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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 21 novembre 2001
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Pierre Ducout, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de résolution de M. Gérard Fuchs, rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne, (n° 3142) sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (COM [2000] 392 final/E 1551) et visant à instaurer une directive-cadre fixant les règles générales applicables aux services d'intérêt général - (M. Christian BATAILLE, rapporteur)






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La commission a examiné, sur le rapport de M. Christian Bataille, la proposition de résolution de M. Gérard Fuchs, rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne, (n° 3142) sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (COM [2000] 392 final/E 1551) et visant à instaurer une directive-cadre fixant les règles générales applicables aux services d'intérêt général.

M. Christian Bataille, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la proposition de résolution n° 3142 adoptée par la Délégation pour l'Union européenne en juin dernier, sur laquelle la commission devait se prononcer, portait en principe sur la proposition de directive COM [2000] 392 final/E 1551 du Parlement européen et du Conseil. Cette proposition de directive concerne le service universel et les droits des utilisateurs en matière de communications électroniques. Elle vise en particulier à garantir que ces services soient partout disponibles à un prix abordable et à un niveau de qualité satisfaisant.

Il a toutefois estimé que la commission ne saurait limiter ses travaux à un secteur aussi ciblé que les communications électroniques, et se devait, plus généralement, d'être particulièrement attentive à l'évolution de la conception communautaire des services d'intérêt général. En effet, les services publics français, auxquels les citoyens sont légitimement et culturellement attachés, ont connu depuis une quinzaine d'années des bouleversements considérables, du fait notamment des choix de libéralisation effectués à l'échelon européen.

M. Christian Bataille, rapporteur, a remarqué que le rapport et la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne étaient d'ailleurs exclusivement consacrés aux services d'intérêt général, et il a estimé nécessaire d'appuyer et de compléter la demande d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général, déjà formulée le 6 décembre dernier par la commission, sans négliger pour autant l'analyse critique des principaux éléments contenus dans la proposition de directive sur les communications électroniques.

Rappelant que la notion de « service public » restait spécifiquement française, et peinait à trouver une traduction européenne, il a jugé que les exigences du « service universel » ne recoupaient pas parfaitement les missions et les obligations qui caractérisent le service public, ce service universel n'étant encore qu'un service de base offert à tous pour un prix abordable, les « services d'intérêt général » désignant quant à eux les organismes qui produisent ces services publics.

Il a observé que cette difficulté trouvait certainement son origine dans une différence de conception, de philosophie même, de ces services. En effet, ces services sont perçus en France, dans une dimension citoyenne, comme des instruments de justice sociale au service d'usagers-citoyens, alors qu'au niveau communautaire ils sont compris comme des moyens d'offrir des prestations marchandes efficaces à des clients-consommateurs, ce qui témoigne d'une vision beaucoup plus réductrice.

Jugeant que la préférence accordée à cette dernière approche expliquait la soumission croissante des services publics à des obligations concurrentielles, il a constaté que ces règles de concurrence ne reflétaient pas leur fonction singulière. La libéralisation partielle a surtout concerné les grands services publics économiques, dans les secteurs de l'énergie, des transports, de la poste ou des télécommunications, puisque les règles communautaires de concurrence, en vertu de l'article 86 du traité CE, s'appliquent en principe aux « services d'intérêt économique général ». Ces derniers ne constituent qu'une catégorie particulière au sein des « services d'intérêt général », qui comprennent aussi des services non économiques, comme l'éducation ou la protection sociale, et des fonctions régaliennes, comme la sécurité, la justice ou la diplomatie. Pour ces services non économiques, M. Christian Bataille, rapporteur, s'est inquiété des débats en cours à l'OMC sur une possible libéralisation partielle au cours des prochaines années.

Il a rappelé que les propositions communautaires actuelles augmentaient la libéralisation des services d'intérêt économique général, par des textes sectoriels, et constituaient, à cet égard, une menace pour les grands services publics économiques, dont le rôle social spécifique n'était pas suffisamment pris en compte. Alors que les dérogations aux règles de concurrence restent rares et très précisément encadrées, aucun texte n'indique clairement et de manière détaillée les exigences propres à l'ensemble des services d'intérêt général. Le rapport de la Commission européenne pour le prochain Conseil européen de Laeken (décembre 2001) n'envisage pas véritablement de répondre à cette attente.

M. Christian Bataille, rapporteur, a estimé que la conception traditionnelle française et l'approche communautaire n'étaient pourtant pas inconciliables, car il était possible d'ouvrir à la concurrence les services publics économiques, tout en imposant aux entreprises qui les gèrent des obligations particulières, pour garantir le respect de l'esprit même du service public « à la française », et notamment des principes de continuité, de mutabilité, et surtout d'égalité de traitement des usagers, cette dernière supposant des mécanismes destinés à compenser les disparités territoriales.

