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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 57

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 23 mai 2000
(Séance de 17 heures 15)

Présidence de M. Pierre Ducout, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Projet de loi d'orientation sur la forêt (n° 2332)

 

(M. François BROTTES, rapporteur)

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La commission a examiné, sur le rapport de M. François Brottes, le projet de loi d'orientation sur la forêt (n° 2332).

M. François Brottes, rapporteur, a tout d'abord souligné que ce projet de loi, qui était le résultat d'une longue maturation, répondait en même temps à l'actualité du fait des tempêtes de décembre dernier. Il a observé que malgré l'accélération du calendrier de son examen due au retard pris par le Sénat dans la discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, l'ensemble des acteurs de la filière du bois avaient pu être auditionnés dans le cadre de la préparation du rapport.

Le rapporteur a ensuite indiqué que la forêt recouvre en France environ 27 % du territoire métropolitain ; un tiers de cet espace, dont la superficie a doublé au cours des 150 dernières années, appartient au domaine de l'Etat et des collectivités territoriales, tandis que les deux tiers restants sont répartis entre près de 4 millions de propriétaires privés. L'activité sylvicole représente 500 000 emplois en France et la forêt concerne l'ensemble de nos concitoyens, compte tenu de sa répartition géographique sur l'ensemble du territoire. Il a précisé que le projet de loi ne comportait pas de dispositions relatives à la Guyane, dont l'importance des forêts justifie qu'un texte législatif spécifique lui soit prochainement consacré.

Considérant que le projet de loi constituait un texte refondateur nécessaire, il a évoqué cinq éléments qui représentent autant de freins au développement de l'activité sylvicole dans notre pays :

- un frein culturel et affectif. Les Français, notamment les citadins, sensibilisés par la déforestation de l'Amazonie et les conséquences des récentes tempêtes dans notre pays, considèrent encore souvent l'activité sylvicole comme une dévastation des forêts, ce qui les empêche d'appréhender correctement la réalité de la filière et les perspectives d'emploi qu'elle représente ;

- le morcellement croissant de la propriété forestière privée, qui constitue une spécificité française, rend particulièrement délicate sa gestion. En outre, la filière n'offre qu'une rentabilité à long terme ; cet élément est un frein à l'entrée des capitaux dans cette activité, alors que l'actualité relate régulièrement les gains considérables réalisés par certains investisseurs en quelques jours à la suite de leurs investissements dans la nouvelle économie ;

- l'extrême fragilité de la filière bois en France, due à la présence de nombreuses petites entreprises familiales et à la faiblesse des concentrations verticales, qui constituent un élément du déséquilibre structurel de la balance commerciale du secteur dans notre pays ;

- l'extrême dureté des métiers de la sylviculture, qui a été la cause de douze morts depuis le début de cette année ;

- la diversité de nos massifs (Vosges, Landes, Bourgogne, Méditerranée, Alpes, Massif central...), des essences et des pratiques sylvicoles, qui représente paradoxalement une faiblesse en matière de compétitivité, par rapport à la monoactivité de nos principaux concurrents.

Face à ce diagnostic, le rapporteur a exposé les réponses qu'apporte le projet de loi pour relancer l'activité sylvicole.

Il a tout d'abord souligné les vertus pédagogiques de ce texte, qui reconnaît la multiplicité des fonctions de la forêt. Il a ensuite précisé qu'il répondait à des engagements internationaux auxquels notre pays a souscrit, notamment aux décisions prises à Helsinki lors de la conférence ministérielle de 1993 qui a défini les conditions d'une gestion durable de la forêt. Ces accords conduisent à la reconnaissance de l'importance des futaies irrégulières et de la régénération naturelle, qui bénéficieront désormais de mesures fiscales d'encouragement.

Il a indiqué que le projet de loi permettrait de favoriser la mobilisation des acteurs de la filière, en définissant des règles sociales, en créant des dispositifs incitant au regroupement des propriétés morcelées, en modernisant les modes de vente des bois, notamment par la mise en place d'un système de certification de la qualité des produits. Ce texte assurera également une meilleure mobilisation des territoires, tenant compte de la diversité de nos massifs, grâce aux chartes de territoire, à une prévention accrue des risques naturels, ou encore à l'amélioration de l'accueil du public dans les forêts situées en milieu périurbain.

Il a enfin considéré que le projet de loi permettrait de clarifier les rôles respectifs des différents acteurs de la filière ; les pouvoirs publics ont en effet la volonté de préciser la fonction de chacun dans la gestion durable de la forêt.

