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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 46

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 10 juin 1998
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. André Lajoinie, président

SOMMAIRE

 

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– Audition de M. Louis LE PENSEC, ministre de l’agriculture et de la pêche, sur le projet de loi d’orientation agricole


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La commission a entendu M. Louis Le Pensec, ministre de l’agriculture et de la pêche, sur le projet de loi d’orientation agricole.

Le président André Lajoinie a remercié le ministre de venir exposer devant la commission les grandes lignes du projet de loi d’orientation agricole, quelques heures à peine après son adoption par le Conseil des ministres.

M. Louis Le Pensec a indiqué que ce projet de loi avait été annoncé par le Président de la République il y a déjà deux ans lors du cinquantenaire de la FNSEA et que le Premier ministre avait également affirmé sa volonté de le présenter il y a un an, à l’occasion de sa déclaration de politique générale.

Le texte présenté n’a pas négligé ce travail de réflexion préalable. Il a de plus été élaboré d’une manière assez originale, puisque c’est en amont du débat interministériel qu’une consultation a eu lieu avec les organisations professionnelles et syndicales, avec les syndicats d’enseignants et de salariés ainsi qu’avec les représentants de l’agro-alimentaire, des consommateurs et des associations de protection de l’environnement.

Le projet arrêté par le Premier ministre est la dixième version de ce texte, ce qui montre bien le souci d’échanges et de débats qui a été celui du ministre tout au long de sa préparation.

Les raisons de la rédaction d’un tel projet de loi tiennent au fait que la politique agricole fait actuellement l’objet d’une profonde remise en cause :

– par les agriculteurs eux-mêmes qui souhaitent une politique agricole plus équitable et qui permette un développement harmonieux de toutes les productions et de toutes les régions ;

– par nos concitoyens qui contestent les excès du « productivisme », dont la crise de « la vache folle » a été le révélateur, s’inquiètent des conséquences négatives d’une certaine forme d’agriculture sur l’environnement, et s’interrogent sur le coût de cette politique au regard des avantages qu’elle procure ;

– par certains pays du Sud de l’Union européenne, qui remettent en cause une politique qu’ils jugent trop favorable aux grandes productions des pays du Nord (lait, céréales, viandes), et par certains de ceux-ci qui prônent l’abandon de la PAC ;

– par les partenaires de l’Union européenne, qui attendent les prochaines négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce pour reprendre les hostilités.

Les propositions de la Commission européenne pour la réforme de la PAC qui prévoient de compenser la baisse des prix garantis par une augmentation des aides directes aux agriculteurs sont à cet égard dangereuses. Il convient plutôt de s’engager dans la voie d’un découplage partiel entre les aides et la production. Il faut en fait tirer les conséquences du succès de la PAC et l’adapter à la situation nouvelle de l’agriculture. Deux axes de réformes sont possibles : celui du renoncement et du démantèlement de toute politique agricole commune ou celui de sa refondation sur des bases renouvelées et modernisées.

Le projet de loi d’orientation agricole entend contribuer à cette seconde voie, celle de la refondation d’une politique agricole durable de l’Union européenne. Cette refondation consiste d’abord à expliquer et justifier le maintien d’une politique publique en faveur des agriculteurs autour de trois idées principales :

– la multifonctionnalité de l’agriculture ;

– la nécessité d’agir en faveur de l’équilibre territorial et social ;

– la contractualisation de la politique agricole.

En effet, la politique agricole doit contribuer à l’accomplissement des trois fonctions essentielles de l’agriculteur : la fonction économique de régulation de marchés extrêmement spéculatifs, la fonction environnementale de développement de pratiques agronomiques plus respectueuses de l’environnement et la fonction sociale de création d’emplois.

La politique agricole doit également assurer un équilibre de la répartition de l’activité agricole sur le territoire et l’équité de la distribution des concours publics entre les agriculteurs.

C’est à ce prix qu’elle sera légitime et acceptée durablement.

