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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 7

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 20 octobre 1999
(Séance de 9 heures 45)

Présidence de M. Jean-Pierre Defontaine, vice-président,
puis de M. Pierre Ducout, vice-président,
puis de M. André Lajoinie, président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de Mme Michelle DEMESSINE, secrétaire d'Etat au tourisme, sur les crédits de son département pour 2000 .


2

-  Examen pour avis des crédits pour 2000 : tourisme (M. Jean-Pierre DEFONTAINE, rapporteur  pour avis)

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- Examen du rapport d'information présenté par M. Daniel CHEVALLIER en conclusion des travaux d'une mission d'information sur la présence du loup en France

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La commission a entendu Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, sur les crédits de son département pour 2000.

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, a tout d'abord indiqué que le tourisme en France avait enregistré d'excellents résultats en 1999. Elle a déclaré que le projet de budget du tourisme pour 2000 traduisait la volonté du Gouvernement d'intervenir de façon plus dynamique encore, pour conforter, moderniser et développer un secteur essentiel à l'activité économique de la France, mais aussi à l'aménagement de notre territoire. Elle a rappelé qu'elle avait déjà eu l'occasion de souligner devant les parlementaires combien le tourisme était un secteur d'activité en croissance dans le monde et combien, en France, il était créateur de richesses et d'emplois et porteur d'espoirs pour l'économie nationale et pour l'ensemble de nos concitoyens. Mme Michelle Demessine a également rappelé que l'activité touristique nationale représentait, désormais, plus de 7,3 % du produit intérieur brut et qu'elle avait contribué pour plus de 71 milliards de francs au solde positif de la balance des paiements en 1998. Ce secteur est donc placé au tout premier rang de notre économie. La secrétaire d'Etat au tourisme a exprimé sa conviction que le tourisme, qui génère 1 million d'emplois directs et autant d'emplois indirects, pouvait contribuer à l'amélioration de la qualité de vie et au combat contre le chômage, à l'heure où la société française s'engage dans la réduction du temps de travail.

Mme Michelle Demessine a estimé que, pour développer un tourisme durable, équilibré et harmonieux sur l'ensemble du territoire national, pour faire en sorte que ce développement soit véritablement créateur de richesses et synonyme d'enrichissement mutuel et enfin pour favoriser l'accès de tous aux vacances et aux loisirs, il était nécessaire de mener une politique cohérente, fédérant les acteurs et les énergies, les soutenant et les accompagnant dans leurs efforts pour offrir de meilleures prestations à leurs visiteurs et promouvoir l'image d'une France accueillante.

Elle a exprimé la satisfaction de présenter un budget pour 2000 à nouveau en augmentation et elle a souligné que cette croissance des crédits s'inscrivait dans l'évolution progressive du budget dont elle se faisait l'avocate au sein du Gouvernement. Dans cet esprit, elle a demandé à ses services de bâtir un « budget objectif » de mise en _uvre de la politique qu'elle entend conduire à l'échéance de la législature, budget qui s'élèverait, en 2003, à 700 millions de francs. Elle a noté que cette démarche ne devait pas occulter pour autant les engagements financiers et techniques des autres départements ministériels en faveur du tourisme et a souligné le caractère horizontal et interministériel du travail qu'elle menait au sein du Gouvernement.

Puis, Mme Michelle Demessine a précisé que les moyens consacrés au tourisme augmentaient de près de 14 % par rapport à 1999, passant ainsi en deux ans de 335 millions de francs à 423,5 millions de francs.

Cette augmentation devra prioritairement permettre :

- une meilleure prise en compte des réalités et des potentialités de chaque territoire et de chaque filière, par des moyens d'observation économique renforcés ;

- un soutien, en particulier dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, à la mise en place de politiques de développement local, par l'encouragement donné à une définition de schémas régionaux et départementaux d'aménagement et de développement touristique ;

- un renforcement de la politique sociale du tourisme qu'elle a relancée ;

- un travail de mobilisation de l'ensemble des acteurs du secteur pour diversifier, améliorer, commercialiser et promouvoir l'offre touristique française, tant en France qu'à l'étranger, en mettant notamment l'accent sur les nouvelles technologies de l'information et de la réservation ;

- un développement de la politique française de coopération internationale et de valorisation de nos savoir-faire à l'étranger ;

- la poursuite de l'effort d'amélioration des moyens et conditions de travail des délégations régionales au tourisme.

Puis, Mme Michelle Demessine a cité quelques chapitres budgétaires, qui seront en augmentation significative en 2000. Concernant le titre III, le chapitre « études » est en augmentation de 137 % et atteint 17,3 millions de francs ; cette forte progression permettra de réaliser la nouvelle enquête aux frontières, qu'il faut adapter aux contraintes résultant de l'euro. Cette enquête a pour objectif de mesurer le flux de touristes non résidents et de « décrypter » les différentes composantes touristiques de leur séjour. Elle constitue un outil majeur d'aide à la décision tant pour les pouvoirs publics que pour les professionnels. Quant aux moyens de fonctionnement des services déconcentrés du secrétariat d'Etat au tourisme, ils augmenteront de 6,7 %, permettant ainsi de renforcer la présence de l'Etat auprès des professionnels et des collectivités, en particulier dans la perspective de la mise en _uvre des contrats de plan Etat-régions.

