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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 17

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 20 novembre 2001
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. André Lajoinie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France

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La commission a entendu M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France.

M. André Lajoinie, président, a tout d'abord remercié M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, d'avoir bien voulu être auditionné par la commission de la production et des échanges au sujet du passage à l'euro. Observant que cette étape importante dans la vie économique du pays suscitait quelques inquiétudes, notamment pour le niveau des prix, il lui a demandé quelles étaient les mesures de prévention de l'inflation qui avaient été prévues.

Il s'est aussi fait l'écho des craintes relatives à la sécurité du transport des fonds, des quantités importantes de monnaie étant actuellement transportées pour que l'ensemble des acteurs économiques dispose d'euros au début de l'année prochaine. A ce sujet, il a souhaité avoir des précisions sur l'organisation de ces transports et sur la surveillance des convois.

Notant que le passage à l'euro pouvait apparaître comme une aubaine pour les faux-monnayeurs qui disposeront de l'ensemble de l'Union européenne pour écouler leur fausse monnaie, il a demandé comment s'organiserait la lutte contre ce trafic et si des mesures spécifiques de coopération de l'ensemble des pays de l'Union européenne étaient envisagées.

Evoquant ensuite la conjoncture économique marquée par le ralentissement de la croissance, il s'est interrogé sur le rôle du système bancaire européen. Estimant que la Banque centrale européenne ne peut se borner à lutter contre l'inflation et doit jouer un rôle moteur pour soutenir la croissance, il a demandé comment le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale entendait jouer un rôle dynamique pour éviter à l'Union européenne une période de récession. Observant que le cours de l'euro était à la traîne de celui du dollar, il a demandé à M. Jean-Claude Trichet d'expliquer pourquoi l'euro était fréquemment attaqué sur les marchés internationaux, ce qui conduisait à la chute de sa valeur.

M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, a remercié les membres de la commission de l'avoir invité à venir s'exprimer sur le passage à la monnaie unique et a souligné le rôle joué par la commission de la production et des échanges pour l'information économique des députés.

S'agissant de l'inflation, il a précisé que les dérapages constatés avaient conduit M. Laurent Fabius, ministre de l'économie et des finances et lui-même à appeler les entreprises à se montrer responsables et les consommateurs et les associations de consommateurs à se montrer vigilants et à faire jouer la concurrence, ce qu'elles ont d'ailleurs fait. Il a observé qu'à l'heure actuelle on n'observait pas de dérapage inflationniste imputable à l'euro.

Il a indiqué que le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne considérait que l'inflation était aujourd'hui davantage sous contrôle et estimait que l'inflation européenne redescendrait au-dessous de 2 % au cours du premier semestre 2002. Il a souligné que ces évolutions favorables dues à la vigilance de l'Eurosystème avaient d'ailleurs permis à la Banque centrale européenne de décider à quatre reprises durant ces derniers mois de baisser le taux de base bancaire qui a été ainsi réduit de 1,5 %.

Abordant la question de la sécurité des transports de fonds, il a reconnu qu'il s'agissait d'un problème majeur dans la logistique du passage à l'euro. Il a précisé que le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Défense étaient particulièrement mobilisés pour sécuriser les transports en collaboration en particulier avec la SNCF. Il a souligné que la sécurité des transports de pièces et de billets était un souci permanent en raison de la présence en France d'un grand banditisme très dangereux, situation qui n'existe pas dans d'autres pays européens.

S'agissant du faux monnayage, il a reconnu qu'il s'agissait d'un problème très sérieux, compte tenu du perfectionnement des techniques criminelles, et des perspectives offertes aux faux monnayeurs par un marché beaucoup plus large et indiqué que la lutte contre ce trafic nécessitait une étroite collaboration entre les polices européennes. Il a toutefois estimé qu'on pouvait espérer une certaine diminution de la fausse monnaie par rapport à ce qui est actuellement observé dans la mesure où les billets en euros seront les mieux sécurisés du monde.