Enfin, la contractualisation de la politique agricole par la mise en place d’un contrat territorial d’exploitation permettra de moderniser la gestion de la politique agricole. Ce contrat permettra de proportionner l’attribution des moyens publics à l’intérêt des projets présentés par les agriculteurs pour le développement de richesses sur leur exploitation, aussi bien que pour l’accomplissement des objectifs publics fixés par l’Etat. Il sera l’outil de gestion et de répartition d’une partie des aides aux agriculteurs. Il permettra la confrontation de deux volontés, celle des agriculteurs désirant développer leurs projets, celle des pouvoirs publics soucieux de faire prévaloir les objectifs collectifs d’intérêt général, dont ils ont la charge.

Le texte du projet de loi comporte un article premier qui fixe les objectifs de la politique agricole et reconnaît la multifonctionnalité de l’agriculture, ainsi que six titres consacrés respectivement aux contrats territoriaux d’exploitation (CTE), aux exploitations et aux personnes, à l’organisation économique, à la qualité des produits, à la gestion de l’espace agricole et forestier, ainsi qu’à l’enseignement, à la recherche et au développement.

S’agissant du titre premier consacré au contrat territorial d’exploitation, il est prévu que ce dernier sera signé avec l’agriculteur pour une durée qui devrait être de cinq ans et qu’il s’intégrera dans un dispositif à la fois national, régional et départemental. Pour contractualiser, l’agriculteur devra présenter un projet s’inscrivant dans le cadre de deux orientations : création de valeur ajoutée et gestion du territoire ; en contrepartie, il recevra une rémunération destinée à couvrir les prestations qui lui seront demandées. Il s’agira là d’un engagement personnel de l’agriculteur, qui ne changera pas les obligations à l’égard des tiers, notamment dans les rapports preneurs-bailleurs.

En ce qui concerne le titre II consacré aux exploitations et aux personnes, le texte prévoit une réorientation du contrôle des structures en vue de favoriser systématiquement l’installation des jeunes agriculteurs sur des exploitations viables. L’objectif est ainsi d’éviter le démantèlement des structures et de limiter les agrandissements abusifs d’unités déjà existantes.

Le texte prévoit donc :

– un élargissement du champ d’application du contrôle des structures, en s’appuyant sur un critère plus économique, l’unité de référence, fixée par rapport à la surface moyenne des installations aidées dans le département au cours des cinq dernières années, l’ancienne superficie minimum d’installation (SMI) étant maintenue, notamment dans le domaine de la protection sociale ;

– la mise en oeuvre du principe d’égalité de traitement entre exploitations individuelles et sociétaires, grâce au choix d’un seuil unique de contrôle, indépendant de la forme juridique de l’exploitation ;

– une unification de la procédure, qui sera désormais celle d’un régime d’autorisation, qui restera déconcentrée au niveau du département et sera améliorée par l’organisation d’une publicité sur les terres libérées, par une gestion organisée de toutes les informations disponibles et par une meilleure motivation des décisions préfectorales ainsi que des avis de la commission départementale d’orientation de l’agriculture ;

– une modification du régime des sanctions en cas d’infraction à la réglementation, par la substitution d’amendes administratives aux amendes pénales existantes peu utilisées et inefficaces.

Le projet de loi s’intéresse également au statut des personnes vivant sur l’exploitation, notamment les femmes, les jeunes et les salariés. Pour les conjoints d’agriculteurs qui ne souhaitent pas devenir coexploitants ou associés de société, un nouveau statut de « conjoint collaborateur », statut choisi et non subi, se substituera progressivement au statut actuel de « conjoint participant aux travaux », qui disparaîtra progressivement. Le conjoint qui optera pour ce nouveau statut pourra ainsi acquérir des droits non plus seulement pour la retraite forfaitaire mais également pour la retraite proportionnelle, à concurrence de 16 points par an.

L’allocation de remplacement en cas de maternité qui n’est actuellement sollicitée que par une femme sur trois en agriculture, sera améliorée par la suppression du ticket modérateur (actuellement de 10 %) et une créance de salaire différé du conjoint sera instituée comme pour les artisans et les commerçants au bénéfice du conjoint survivant ayant participé aux travaux pendant au moins 10 ans sans être associé aux bénéfices ; elle aura une valeur de trois fois le SMIC annuel, dans la limite de 25 % de l’actif successoral.