Au titre IV, les crédits d'interventions stratégiques à caractère économique bénéficieront d'une hausse de 4 % (+ 1 million de francs, soit un budget total de 20,8 millions de francs). Celle-ci sera essentiellement consacrée à la coopération internationale et à la préparation de la présidence française de l'Union européenne. Par ailleurs, l'Agence française d'ingénierie touristique (AFIT), outil très apprécié des investisseurs publics et privés, verra ses crédits augmenter de 12,5 % (+ 1 million de francs), ce qui portera son budget total à 9 millions de francs, afin de développer ses missions de service public en faveur de la valorisation et de l'adaptation de l'offre touristique française. Enfin, pour traduire en actes « l'égal accès de tous aux vacances », affirmé dans la loi d'orientation relative à la lutte contre l'exclusion, des actions à destination des familles et des jeunes sont prévues dans le projet de budget pour 2000. Il s'agit notamment de la « bourse solidarité vacances », à laquelle l'Etat consacrera l'an prochain un budget de 2,8 millions de francs, soit une augmentation de près de 30 % par rapport à 1999.

En outre, Mme Michelle Demessine a rappelé que l'effort en faveur du départ en vacances de l'ensemble de nos concitoyens sera poursuivi et amplifié, notamment grâce à l'extension du chèque-vacances aux salariés des PME-PMI, à la poursuite de la sensibilisation des professionnels du tourisme à l'accueil des personnes handicapées ou encore au financement de projets de vacances de jeunes à l'étranger. Elle a d'ailleurs noté que le tourisme des jeunes constituera un chantier très important pour le secrétariat d'Etat au tourisme en l'an 2000.

Toujours en ce qui concerne le titre IV, les deux postes qui bénéficieront d'une augmentation majeure seront, d'une part, dans le chapitre « développement territorial des régions », l'enveloppe consacrée aux contrats de plan Etat-régions, en hausse de plus de 69 %, soit 30 millions de francs et, d'autre part, dans le chapitre « promotion à l'étranger », l'enveloppe attribuée à Maison de la France (+ 13,4 %, soit 173 millions de francs).

Concernant le titre VI, l'effort budgétaire consacré au « plan patrimoine » est maintenu ; l'essentiel des augmentations de ce titre porte sur l'enveloppe « investissements » des contrats de plan, qui devra permettre de contribuer à la réhabilitation de l'hébergement touristique et, en particulier, de la petite hôtellerie indépendante.

Mme Michelle Demessine a jugé ainsi que l'action de son département ministériel pour l'an 2000 porterait prioritairement sur l'adaptation, la modernisation et la valorisation. Elle a annoncé que les 200 000 entreprises du secteur du tourisme seraient accompagnées dans leurs efforts pour moderniser leurs équipements et adapter leur offre aux nouvelles exigences des vacanciers. Elle a par ailleurs noté, qu'à l'instar de la mobilisation autour de la coupe du monde de football, les célébrations de l'an 2000 en France offriront la possibilité d'accomplir encore d'importants progrès.

Cet effort qualitatif sera accompagné, au-delà des moyens budgétaires nouveaux précédemment évoqués, de certaines mesures, telles que :

- la mise en place du dispositif « villages résidentiels de tourisme », qui a pour objectif de favoriser la rénovation et la mise en marché de l'immobilier de loisirs des stations littorales ou de montagne, en particulier celles qui ont vieilli et qui doivent s'adapter aux nouvelles attentes des touristes ;

- le nouveau processus de classement des restaurants de tourisme ;

- les mesures d'incitation et de promotion du classement des meublés de tourisme.

Puis, la ministre a rappelé l'indispensable amélioration de la qualité de l'emploi dans le secteur du tourisme. Ainsi, sera poursuivie l'amélioration des conditions de vie et de travail des 420 000 saisonniers du tourisme. La mise en place de la loi sur la réduction du temps de travail, qui s'applique déjà à 200 000 salariés du secteur, sera également « accompagnée » par le secrétariat d'Etat. Les actions de ce dernier porteront enfin sur le développement et l'enrichissement de la formation des professionnels du tourisme, de manière à leur permettre notamment de mieux maîtriser les nouvelles technologies qui sont, aujourd'hui, un véritable défi pour ce secteur.

Mme Michelle Demessine a déclaré qu'elle entendait conduire cette politique comme elle l'avait toujours fait depuis sa prise de fonction, dans la concertation et le partenariat avec les parlementaires, mais également avec les collectivités territoriales et l'ensemble des professionnels du tourisme, qu'ils soient publics, privés ou associatifs.

Cette politique s'articule autour de trois axes majeurs. Tout d'abord, il faut _uvrer pour que le tourisme soit reconnu comme un important secteur économique, facteur de croissance et créateur de richesses et d'emplois, donc favorisant l'amélioration de la qualité de vie. Il faudra faire en sorte que lui soient donnés les moyens d'intervention nécessaires à son développement. Ensuite, il faut favoriser l'accès aux vacances et aux loisirs de tous les Français et, en particulier, des 40 % d'entre eux qui ne bénéficient pas encore de ce droit légitime ; cela devient, au-delà d'un acte de solidarité, un véritable acte de citoyenneté. Enfin, le tourisme est une activité économique à laquelle se rattache une éthique fondée sur les valeurs de l'amitié, de la solidarité et de l'échange des cultures, qui favorisent la tolérance et la paix. Sur ce dernier point, Mme Michelle Demessine s'est réjouie de la création d'un code mondial de l'éthique du tourisme par l'Organisation mondiale du tourisme.

