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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 5

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 16 octobre 2001
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. André Lajoinie, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville sur les crédits de son département pour 2002


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- Examen pour avis des crédits pour 2001 :

 

Ville et intégration (M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur)

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La commission a entendu M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur les crédits de son département pour 2002.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a indiqué que son audition par la commission de la production et des échanges intervient moins de quinze jours après l'important Comité interministériel des villes (CIV) du 1er octobre dernier, qui a mis en lumière le bilan gouvernemental et les perspectives de la politique de la ville.

Le ministre a estimé que celle-ci a véritablement changé de dimension depuis trois ans, depuis que le CIV du 30 juin 1998 l'a recentrée sur ces trois priorités que sont l'emploi, la sécurité et l'éducation. Le CIV du 2 décembre 1998 en a ensuite élargi le cadre, en l'insérant au sein des contrats de plan Etat-régions (CPER), en lui conférant une dimension intercommunale et en ralliant de nouveaux partenaires comme les conseils généraux. Il s'est également attaché à simplifier les procédures de financement, dont la lourdeur était devenue incompréhensible pour les acteurs locaux - et notamment, pour les associations qui contribuent largement à la mise en _uvre de cette politique sur le terrain.

Les 247 nouveaux « contrats de ville » 2000-2006 sont dotés par l'Etat de 18 milliards de francs de crédits, alors que le XIème Plan n'avait prévu qu'une dotation de 9 milliards de francs.

Le budget du ministère délégué à la ville est ainsi passé de 115,1 millions d'euros en moyens de paiement en 1998 à 372,2 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2002, ce qui correspond à une croissance de 223 %.

Cette progression a permis de remettre à niveau les moyens destinés à renforcer les contrats de ville autour des priorités précédemment mentionnées. La quasi totalité des contributions des différents ministères a, par ailleurs, été regroupée sur la ligne budgétaire du Fonds interministériel des villes (FIV).

Le CIV du 14 décembre 1999 a ensuite témoigné de la volonté d'aller au-delà d'un cadre d'intervention traditionnel et d'engager un programme de renouvellement urbain, centré autour de cinquante « grands projets de ville » (GPV) et trente opérations de renouvellement urbain (ORU). Ce programme a été doté de 5 milliards de francs de crédits pour la période 2001-2006 et est adossé à une enveloppe de prêts à taux bonifié à 3 % de la Caisse des dépôts et consignations. Un Fonds de renouvellement urbain (FRU) a été créé, doté de 3 milliards de francs de crédits et alimenté par les fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations.

Le ministre a indiqué que la politique de renouvellement urbain s'est accompagnée de la mise en place de trois dispositifs essentiels pour la vie économique et sociale des quartiers populaires :

- un Fonds de revitalisation économique (FRE), destiné à soutenir les activités existantes et à inciter à l'installation de nouvelles activités. Il est doté en 2001 de deux enveloppes de 250 millions de francs chacune, respectivement destinées à soutenir le tissu commercial et à favoriser les investissements privés ;

- un programme de 150 équipes « emploi-insertion », destiné à accompagner les publics en difficulté dans leur parcours vers l'emploi ; 65 de ces équipes sont aujourd'hui en place et regroupent, autour d'un agent mis à disposition par l'ANPE, un agent des missions locales et des intervenants sociaux ;

- un programme de recrutement en trois ans de dix mille « adultes-relais », travaillant à renforcer le lien social et contribuant à aplanir les conflits de la vie quotidienne. A ce jour, 1 100 recrutements ont été effectués et il est proposé, dans le projet de loi de finances pour 2002, de lever l'impossibilité de créer de tels emplois dans les collectivités locales et leurs établissements. Cette ouverture permettra de donner une pleine signification à la décision du Conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001, de recruter 4 000 « adultes-relais » pour les contrats locaux de sécurité (CLS), ainsi qu'aux décisions prises en liaison avec le ministre de l'éducation nationale de créer 1 000 postes dans le cadre de la lutte contre la violence à l'école ou avec le ministère du logement, de recruter 1 500 « adultes-relais » dans les HLM.

M. Claude Bartolone a estimé que les nouveaux outils et moyens supplémentaires de la politique de la ville ont été bien accueillis sur le terrain, parce qu'ils correspondaient à une attente réelle des acteurs et qu'ils ont permis d'élargir les partenariats.