Pour encourager toutes les installations viables, les cotisations sociales des nouveaux installés seront réaménagées, pour qu’elles ne soient pas un handicap pour les installations modestes. Ainsi, l’assiette forfaitaire qui s’applique aux cotisations des nouveaux installés sera désormais provisoire pour les chefs d’exploitation qui débutent leur activité, et on lui substituera, dès qu’ils seront connus, les revenus professionnels correspondant aux premières années. De même, les conjoints qui ont participé aux travaux avant de s’installer en qualité de chefs d’exploitation avec leur époux verront leurs cotisations assises sur la part correspondant à leur participation aux bénéfices dans les revenus du foyer fiscal.

Enfin, pour aider au développement de l’emploi salarié en agriculture, trois mesures nouvelles sont proposées :

– le titre emploi salarié agricole, disposition déjà expérimentée avec succès depuis deux ans pour les emplois saisonniers et qui a permis notamment une croissance de l’emploi déclaré, fera l’objet d’une pérennisation et d’une extension à l’ensemble des contrats à durée déterminée ;

– des comités départementaux des activités sociales et culturelles des salariés du secteur de la production agricole seront créés ;

– des commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, au plan départemental ou interdépartemental seront instituées ; elles contribueront au développement de la prévention dans les petites exploitations.

En ce qui concerne le titre III consacré à l’organisation économique, acquis important de la politique agricole qu’il convient de préserver et de renforcer, le texte du projet prévoit :

– la modernisation de certains aspects du droit de la coopération agricole : pour adapter celui-ci à la suppression des frontières au sein de l’Union européenne, les coopératives françaises auront la possibilité d’accueillir en qualité d’associés coopérateurs des agriculteurs installés en zones frontalières dans d’autres Etats membres ; pour adapter le droit de la coopération agricole à la réalité des grands groupes mixtes constitués par les coopératives et leurs filiales, il y aura une obligation de consolidation des comptes dans les mêmes conditions que pour les sociétés de droit commun ; enfin, la coopération agricole sera dotée d’une instance de réflexion et de concertation rénovée avec le renforcement de l’actuel conseil supérieur d’orientation de la coopération agricole, désormais doté d’une assise législative et bénéficiant de missions renforcées ;

– l’adaptation de certaines dispositions concernant les organisations interprofessionnelles agricoles, en favorisant la présence de la distribution en leur sein ainsi que l’association des consommateurs et des salariés des entreprises des secteurs concernés et l’extension de leur champ d’application en permettant la création d’interprofessions spécifiques pour les produits sous signes officiels de qualité (AOC, labels, certification de conformité, produits de l’agriculture biologique), tout en régissant les relations avec les interprofessions de portée plus générale ;

– l’encouragement des partenaires d’une filière à s’entendre sur les meilleurs moyens de résorber une crise et d’adapter l’appareil de production, pour éviter les faillites en chaîne et la mise à mal du potentiel de production ;

– l’élargissement de la composition du conseil supérieur d’orientation agricole (CSO) aux consommateurs et aux associations agréées pour la protection de l’environnement, afin de mieux prendre en compte les diverses fonctions de l’agriculture.

En ce qui concerne le titre IV relatif à la qualité des produits, le texte du projet prévoit quatre mesures allant dans le sens de la politique de qualité construite progressivement depuis 1935 avec la mise en place de signes d’identification de la qualité et de l’origine des produits, les labels agricoles étant apparus en 1960, l’agriculture biologique en 1980, la certification de conformité en 1988 :

– l’examen par un comité particulier de l’Institut national des appellations d’origine (INAO) des demandes d’indications géographiques protégées (IGP), l’INAO disposant ainsi d’une compétence élargie à toutes les réservations de noms géographiques ;

– l’extension à tous les produits d’une appellation d’origine contrôlée d’une disposition déjà prévue pour les vins qui institue le prélèvement d’une cotisation destinée à financer le coût des contrôles ;

– la réactivation d’un dispositif essentiel de la loi montagne, estimé source d’entraves potentielles aux échanges par la Cour de justice des communautés européennes, en précisant dans le texte du projet que le dispositif d’autorisation ne s’appliquera qu’aux produits fabriqués en France ;

– l’encadrement strict du terme « fermier » devenu très valorisant.