En conclusion, il a estimé que ce texte donnerait un nouveau souffle à l'activité sylvicole et considéré qu'il convenait désormais de passer de la définition des orientations à une nouvelle appropriation de la filière du bois.

M. Pierre Micaux a jugé le projet de loi trop compliqué notamment au regard de la multitude des textes de loi et de codes auxquels ses dispositions se réfèrent. Le projet de loi ignore, par ailleurs, trop les conséquences des tornades de décembre 1999 : même si les efforts des différents ministères ont été importants, il convient d'alléger les procédures d'intervention car, comme M. Christian Pierret l'a lui-même regretté publiquement, les lenteurs administratives sont importantes et les propriétaires privés n'ont toujours bénéficié d'aucune indemnisation.

M. Pierre Micaux a également estimé que le projet de loi ne prenait pas assez en considération les propriétaires privés de forêts, qui sont au nombre de 3,5 millions de personnes et représentent deux tiers de la forêt française avec des superficies de propriété pouvant être égales à dix, voire un are. Il a dénoncé les excès d'étatisme du projet de loi qui impose trop de mesures coercitives aux propriétaires privés et peu à l'ONF et aux collectivités locales. Il s'est notamment indigné de la fixation d'amendes calculées au mètre carré de forêt qui peuvent atteindre le taux de 300 F, ce qui correspondrait plutôt à une infraction sur un terrain à bâtir. Il a rappelé que le rendement annuel maximal d'une forêt était de 4, voire 5 %, au maximum et qu'une fois déduits les impôts et charges, son rendement net annuel était de 0,82 % en moyenne.

Par ailleurs, il a fait observer que la propriété privée était particulièrement mal représentée au conseil d'administration de l'ONF, qui sur 25 membres compte 20 hauts fonctionnaires et seulement 5 représentants de la propriété privée.

Il a conclu que le projet de loi était également silencieux sur la formation professionnelle et la recherche et qu'afin de préparer des initiatives en ces matières, il avait pris contact avec les écoles de Nantes et de Nancy.

M. Jean Charroppin a rappelé que le rapport d'orientation sur la forêt remis par M. Jean-Louis Bianco avait été accueilli positivement par les professionnels et les parlementaires de tous les groupes politiques. Ces derniers attendaient le présent projet de loi d'orientation depuis un an et finalement il est discuté « au pas de charge » à l'Assemblée nationale en fin de session. Pour cette raison, il a craint que la loi ne soit pas à la hauteur du rapport de M. Jean-Louis Bianco et que beaucoup de sujets abordés par ce dernier ne soient pas discutés.

Il a conclu que l'accélération de la discussion du projet de loi évoquée par le rapporteur lui-même n'était pas adaptée aux enjeux de la forêt qu'avait très bien définis le rapport de M. Jean-Louis Bianco.

M. Eric Doligé a jugé qu'il existait une grande différence entre la teneur des propos de présentation du rapporteur et le contenu du texte du projet de loi, ce dernier ne proposant aucun dispositif sur la formation, renforçant les contraintes et accroissant la répression pénale. Il a conclu en notant que sur les 450 amendements devant être examinés par la commission, peu venaient des députés de la majorité.

M. Claude Jacquot a fait valoir que le projet de loi était attendu avec impatience. Les tempêtes de décembre 1999 ne doivent cependant pas déformer le débat sur le projet de loi d'orientation ; des mesures d'urgence ont été prises et donnent des moyens d'intervention importants. On peut certes regretter la précipitation due à l'avancement de l'examen du projet de loi de deux semaines.

Il a ensuite estimé que ce projet de loi reflétait la volonté du Gouvernement de renforcer l'aménagement du territoire. Les chartes prévues à l'article premier permettront en particulier de respecter les spécificités de chaque territoire.

Il a conclu qu'une question restait en suspens, à savoir comment attirer les investisseurs vers la forêt ? Dans ce but, il convient de ne pas dissocier les problèmes de la forêt de la question du traitement des matériaux ; il faut rester fidèle à l'approche du rapport de M. Jean-Louis Bianco qui s'intéressait autant au bois qu'à la forêt.

M. François Sauvadet a reconnu que le projet de loi était attendu mais a jugé nécessaire de tirer également les leçons des tempêtes de décembre dernier et des mesures d'urgence qui ont été prises pour l'exploitation des chablis. Il a notamment regretté l'inadaptation des plans de stockage mis en place.