Concernant la conjoncture économique, il a souligné qu'il était particulièrement délicat d'établir des prévisions fiables, la confiance des entreprises et des ménages ne dépendant pas de paramètres uniquement économiques, mais étant étroitement liée à des facteurs géostratégiques et de sécurité plus difficiles à appréhender. Il a indiqué que les experts économiques n'excluaient pas que le ralentissement observé aux Etats-Unis puisse se traduire par une récession, c'est-à-dire une baisse du PIB durant deux trimestres consécutifs, alors que l'Europe subit, quant à elle, une baisse du niveau de sa croissance économique qui restera positive. Les experts estiment qu'un redémarrage devrait intervenir à la mi-2002, aussi bien aux Etats-Unis qu'en Europe.

M. Jean-Claude Trichet a jugé qu'il convenait de demeurer très prudent compte tenu des incertitudes internationales et se contenter de fourchettes larges en ce qui concerne les prévisions sur l'évolution des principaux paramètres économiques. Il a estimé que les facteurs humains sont largement imprévisibles, la crise diplomatique et militaire actuelle ne faisant que renforcer cette difficulté à anticiper les comportements des agents économiques.

Concernant l'évolution de la croissance française, il a indiqué que la Banque de France l'avait estimée à 0,3 % pour le troisième trimestre, le quatrième trimestre 2001 devant atteindre un chiffre comparable, selon les estimations faites après enquête auprès de 12 000 chefs d'entreprises, ce qui représente une croissance moyenne de 2 % pour l'ensemble de l'année 2001. Il a indiqué que l'effet report de 2001 permettrait de disposer d'un acquis de croissance de 0,5 % en 2002. Après avoir noté que la Banque de France ne publiait pas de prévision de croissance, il a indiqué que les experts, divisés sur le taux de croissance français, s'accordaient cependant à penser qu'il serait proche ou un peu au-dessous de la moyenne de la zone euro.

M. Jean-Claude Trichet a ensuite abordé la question du rapport de l'euro au dollar. Il a rappelé que sa phrase de référence dans ce domaine était qu'un euro fort est dans l'intérêt de l'Europe, de même que les responsables financiers américains jugent qu'un dollar fort est dans l'intérêt des Etats Unis.

Il a constaté que, depuis quinze ans, dans un marché des changes flottants, le dollar et les monnaies européennes avaient connu des fluctuations en fonction de l'offre et de la demande sur le marché. Rappelant qu'en 1995, les marchés sous-estimaient fortement la valeur du dollar, il a jugé qu'aujourd'hui l'euro était sous-estimé par rapport au même dollar.

M. Pierre Micaux a souhaité connaître l'opinion de M. Trichet sur le déficit national, sur le poids de la dette et sur la politique keynésienne qui semble actuellement menée. Soulignant qu'un dollar fort n'était pas favorable à certains secteurs de l'économie américaine comme l'industrie textile ou métallurgique, il s'est demandé si un euro fort ne serait pas défavorable aux exportations européennes et a souhaité connaître les raisons de cette politique du dollar fort ou de l'euro fort.

M. Léonce Deprez, rappelant les propos tenus en faveur du franc fort par M. Trichet quelques années auparavant, a constaté que le même langage, ou plutôt le même esprit prévaut aujourd'hui pour l'euro. Il a émis la crainte que les difficultés et les souffrances, conséquences du franc fort, ne risquent d'être celles de l'euro fort. En outre, il a estimé que la politique de la Banque centrale européenne manquait de lisibilité tant pour les citoyens que pour les élus et a invité M. Trichet à éclairer la commission sur ce point.

M. Roger Meï après avoir rappelé que le groupe communiste avait demandé la création d'une commission d'enquête sur les conséquences du passage à l'euro, notamment sur l'évolution des prix des biens et des services, a demandé quelles solutions pouvaient être apportées aux conflits de Pessac et de Chamalières, alors qu'il est urgent que soient produits les nouveaux billets et les nouvelles pièces en euro. Il s'est étonné de la refonte des missions, de la baisse des effectifs et de la fermeture de 44 caisses de la Banque de France ainsi que des menaces pesant sur 15 autres, alors que de nouvelles activités lui incombent comme la lutte contre le surendettement, le contrôle de la circulation fiduciaire, la sécurité des systèmes de paiement, la médiation entre usagers des établissements bancaires ou le contrôle des aides publiques aux entreprises introduit par la loi n° 2001-7 du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises dite « loi Hue ».