En ce qui concerne le titre V relatif à la gestion de l’espace agricole et forestier, le texte prévoit sa meilleure prise en compte par la réaffirmation de dispositions figurant déjà dans le nouveau code rural.

En ce qui concerne le titre VI relatif à l’enseignement, à la recherche et au développement, le texte actualise et précise la définition des quatre missions de l’enseignement agricole : formation initiale et continue, développement et expérimentation, participation à l’animation rurale et coopération internationale.

Il redéfinit les missions de l’enseignement supérieur agronomique et vétérinaire, associe le ministre chargé de l’enseignement supérieur à la tutelle pédagogique des établissements, ouvre aux établissements la possibilité de délivrer des diplômes de 3ème cycle, et de coopérer entre eux ou avec d’autres établissements d’enseignement et de recherche, au sein de groupements d’intérêt public.

Le texte ne modifie par ailleurs en rien les relations entre l’Etat et les établissements de l’enseignement agricole privé telles qu’elles ont été fixées par la loi de 1984.

Enfin, l’article consacré à la recherche agronomique et vétérinaire est un simple article d’orientation, puisque le régime juridique et l’organisation de ce segment de recherche sont fixés par les textes généraux relatifs à la recherche publique.

Enfin, le projet de loi donne pour la première fois une définition législative du développement agricole, qui correspond à l’ensemble des actions concourant à la diffusion du progrès technique en agriculture.

Le projet de loi, a conclu le ministre de l’agriculture, ne traite pas de l’ensemble de la politique agricole, car il n’est pas nécessaire de légiférer sur ce qui fonctionne bien ; c’est un texte d’orientation qui pourra être enrichi grâce aux travaux de la commission de la production et des échanges.

M. François Patriat a noté que, dans le contexte national, européen et international que connaît aujourd’hui notre agriculture, le projet de loi d’orientation apparaissait comme un véritable texte fondateur dont il partage la philosophie. Si l’on ne peut ignorer le mouvement de mondialisation, l’identité agricole française, a-t-il précisé, doit être sauvegardée et ce texte y contribue.

M. François Patriat a estimé qu’il fallait éviter d’être exagérément préoccupé par les exigences de la compétitivité, ce qui conduit à une concentration critiquable des exploitations et que l’agriculture ne devait pas être perçue comme devant avant tout fournir des matières premières à bas prix sur les marchés mondiaux. De la même façon, il est indispensable d’éviter toute vision de la politique agricole qui risquerait d’alimenter les inégalités entre producteurs, distinguant des « agri-managers » et une agriculture à base territoriale. Le territoire précisément doit être mis au coeur de la politique agricole. Dans le rapport qu’elle a présenté devant le Conseil économique et social, Mme Christiane Lambert, présidente du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA) a utilisé à cet égard deux formules très positives, indiquant qu’elle préférait « avoir des voisins plutôt que des hectares » et que, par ailleurs, il était essentiel, pour la politique agricole, de passer d’une « logique de guichet à une logique de projet ».

M. François Patriat a fait part de son accord avec le ministre de l’agriculture sur la nécessité d’assigner à la politique agricole trois types de missions, touchant à la production, aux données sociales et environnementales. Il a exprimé également son accord avec les objectifs retenus : l’encouragement à l’installation des jeunes, l’action en faveur de la pérennité des exploitations, le développement de l’emploi salarié, la parité des garanties avec les autres catégories professionnelles, l’amélioration des revenus, la production de biens alimentaires diversifiés et de qualité, la valorisation des terroirs, la préservation des ressources naturelles, la production par les agriculteurs de services collectifs. Il a noté notamment que l’espace rural appartient à tous et qu’il est essentiel de créer un effet de synergie entre les divers intervenants du milieu rural. S’agissant des outils proposés dans le projet de loi d’orientation, il a observé que le contrat territorial d’exploitation était un mécanisme de plus en plus connu de tous et que la concertation menée à ce sujet permettait de mieux en cerner les contours.