M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis des crédits du tourisme, a observé que la France devrait enregistrer pour la troisième année consécutive, une croissance tout à fait significative de son activité touristique, le chiffre record de 70 millions d'arrivées observé pour 1998 devant être ainsi dépassé. Le taux de départ des Français atteint, par ailleurs, près de 75 % et l'identité du tourisme social et associatif a été clairement réaffirmée au cours des derniers mois. Il a néanmoins demandé à la ministre de faire le point sur plusieurs actions qu'elle a toujours considérées comme essentielles et que l'on doit d'ailleurs saluer : d'une part, le « droit aux vacances pour tous » grâce aux « bourses solidarité vacances » et l'encouragement au départ en vacances des jeunes en difficultés, d'autre part, l'intégration des personnes handicapées.

Il a ensuite demandé quelle évolution le budget du tourisme pour 2000 retenait pour les crédits de Maison de la France, à l'action de laquelle chacun est attaché. Il a indiqué que la commission avait souvent estimé, dans le passé, que les dotations consacrées à la promotion étaient très insuffisantes en France, par rapport au niveau qu'elles atteignent dans d'autres pays. Le rapporteur pour avis a rappelé ensuite que, lors des débats sur le budget pour 1999, la ministre avait estimé que la France avait besoin d'une nouvelle loi sur l'organisation globale du tourisme et il a demandé des informations sur la préparation d'un éventuel projet en ce sens.

Des propositions ayant été récemment présentées par la Caisse nationale d'assurance maladie, visant à prévoir une limitation de la prise en charge des cures thermales, ce qui pourrait porter atteinte à ce secteur important de notre tourisme, le rapporteur pour avis a demandé quelles suites éventuelles seraient données à ces propositions.

Il a demandé également à la ministre de rappeler les mesures prises pour aider à la modernisation de la petite hôtellerie, action essentielle dans certaines de nos régions connaissant une fréquentation touristique réelle, mais qui n'est pas celle d'un tourisme de masse. Il a souhaité savoir enfin quelles mesures concrètes peuvent être envisagées pour réduire les distorsions existant entre les taux de TVA applicables aux différentes formes de restauration.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances des crédits du tourisme, a exprimé son accord avec la plupart des interrogations soulevées par M. Jean-Pierre Defontaine. Il a cependant fait remarquer que deux institutions importantes, l'Agence française de l'ingénierie touristique (AFIT) et le Service d'étude et d'aménagement touristique de la montagne (SETAM) étaient insuffisamment dotées en personnels. Ces deux organismes, ayant une vocation « transversale » bénéficient, en effet, traditionnellement de mises à disposition de fonctionnaires d'autres ministères. Il est regrettable que ces organismes, ayant une forte capacité d'évaluation éprouvent des difficultés pour bénéficier du savoir-faire d'autres fonctionnaires. Il a déploré ensuite que la direction du tourisme ne dispose aujourd'hui que de locaux peu fonctionnels et particulièrement coûteux en loyers ; il a souhaité qu'elle puisse occuper dans l'avenir des bâtiments appartenant à l'Etat.

Le rapporteur spécial a évoqué ensuite les problèmes que posent les statistiques touristiques et regretté l'absence d'harmonisation existant entre les outils utilisés par les différents Etats. Il a demandé si une évolution ne pouvait pas être envisagée au moins au niveau de l'Union européenne.

Nos départements d'outre-mer des Caraïbes disposent enfin d'un potentiel touristique très important, mais se trouvent confrontés à une forte concurrence, notamment de la République dominicaine et de Cuba. Des mesures significatives devraient être prises afin d'y attirer les clientèles étrangères.

En réponse aux rapporteurs, Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, a tout d'abord rappelé qu'elle avait fait du « droit aux vacances pour tous » une priorité de son action et qu'une politique sociale du tourisme avait été réellement conduite depuis 28 mois.

Cet objectif se concrétise notamment dans l'extension du chèque vacances aux salariés des PME-PMI, qui constitue une mesure immédiatement applicable, s'inscrivant de surcroît dans une démarche volontariste. Il faut noter, sur ce point, que l'Agence nationale pour les chèques vacances est prête à faire face aux demandes qui seront présentées et qu'elle doit conduire une action de sensibilisation des acteurs (collectivités territoriales, chambres de commerce et d'industrie, notamment) l'information apparaissant, en la matière, tout à fait essentielle. Dix conventions sont d'ailleurs sur le point d'être signées. Les Etats généraux du tourisme social qui se sont tenus en mai 1999 ont rappelé, par ailleurs, l'importance des associations du tourisme social qui constituent un instrument essentiel de démocratisation des vacances.

En ce qui concerne le « plan patrimoine », il faut noter que les efforts budgétaires précédemment menés sont maintenus en 2000, l'objectif retenu étant la finalisation du plan de rénovation de 100 000 lits.

La ministre a abordé ensuite la technique de la « bourse solidarité vacances », qui s'inscrit dans une démarche de solidarité et qui est effective depuis cet été. Indiquant qu'il n'était pas question sur ce point d'encourager la formation de « ghettos », elle a indiqué que 1 200 familles avaient pu bénéficier de ce système pour l'été dernier, celles-ci étant la plupart du temps des familles monoparentales ayant deux enfants et disposant de ressources à hauteur de 3 000 francs par mois. La ministre s'est félicitée à cet égard d'avoir pu compter largement sur le concours des transporteurs.

En ce qui concerne l'action de Maison de la France, la ministre a indiqué que ses moyens avaient été sensiblement réévalués et que cet organisme demeurait, en toute hypothèse, un outil performant. Elle a précisé que si la France accomplissait moins d'efforts financiers que certains autres pays concurrents en matière de promotion, elle observe que les données financières ne résument pas l'ensemble de l'action qualitative menée. Maison de la France demeure présente ainsi dans 33 pays et s'adresse à des marchés ciblés.