M. Jean-Claude Lenoir s'est étonné de la durée, en France, de la période transitoire pour le passage à l'euro qui s'achève le 17 février 2002. Constatant que les consommateurs français commencent à payer de plus en plus en euros, alors même que la monnaie euro n'est pas encore en circulation, il s'est interrogé sur les perspectives de développement de la monétique. Enfin, il a demandé quelles conséquences pouvait avoir le sommet de l'Organisation mondiale du commerce tenu à Doha, sur les perspectives de l'économie mondiale.

M. Jean-Marc Nudant a demandé si les frais financiers prélevés par les banques sur les virements faits entre pays de la zone euro ne pourraient être réduits.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, a apporté les précisions suivantes :

- concernant les déficits nationaux, un consensus semble exister dans l'ensemble de l'Union européenne, notamment entre la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE), le Conseil Ecofin et l'Eurogroupe, sur la légitimité du jeu des stabilisateurs automatiques en cas de stagnation ou même de récession économique, à condition que cela s'inscrive dans les limites résultant des marges de man_uvre budgétaires dégagées, qui sont plus ou moins importantes selon les pays. Cela signifie que ce jeu des stabilisateurs automatiques sera inévitablement plus restreint dans les pays qui n'ont pas suffisamment assaini leurs finances publiques ces dernières années. D'une manière générale, les Etats ont, à l'évidence, très fortement intérêt, comme le recommande le Pacte de stabilité et de croissance et comme l'avait rappelé la Banque de France à propos du débat sur la « cagnotte », à parvenir à une situation d'équilibre ou d'excédent budgétaire au terme d'une longue période de croissance, car cela leur confère des marges de man_uvre accrues en cas de retournement de la conjoncture ;

concernant l'aspiration à une monnaie solide et forte, il convient de garder à l'esprit qu'une monnaie repose avant tout sur la confiance, et qu'en conséquence le seul discours possible est un discours de confiance. En effet, si les investisseurs perçoivent un risque de dépréciation d'une monnaie, ils perdent confiance dans cette monnaie et tendent à retirer leurs capitaux afin d'éviter des pertes financières. Cette raréfaction des capitaux dans le système financier provoque des hausses de taux d'intérêt de marché, qui renchérit le coût des investissements pour les entreprises et freine donc l'activité économique. Tenir un discours de confiance, de nature à rassurer les citoyens et à inspirer confiance aux épargnants, reste donc le seul moyen d'obtenir un bon fonctionnement du financement de l'économie. Monnaie forte, monnaie solide, monnaie inspirant confiance sont des expressions synonymes ;

concernant le dialogue intervenu dans la première moitié des années 1990 au sujet du franc fort, il s'agissait d'un dialogue de sourds, puisqu'il était demandé à la Banque de France de baisser ses taux d'intérêt, alors que la baisse des taux d'intérêt de marché supposait d'abord un retour de la confiance et de la crédibilité du franc. Au total, au moment des fameux critères de Maastricht, la France était, avec les Pays-Bas, le pays européen dont les taux d'intérêt à dix ans étaient les plus bas, ce qui n'a été possible que parce que le Franc inspirait une grande confiance. Il était aussi affirmé qu'un cours trop élevé du franc conduirait à une réduction de la compétitivité de l'économie française, alors même que la fameuse « désinflation compétitive », qui a d'ailleurs été une stratégie multipartisane poursuivie sur une très longue période, a permis au contraire une réduction des coûts unitaires de production à partir de 1987, c'est-à-dire la préservation et le renforcement de la compétitivité de notre économie. Cette stratégie multipartisane n'a pu être développée que parce que dans les enquêtes d'opinion, 75 % des Françaises et des Français se montraient favorables à la politique monétaire poursuivie par la Banque de France ;

- concernant la lisibilité des objectifs de la politique monétaire, le traité de Maastricht et la loi n° 93-980 du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de France reposait sur l'idée implicite que la stabilité des prix était une condition nécessaire, mais non suffisante, à elle seule, de la croissance, de la création d'emplois et de la lutte contre le chômage. Ce point de vue est partagé par l'ensemble des pays européens, y compris ceux qui ne sont pas dans la zone Euro, comme le Royaume-Uni.