C'est la raison pour laquelle le Comité interministériel des villes du 1er octobre dernier a décidé de prolonger les efforts déjà accomplis, dans trois directions :

- la lutte contre les « cités-dortoirs » : il s'agit d'élargir à 40 sites supplémentaires les crédits exceptionnels de renouvellement urbain, de porter le rythme de démolitions de logements sociaux obsolètes à 30 000 par an, d'intensifier les efforts de remise à niveau du bâti et de faire émerger une nouvelle offre de logements sociaux dans le cadre des dispositions de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU). Il s'agit également d'apporter des aides aux copropriétés en difficulté, ou encore de lancer des travaux de desserte de certains quartiers et de réduction des coupures urbaines, qui les maintiennent en marge des agglomérations ;

- l'amélioration de la qualité de vie dans les villes : les organismes d'habitations à loyer modéré bénéficieront d'un milliard de francs supplémentaires pour améliorer l'environnement des quartiers, tandis que la présence humaine sera renforcée par des gardiens d'immeuble et par des « adultes-relais » dans les collectivités locales, les écoles et les HLM. Les professionnels de santé seront également aidés dans leurs projets de sécurisation ou de regroupement ;

- l'égalité des chances : le Gouvernement accordera une aide à la réfection des écoles dans les communes pauvres et aidera à l'émergence de projets éducatifs impliquant école, parents, associations et villes, afin de favoriser la réussite scolaire et sociale des enfants. Le développement de cellules de « veille éducative » doit permettre de mieux prévenir l'échec scolaire, tandis que les efforts d'insertion seront intensifiés à travers le programme TRACE. La mobilité des jeunes sera soutenue afin de les aider à découvrir d'autres villes et d'autres pays et d'éviter le « patriotisme de cages d'escalier ».

Cent ans après l'adoption de la loi sur les associations, le Comité interministériel des villes a également souhaité apporter un soutien renforcé aux quinze mille associations et aux bénévoles qui _uvrent dans les quartiers.

Le projet de budget de la ville pour 2002 connaît à nouveau une progression par rapport à l'année précédente, visant à consolider et accompagner la montée en puissance des programmes. Par rapport à l'année 2001, le budget pour 2002 est ainsi en augmentation globale de 15 % en moyens d'engagement et de 1,5 % en moyens de paiement. En volume, le budget du ministère dépasse désormais les 3,5 milliards de francs (0,5 milliard d'euros), progressant de près de 21 millions d'euros en dépenses ordinaires et de près de 52 millions d'euros en autorisations de programme.

Le ministre a ensuite présenté les principales orientations de ce budget.

L'augmentation des crédits de fonctionnement pour 2002 doit permettre, tout en maintenant l'effort consenti au cours des exercices précédents, d'accroître les actions menées dans le cadre des « grands projets de ville » (GPV) et de prendre en charge les nouvelles interventions décidées par le Comité interministériel des villes du 1er octobre dernier.

L'augmentation significative des moyens d'engagement, à hauteur de 62 %, doit quant à elle permettre d'offrir une réponse adaptée à la montée en puissance récente du programme national de renouvellement urbain.

Dans un souci d'économie, les moyens de fonctionnement propres à la délégation interministérielle à la ville, qui étaient restés stables depuis trois ans, sont en légère réduction pour 2002. La quasi totalité des crédits est donc destinée à des actions de terrain et déconcentrée à plus de 90 % aux préfets.

M. Claude Bartolone a estimé que la mise en _uvre du budget sera facilitée par une simplification et un resserrement de la nomenclature, qui feront du ministère de la ville l'un des plus aptes à la mise en _uvre de partenariats avec les collectivités territoriales. L'effort de simplification des procédures sera également poursuivi, dans le prolongement du rapport de M. Jean-Claude Sandrier sur la vie associative.

Il convient également de rappeler qu'une série de dispositions importantes pour la politique de la ville figurent dans le projet de loi de finances pour 2002, au titre des mesures fiscales : elles visent notamment à proroger de manière dégressive le système des zones franches urbaines et à mettre en place un régime modernisé dans les 416 zones de redynamisation urbaine.

Au delà des seuls moyens du ministère de la ville, l'effort public global en faveur de la politique de la ville tel que récapitulé dans le « jaune » budgétaire dépassera 6 milliards d'euros en 2002.