Il a ensuite fait valoir que le projet de loi prenait peu en compte la dimension des forêts privées françaises qui sont morcelées. Des incitations plus fortes sont nécessaires.

Puis, il s'est demandé si les grandes lignes du rapport de M. Jean-Louis Bianco pouvaient être retrouvées dans le projet de loi. Au plan économique et financier, il a jugé que le projet de loi ne comportait pas de réponse satisfaisante de ce point de vue. Il ne contient aucune mesure relative à la budgétisation du fonds forestier national et M. François Sauvadet a invité ses collègues à adopter l'amendement de M. Pierre Micaux proposant d'instaurer un plan d'épargne forêt. Au plan de la formation et de la recherche, le projet de loi est également très en retrait au regard du rapport de M. Jean-Louis Bianco. Au plan de la gestion de la forêt privée, M. Jean-Louis Bianco proposait un moratoire sur l'application de la réglementation qui lui est opposable et qui comporte notamment 73 textes différents ; le projet de loi ne contient aucune mesure de ce type.

Il a conclu que l'opposition avait déposé des amendements afin que le projet de loi d'orientation sur la forêt puisse effectivement marquer une orientation forte en faveur de la forêt française.

M. François Vannson a rappelé que le rapport de M. Jean-Louis Bianco contenait des objectifs en termes de créations d'emplois. Il a fait savoir que les professionnels qu'il avait contactés insistaient sur la nécessité de développer les exportations et de lutter contre la concurrence accrue des pays scandinaves pour parvenir à créer des emplois. Si les professionnels ont aujourd'hui beaucoup de travail, cela est dû aux tempêtes de décembre dernier, mais le projet de loi propose peu de mesures et n'aborde aucunement les problèmes de la formation.

M. Patrice Carvalho a insisté sur la nécessité de développer les filières de transformation du bois. Actuellement les meilleurs arbres des forêts françaises, notamment celle de Compiègne, sont achetés par des entreprises étrangères pour être transformés dans des unités à l'étranger.

Il a ensuite regretté le manque de formation dans les métiers du bois, qui sont pourtant souvent des métiers à risques.

Il a également invité à adopter une gestion plus lisible et plus responsable du patrimoine forestier national ; il a considéré que certains ingénieurs de l'ONF jouaient parfois aux apprentis sorciers par certaines de leurs initiatives. Il a jugé nécessaire de prévoir des aides aux collectivités pour acquérir et entretenir des massifs forestiers, qui s'étendent chaque année de plus de 20 000 hectares en France.

Il a conclu en dénonçant l'effritement continu et considérable des effectifs des agents de l'ONF, notamment ceux affectés en forêt de Compiègne.

M. Joseph Parrenin a estimé que le projet de loi abordait les problèmes de la propriété privée notamment dans son article 1er qui y fait référence à de multiples reprises. Quant aux tempêtes de décembre 1999, le projet de loi ne peut pas prévoir des dispositions exceptionnelles qui, en raison des circonstances mêmes, sont difficilement prévisibles et peuvent se révéler inadaptées. Les réponses qui ont été données aux tempêtes de décembre dernier ne pourront être évaluées que dans les mois à venir.

Il a reconnu que les filières françaises du bois ne sont pas très performantes, surtout à partir de la deuxième transformation et dans les filières du bois résineux. Cette situation résulte en partie du fait que les donneurs d'ordre dans le bâtiment ont privilégié depuis la dernière guerre le béton et l'acier au détriment du bois. On peut s'interroger sur l'adaptation d'une mesure législative qui tendrait à revenir sur cette situation.

Il a conclu qu'il convenait de parler davantage du prélèvement en matière de gestion des forêts car c'est un élément vital pour elles ; en effet sans abattage d'arbres la forêt meurt.

M. Léonce Deprez, rappelant que diverses lois adoptées au cours de la précédente législature visaient les espaces territoriaux, a insisté sur la nécessité d'établir une cohérence entre elles et notamment entre, d'une part, les chartes de territoire forestier prévues par le projet de loi et, d'autre part, les contrats territoriaux d'exploitation créés par la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole. Il a par ailleurs considéré que le faible rendement de la forêt privée devrait conduire les collectivités locales, et notamment les structures de coopération intercommunale, à prendre en charge la responsabilité de la gestion des forêts, afin de préserver et développer leur utilité touristique.

M. Jean-Michel Marchand s'est réjoui de la volonté, affichée dans le projet de loi, d'inscrire la forêt dans une perspective de développement durable, qu'il s'agisse des forêts publiques ou privées et que ces dernières soient ou non dotées d'un plan simple de gestion. Une autre approche aurait conduit sinon à inciter à opter systématiquement pour le « moins disant environnemental ».

