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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 71

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 4 juillet 2000
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. André Lajoinie, président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen de la proposition de résolution de M. Alain Barrau, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne (n° 2426), sur la sécurité maritime du transport pétrolier (COM (2000) 142 final/n° E 1440) 

 

(M. René LEROUX, rapporteur)

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- Examen du rapport d'information de M. André LAJOINIE sur la politique des transports en France et en Europe :


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La commission a examiné, sur le rapport de M. René Leroux, la proposition de résolution de M. Alain Barrau, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne (n° 2426), sur la sécurité maritime du transport pétrolier (COM (2000) 142 final/n° E 1440).

M. René Leroux a présenté à la commission plusieurs textes relatifs à la sécurité maritime des transports pétroliers dont l'adoption est proposée par la Commission européenne. Présentées le 21 mars 2000, les suggestions de la Commission européenne s'inscrivent dans quatre documents :

- une communication au Parlement européen et au Conseil « sur la sécurité maritime du transport pétrolier » ;

- une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, modifiant la directive 95/21/CE du Conseil, concernant le contrôle par l'Etat du port ;

- une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, modifiant la directive 94/57/CE du Conseil, établissant des règles et normes communes sur les sociétés de classification ;

- une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l'introduction accélérée des prescriptions en matière de « double coque ».

Le rapporteur a indiqué que ces différents textes avaient été examinés par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Il a fait remarquer que les mesures proposées prévoyaient une sévérité renforcée des contrôles sur les navires manifestement inférieurs aux normes, ainsi que des contrôles plus étendus menés par l'État du port sur les pétroliers et les autres navires à risque. Les suggestions de la Commission européenne portent également, a précisé le rapporteur, sur l'activité des sociétés de classification, pour lesquelles est prévu un régime harmonisé d'agrément au plan européen, ainsi que sur l'alignement des prescriptions communautaires en matière d'abandon des pétroliers à « simple coque » sur le calendrier retenu par les Etats-Unis.

Rappelant que la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne avait effectué le travail d'instruction des textes communautaires prévu par l'article 151-1 du Règlement, M. René Leroux a présenté ensuite le contenu de la proposition de résolution adoptée par la délégation. Cette proposition de résolution souligne les lacunes des normes internationales et communautaires en matière de sécurité du transport maritime et la nécessité de mettre en place rapidement une réglementation communautaire en la matière. Elle approuve le contenu des propositions présentées par la Commission européenne, mais considère que ces propositions ne sont en fait que partiellement à la hauteur des enjeux.

La délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne approuve, dès lors, a indiqué le rapporteur, les dispositions des propositions communautaires, mais souhaite que l'inspection des navires pétroliers prévue par la proposition de directive sur le contrôle par l'État du port soit étendue aux navires pétroliers transportant plus de 2 000 tonnes de carburant et que le champ d'application de la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires soit étendu aux navires transportant des déchets nucléaires (point 1 de la proposition de résolution). La délégation regrette également que les dispositions suggérées par la Commission européenne ne répondent que partiellement aux conclusions adoptées le 3 février par la délégation elle-même et dans lesquelles celle-ci suggérait la création d'un espace maritime européen (point 2 de la proposition de résolution).

La délégation constate, en outre, l'absence de mesures relatives à la création d'un corps de gardes-côtes européen, à défaut duquel le régime d'inspection préconisé par la Commission européenne risque d'être fragilisé, l'absence de consécration du principe pollueur-payeur en vue de responsabiliser le propriétaire du navire ou de la cargaison, l'absence de reprise de la proposition de règlement du Conseil sur le registre communautaire et la navigation sous pavillon communautaire, l'absence enfin de création d'une taxe de sécurité maritime communautaire assise sur les marchandises transportées par voie maritime (point 3 de la proposition de résolution).

La délégation juge ensuite nécessaire que l'Union européenne donne à l'Organisation maritime internationale (OMI) les moyens de contrôler l'application de ses conventions et règlements et qu'elle prenne l'initiative d'une campagne de ratification des conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) relatives aux marins (point 4 de la proposition de résolution).

La délégation demande enfin aux autorités françaises de faciliter une mise en _uvre rapide de ces différentes actions dans le cadre de la présidence de l'Union européenne (point 5 de la proposition de résolution).