Le ministre a conclu son propos en indiquant que cet effort budgétaire sans précédent nécessitait un renforcement des procédures de contrôle de gestion et d'évaluation. Il a rappelé à ce propos l'installation le 3 juillet dernier d'un Comité scientifique national de la politique de la ville, réunissant des élus et des experts et ayant pour tâche de coordonner cette démarche.

Il a souligné enfin que les efforts du Gouvernement visaient à donner un nouveau sens au « droit à la ville », constitutif d'une société apaisée, solidaire et confiante dans son avenir urbain.

M. Marc Philippe Daubresse, rapporteur, a salué les perspectives intéressantes ouvertes par les propos du ministre en matière de simplification ou de flexibilité accrues des procédures, mais a déploré de ne pas les retrouver dans le projet de loi de finances soumis au vote de l'Assemblée.

Il a tout d'abord souhaité connaître la traduction budgétaire dans le cadre du projet de loi de finances pour 2002, des engagements pris par le CIV du 1er octobre dernier.

Au regard de la progression continue de la délinquance urbaine, il a demandé au ministre de dresser un bilan de l'expérience des contrats locaux de sécurité et de préciser les modalités de leur articulation avec la politique suivie en matière de police et de justice de proximité.

Il a souhaité obtenir des éléments d'information sur l'emploi des contributions qui seront prélevées sur les villes qui n'atteindraient pas le volume de logements locatifs sociaux imposé par la loi SRU.

Il s'est ensuite fait l'écho de l'insatisfaction de nombreux maires de communes membres d'un GPV, auxquels l'administration indique que près de vingt cinq mois sépareront la notification de la convention de la date de début des travaux. Il a donc souhaité connaître les projets du Gouvernement afin d'accélérer l'exécution de ces programmes, qui suscitent de véritables attentes au niveau local, et éviter leur technocratisation.

Il s'est étonné de la thésaurisation durant l'année 2000 de plus de 5 millions de francs de crédits sur le chapitre 57-71 et souhaité connaître les raisons de cette situation, qui paraît relever de pratiques de gestion discutables.

Il a enfin regretté la montée en charge très lente du programme « adultes-relais » et demandé au ministre de lui préciser les intentions du Gouvernement à ce sujet.

M. Albert Facon s'est réjoui de l'augmentation de 223 % des crédits du ministère de la ville depuis 1998.

Il a toutefois estimé que le quotidien de ceux qui habitent les quartiers sensibles demeure difficile, car la baisse générale du chômage depuis 1997 y est beaucoup plus lente que pour le reste de la population - notamment, pour les personnes situées dans la tranche d'âge 15-24 ans. Il a souhaité que tous les moyens disponibles soient mis en _uvre pour réhabiliter ces quartiers, y compris les actions de démolition et reconstruction qui sont parfois nécessaires pour mettre fin à des réputations stigmatisantes, souvent durablement ancrées dans les esprits.

Il a déploré les lenteurs de la mise en _uvre concrète des décisions prises qui s'expliquent par la nécessité d'obtenir l'accord des différents partenaires mais qui conduisent parfois à des situations insupportables, alors même que les crédits existent.

Concernant le logement social, M. Albert Facon a regretté que, dans le dispositif actuel, nombre de communes aisées préfèrent payer les amendes plutôt que respecter le pourcentage de logements sociaux voulu par le législateur. Il a estimé qu'il faudrait par conséquent exercer une pression financière beaucoup plus significative - par exemple, en multipliant par deux, voire dix, les sanctions pécuniaires, ou encore en rendant ces sanctions proportionnelles au potentiel fiscal de la commune fautive.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, tout en reconnaissant l'effort financier consenti en faveur de la rénovation de l'habitat, s'est inquiétée des risques de transferts de crédits, dans la mesure où l'essentiel des financements est consacré à la destruction des immeubles insalubres alors qu'il existe des possibilités de réhabilitation. Elle a fait remarquer que l'administration a trop facilement tendance à vouloir détruire les bâtiments qu'elle juge obsolètes, alors que des programmes de réhabilitation auraient pu être décidés, respectant l'histoire des quartiers et l'attachement des populations à leur cadre de vie.

Concernant les plans de déplacements urbains, elle s'est félicitée qu'ils comportent, pour la première année, un volet consacré à la sécurité routière. Elle a souhaité savoir si des crédits supplémentaires ne pourraient pas être attribués pour organiser des actions de sensibilisation à la sécurité routière, auxquelles il faudrait donner un large retentissement compte tenu de la fréquence des conduites à risques dans ces quartiers.