M. François Patriat a ensuite posé deux questions :

– quelles règles présideront au financement du contrat territorial d’exploitation ?

– comment celui-ci s’articulera-t-il avec les contrats de plan Etat-régions et en particulier, les collectivités locales seront-elles appelées à y participer ?

Il a noté enfin que le projet de loi d’orientation mettait en avant pour la première fois une véritable politique de la qualité des produits alimentaires en affichant des objectifs ambitieux et en prévoyant un bon usage des mentions géographiques.

Il a enfin fait part d’une inquiétude relative à la constitution d’interprofessions spécifiques pour les produits sous signe de qualité, notant que, si ce mécanisme peut être imaginé pour les produits laitiers, de nombreux producteurs dans le secteur vitivinicole sont déjà organisés en interprofessions régionales.

M. Christian Jacob a demandé que soient précisées les parts contributives respectives de la France et de la Communauté européenne dans le financement des contrats territoriaux d’exploitation.

Estimant qu’une réforme de l’assiette et du mode de calcul des cotisations sociales était urgente, il a souhaité connaître les propositions du Gouvernement en faveur de la baisse des charges sociales et fiscales des entreprises agricoles. Il a de même demandé si une revalorisation des retraites des agriculteurs était envisagée, rappelant que cette question avait précisément été renvoyée à l’examen du présent projet de loi lors du dernier débat budgétaire.

Il a regretté l’importance des coûts de transmission lors de l’installation des jeunes agriculteurs, qui pèsent sur les fonds de roulement disponibles, au moment même où ceux-ci sont particulièrement requis pour débuter l’activité.

Il s’est enfin étonné que le projet de loi ne contienne pas de réel volet économique et n’indique pas d’orientations dans ce domaine.

M. Félix Leyzour a souligné que le projet de loi d’orientation se fondait sur les principes de développement durable et de maîtrise de l’impact de l’agriculture sur l’environnement. Il a relevé que le contrat territorial d’exploitation constituait l’instrument principal de cette orientation, remplaçant ainsi un système d’aide à la surface par un dispositif contractuel prenant en compte les activités agricoles liées aux attentes de la société.

Indiquant qu’il existait une convergence entre les propositions de son groupe et les dispositions du projet, il a rappelé que la portée de la loi d’orientation serait liée à la réforme de la politique agricole commune. Il a estimé que cette loi constituerait un point d’appui pour défendre, au sein de la Communauté, le potentiel agricole européen et français, le droit à une juste rémunération des agriculteurs, pour corriger les injustices dans l’attribution des aides, tant nationales qu’européennes, pour renforcer l’emploi et préserver la qualité des produits. Il a considéré qu’à défaut d’une réforme de la PAC qui remette en cause les principes du libéralisme, l’agriculture française poursuivrait sa concentration, ce qui irait à l’encontre des objectifs du projet de loi.

Il a enfin interrogé le ministre sur les conditions de financement des contrats territoriaux d’exploitation, l’installation des jeunes et les retraites.

M. François Sauvadet, soulignant la place essentielle de la production agro-alimentaire française dans le monde, a rappelé que le projet de loi s’inscrivait dans un contexte international en profonde évolution : perspectives à moyen terme de l’Organisation mondiale du commerce, entrée des pays d’Europe centrale dans l’Union européenne, réforme de la PAC. Des réponses doivent également être apportées à des problèmes importants, tels l’avenir de la transgénèse ou la sécurité alimentaire. C’est pourquoi il a regretté que, face à ces enjeux, le projet de loi apporte une réponse inadaptée, parce que trop hexagonale.