Il a observé que l'introduction, en 1997, par le traité d'Amsterdam, d'un nouvel article 16 dans le traité CE, mentionnant, parmi les « valeurs communes » de l'Union européenne, le rôle joué par les services d'intérêt économique général en matière de « cohésion sociale et territoriale », avait ouvert une perspective encourageante. Toutefois, cet article est encore dépourvu de portée pratique, et les dérogations aux règles de concurrence restent soumises à la jurisprudence fluctuante de la Cour de justice des Communautés européennes, faute de norme précise à appliquer, alors même que l'exigence d'une plus grande sécurité juridique en la matière a été explicitement formulée lors du Conseil européen de Nice (7-9 décembre 2000).

M. Christian Bataille, rapporteur, en accord sur ce point avec le rapport de la délégation pour l'Union européenne, a estimé que le seul moyen efficace de garantir le respect des principes fondateurs du service public par les entreprises chargées de les gérer était l'adoption d'une directive précise s'appliquant aux services d'intérêt général dans leur ensemble. Il a jugé une telle démarche préférable à l'adoption de directives sectorielles, qui n'est, selon lui, pas justifiée du fait de l'existence de principes communs à tous les secteurs - comme l'universalité, l'égalité, ou la continuité, ainsi qu'à la rédaction d'une simple Charte, cette dernière n'ayant pas de valeur contraignante.

M. Christian Bataille, rapporteur, a précisé que ces propositions d'amendements, par rapport aux propositions de la Délégation pour l'Union européenne, insistaient davantage sur les trois principes fondamentaux du service public (égalité, continuité, mutabilité), qui devraient figurer dans la définition des services d'intérêt général, et précisaient le contenu des exigences d'information et de participation des usagers. Il a ajouté que la définition des services d'intérêt général devait aussi mentionner le contrôle exercé par la puissance publique sur leur fonctionnement, celui-ci étant d'autant plus indispensable que la gestion du service peut être confiée à un opérateur privé.

Il a également invité les membres de la commission, dans un souci d'harmonisation du vocabulaire et pour être mieux entendu des institutions communautaires, à employer le vocable « service d'intérêt général », l'important étant selon lui le contenu donné à ces termes, la France ayant tout intérêt, sur le fond, à rapprocher la définition européenne des services d'intérêt général de celle de ses propres services publics.

M. Christian Bataille, rapporteur, a en outre estimé nécessaire, d'une manière générale, de supprimer de la proposition de résolution certaines références aux règles de concurrence, et de préciser que celles-ci ne doivent s'appliquer que lorsqu'elles n'empêchent pas de respecter les principes du service public. Il a enfin ajouté que certains amendements proposaient des clarifications rédactionnelles, destinées à éviter toute ambiguïté qui risquerait d'être aussitôt exploitée par les juridictions européennes.

En conclusion, il a jugé qu'une action déterminée des autorités françaises en faveur de l'élaboration de cette directive-cadre transversale permettrait, dans les services publics, d'encadrer le jeu de la concurrence, en fixant des règles claires et respectées pour leur fonctionnement et leur financement, cette démarche conciliant selon lui réalisme et ambition, puisqu'elle a l'avantage de prendre en compte à la fois les prescriptions du traité européen et les souhaits des citoyens français, qui sont favorables au maintien des garanties propres au service public.

La commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

· Article unique

Au septième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur visant à supprimer la référence à une économie concurrentielle.

Après le huitième alinéa, la commission a examiné puis adopté un amendement du rapporteur visant à établir un lien entre, d'une part, la directive cadre demandée par l'Assemblée nationale et traitant des services d'intérêt général dans leur ensemble et, d'autre part, l'avis qu'elle doit rendre sur la proposition de directive relative aux communications électroniques.

Au dixième alinéa, M. Christian Bataille, rapporteur, a présenté un amendement ayant pour objet de clarifier la définition des services d'intérêt général. Il a souligné que la définition proposée par la Délégation pour l'Union européenne contenait en effet des éléments dont la portée juridique est problématique et s'abstenait, par ailleurs, de faire référence, tant aux principes fondamentaux du service public, qu'au contrôle exercé par une personne publique sur leurs conditions de fonctionnement. Il a donc notamment proposé d'ajouter à cette définition la référence aux principes d'égalité, de continuité et de mutabilité.

M. Claude Gaillard a toutefois observé que la notion d'égalité revêtait souvent un caractère purement formel et s'est interrogé sur la nature de l'égalité mentionnée.

Après que M. François Brottes eut déploré qu'on abandonne la référence aux besoins fondamentaux et que le rapporteur eut indiqué que la notion d'égalité devait être comprise comme une égalité d'accès au service public, la commission a adopté cet amendement.

Au onzième alinéa, le rapporteur a présenté un amendement visant à unifier la terminologie employée dans la résolution, conformément aux usages communautaires en la matière.

Après que MM. François Brottes et Claude Billard eurent fait part de leur souhait de voir les termes « service public » demeurer inscrits dans le texte de la résolution, M. Christian Bataille a retiré cet amendement.

Au douzième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur permettant de préciser la notion d'universalité, en distinguant celle-ci de la notion d'égalité.

Après le douzième alinéa, M. Christian Bataille, rapporteur, a présenté un amendement visant à définir précisément le principe d'égalité auquel faisait référence la proposition de résolution.