De manière très synthétique, la stabilité des prix favorise la croissance par le biais de trois canaux :

- le pouvoir d'achat : lorsque la hausse des prix est faible, le pouvoir d'achat des consommateurs est préservé ou renforcé, ce qui est bon pour la consommation, donc pour la croissance. Des études ont montré que la confiance des ménages est très fortement corrélée à leur confiance dans la stabilité des prix ;

- la confiance des épargnants : elle est également intrinsèquement liée à la stabilité des prix. Lorsque les prix sont stables, les épargnants, disposant d'une assurance sur le remboursement du capital de leur épargne à moyen ou long terme, sont prêts à accepter des taux d'intérêt plus bas, ce qui favorise l'investissement des entreprises, et donc la croissance ;

- la compétitivité du pays : comme souligné précédemment, les coûts unitaires de production français ont augmenté moins vite que dans les autres pays du fait de la maîtrise de l'inflation.

Telles sont, très résumées, les principales raisons pour lesquelles il existe un consensus partout dans le monde pour penser que la stabilité des prix est un élément nécessaire de la croissance ;

- en ce qui concerne la lisibilité de la politique monétaire européenne, nous cherchons à faire passer ce message de stabilité, même si un certain nombre d'efforts peuvent encore être fournis pour être mieux compris de nos concitoyens.

Pour autant, ces derniers sont, selon les plus récentes enquêtes d'opinion, relativement bien informés de l'objectif de maintien de la stabilité des prix et le soutiennent.

Le processus récent d'inflation qu'a connu l'Europe est aujourd'hui en voie d'être correctement maîtrisé, même si certaines hausses de prix dans certaines économies - jusqu'à 5% - ont été particulièrement inquiétantes. C'est d'ailleurs la maîtrise progressive de cette inflation qui a permis à la Banque centrale européenne de baisser de 150 points de base ses taux d'intérêt au cours des derniers mois ;

- s'agissant de la situation actuelle des collaborateurs de la Banque de France, le conflit de Pessac ne relève pas de la Banque de France, mais des monnaies et médailles. Celui de Chamalières a été dû pour l'essentiel au changement des conditions de la fabrication des billets en France avec la mise en place de l'euro. Alors que nous avons été longtemps les seuls à assurer la fabrication des billets, 17 usines en Europe fabriquent aujourd'hui les mêmes billets que nous. La direction générale de la fabrication des billets est passée d'une situation de monopole à un univers concurrentiel où il importe d'être compétitif et où la production doit être de qualité et d'un coût bas. Les collaborateurs de la Banque de France ont su fabriquer ces billets dans des conditions techniquement difficiles : au début du mois de novembre 2001, 2 milliards de billets avaient été ainsi livrés à la Caisse générale de la Banque de France. L'objectif poursuivi par celle-ci est précisément de préserver la fabrication à Chamalières et de convaincre les agents et les syndicats de la nécessité d'être particulièrement efficaces économiquement dans l'univers ouvert qui est désormais le nôtre.

Les missions de la Banque de France se sont élargies récemment avec, en particulier, la médiation, la surveillance et la sécurité des systèmes et moyens de paiement, cette confiance particulière faite à la Banque centrale s'étant déjà manifestée, lorsque lui furent confiées des responsabilités importantes en matière de surendettement. Ces responsabilités distinguent la Banque de France des autres banques centrales et se situent en dehors des responsabilités proprement monétaires du système de Maastricht. Cela étant, la Banque de France doit, dans tous les domaines, rendre le meilleur service au meilleur coût et assurer une utilisation optimale de ses moyens. Cette obligation forte a expliqué en particulier la fermeture nécessaire de quarante-cinq caisses institutionnelles. Ces exigences de bonne économie doivent évidemment être conciliées avec les considérations liées à l'aménagement du territoire, mais la diminution des taux d'intérêt réduit les revenus de la Banque de France et la contraint à une gestion rigoureuse, ce qui peut induire des difficultés dans le dialogue avec les syndicats, étant observé qu'en tout état de cause, l'intérêt commun est de parvenir à la meilleure gestion possible ;

- en ce qui concerne la mise en place concrète de l'euro, il apparaît que les gouvernements des Etats membres et les responsables des banques centrales retiennent tous des échéances analogues. La circulation fiduciaire devrait « basculer » en euros pour l'essentiel au cours des deux premières semaines suivant le 1er janvier 2002, les derniers billets étant transformés au terme d'un mois, un mois et demi suivant cette date : le processus serait achevé ainsi en France au 17 février. Il est essentiel de noter que le changement ne peut s'effectuer nulle part immédiatement pour des raisons logistiques.