La réorganisation de notre économie touristique est effectivement nécessaire, mais ne passe pas nécessairement par l'élaboration d'un nouveau projet de loi ; la création d'un code du tourisme destiné notamment aux professionnels apparaît beaucoup plus efficace. L'inspection générale du tourisme aura un rôle pilote pour mener à bien ce projet.

La prise en charge sociale des cures thermales a suscité de nombreuses interrogations, mais la ministre de l'emploi et de la solidarité a récemment indiqué que le Gouvernement ne donnerait pas suite aux orientations préconisées par la Caisse nationale d'assurance maladie. Toujours en matière de tourisme thermal, la ministre a rappelé les actions menées notamment par l'Agence française de l'ingénierie touristique (AFIT) sur le concept de « villes d'eaux » en Auvergne.

La modernisation de la petite hôtellerie rurale constitue une bonne réponse à la nécessité de mieux répartir les touristes sur l'ensemble du territoire. Elle peut être menée au travers des contrats de plan Etat-régions, l'Etat intervenant au titre des investissements immatériels (études financières ou de marché) et les régions intervenant pour des investissements matériels. Sur ce point, la ministre réfléchit à la constitution d'un fonds de garantie semblable à celui qui avait été mis en place pour la restructuration de la dette hôtelière, mais qui serait consacré à la seule modernisation de cette hôtellerie. Ce fonds aurait besoin de 20 millions de francs.

L'harmonisation des taux de TVA, applicables aux différentes formes de restauration, constitue une question complexe. Elle nécessite, en effet, l'intervention d'une décision européenne et une réflexion est actuellement conduite en ce sens. Mais la pression forte exercée sur ce point par les restaurateurs n'est-elle pas principalement un moyen, pour ces derniers, de faire comprendre leurs difficultés ? Leur activité, étant essentiellement de main-d'_uvre, supporte de fait des charges sociales importantes. Les mesures suggérées pour l'application des 35 heures constituent un moyen de répondre à ces problèmes, mais il ne faut pas oublier le poids des charges financières, auquel le secteur bancaire ne semble pas toujours attentif.

La réduction des mises à disposition de personnels pour l'AFIT pose effectivement des problèmes réels explicables par la volonté du Gouvernement de maîtriser les emplois publics et de recentrer son action sur de nouvelles priorités. Le dispositif existant gagnerait, ceci étant, à être mis à plat, de manière notamment à assurer une pérennisation de ces postes.

L'harmonisation des statistiques touristiques est effectivement réclamée par les professionnels et la France a soulevé ce problème à l'Organisation mondiale du tourisme. Des travaux doivent être menés au niveau européen et la France mettra en débat cette question, lorsqu'elle assumera la présidence du Conseil des ministres de l'Union européenne au second semestre de l'an 2000.

Les locaux occupés actuellement par la direction du tourisme sont effectivement exigus, mais un changement nécessite l'utilisation de crédits budgétaires non ouverts pour 2000.

L'Organisation mondiale du tourisme a précisé récemment que nos départements d'outre-mer des Caraïbes étaient effectivement appelés à un fort développement. Ces départements disposent, en effet, de spécificités importantes et notamment, d'un encadrement en services publics de grande qualité ainsi que d'un important potentiel culturel.

M. Jean-Michel Couve, après avoir indiqué qu'il ne portait pas la même appréciation que la ministre à l'égard du projet de budget de son département pour 2000, a demandé si une campagne de promotion du chèque vacances serait prochainement lancée en direction des acteurs du tourisme social.

Il a insisté sur l'urgence d'une harmonisation des taux de la TVA applicables aux différentes formes de restauration. Il a également demandé des précisions sur le nombre d'emplois jeunes effectivement créés aujourd'hui dans le secteur du tourisme, la secrétaire d'Etat ayant annoncé en 1998 que 6000 de ces emplois seraient créés avant la fin de 1999 .

Il a souhaité connaître les mesures qui seraient prises pour accompagner le passage aux 35 heures de travail hebdomadaire dans les petites entreprises du tourisme, particulièrement concernées par cette réforme.

Il a demandé dans quels délais il serait fait droit à la revendication des communes touristiques d'identification de la dotation touristique au sein de la dotation globale de fonctionnement.

Evoquant l'étude lancée à l'initiative de l'Organisation mondiale du tourisme, pour une observation d'ensemble du secteur, il a constaté que la faiblesse constante des crédits consacrés par la France à cette action ne permettrait pas à notre pays d'améliorer le niveau de sa participation dans ce domaine.

Il a souhaité que le retard pris dans l'élaboration et la publication du décret relatif aux villages résidentiels de tourisme soit rapidement comblé. Il a regretté l'absence d'une véritable politique française du tourisme en termes de promotion, le financement d'une telle politique étant pourtant aisé en raison du niveau exceptionnel des marges financières du budget.

Il a considéré que Maison de la France connaissait des dysfonctionnements et a regretté l'insuffisante coordination, par le Gouvernement, des actions menées par les comités régionaux de tourisme.

Enfin, il a déploré l'éclatement de la formation dans le secteur du tourisme, dispersée notamment entre diverses filières universitaires et les structures éducatives des chambres consulaires.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont s'est réjouie de la hausse sensible des crédits du tourisme dans le projet de loi de finances pour 2000, ainsi que de l'extension des chèques-vacances aux salariés des PME-PMI. Elle a souligné la volonté du Gouvernement d'améliorer les conditions de vie (logement, santé) et de travail des travailleurs saisonniers, en complément de l'extension de la semaine de 35 heures hebdomadaires de travail.

