapporteur eut réaffirmé que la meilleure solution lui paraissait une opposition ferme au principe même des services spécifiques, la commission a adopté l'amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement du rapporteur visant à supprimer une référence à l'étape de libéralisation de 2009. Le rapporteur a jugé nécessaire de dénoncer très clairement la perspective inacceptable d'une libéralisation totale des services postaux. Il a ensuite indiqué modifier son amendement pour souligner, conformément au souhait exprimé par le président et par M. Jean Besson, la nécessité que toute évolution normative soit précédée d'un bilan préalable, pays par pays, des règles en vigueur.

La commission a adopté l'amendement du rapporteur ainsi rectifié.

Elle a également adopté un amendement du même auteur supprimant, d'une part, l'alinéa, un peu provocateur, faisant référence, de façon explicite, à l'expérience suédoise, et d'autre part, l'alinéa, faisant référence à une évolution par étapes, le rapporteur ayant jugé qu'en accepter le principe cautionnait la logique, condamnable, de libéralisation progressive et inéluctable.

Puis, la commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que l'Assemblée nationale soutient la position exprimée par le Parlement européen.

Un débat s'est ensuite engagé sur le dernier alinéa de la proposition de résolution qui exprime le souhait que soit édictée une directive cadre relative aux services d'intérêt général. Le rapporteur a estimé que cette question, qui ne concerne qu'indirectement le secteur postal, risquait d'affaiblir la portée de la résolution, par ailleurs très concrète. Il a en outre souligné le risque qu'un débat de principe sur les services d'intérêt économique général donne l'occasion à la commission de procéder à de nouvelles man_uvres dilatoires.

Après que M. Jean Besson eut rappelé qu'il était toujours dangereux, en matière communautaire, de s'écarter de la spécificité de chaque secteur, les règles générales s'inscrivant, en général, dans une approche très libérale, la commission a adopté un amendement proposé par le rapporteur de suppression de cet alinéa.

Puis, la commission a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.

--____--


© Assemblée nationale