M. René Leroux a proposé à la commission de retenir les propositions de conclusion présentées par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

M. Daniel Paul a indiqué qu'il était d'accord avec l'esprit de la proposition de résolution, rappelant qu'il avait participé aux travaux de la délégation pour l'Union européenne ayant abouti à ce texte. Il a toutefois tenu à préciser que l'exemple du corps des gardes-côtes américains ne lui semblait pas transposable à l'Union européenne. En effet, les Etats-Unis sont un Etat fédéral et la création d'un corps de gardes-côtes européen sous-entend la mise en place d'une autorité unique en matière de sécurité maritime et donc un transfert de pouvoir des Etats vers l'Union. De plus, la sécurité maritime n'est pas organisée de façon uniforme chez les Quinze, les Etats la confiant soit à leur marine nationale, soit à d'autres autorités. Il préfère pour sa part que soit encouragée la coopération entre les différents États membres sous l'égide de l'Union européenne.

Il a rappelé que l'application du principe pollueur-payeur en matière de sécurité maritime devait se traduire par une responsabilisation du propriétaire du navire. Il n'est pas normal, dans le cas de l'Erika, que la FIPOL ait eu à payer 1,12 milliard de francs contre 80 millions de francs par l'armateur. Selon M. Daniel Paul, il faudrait bannir tout armement ne pouvant répondre de l'intégralité des dommages causés.

S'agissant du registre communautaire, il a indiqué qu'il serait plus urgent que l'Union européenne favorise les armements aux normes, employant des équipages qualifiés et homogènes et respectant les règles de l'Organisation internationale du travail.

Il a par ailleurs émis des doutes sur la nécessité de créer une taxe de sécurité maritime communautaire qui serait fatalement répercutée.

Il s'est également montré circonspect sur l'opportunité de donner à l'organisation maritime internationale les moyens de contrôler l'application des conventions et règlements, cette mission relevant de la souveraineté des États. L'Union européenne doit donc intervenir auprès de ceux-ci pour que ces règlements soient strictement appliqués et que les sanctions soient effectivement prises.

Enfin, il a plaidé pour la mise en place d'un « contrôle des contrôleurs » permettant de responsabiliser les États.

M. Serge Poignant a déclaré partager l'esprit de la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne, ainsi que le constat que celle-ci a dressé des insuffisances du dispositif communautaire actuel. Il a notamment estimé nécessaire de responsabiliser les affréteurs. S'agissant de la constitution d'un corps de gardes-côtes européen, il a estimé qu'elle pourrait être mise en _uvre à terme sur le modèle américain.

M. Jean-Michel Marchand a déclaré que l'analyse menée par M. Daniel Paul lui convenait, sauf pour ce qui concernait la question d'un corps de gardes-côtes européen ; la création d'une telle structure demandera, en effet, du temps et nécessitera, en premier lieu, la coordination des moyens propres à chaque pays. Par ailleurs, il a précisé qu'il était partisan d'une responsabilisation de l'armateur et de l'affréteur et a estimé que le point 3 de la proposition de résolution pourrait être utilement modifié en ce sens. Il a également insisté sur la nécessité de responsabiliser les sociétés de classification et de certification.

M. René Leroux, rapporteur, a répondu aux intervenants que les travaux de la commission d'enquête parlementaire sur le naufrage de l'Erika viendront compléter la réflexion menée dans le cadre européen. Il a estimé, s'agissant de la création d'un corps de gardes-côtes européen, que l'exemple des Etats-Unis ne pouvait être transposé tel quel et il a fait remarquer que la proposition de résolution, telle qu'elle est libellée, ne demande pas la création immédiate d'un tel corps.

La commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Daniel Paul, visant à une nouvelle rédaction des points 3 à 5 de la proposition de résolution. M. Daniel Paul a fait valoir que le texte de son amendement différait de celui de la proposition de résolution, en ce qu'il ne prévoit plus de référence à la création d'un corps de gardes-côtes européen et à la proposition de règlement du Conseil sur le registre communautaire et à la navigation sous pavillon communautaire. M. Daniel Paul a souligné, en revanche, la nécessité de faire référence au principe pollueur-payeur ; il a souhaité également qu'une coopération régionale renforcée permette une prise en compte plus effective des moyens de surveillance et d'intervention dont disposent les États.

Le rapporteur convenant de l'intérêt de cette dernière disposition sur la coopération régionale renforcée a suggéré qu'elle soit ajoutée en point 4 au texte de la proposition de résolution, mais il a estimé que la référence à la création d'un corps de gardes-côtes européen et à la proposition d'un registre communautaire devait être maintenue.