Elle a considéré que le développement de l'hôtellerie de chaîne aux abords des agglomérations porte un coup fatal à l'hôtellerie indépendante, en centre ville comme en milieu rural, mettant en péril une qualité et une tradition d'accueil.

Evoquant l'augmentation de la dotation en faveur de l'agence française d'ingénierie touristique (AFIT), elle a demandé qu'une mission de réflexion soit confiée à cet établissement, afin d'élaborer une politique cohérente transrégionale d'aménagement touristique.

M. Léonce Deprez s'est réjoui du soutien apporté par la ministre à un projet de mise en _uvre d'une organisation territoriale de l'économie touristique, adaptée à notre société. Il a considéré que, pour que la place de l'économie touristique soit pleinement reconnue, il convenait d'opter pour un développement durable de ce secteur, fondé sur la « plurisaisonnalité » de cette activité. Evoquant le fait que, sur un million d'emplois dans le tourisme, 420 000 postes ont un caractère saisonnier, il a estimé que la lutte contre cette précarité devait précisément passer par des mesures rendant cette activité permanente au cours de l'année, plutôt qu'exclusivement par des mesures sociales.

Relevant que trop de touristes renonçaient à prendre leurs repas dans les restaurants, il a estimé que l'abaissement du taux de TVA dans ce secteur contribuerait fortement à accroître leur fréquentation.

M. Michel Vaxès a considéré que, malgré la croissance continue que connaît le secteur du tourisme depuis trois ans, la nature saisonnière de cette activité (près d'un emploi sur deux est saisonnier) n'allait pas être modifiée pour autant à moyen terme, ce qui pose le problème d'une réponse sociale adaptée aux problèmes spécifiques rencontrés par les salariés de la filière. Il a demandé quels prolongements seraient donnés aux propositions contenues dans le rapport de M. Anicet Le Pors sur cette question.

Rappelant l'objectif de 6 000 emplois jeunes dans le secteur du tourisme retenu par la ministre et notant que plus de 4 000 de ces emplois auraient déjà été créés, il a demandé quelles mesures seraient prises par la suite pour pérenniser ces emplois.

M. Patrick Ollier a tenu à saluer la qualité des relations qu'il a pu établir avec la ministre et ses collaborateurs, malgré les désaccords politiques existants. Il a pu observer à ce sujet que, présidant un groupe de travail sur l'emploi saisonnier, cette relation fructueuse avec le secrétariat d'Etat au tourisme constituait une heureuse exception, qui n'était pas partagée par d'autres ministères.

Il a indiqué que l'association nationale des élus de la montagne (ANEM) avait attiré l'attention du Gouvernement sur l'urgence de décisions rapides, afin d'éviter des mouvements sociaux dans la branche du tourisme de montagne, qui risquaient de perturber gravement le lancement de la prochaine saison hivernale.

Il a souhaité connaître les conditions de versement des aides aux communes de montagne, dans le cadre de la campagne de « promotion des zones sans neige ».

Il a estimé qu'une mise à niveau des installations de certaines stations de ski était nécessaire pour fidéliser la clientèle face à la concurrence des autres pays alpins. Il a souhaité, à ce propos, qu'un programme pluriannuel de réhabilitation des remonte-pentes soit inscrit par exemple dans les contrats de plan Etat-régions, de même qu'un programme d'équipement en « canons à neige », pour faciliter les liaisons inter-sites et les retours en bas des pistes.

Il a considéré à ce propos qu'il était inconcevable que des Etats, comme l'Autriche, qui ont achevé leur propre programme de modernisation, invoquent aujourd'hui de manière abusive des arguments environnementaux pour tenter d'empêcher les autres pays de rejoindre leur niveau.

Il a demandé s'il était envisagé de rétablir la procédure des « contrats de vallée », pour accélérer la réhabilitation de l'immobilier touristique de montagne.

S'agissant de la distinction entre dotation touristique et dotation globale de fonctionnement, il a demandé l'appui de la ministre en faveur de l'action qu'il a engagée pour aider les petites communes touristiques à faire face aux surcharges d'équipement qu'elles subissent.

M. Jean-Pierre Dufau s'est réjoui de l'opiniâtreté de la ministre à mettre en _uvre une véritable politique touristique, ce dont témoigne le niveau des crédits demandés pour 2000.

Il a estimé que, dans une perspective de partenariat entre le tourisme et le thermalisme, il convenait de distinguer clairement ce qui relevait de la thérapeutique et du secteur remboursable, de l'activité de détente et de loisir.

Il s'est déclaré sensible au projet, à préciser, de création d'un fonds de garantie de la petite hôtellerie rurale, qui contribue à l'aménagement du territoire et au développement du « tourisme vert » et il a souhaité que cette aide soit étendue au secteur de la restauration rurale.

Il a par ailleurs posé deux questions, au nom de M. André Capet, l'une relative au devenir du tourisme associatif, l'autre concernant la possibilité de développer une coordination nationale des politiques régionales de préservation du patrimoine historique.

Rappelant qu'à l'occasion de la réforme de la politique communautaire des fonds structurels, les zones touristiques seraient désormais exclues de l'objectif 2, il a souhaité qu'une ligne spécifique en faveur des pays d'accueil compense cette mesure, dans les contrats de plan Etat-régions.

Il s'est enfin déclaré favorable à la codification du droit du tourisme.