Il a également souligné l'importance qu'il attachait à la mutifonctionnalité de la forêt, qui permet une large ouverture de ses espaces à l'ensemble des citoyens alors qu'elle est actuellement essentiellement tournée vers une activité marchande. Il a estimé que des aides, financées à partir de plusieurs taxes affectées, et notamment de l'écotaxe, devraient contribuer à affirmer cette orientation nouvelle.

Il a également souhaité que des moyens soient mobilisés en faveur du développement de la filière et que le volet du projet de loi consacré à la recherche et à la formation soit amélioré. S'agissant enfin de l'Office national des forêts, il a souhaité que cet établissement soit désormais placé sous la double tutelle du ministre chargé de la forêt et du ministre de l'environnement.

En réponse aux intervenants, M. François Brottes, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- certes, ce texte est quelque peu compliqué, il aurait cependant été difficile de faire plus simple sans affaiblir la portée juridique des propositions qu'il contient. Certaines contraintes rédactionnelles étaient inévitables, dès lors que l'on entend à la fois modifier des dispositions datant de 1827 et répondre aux exigences d'un contexte international en évolution ;

- les inquiétudes exprimées au cours de la discussion générale à propos de l'avenir de la forêt privée oublient le fait que le projet de loi harmonise considérablement les modes de gestion de cette dernière et celles des forêts publiques. Dans bien des domaines désormais, les forêts, quel que soit leur régime de propriété, seront soumises aux mêmes exigences ;

- l'examen « au pas de charge » du projet est dû aux bouleversements du calendrier de cette fin de session parlementaire liés au retard pris par le Sénat dans la discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains. La « fenêtre » législative qui s'est ainsi ouverte a avancé sensiblement la date du passage du présent projet en séance publique ; en revanche cette occasion a permis d'assurer que la première lecture de ce texte serait menée à son terme devant l'Assemblée nationale avant la fin du mois de juin. Ne pas la saisir aurait pu conduire à retarder de six mois l'examen d'un texte qui est très attendu. S'il n'y a pas de procédure d'urgence sur ce texte, son étude pourra être menée sans précipitation ;

- le rapporteur a déposé environ 150 amendements qui traduisent sa volonté d'améliorer le projet de loi sur de nombreux points dont celui de la formation ;

- l'omniprésence de dispositions pénales au sein du texte est un effet d'optique. Les articles consacrés à cette matière sont nécessairement longs car il faut définir précisément les infractions à sanctionner. Par ailleurs, il convenait de procéder à un toilettage important de dispositions qui étaient, soit détournées, soit devenues obsolètes ou d'application difficile. Ce toilettage était indispensable et relève du domaine législatif ;

- s'il est vrai que le projet de loi ne reprend qu'une partie des propositions contenues dans le rapport de M. Jean-Louis Bianco, c'est d'abord parce que nombre des éléments que celui-ci contient ne relèvent pas du cadre de ce projet de loi. Certaines dispositions ont déjà été adoptées par ailleurs, telles que l'augmentation des dotations consacrées à la forêt, dans la loi de finances pour 2000, ou sont en cours d'élaboration, par exemple une charte sur l'incitation à l'utilisation du bois dans la construction des bâtiments publics, certains décrets d'application de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, ou encore la suppression, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000, actuellement en cours de discussion, des droits de mutation sur les forêts pendant deux ans ainsi que la diminution du taux de la TVA sur les travaux forestiers. Il reste néanmoins que certaines dispositions du rapport Bianco ne sont pas encore inscrites dans ce texte, mais sa discussion pourra donner l'occasion d'y remédier ;

- le projet de loi doit permettre de dynamiser l'ensemble de la filière du bois, de l'amont à l'aval ;

- la concurrence des pays de Scandinavie est très forte en matière de production de bois, s'il existe dans certains cas un abus de la notion de certification technique, il n'en demeure pas moins que, dans certains domaines de la filière, les entreprises françaises sont moins performantes que leurs homologues d'Europe du Nord. Le projet de loi a pour objectif de dynamiser notre industrie et de favoriser le développement de la deuxième transformation. Il faudra notamment dans cette perspective renforcer l'interprofession de la filière ;

- le projet de loi fournira des instruments juridiques, mais la loi ne peut pas se substituer aux hommes. De leur volonté dépend l'avenir de nos massifs forestiers ;