M. Pierre Cohen s'est félicité de la progression des crédits consacrés à la ville depuis 1998. Il a estimé que les difficultés des quartiers de banlieues étaient désormais mieux connues et que les principaux dysfonctionnements des politiques sociales avaient été clairement analysés.

Il a jugé positif que les problèmes soient traités dans leur globalité et que les réponses apportées aient une réelle cohérence. Il a donné pour exemple celui de l'habitat dégradé, pour lequel il ne suffit pas de prévoir des programmes de démolition et de reconstruction et qui nécessite aussi un effort de revitalisation sociale, avec une réintroduction d'activités productives et d'équipements collectifs.

Parmi les progrès réalisés récemment, il a aussi noté l'attitude nouvelle du ministère de l'Education nationale, qui a instauré la notion de veille éducative associant les différents partenaires éducatifs (professeurs, associations de parents d'élèves, travailleurs sociaux, associations sportives) pour mettre en place des mesures de prévention de la violence et de l'illettrisme. Il s'est félicité de l'association de tous les partenaires à cette politique de prévention qui rompt avec l'habitude prise par le ministère de l'Education nationale de travailler de manière autonome.

Tout en reconnaissant que d'incontestables progrès ont été réalisés, il a néanmoins observé une grande difficulté à mettre en _uvre les dispositifs proposés par le ministère de la ville, la volonté politique ne pouvant à elle seule pallier le nombre insuffisant de professionnels de terrain. Rappelant la nécessité de renforcer le lien social sur le terrain, il lui a paru très important que les sociétés d'HLM décident, par exemple, de créer un poste de concierge ou de médiateur social pour tout ensemble de plus de cent logements. En revanche, il a fait remarquer que de fortes carences existent toujours dans le domaine éducatif, les personnels paramédicaux et sociaux étant largement sous-représentés dans les établissements scolaires.

Il a également déploré que les sous-préfets à la ville, en dépit d'un travail remarquable, ne restent pas suffisamment longtemps dans le même poste pour jouer pleinement un rôle d'impulsion et de coordination.

M. Pierre Cohen s'est donc félicité que des crédits importants soient attribués à la politique de la ville, mais il lui paraît essentiel de veiller à la mise en _uvre concrète des dispositifs dans les quartiers, beaucoup d'énergie étant gaspillée à surmonter des obstacles administratifs alors que les besoins sont urgents.

En réponse aux différents intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- les budgets annoncés dans les années qui précèdent les élections, qu'elles soient législatives ou présidentielles, engagent le Gouvernement pour le futur et permettent d'entretenir le débat public. A cet égard, les efforts budgétaires annoncés cette année ne constituent pas un tournant mais s'inscrivent dans la continuité de l'effort consenti depuis cinq ans ;

- les principaux engagements budgétaires dans le cadre du projet de loi de finances pour 2002 liés aux décisions du CIV du 1er octobre dernier, sont les suivants : 100 millions de francs d'autorisations de programme pour la reconstruction des écoles, 100 millions de francs d'autorisations de programme pour le démarrage de nouvelles opérations de renouvellement urbain ; 300 millions de francs pour les opérations de démolition, imputés sur le budget du ministère du logement ; 50 millions de francs pour les études sur les coupures urbaines, imputés sur le budget du ministère de l'équipement ; 20 millions de francs pour les désenclavements, imputés sur le budget du ministère des transports ; 100 millions de francs pour l'innovation, la veille éducative, les contrats éducatifs locaux, imputés sur le budget de la ville ; 800 millions de francs pour l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), qui permettront de passer des accords avec les offices HLM pour l'amélioration de la gestion de proximité, imputés sur le budget du ministère du logement ; 200 millions de francs pour la gestion urbaine de proximité, afin d'améliorer le cadre de vie. Ces mesures auront toutes un impact rapide ;

- concernant le bilan des contrats locaux de sécurité (CLS), plus de quatre cents ont déjà été signés - dont 60 % concernent des sites en contrat de ville. La majorité d'entre eux a déjà été conclue à l'échelle intercommunale ; ce mouvement doit être poursuivi, pour les nouveaux contrats comme pour les anciens, par voie d'avenants. Des moyens nouveaux ont été alloués aux CLS : d'une part, 110 millions de francs de crédits pour les départements prioritaires de 2001 seront reconduits pour 2002 ; surtout, 1 000 postes « adultes-relais » ont été prioritairement affectés aux CLS afin de favoriser, par la médiation et la prévention, le renforcement du lien social sur les territoires qui en ont le plus besoin.