M. René Leroux, rappelant qu'il n'existait à ce jour qu'un seul hôtel spécialement équipé pour recevoir des personnes handicapées, a demandé si des aides pouvaient être consenties en faveur des projets immobiliers existant dans ce domaine, afin de compenser les surcoûts rencontrés.

Il a par ailleurs évoqué les importantes dépenses qu'ont dû engager, au cours de la dernière période, les centres de vacances sociales pour assurer leur mise aux normes et demandé que des subventions publiques soient versées aux comités d'établissement qui les gèrent, afin de pouvoir maintenir un prix de séjour compatible avec les ressources modestes des candidats au départ.

En réponse aux intervenants, Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme a apporté les précisions suivantes :

- la question du statut des personnels saisonniers est un sujet d'une grande complexité, qui a fait l'objet d'un rapport présenté par M. Anicet Le Pors au début de l'année 1999 et qui appelle des réponses diversifiées, voire innovantes, lorsque les parcours professionnels sont atypiques. La méthode retenue par le Gouvernement repose sur un travail interministériel approfondi, la mobilisation des services déconcentrés de l'Etat et un effort de sensibilisation des partenaires sociaux. Le secrétariat d'Etat a engagé une campagne vis-à-vis de ces travailleurs, qui s'est traduite par la publication d'un guide d'information sur leurs droits et devoirs et par la création de maisons de saisonniers. Deux opérations pilotes sont en cours, sur ce dernier point, dans les Alpes et les Pyrénées. Le logement constitue l'inquiétude prioritaire des saisonniers : une réflexion est donc en cours avec le secrétariat d'Etat au logement, visant à faciliter l'accès aux aides à la personne (aide personnalisée au logement et allocation logement) et à mettre en place des aides à la pierre spécifiques sous forme de prêts locatifs aidés (PLA) ;

- la question de la formation est également cruciale, car celle-ci doit permettre de doter ces salariés d'une double activité. Il faut ainsi mentionner l'expérimentation conduite en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) en collaboration avec la Fédération nationale hôtelière, visant à mettre en place des formations biqualifiantes. Les départements de la Savoie et du Morbihan travaillent sur des opérations d'échanges qui permettent aux travailleurs saisonniers d'éviter une recherche chaque fois recommencée d'un logement et d'un employeur. Enfin, l'expérience du guichet unique pour le versement des cotisations sociales et ASSEDIC des employeurs est tentée en Savoie et en Haute-Savoie ;

- l'objectif en matière de créations d'emplois jeunes est de 6 000 postes pour le secteur du tourisme. A ce jour, 4 700 embauches ont été identifiées par le centre national d'aménagement des structures agricoles (CNASEA), mais ce chiffre sous-estime probablement le volume d'emplois réels, qui avoisine probablement les 15 000. La principale inquiétude des intéressés tient à la pérennisation de leurs emplois. Il faut rappeler, à ce sujet, l'effort financier important auquel l'État consent, afin de soutenir ces embauches et de favoriser l'émergence d'activités pérennes ;

- la question des chèques vacances à destination des retraités suppose notamment une sensibilisation adéquate des caisses de retraite. Des contacts ont donc été noués sur ce point par le secrétariat d'Etat avec l'ARRCO et les syndicats et associations de retraités ;

- le dispositif des 35 heures bénéficie actuellement à 200 000 personnes dans le secteur du tourisme - y compris Maison de la France et de nombreuses agences de voyage - mais se heurte à des résistances culturelles non négligeables. Il constitue pourtant un instrument d'amélioration des conditions de travail, s'agissant notamment de professions où ces conditions de travail apparaissent difficiles (hôtellerie, restauration). Huit opérations pilotes ont été lancées dans les régions, visant à mieux informer les acteurs de terrain sur les potentialités offertes par les dispositifs les plus récents ;

- l'identification d'une dotation aux collectivités territoriales spécifiquement consacrée au tourisme, se heurte à des difficultés. Les services du ministère de l'intérieur font notamment observer que les crédits de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation de solidarité urbaine (DSU) ne sont pas totalement consommés et que les besoins éventuels sont susceptibles d'être financés sur ces enveloppes ;

- s'agissant de l'étude et de l'observation du secteur touristique, il faut rappeler que 10 millions de francs de crédits supplémentaires sont prévus dans le budget pour 2000 ;

- un effort incontestable doit être consacré au renforcement de la formation des acteurs, afin de combler le retard pris par un secteur trop longtemps considéré comme secondaire ; l'offre apparaît globalement suffisante mais mal répartie ;

- l'accueil des personnes handicapées nécessite l'adaptation des établissements hôteliers conventionnels et non pas seulement la mise en place de structures spécialisées ; la question de la prise en charge des coûts exposés nécessite une concertation au plan interministériel ;

- s'agissant de la réhabilitation des équipements immobiliers de tourisme, il semble que les pays peuvent répondre aux aspirations qui s'exprimaient auparavant au travers des « contrats de vallées » ;

- en matière de tourisme social, trois propositions sont en voie de réalisation : la création d'une coordination nationale du tourisme social et associatif ; la modification de la procédure d'agrément de 1969 sur les associations concernées et l'engagement d'une campagne institutionnelle de promotion et d'information. Les deux premiers points appellent l'édiction de mesures réglementaires, qui seront présentées à très brève échéance.

Conformément aux conclusions de M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis, la commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'équipement, des transports et du logement : V.- Tourisme pour 2000, M. Patrick Ollier ayant déclaré que les membres de son groupe émettaient un vote négatif.

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La commission a ensuite examiné le rapport d'information de M. Daniel Chevallier en conclusion des travaux d'une mission d'information sur la présence du loup en France.