- le projet de loi intègre pleinement la logique de territoire et de développement durable. S'agissant des contrats territoriaux d'exploitation et des chartes de territoire forestier, même si certains points méritent d'être précisés à propos de la multifonctionalité de l'agriculture, il n'est pas possible de confondre les deux démarches : le premier est signé avec un exploitant agricole, tandis que la seconde vise un territoire et porte sur l'utilisation de la forêt pour le développement d'activités non marchandes ;

- il convient de conserver un bon usage de l'écotaxe, qui est bien adaptée à la forêt. En revanche, la politique visant à intégrer les petits propriétaires dans la logique de la gestion durable et de l'écocertification doit être bâtie sur une démarche pédagogique. Un code de bonne conduite sera établi car l'éducation est préférable à la coercition.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles.

TITRE IER

DÉVELOPPER UNE POLITIQUE DE GESTION DURABLE ET MULTIFONCTIONNELLE

Chapitre Ier : Les objectifs et les moyens de la politique forestière

· Article 1er (articles L. 1 à L. 14 du code forestier) : Principes fondamentaux de la politique forestière

- Article L. 1 du code forestier : Philosophie générale de la politique forestière

La commission a rejeté l'amendement n° 37 présenté par M. Pierre Micaux indiquant que le renouvellement régulier et équilibré de la forêt était d'intérêt général. Elle a ensuite rejeté l'amendement n° 38 de M. François Vannson faisant référence aux fonctions de loisirs et de tourisme assumées par la forêt, le rapporteur ayant indiqué que ces activités étaient prises en compte dans les fonctions sociales de la forêt dont il était question par ailleurs.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Patrice Carvalho indiquant que la multifonctionnalité concernait non seulement les forêts, mais l'ensemble de la filière bois. Le rapporteur ayant estimé que cette préoccupation était prise en compte par un amendement qu'il présentait au même article, M. Patrice Carvalho a retiré son amendement. La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur auquel se sont associés M. Pierre Micaux et M. Patrice Carvalho retenant le développement de la qualification des emplois au nombre des objets de la politique forestière, puis elle a examiné un amendement de M. Jean Proriol défendu par M. Claude Gatignol prévoyant que la politique forestière doit veiller au maintien des forêts dans les territoires particulièrement exposés à l'érosion et aux risques naturels, notamment dans les zones de montagne. Le rapporteur ayant indiqué qu'un amendement qu'il présenterait ultérieurement sur le même article faisait droit à cette demande, M. Claude Gatignol a retiré l'amendement. Puis la commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier faisant référence à la production forestière, le second, auquel s'est associé M. Patrice Carvalho, à la valorisation du bois et des autres produits forestiers. La commission a ensuite rejeté l'amendement n° 8 de M. Pierre Micaux indiquant que la gestion durable des forêts n'a pas seulement pour objet de maintenir, mais d'améliorer diverses données, telles que la régénération ou la vitalité des forêts, le rapporteur ayant indiqué que, sur ce point, le dispositif de l'article L. 1 correspondait au libellé retenu à la conférence paneuropéenne d'Helsinki en juin 1993 et donc à un engagement pris par la France.

La commission a ensuite examiné un amendement présenté par le rapporteur prévoyant que le développement durable des forêts ne devait pas compromettre l'équilibre des exploitations ainsi que le maintien d'un équilibre sylvo-cynégétique harmonieux permettant la régénération naturelle des peuplements forestiers.

Un débat dans lequel sont intervenus MM. François Sauvadet, François Patriat, François Vannson, Robert Galley, Félix Leyzour, Joseph Parrenin, Jean Charroppin et Mme Marie-Hélène Aubert, celle-ci usant de la faculté que l'article 38 du Règlement confère aux députés d'assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, a permis de souligner la complexité de cet amendement et la difficulté de parvenir à un équilibre sylvo-cynégétique. Le rapporteur a suggéré de retenir une nouvelle formulation pour cet amendement, précisant que le développement durable des forêts implique un équilibre général des exploitations qui nécessite un équilibre sylvo-cynégétique harmonieux permettant la régénération naturelle des peuplements forestiers sans protection spéciale. Cet amendement a été adopté par la commission, MM. Jean Charroppin, Robert Galley, Claude Gatignol, Claude Jacquot, Félix Leyzour, Pierre Micaux, François Patriat, François Sauvadet et François Vannson exprimant leur volonté d'en être cosignataires.