Ces moyens nouveaux permettront l'approfondissement des actions menées, en complément de l'installation de la police de proximité. Celle-ci répond, de son côté, à trois objectifs distincts : l'ancrage de l'action des policiers sur les territoires, le développement du dialogue avec les habitants et l'anticipation des événements. La mise en place de la police de proximité a été progressive : en 1998, elle a été expérimentée sur cinq sites ; entre 1999 et 2000, 2 millions d'habitants en ont bénéficié sur 62 sites et pour 2000-2002, elle sera généralisée en trois étapes concernant 10 millions d'habitants chacune ;

- le dispositif prévu par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains en matière de logement locatif social s'applique aux communes, comptant au moins 1 500 habitants en Ile-de-France et 3 500 habitants dans les autres régions, qui sont comprises dans une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente moins de 20 % de résidences principales.

L'opposition au sein de l'Assemblée nationale a fait valoir, lors de l'examen de cette loi, que le Gouvernement aurait pu manifester davantage de confiance vis-à-vis des élus locaux. L'expérience de la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville montre malheureusement que les bons conseils et les discours incantatoires ne sont pas suffisants. C'est pourquoi la loi SRU a prévu la mise en place, à partir du 1er janvier 2002, d'un prélèvement sur les ressources fiscales des communes, à hauteur de 1 000 francs par logement social manquant par rapport à l'objectif de 20 %. Une répartition de cette charge peut être opérée entre les communes regroupées en communauté urbaine, communauté d'agglomération ou communauté de communes, dès lors qu'elles ont élaboré un programme local de l'habitat. Il convient en outre de noter que le délai octroyé aux collectivités pour atteindre l'objectif de 20 % de logements sociaux n'est pas très contraignant, puisqu'il est de vingt ans. Cela signifie que les communes doivent, tous les trois ans, réaliser 15 % des logements locatifs sociaux manquants par rapport à l'objectif qui leur est fixé.

Le Conseil constitutionnel a jugé non conforme à la Constitution le dispositif de sanction prévu par la loi précitée pour les communes n'ayant pas tenu leurs engagements, au motif qu'il ne prenait pas en compte les raisons de leur retard dans la réalisation de logements locatifs sociaux. Aussi, le Gouvernement a-t-il proposé un nouveau dispositif de sanction dans le cadre du projet de loi portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier, l'objectif étant toujours d'éviter que les communes préfèrent payer plutôt que créer des logements sociaux. C'est pourquoi son article 13 prévoit que le non respect par une commune de ses obligations en matière de logement locatif social donnera lieu à son information préalable. A l'expiration d'un délai de deux mois, le préfet pourra constater la carence de la commune, sa décision de prendre un tel arrêté devant prendre en compte l'écart entre le nombre de logements sociaux existants et l'objectif fixé à la commune, ainsi que les projets immobiliers de cette dernière. Une fois la carence constatée, le prélèvement sur les ressources fiscales de la collectivité sera majoré proportionnellement au nombre de logements sociaux non réalisés. En outre, le préfet aura la possibilité de conclure une convention avec un constructeur social afin de faire procéder à la construction ou l'acquisition-réhabilitation de logements sociaux ;

- concernant les sites de GPV du nord de la France, le Gouvernement a fait le choix de la complexité en mobilisant tous les acteurs : communes, communautés de communes, départements et région. L'ensemble de ces acteurs se félicite aujourd'hui de ce partenariat, qui évite de travailler dans l'ignorance des autres actions et permet d'augmenter les capacités de financement, puisque beaucoup de conseils régionaux s'investissant aujourd'hui dans la politique de la ville. Par ailleurs, les problèmes de renouvellement urbain sont complexes et ne s'accommodent pas de l'urgence. La longueur des délais est nécessaire : elle évite en effet de commettre à nouveau les erreurs du passé, où l'on avait construit des villes dans la précipitation et s'explique par la nécessité de reloger les populations, qui doivent se sentir concernées et ne pas avoir le sentiment d'être laissées pour compte ;

- la consommation des crédits du chapitre 57-71 a été faible en 1999, car les crédits délégués au niveau local pour financer des diagnostics sur des sites pilotes n'ont été que progressivement utilisés. Les crédits qui n'ont pas été délégués sont essentiellement consacrés au financement d'évaluations et sont utilisés pour permettre le développement de celles-ci.