M. Daniel Chevallier a indiqué que les suggestions de la mission d'information étaient toutes clairement contenues dans le titre donné au rapport « De l'incompatibilité du loup et du maintien d'un pastoralisme durable ». Il a estimé que, partout où le pastoralisme avait un caractère traditionnel et où il était appelé à se maintenir, il existe une nette incompatibilité avec la présence du loup.

Le rapporteur a ensuite précisé que les membres de la mission n'avaient pas, sur ce sujet de la réapparition du loup, d'idées préconçues au départ, mais qu'au terme de plusieurs déplacements sur le terrain et après avoir mesuré la tension existante, la mission pouvait, cependant, présenter une conclusion en trois temps : l'impossibilité d'accepter les pratiques du prédateur, la demande adressée au Gouvernement d'appliquer l'article 9 de la Convention de Berne, qui autorise les dérogations aux mesures de conservation des animaux sauvages, la possibilité, pour ceux qui y voient un moyen de valorisation touristique, de créer des formules de « parcs à loups », placés sous leur responsabilité.

M. Daniel Chevallier a ensuite estimé que les représentants des associations de protection de la nature, qui douteraient éventuellement de la pertinence de telles analyses, devraient se rendre sur le terrain et se mettre à l'écoute des professionnels du secteur ovin. Ils apprendraient ainsi notamment que les programmes « Life loup » n'ont, malgré leur utilité, eu notamment que peu d'impact sur la situation de nos éleveurs.

M. Daniel Chevallier a fait remarquer enfin que l'on pourrait assister à une « montée en puissance » des dépenses propres à faire face à la progression du loup, ce qui rend d'autant plus nécessaires les mesures de bons sens préconisées par la mission d'information.

Après avoir noté avec satisfaction que la mission a bien tenu compte des témoignages recueillis sur le terrain, M. Patrick Ollier a rappelé le rôle moteur qu'a joué l'Association nationale des élus de montagne (ANEM) pour sensibiliser les pouvoirs publics à cette question. Il a noté que, lorsqu'il avait interrogé, comme l'ANEM l'avait demandé lors de son congrès d'Autran, Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les perspectives d'application de l'article 9 de la Convention de Berne, il lui avait été répondu que cette application n'était pas envisageable. C'est donc avec satisfaction, qu'il constate aujourd'hui que la mission, ayant entendu la préoccupation unanime des montagnards, partage les conclusions auxquelles était parvenue l'ANEM.

M. Patrick Ollier a également rappelé que l'initiative de cette mission ne revenait ni au Gouvernement ni à la commission de la production et des échanges, mais qu'elle trouvait son origine dans la proposition de résolution n° 1276 qu'il avait cosignée avec MM. Michel Bouvard et Christian Estrosi tendant à la création d'une commission d'enquête sur ce sujet. Il a regretté que cette formule n'ait pas été retenue car une commission d'enquête aurait permis de faire la lumière sur les conditions d'apparition du loup, point sur lequel il souhaite que les recherches continuent.

M. Patrick Ollier s'est ensuite déclaré satisfait de constater que le rapporteur, élu des Hautes-Alpes, partageait la critique unanime des élus de la montagne à l'encontre de la position « idéologique » du ministère de l'environnement, tant il est vrai que « vues de Paris » les choses semblent différentes. Il a noté que les conclusions de la mission excluaient la coexistence du loup et du pastoralisme et n'admettaient la présence du loup que dans des parcs, l'article 9 devant jouer partout ailleurs, permettant ainsi aux lieutenants de louveterie et aux organismes habilités de procéder aux abattages nécessaires à la régulation. Indiquant que les directeurs des parcs nationaux refusaient la présence des loups dans les zones centrales des parcs, M. Patrick Ollier a signalé qu'en qualité de président du parc naturel des Ecrins et de la Conférence des présidents des parcs nationaux, il avait récemment pris position dans le même sens et qu'il souhaitait connaître la position du rapporteur sur ce point. Il a précisé que si les réponses du rapporteur à ces égards le rassuraient, il voterait l'autorisation de publication du rapport et soutiendrait la position sage adoptée par la mission face au Gouvernement et vis-à-vis de l'opinion publique.

Usant de la faculté offerte par le premier alinéa de l'article 38 du Règlement, M. Christian Estrosi a déclaré partager pleinement l'opinion de M. Patrick Ollier, en particulier sur l'utilité qu'aurait eu une commission d'enquête. Il a indiqué, qu'à titre personnel, après sept ans d'un combat longtemps solitaire qui a débuté en 1992 avec la première apparition du loup dans la zone centrale du parc naturel du Mercantour, il était satisfait de voir aujourd'hui sa vision des choses partagée par la mission. Il a toutefois estimé avec regret que, si les mesures nécessaires avaient été mises en place dès 1992, de nombreux drames humains et des pertes considérables dans les troupeaux mais également dans la faune sauvage (mouflons, chamois, cervidés), auraient pu être évités. Il a, à cet égard, précisé que dans sa circonscription 2 500 bêtes ont été égorgées depuis 1992 par un loup qui ne tue pas pour manger, mais bien pour tuer.

M. Christian Estrosi a ensuite souhaité que le rapporteur précise sa position sur deux points :

- la mission recommande-t-elle l'élimination du loup dans l'ensemble des zones de montagne ou seulement, ce qui serait irréaliste, dans les zones où celui-ci pratique ses prédations ?