Il a souhaité que soient précisés les objectifs et les moyens du contrat territorial d’exploitation (CTE). Rappelant que le programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole (PMPOA) n’avait pas disposé de dotations spécifiques supplémentaires lors de l’adoption de la loi de finances pour l’année en cours, il a craint qu’il en aille de même pour les contrats territoriaux d’exploitation, ceux-ci risquant ainsi de constituer un piège pour les agriculteurs.

Il a également souhaité connaître le lien qui serait établi entre ces contrats et le fonds de gestion de l’espace rural et demandé des précisions sur l’évolution des conditions de transmission des entreprises agricoles, notamment dans un cadre familial.

Il a souligné la faiblesse du texte dans le domaine économique. Il conviendrait de réaffirmer l’importance de la production, d’améliorer la capacité exportatrice de la France dans le secteur agro-alimentaire et de permettre aux producteurs, notamment par des aides fiscales aux PME, de renforcer leur activité de transformation.

M. Jean-Michel Marchand s’est réjoui que le projet de loi d’orientation soit fondé sur les principes de soutien à l’emploi, d’aide à l’installation, de contrôle de l’agrandissement des exploitations et de développement durable.

Il a souligné à ce sujet l’incohérence qui existe entre le projet de loi et le dispositif communautaire contenu dans l’« Agenda 2000 », par exemple pour le maintien de la prime à l’ensilage de maïs, alors que les effets de celui-ci sont dévastateurs sur l’environnement.

Il a ensuite interrogé le ministre sur trois points :

– quelle est l’articulation entre le contrat territorial d’exploitation et le plan de développement de l’agriculture biologique, branche particulièrement pourvoyeuse d’emplois ?

– quelle sera la responsabilité des directions départementales de l’agriculture et de la forêt dans la tenue du registre de l’agriculture ?

– comment sera assurée la nécessaire transparence des transmissions d’exploitations pour favoriser l’implantation des jeunes agriculteurs ?

M. Joseph Parrenin a fait observer, à la lumière de trente cinq années d’exercice de la profession d’agriculteur, que la loi d’orientation agricole était attendue, car, a-t-il estimé, depuis 1962, il n’y a pas eu de grand débat au sein du monde agricole sur l’orientation de l’agriculture française. La mise au point du projet de loi d’orientation agricole a déjà permis d’organiser d’intéressantes discussions. Son examen au Parlement permettra encore de l’approfondir et d’apporter des amendements au projet de loi.

Il a fait valoir que le projet de loi d’orientation agricole faisait plutôt l’unanimité parmi les acteurs du monde agricole, car il était apparu nécessaire de recadrer les objectifs de la politique agricole. Au travers de la nouvelle définition de ces objectifs, la loi d’orientation agricole traduira une reconnaissance du rôle fondamental des agriculteurs dans notre pays.

Il a, en conclusion, souhaité savoir quelle était l’articulation entre le contrat territorial d’exploitation et la vocation économique de l’agriculture, quel message le ministre entendait adresser à la Commission européenne et aux partenaires européens au travers du projet de loi et comment le contrat territorial d’exploitation s’appliquerait dans les zones à handicap naturel comme les zones de montagne.

M. Léonce Deprez a jugé que le projet de loi d’orientation agricole répondait aux besoins de rééquilibrage et de revalorisation du territoire. Mais, au-delà de cette préoccupation première, le projet de loi manque d’ambition. Il a souhaité notamment savoir dans quelle mesure le projet de loi constituait une adaptation de l’agriculture française aux besoins mondiaux, aux exigences de la réforme de la politique agricole commune et à la nécessité d’organisation économique des producteurs face aux marchés qui se concentrent et se mondialisent. Il a conclu en s’interrogeant sur la cohérence du projet de loi avec le projet d’Agenda 2000 tel qu’il avait été exposé par M. Franz Fischler, commissaire européen chargé de l’agriculture, entendu par la commission de la production et des échanges le 14 mai 1998.

M. André Lajoinie, président, a indiqué aux membres de la commission que le ministre de l’agriculture se trouvait contraint de quitter la réunion ; il a proposé au ministre de poursuivre cette audition à une date ultérieure, ce que M. Le Pensec a accepté.

——fpfp——


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