Ce chapitre n'a pas été doté dans le projet de loi de finances pour 2002, mais reste ouvert pour permettre l'apurement des programmes en cours que la délégation interministérielle à la ville s'efforce d'accélérer en liaison avec les divers services comptables compétents. Il sera supprimé dès cet apurement réalisé, les crédits d'assistance technique figurant désormais au titre III comme cela est le cas dans les autres fascicules budgétaires ;

- les dispositions relatives aux adultes relais n'ont pu se mettre en place qu'au second semestre 2000, les crédits correspondants ayant été ouverts par la loi de finances rectificative pour 2000.

La montée en charge progressive de ce dispositif s'explique, d'une part, par le fait qu'il s'agit d'une mesure qui doit être ciblée en fonction des besoins de chaque quartier et non d'un programme de masse et, d'autre part, par le nombre limité d'employeurs potentiels concernés, qui sont en outre souvent des associations de très petite taille procédant dans le cadre de ce programme à leur première embauche d'un salarié.

Le Gouvernement propose, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2002, d'ouvrir aux collectivités locales, aux établissements publics locaux et aux offices publics d'HLM la possibilité de recruter des adultes-relais, dans le cadre de contrats à durée déterminée de trois ans renouvelables une fois. Les résultats constatés en Ile-de-France, dans le Nord-Pas de Calais et en Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui sont les régions disposant des infrastructures les plus développées en matière de politique de la ville, sont en outre encourageants quant aux perspectives de ce dispositif ;

- s'agissant des inquiétudes exprimées par M. Albert Facon quant à la durée de mise en place des GPV, les délais prévus pour les phases d'études et de consultation des populations concernées devraient être plus brefs ;

- 100 millions de francs seront consacrés aux écoles des communes les plus pauvres, afin d'améliorer les conditions de travail des enfants, mais également de prévoir, dans le cas de reconstruction des bâtiments, des locaux destinés à accueillir les parents ;

- concernant les démolitions de logements, elles constituent une véritable nouveauté culturelle. Si, en 1998, on ne comptait que 3 500 opérations de ce type, leur nombre devrait s'élever à 10 000 en 2001. Cela s'explique notamment par la prise de conscience, de la part des directions départementales et régionales de l'équipement, que les opérations de démolition sont parfois moins onéreuses et plus pertinentes que des travaux de réhabilitation.

Le Gouvernement s'est fixé un objectif triennal de 30 000 démolitions de logements. Pour autant, la démolition ne doit pas être la règle, notamment quand les taux de vacance des logements sont faibles ou lorsque l'architecture des bâtiments ou leur implantation dans les quartiers sont satisfaisantes. En tout état de cause, il n'y aura pas de transfert des crédits affectés à la réhabilitation vers les crédits dévolus aux opérations de démolition ;

- s'agissant de la sécurité routière, l'intervention de la politique de la ville est marginale. Une partie de l'enveloppe de 7,6 millions d'euros prévue pour les opérations « ville, vie, vacances » est toutefois destinée à des actions de prévention routière, supprimant ou aménageant certaines coupures routières particulièrement dangereuses dans le centre des agglomérations.

Une réflexion conjointe avec la délégation interministérielle à la sécurité routière est en cours pour déterminer les meilleures réponses aux problèmes des excès de vitesse dans les quartiers, notamment dans le cadre de « rodéos » ;

- l'utilité des sous-préfets chargés de mission pour la politique de la ville doit être soulignée. Les moyens financiers mis à leur disposition ont renforcé leur crédibilité vis-à-vis des élus locaux, ce qui répond à l'objectif, poursuivi en liaison avec le ministère de l'intérieur, de revaloriser leur poste afin de tenir compte de l'importance de leur mission.

M. Léonce Deprez s'est interrogé sur les moyens de promouvoir la mise en place d'une politique de la ville à l'échelle des communautés de communes. Il a notamment cité l'exemple des schémas de cohérence territoriale prévus par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui permettront de promouvoir une décentralisation de la politique de la ville.