M. Patrice Carvalho a ensuite retiré un amendement faisant référence à la nécessité d'une politique de l'emploi « pérenne et qualifié », après que le rapporteur eût rappelé qu'un amendement avait été précédemment adopté par la commission sur le développement de la qualification des emplois.

La commission a ensuite adopté, conformément à l'avis du rapporteur, un amendement de M. Claude Jacquot précisant que la politique forestière prend en considération les modifications et les phénomènes climatiques, M. Robert Galley ayant estimé qu'il fallait tenir compte en la matière des observations scientifiques prouvées. La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur faisant allusion à une « forêt relevant du régime forestier », plutôt qu'à une « forêt soumise » à ce régime, le rapporteur, approuvé par M. François Sauvadet, ayant souligné la modernité d'une telle formulation.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur et l'amendement n° 137 de contenu similaire de M. Pierre Micaux prévoyant que la politique forestière développe activement les conditions du regroupement technique et économique des propriétaires forestiers. M. Pierre Micaux a annoncé qu'il retirerait l'amendement n° 137 et s'est rallié à l'amendement du rapporteur, qui a été adopté par la commission. Celle-ci a ensuite examiné un amendement de M. Paul Patriarche indiquant que la politique forestière favorise les politiques de massifs par la mise en place de schémas directeurs d'aménagement forestier. M. Pierre Micaux a estimé indispensable de promouvoir la politique de massifs, mais le rapporteur a estimé que cet amendement alourdissait la rédaction du projet de loi et, qu'en toute hypothèse, les orientations régionales forestières intégraient déjà ces préoccupations. La commission a rejeté l'amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Claude Jacquot faisant référence d'une manière générale aux objectifs de la politique forestière. Le rapporteur ayant estimé que cet amendement était significativement pris en compte dans le projet de loi, M. Claude Jacquot a retiré son amendement. Puis, la commission a adopté un amendement du rapporteur faisant référence aux contraintes naturelles d'exploitation supportées par les forêts méditerranéennes et de montagne, M. Claude Gatignol, s'exprimant également au nom de M. Jean Proriol, MM. François Vannson, Claude Jacquot, Pierre Micaux et Robert Honde ayant fait part de leur volonté de cosigner cet amendement. La commission a examiné deux amendements de contenu similaire, l'un du rapporteur, l'autre n° 139 de M. Pierre Micaux précisant que la politique forestière prend en compte le long terme indispensable aux actions forestières par ses orientations, ses investissements et ses institutions. M. Pierre Micaux a annoncé qu'il retirerait l'amendement n° 139 ; la commission a ensuite adopté l'amendement du rapporteur, cosigné par MM. Pierre Micaux et Claude Jacquot.

- Article L. 2 du code forestier : Rôle de l'Etat et des collectivités locales

Après avoir rejeté un amendement de M. Jean Proriol présenté par M. Claude Gatignol précisant que l'Etat supporte les coûts de la politique forestière, la commission a examiné un amendement présenté par M. Patrice Carvalho prévoyant que le concours des collectivités territoriales à la mise en _uvre de la politique forestière doit respecter la cohérence nationale de celle-ci. Le rapporteur s'étant déclaré favorable à cet amendement, MM. François Vannson et François Sauvadet se sont interrogés sur l'intérêt d'une telle mention. Le rapporteur a fait valoir que cette précision lui semblait opportune car compte tenu de la diversité des stratégies de gestion reflétant la variété des massifs forestiers, cette cohérence ne lui semblait pas assurée. M. Pierre Ducout a proposé de modifier cet amendement pour préciser que c'est l'Etat, compétent en matière de politique forestière, qui assure la cohérence nationale de celle-ci. M. François Sauvadet a déclaré partager pleinement cette analyse et a ajouté que les contrats passés par l'Etat avec des collectivités territoriales constituaient au contraire le moyen de prendre en compte la diversité des situations locales. M. Félix Leyzour ayant accepté cette modification en précisant que l'important était que l'idée soit reprise, la commission a adopté l'amendement de M. Patrice Carvalho ainsi rectifié.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Jean Proriol présenté par M. Claude Gatignol disposant que les crédits du Fonds forestier national doivent être affectés à la mise en _uvre de la politique forestière. M. Claude Gatignol a indiqué qu'il lui paraissait naturel que ce fonds contribue à assurer le coût, négligé, de la gestion durable des forêts, MM. Pierre Micaux et François Sauvadet ont déclaré soutenir cet amendement. Le rapporteur a indiqué qu'il partageait la préoccupation que traduit cet amendement mais que sa recevabilité financière lui semblait incertaine. Il a ensuite précisé qu'il déposerait un amendement à l'article L. 3 mentionnant le Fonds forestier national afin d'assurer sa pérennité et a invité M. Claude Gatignol à retirer son amendement, ce que celui-ci a accepté de faire.