- les dispositions figurant en annexe de la directive « habitats » mentionnent le loup parmi les espèces protégées, ce qui pourrait priver d'effet toute mesure d'exclusion du prédateur des zones centrales des parcs naturels. Est-il envisagé dès lors de retirer le loup de la liste prévue ?

Enfin, M. Christian Estrosi, évoquant la constatation récente de la présence de loups dans les Pyrénées, a dénoncé avec force l'imposture selon laquelle le retour du loup en France résulterait de la venue de loups des Abruzzes.

M. Jean Launay a souhaité que le rapporteur l'éclaire sur la réalité des débats vécus sur le terrain dans la perspective d'une mission qui lui a été confiée par le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la filière ovine. Evoquant le témoignage d'un éleveur certain que le loup jadis présent dans le Lot y reviendrait, il a estimé que c'était l'absence de l'homme sur le territoire qui expliquait que les prédateurs y trouvent leur place. Convaincu de la nécessité de maintenir un pastoralisme fort dans les zones de montagne, il a indiqué partager le sentiment du rapporteur selon lequel il ne faut pas renverser les rôles et qu'il convient bien de placer les prédateurs et non les animaux domestiques dans des parcs. Il a enfin souhaité que les crédits du budget de l'agriculture soient effectivement consacrés à l'agriculture et ne financent pas la compensation d'éventuels dégâts.

M. Michel Grégoire, après avoir salué le travail de terrain de la mission, a précisé qu'il n'aurait aucun scrupule à voter pour la publication de ce rapport, dont les conclusions découlent d'un simple souci de cohérence. Il a indiqué que de gros efforts étaient réalisés pour sauver la filière ovine, dont la qualité et l'utilité en termes d'aménagement du territoire sont reconnues, dans un contexte économique difficile et que ce choix de l'aménagement des zones rurales par le maintien du pastoralisme était incompatible avec la présence du loup. Il a rappelé enfin que, notamment à travers les programmes agri-environnementaux, les éleveurs ovins avaient de manière décisive contribué à la préservation de l'environnement.

M. Michel Bouvard, usant de la faculté offerte par le premier alinéa de l'article 38 du Règlement, a tout d'abord estimé que le coût de la présence du loup lui semblait sous-estimé par le rapporteur et a indiqué qu'une évaluation de la direction départementale de l'agriculture de la Savoie chiffrait à 61 millions de francs le budget nécessaire pour protéger l'ensemble des troupeaux dans les cinq ans à venir. Il a en outre dénoncé les violations répétées du code de l'urbanisme, auxquelles il a été procédé au nom de la protection des loups, évoquant notamment le dépôt par hélicoptère, dans des zones interdites au survol et inconstructibles, de chalets néo-tyroliens, alors qu'il est si difficile d'obtenir les autorisations nécessaires à la réhabilitation des chalets traditionnels dans les alpages. Enfin, il a souhaité qu'il soit précisé qu'il n'était pas question d'abroger les dispositions du code rural et du code général des collectivités territoriales, permettant de protéger du loup, notamment par l'organisation de battues et a estimé nécessaire que les préfets cessent de déférer devant les juridictions administratives les délibérations en ce sens des collectivités locales.

Usant de la faculté offerte par le premier alinéa de l'article 38 du Règlement, M. André Aschieri a indiqué avoir, sur cette question qui l'intéresse de longue date, une position d'écologiste pragmatique. Après avoir regretté de n'avoir pu participer à la mission, faute d'être membre de la commission de la production et des échanges, il a déclaré que, s'il fallait choisir entre les bergers et le loup, il n'hésiterait pas pour sa part à choisir les bergers. En conclusion il a exprimé son accord global sur les propositions du rapporteur.

M. François Brottes a tenu tout d'abord à défendre le choix de la mission d'information plutôt que celui de la commission d'enquête, car il a permis de dépassionner la question et de traiter les vrais problèmes sans prolonger inutilement un débat assez vain sur la responsabilité de la présence du loup. Il a estimé qu'il était important de défendre l'élevage extensif qui joue un rôle d'aménagement du territoire majeur et qui contribue à la lutte contre la « mal bouffe ». Partageant l'opinion de M. Christian Estrosi selon laquelle le loup tue pour tuer, il a estimé que ses prédations étaient insupportables pour les bergers, qu'aucune indemnité ne pourra apaiser, et qu'aujourd'hui les bergers eux-mêmes devenaient une espèce menacée qu'il convenait de protéger, le rapport de la mission lui semblant utile à cet égard.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a observé avec intérêt l'unanimité qui semblait se dégager dans la commission sur les problèmes posés par le retour du loup. Il a rappelé que la mission d'information avait travaillé de manière intense, définissant ses positions au terme de déplacements sur le terrain. S'agissant de la possibilité de tolérer la présence de loups dans les zones centrales des parcs nationaux, il a estimé que, c'est aux conseils d'administration de ces établissements, qu'il appartenait de prendre d'éventuelles décisions sous leur responsabilité.

M. Daniel Chevallier a ensuite précisé que les loups ne constituaient pas une espèce en voie de disparition, si l'on se place au niveau de l'ensemble de « l'arc alpin ». C'est cette appréhension du problème au plan européen qui fonde la demande d'application de mesures dérogatoires permises par l'article 9 de la convention de Berne et par l'article 16 de la directive « habitats ». Il a indiqué enfin que la mission d'information avait aussi à c_ur de préserver l'environnement, en défendant notamment la présence humaine dans les régions de montagne.

La commission a ensuite autorisé, en application de l'article 145 du règlement et dans les conditions prévues à l'article premier de l'instruction générale du Bureau, la publication du rapport d'information.


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