En réponse, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a estimé que certains aspects de cette dernière - notamment les programmes locaux de l'habitat, le soutien à l'emploi, le renouvellement urbain ou la politique des transports urbains - devaient être principalement déclinés au niveau des communautés de communes, qui sont dans ces cas précis l'échelon le plus pertinent. Il a toutefois attiré l'attention sur le risque de donner l'impression que les grandes politiques structurantes sont engagées aux dépens d'interventions quotidiennes de proximité, au niveau des quartiers, et estimé que la politique de la ville doit être menée à ces deux niveaux, comme en témoigne la nouvelle génération des contrats de ville, qui ont été élaborés sur une base intercommunale.

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La commission a ensuite examiné les crédits de la ville pour 2002.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur, a estimé que les arguments présentés par le Gouvernement étaient peu convaincants - moins en raison, d'ailleurs, d'un manque de moyens ou de volonté politique, que de choix inadaptés ou contestables.

Il a ainsi jugé qu'un écart croissant se creuse entre les préoccupations des Français, qui touchent à leur vie quotidienne - comme, par exemple, la progression de la délinquance - et des annonces spectaculaires qui servent d'alibi face à des problématiques qui n'ont été ni reconnues, ni prises en charge, ni traitées.

De même, il a déploré que la majorité résiste parfois difficilement à sa tentation de « changer la société par décret », comme la loi SRU en fournit l'illustration qui, au lieu de faire confiance aux élus locaux et aux intercommunalités, met en place des mécanismes fondés sur la coercition et la sanction.

M. Marc-Philippe Daubresse a également dénoncé la prolifération des structures aux compétences concurrentes, tant au niveau national que local, ainsi que la lourdeur et la complexité des procédures de renouvellement urbain, alors même que les problèmes à traiter exigent une réponse rapide, efficace et concrète.

Il s'est en conséquence prononcé pour le rejet des crédits de la ville.

En réponse aux propos du rapporteur, M. André Lajoinie, président, a estimé qu'on ne pouvait conclure au rejet d'un budget sous prétexte qu'il ne parviendra pas à régler l'ensemble des problèmes existants et observé que l'octroi de moyens supplémentaires pour ce projet de budget constitue un progrès dans la recherche de solutions.

S'agissant de la loi SRU, il a estimé que des mesures législatives s'imposaient dès lors que certaines communes répugnent manifestement à accomplir la part de l'effort qui leur revient en faveur des plus démunis, créant ainsi des disparités inacceptables.

M. Pierre Cohen a souligné que le rapporteur se trouvait gêné pour expliquer qu'il n'était pas favorable à l'adoption d'un budget dont les moyens augmentent. Il a estimé paradoxal de juger trop volontariste la politique conduite, compte tenu de la nécessité de mobiliser les énergies. Il a conclu que les difficultés venaient en grande partie des divergences d'analyse de certains acteurs de terrain quant à la nécessité de réaliser une redistribution réelle et de créer un lien social, notamment en luttant contre les discriminations - y compris les discriminations sociales à l'embauche.

M. Gilbert Biessy s'est déclaré surpris par la description caricaturale faite par le rapporteur. Tout en reconnaissant que la politique conduite ne pouvait pas régler tous les problèmes, il s'est demandé s'il convenait pour autant d'accepter la pérennité des discriminations, citant en exemple sa circonscription où seules huit communes sur vingt-trois comptent des logements sociaux. Il a également salué l'effort conduit en matière de réhabilitation des logements et le fait que la dotation de solidarité urbaine soit, depuis 1997, devenue une aide réelle pour les communes.

Notant que la délinquance était un problème réel et ancien, mais dont les manifestations récentes et condamnables dans une ville auparavant calme comme Thonon-les-Bains étaient surprenantes, il a dénoncé l'exploitation politicienne qui en était faite. Il a jugé que le rôle des élus était d'agir sur le terrain, au contact quotidien des citoyens et a, à cet égard, estimé judicieux la création de contrats locaux de sécurité qui responsabilisent l'ensemble des acteurs autour d'objectifs communs de prévention et de dissuasion.

M. Léonce Déprez a déclaré qu'il s'abstiendrait sur le vote des crédits de ce département ministériel comme il l'avait fait pour la loi SRU car, même s'il partage souvent l'analyse de M. Marc-Philippe Daubresse, il devait être tenu compte des progrès réalisés pour traiter des problèmes de la ville.

Il a notamment souligné les réussites incontestables des structures intercommunales et des schémas de cohérence territoriale pour mieux appréhender les difficultés des banlieues et il s'est félicité de l'arasement des tours et des barres dans lesquelles les conditions de vie étaient devenues très difficiles.

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Contrairement aux conclusions de M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis, la commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2002.

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