M. Claude Gaillard a estimé que ce principe d'égalité n'était pas respecté aujourd'hui et ne le serait jamais et qu'on pouvait donc s'interroger sur l'utilité d'affirmer un principe bafoué dans les faits.

Après que M. François Brottes eut présenté deux sous-amendements de précision et que la commission les eut adoptés, celle-ci a adopté cet amendement ainsi modifié.

Au treizième alinéa, le rapporteur a proposé à la commission un amendement définissant le principe de continuité auquel faisait référence la proposition de résolution, ainsi que les conditions de suspension de ce principe.

M. François Brottes, après avoir fait part de ses craintes que la rédaction proposée ne limite l'exercice du droit de grève dans les services publics, a proposé un sous-amendement supprimant le rôle exercé par l'autorité de régulation dans la constatation de la force majeure. La commission a adopté ce sous-amendement, puis l'amendement ainsi sous-amendé.

Au quatorzième alinéa, M. Christian Bataille, rapporteur, a présenté un amendement précisant le contenu du principe de mutabilité du service public.

M. Claude Gaillard s'est dit en accord avec la philosophie générale de cet amendement, mais a affirmé, d'une part, que la définition proposée ouvrait la voie à une inégalité chronologique devant le service public et, d'autre part, que la concurrence était toujours à la source des progrès techniques.

M. François Brottes s'est félicité de l'esprit de cet amendement, qui permet d'éviter que la qualité du service ne soit figée dans le temps, et a proposé une modification rédactionnelle permettant de ne pas ouvrir la voie à d'éventuelles dérogations au principe de mutabilité.

La commission a adopté le sous-amendement proposé par M. François Brottes, puis l'amendement ainsi sous-amendé.

Au quinzième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur précisant le contenu de l'obligation d'information à laquelle les opérateurs sont soumis.

Après le quinzième alinéa, M. Christian Bataille, rapporteur, a présenté un amendement définissant la notion de participation mentionnée dans la proposition de résolution.

Après que M. François Brottes eut fait part de son inquiétude pour les salariés des opérateurs, qui pourraient se sentir concurrencés dans leur activité professionnelle, le rapporteur a retiré son amendement.

Au dix-septième alinéa, la commission a adopté un amendement de rapporteur améliorant la rédaction de cet alinéa et précisant la nature de l'éventuelle participation des opérateurs aux objectifs de recherche et d'environnement.

Au dix-huitième alinéa, la commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur concernant les nouvelles technologies de l'information et de la communication, modifié par un sous-amendement de M. François Brottes faisant explicitement référence, à titre d'exemple, à Internet et à la téléphonie mobile.

Au dix-neuvième alinéa, la commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

Au vingtième alinéa, compte tenu des observations de plusieurs membres de la commission, favorables au maintien des termes « service public » dans le texte de la résolution, le rapporteur a retiré un amendement substituant les termes « services d'intérêt général » à ceux de « service public ».

Après le vingt et unième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que la directive cadre devra préciser les conditions devant être réunies par les Etats membres pour pourvoir déroger aux règles de concurrence.

Au vingt-sixième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur subordonnant l'application des règles de concurrence au respect des obligations de service public.

Au vingt-septième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que le contrôle politique évoqué dans cet alinéa relève des parlements nationaux.

Au vingt-neuvième alinéa, compte tenu des observations précitées au sujet des termes « service public », M. Christian Bataille, rapporteur, a retiré un amendement rédactionnel.

Au trente-deuxième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur indiquant que le membre de la Commission européenne chargé du suivi des services d'intérêt général doit se consacrer exclusivement à cette tâche.

Au trente-troisième alinéa, M. Christian Bataille, rapporteur, a présenté à la commission un amendement mentionnant à titre d'exemple, parmi les services non marchands évoqués dans cet alinéa, l'éducation, la protection sociale et la sécurité publique.

M. Pierre Cohen a estimé que les nouvelles technologies de l'information et de la communication, dont la nature marchande est particulièrement prononcée, posaient un problème spécifique en matière d'éducation comme de santé, et s'est dit satisfait à ce titre des précisions apportées par l'amendement proposé par le rapporteur ; il a proposé un sous-amendement tendant à ce que la santé soit explicitement mentionnée, que la commission a adopté.

Conformément au souhait exprimé par M. François Brottes, la commission a ensuite adopté un sous-amendement invitant l'Union européenne à veiller au maintien de certains services marchands, de fait non marchands, dans les territoires où leur rentabilité ne peut être assurée. La commission a ensuite adopté l'amendement ainsi sous-amendé.

Après le trente-quatrième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur intégrant à la résolution les modifications qu'il conviendrait d'apporter à la proposition de directive sur les communications électroniques soumise à l'Assemblée nationale.

Puis la commission a adopté la proposition de résolution de M. Gérard Fuchs, (n° 3142) sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (COM [2000] 392 final/E 1551) et visant à instaurer une directive-cadre fixant les règles générales applicables aux services d'intérêt général, ainsi modifiée.

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