- Article L. 3 du code forestier : Conseil supérieur de la forêt et des produits forestiers

La commission a examiné un amendement du rapporteur proposant une rédaction globale de l'article L. 3 du code forestier relatif au Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois. Son auteur a indiqué que cet amendement avait pour objet de mettre l'accent sur la nécessaire prise en compte de l'aval de la filière par une nouvelle dénomination de cette instance et de prévoir l'association de celle-ci au suivi des actions du Fonds forestier national et à l'élaboration de la stratégie de recherche en matière forestière. Il a ajouté que cet amendement proposait également de modifier la composition de ce conseil pour l'ouvrir aux représentants des organisations syndicales, des associations d'usagers de la forêt ainsi que celles d'usagers de la nature et d'instituer une instance restreinte, le Comité de politique forestière, composé de vingt membres désignés parmi les membres du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois, susceptible de se réunir plus souvent que celui-ci, pour conseiller le ministre chargé des forêts dans le suivi de la mise en _uvre de la stratégie forestière française ainsi que dans la mise en _uvre des textes législatifs et réglementaires et du budget de la forêt dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

En réponse à MM. Pierre Ducout et Pierre Micaux qui s'interrogeaient sur l'absence parmi les membres du conseil, pour le premier, de parlementaires et, pour le second, de représentants de la propriété forestière privée, le rapporteur a indiqué qu'il était envisageable qu'un parlementaire siège dans le conseil en qualité de représentant de l'État et que la propriété forestière privée serait représentée par une ou plusieurs organisations professionnelles.

M. François Sauvadet a estimé qu'il aurait été préférable de préciser plus clairement que des parlementaires et des représentants de la propriété forestière privée siégeraient au sein de ce conseil. Il a ensuite demandé des précisions sur les modalités de désignation des membres du comité de politique forestière et sur les missions de celui-ci. Cette instance sera-t-elle chargée de conseiller le ministre sur le suivi de la mise en _uvre de la politique forestière, donc a posteriori, ou sur la mise en _uvre et le suivi de celle-ci et donc également a priori ?

M. Pierre Ducout a indiqué que l'amendement prévoyait que les modalités de désignation des membres du comité de politique forestière seraient précisées par décret en Conseil d'État. M. François Brottes, rapporteur, a estimé que ces modalités lui semblaient en effet d'ordre réglementaire. Évoquant les missions du comité de politique forestière, il a jugé que l'élaboration et le suivi de la politique forestière seraient, dans les faits, étroitement liés, les orientations pour l'avenir étant définies à partir des résultats du passé.

M. François Sauvadet a proposé de sous-amender l'amendement du rapporteur pour que le comité de politique forestière conseille le ministre sur la mise en _uvre et le suivi de la politique forestière et non sur le suivi de la mise en _uvre de celle-ci.

Après avoir rejeté ce sous-amendement, la commission a adopté l'amendement du rapporteur auquel se sont associés MM. Patrice Carvalho et Claude Jacquot.

En conséquence un amendement de M. Patrice Carvalho, trois amendements de M. Claude Jacquot, l'amendement n° 40 de M. Pierre Micaux et un amendement de M. Jean Proriol sont devenus sans objet.

- Article L. 4 du code forestier : Architecture régionale de la politique forestière

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur. Puis M. Claude Jacquot a présenté un amendement visant à renommer les commissions régionales de la forêt et des produits forestiers afin de les appeler « commissions régionales de la forêt, des produits forestiers et du bois » et que soit ainsi pris en compte l'ensemble de la filière. Le rapporteur ayant fait remarquer que le bois en tant que matériau était évoqué par ailleurs dans le projet de loi, M. Claude Jacquot a retiré son amendement. La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur précisant que des représentants des conseils généraux sont membres des commissions régionales de la forêt et des produits forestiers. Le rapporteur a indiqué que cette disposition devait permettre d'assurer la représentation et la participation des départements au sein de commissions qui ont un rôle primordial, puisqu'elles élaborent des orientations régionales forestières. Après que M. Félix Leyzour eut signalé que certains conseils généraux étaient propriétaires de forêts et qu'il convenait donc d'assurer leur participation, la commission a adopté cet amendement. Puis M. Claude Jacquot a retiré un amendement. La commission a ensuite examiné l'amendement n° 41 de M. Pierre Micaux prévoyant que sont consultés pour avis, lors de la définition des orientations régionales forestières (ORF), les représentants des départements et des communes intéressées et les représentants des organisations professionnelles représentatives et des usagers de la forêt. Le rapporteur a estimé que cet amendement était satisfait par ailleurs, les commissions régionales assurant déjà une bonne représentation des divers intervenants du secteur forestier ; M. Pierre Micaux a alors annoncé qu'il retirerait cet amendement.