L'évolution observée avec la monnaie scripturale apparaît encourageante : l'usage de l'euro s'opère largement pour cette monnaie depuis le 1er juillet dernier et devrait être acquis à 100 % le 1er janvier 2002. L'exemple d'une grande surface où 70 % des paiements scripturaux s'effectuent déjà en euros est significatif. De même, 75 à 80 % des titres interbancaires de paiement (TIP) sont libellés en euros. Par ailleurs, près de 3 millions de chèques libellés en euros sont traités chaque jour. On peut se féliciter que les acteurs économiques aient « joué le jeu » et l'on constate le plus souvent que, sur le terrain, les Français se sont bien adaptés à l'introduction de l'euro par voie scripturale, malgré quelques difficultés ponctuelles ;

- la monnaie électronique constitue une grande nouveauté mais il est difficile de savoir, pour l'instant, si ce nouveau moyen de paiement conduira à la disparition à terme des billets de banque. Si cela était le cas, les banques centrales se trouveraient en difficulté. On constate qu'en France, la carte interbancaire, qui est une forme de monnaie électronique, est largement utilisée et tend à se substituer à la monnaie de papier, notamment dans les jeunes générations. Il convient toutefois de souligner qu'une approche plus restrictive de la notion de monnaie électronique limite celle-ci au « porte-monnaie électronique », dont l'usage est, quant à lui, loin d'être généralisé, peut-être en raison de la concurrence qui lui est faite par la carte interbancaire. L'évolution rapide des technologies en la matière laisse supposer que l'économie, notamment financière, devrait être soumise à de grands changements dans les années qui viennent ;

- s'agissant des négociations multilatérales engagées à Doha, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, les banques centrales sont très favorables à une ouverture des marchés. En effet, celle-ci est synonyme de concurrence et de bas prix et donc de lutte contre l'inflation. Il y a à cet égard une convergence d'intérêts entre les consommateurs et les banques centrales. Par ailleurs, il convient de souligner que la France est un grand pays exportateur dont la balance des paiements courants enregistre un excédent structurel et dont les entreprises sont extrêmement actives. Notre pays a donc, dans l'ensemble, un intérêt majeur à ce que soit opérée une ouverture supplémentaire des marchés mondiaux. En effet, même si celle-ci pose des problèmes à certains secteurs, elle est extrêmement favorable aux entreprises compétitives, qui sont la majorité, et aux consommateurs. Il serait dommage que les intérêts de cette majorité, parfois trop silencieuse, soient ignorés au profit d'une minorité d'acteurs économiques moins performants ou ayant quelque chose à perdre à l'ouverture des marchés ;

- s'agissant des paiements transfrontaliers, certaines « exceptions françaises » posent problème. C'est notamment le cas de la gratuité des chèques, ceux-ci étant en effet payants dans tous les autres pays européens, parce qu'il s'agit d'un service coûteux. Il n'est donc pas recommandé aux Français de payer par chèque à l'intérieur de la zone euro et il conviendrait d'alerter nos concitoyens sur ce point.

Concernant l'usage transfrontalier des cartes bancaires, certains opérateurs ont déjà décidé de pratiquer une tarification homogène, que ces cartes soient utilisées sur le territoire national ou dans la zone euro. Pour l'instant, il est vrai que la tarification est largement différenciée selon les pays, mais la concurrence liée au passage à l'euro devrait conduire progressivement à une certaine égalisation des tarifs nationaux et « intrazone Euro ».

Sur un plan plus théorique, les espèces constituent un moyen de paiement gratuit et optimal pour les règlements transfrontaliers des ménages en déplacement.

Le moyen de paiement scriptural transfrontalier le moins onéreux est certainement le virement ; c'est donc celui qui est appelé, à terme, à se généraliser.

Cependant, il n'existe pas pour l'instant dans la zone Euro de grandes infrastructures permettant de traiter en masse des paiements transfrontaliers d'un montant faible, alors que cela est le cas pour les paiements d'un montant élevé. La création de telles infrastructures constitue un grand projet dans les années à venir pour répondre aux attentes des consommateurs.

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