Il a ensuite présenté l'amendement n° 135 précisant que les orientations régionales forestières portent sur la politique de mise en valeur économique, écologique et sociale des forêts ainsi que sur le développement du secteur économique qui en exploite et transforme les produits. M. François Brottes, rapporteur, a souligné que cet amendement était satisfait par les autres dispositions de l'article 1er du projet de loi qui traitent de la filière et notamment de sa compétitivité. La commission a en conséquence rejeté cet amendement ainsi que l'amendement n° 141 du même auteur et un amendement similaire de M. Jean Proriol visant à substituer l'appellation de « référentiels » à celle de « schémas » contenue dans le projet de loi pour les orientations administratives visant les forêts publiques et privées.

La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur. Puis Mme Marie-Hélène Aubert a défendu un amendement de M. Jean-Michel Marchand visant à supprimer la référence aux codes de bonnes pratiques sylvicoles. Elle a expliqué que ce dispositif était dangereux, car il conduisait à octroyer un label de gestion durable à un simple engagement moral ; elle a estimé qu'il convenait au contraire de s'engager sur des documents précis. Le rapporteur a souligné qu'il fallait convaincre les propriétaires d'adopter une logique de gestion durable et que le dispositif devrait donc être attractif. Il a par ailleurs indiqué que la commission aurait à examiner ultérieurement un amendement dont il est l'auteur visant à accompagner le code de bonne conduite d'une adhésion des propriétaires à un organisme de gestion en commun pour assurer une meilleure exploitation de la forêt, dans la perspective de l'élaboration ultérieure d'un plan simple de gestion. Il a également signalé que les codes de bonne conduite étaient mentionnés par l'accord d'Helsinki. La commission a alors rejeté l'amendement de M. Jean-Michel Marchand. Puis, elle a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

- Article L. 5 du code forestier : Rôle des propriétaires forestiers

La commission a adopté un amendement du rapporteur substituant à la notion de « sage gestion économique » celle de « valorisation économique » rendant sans objet l'amendement n° 134 de M. François Vannson.

- Article L. 6 du code forestier : Documents de gestion des forêts

Après avoir adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur, la commission a adopté deux amendements identiques de précision et de conséquence (amendement n° 142 de M. François Vannson et un amendement du rapporteur).

Puis, la commission a examiné l'amendement n° 42 de M. François Vannson visant à réduire de 10 à 5 hectares la surface totale des ensembles de parcelles forestières pour laquelle un document de gestion peut être approuvé. M. François Brottes, rapporteur, a indiqué que le projet de loi abaissait déjà le seuil de 25 à 10 hectares et que cette disposition était perçue comme une contrainte lourde par les propriétaires forestiers. Il a déclaré qu'il valait donc mieux regrouper les terrains au sein d'un même document de gestion plutôt que d'élaborer des « mini plans simples de gestion » ; réduire le seuil conduirait en outre à administrer encore plus la forêt privée. M. François Vannson ayant souligné que réduire le seuil à cinq hectares était particulièrement adéquat pour certaines zones de montagne, le rapporteur a répondu qu'un plan simple de gestion avait vocation à correspondre non pas à un seul propriétaire mais à un territoire pertinent, ce qui nécessitait de favoriser le regroupement. M. Patrice Carvalho a alors signalé que le dispositif proposé par l'amendement pouvait se révéler utile, notamment en bordure de forêt domaniale. Le rapporteur a alerté les commissaires sur le risque de multiplication des documents de gestion que comporterait l'abaissement du seuil. M. François Sauvadet a estimé que le regroupement n'avait pas à être systématique ; en outre, l'approbation des documents de gestion ne constitue qu'une faculté, ce qui garantit une certaine souplesse et permet d'éviter tout effet de seuil. Il a également souligné que les documents de gestion n'avaient pas à être contraignants et qu'ils constituaient des outils pour une meilleure valorisation de la forêt.

Au terme de ce débat M. Pierre Ducout a décidé de poursuivre au cours de la séance suivante l'examen de cet amendement.

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