M. Daniel Paul a ensuite exprimé son accord avec cette position.

La commission a décidé de retenir un nouveau point 4 dans sa proposition de résolution, portant sur la coopération régionale renforcée entre États mais a en revanche rejeté les autres points proposés par l'amendement de M. Daniel Paul.

M. Jean-Michel Marchand a fait valoir ensuite que, pour mettre en _uvre le principe pollueur-payeur, il fallait responsabiliser le propriétaire du navire et celui de la cargaison. Il a suggéré de modifier le point 3 de la proposition de résolution en ce sens et fait remarquer en effet que les responsabilités devaient être établies d'une manière simple et réaliste.

Après une discussion à laquelle ont pris part, outre le rapporteur et le président André Lajoinie, MM. Serge Poignant, Daniel Paul et Mme Odile Saugues, la commission a retenu la responsabilité du propriétaire du navire et de celui de la cargaison et adopté ainsi l'amendement de M. Jean-Michel Marchand (point 3 de la proposition de résolution).

Elle a ensuite adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.

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La commission a ensuite examiné le rapport d'information de M. André Lajoinie sur la politique des transports en France et en Europe.

M. André Lajoinie a rappelé que la mission d'information qui lui avait été confiée avait permis à la commission de la production et des échanges d'auditionner les principaux acteurs du secteur des transports en France, ainsi que le président de la commission chargée de cette activité au Parlement européen. Il a souhaité présenter les grandes lignes de ses conclusions, qui sont autant de propositions à l'occasion du début de la présidence française de l'Union européenne.

Il a indiqué que, face à la croissance très rapide du volume des transports de personnes et de marchandises, accélérée par les perspectives d'élargissement et l'approfondissement du marché unique de la Communauté, il convenait d'envisager un développement soutenable dans ce secteur. La France, qui a été longtemps le premier pays de transit européen, est actuellement rejointe dans ce domaine par l'Allemagne. A l'occasion d'une récente rencontre avec des représentants de la commission des transports du Bundestag allemand, les parlementaires de ce pays voisin ont exprimé une certaine inquiétude face à l'expansion du trafic routier en provenance et à destination des pays de l'Europe de l'Est. Les autorités fédérales réfléchissent aujourd'hui à l'imposition d'une redevance pour le transit des camions de ces pays, afin de compenser la gratuité de l'utilisation des infrastructures autoroutières allemandes. Si une telle mesure fiscale était acceptée par les instances communautaires, la France pourrait tirer avantage de ce précédent en assujettissant les camions des pays tiers à une redevance similaire pour l'utilisation des réseaux non concédés de notre pays.

M. André Lajoinie a rappelé que la croissance, plus rapide que pour les autres modes, du transport routier, risquait d'aboutir à une hégémonie qui accroîtrait considérablement les nuisances et les coûts supportés par la collectivité publique, les charges d'infrastructures n'étant pas répercutées sur les transporteurs. Il n'est pas possible de laisser cette situation inacceptable s'aggraver. Il a annoncé qu'il souhaite organiser une réunion de l'ensemble des présidents des commissions des transports des parlements nationaux de la Communauté, avec le ministre français présidant le Conseil des transports et la commissaire européenne chargée du secteur, afin d'examiner ensemble les moyens d'éviter l'asphyxie de nos réseaux.

Indiquant que le libéralisme n'avait pas apporté de réponses satisfaisantes au problème du développement des transports, le rapporteur a souhaité que la place de chaque mode soit préservée et confortée, notamment s'agissant de la voie ferrée et du transport fluvial.

Observant que les estimations concordaient pour prévoir un doublement du transport de marchandises au cours des dix prochaines années, il a rappelé que le Gouvernement s'était fixé, conjointement avec la SNCF et Réseau ferré de France, l'objectif du maintien de la part du transport ferroviaire de marchandises au cours de cette même période. Il ne s'agit nullement d'empêcher le transport routier, mais d'éviter, par un partage plus équilibré entre route et fer, la thrombose du pays. Il faut tout d'abord, pour atteindre cet objectif, internaliser les coûts du transport routier. Il est également nécessaire de mettre rapidement un terme au sous-investissement en matière d'infrastructures ferroviaires. Cela exige des investissements massifs qui ne pourront être financés qu'en recourant à une pluralité de ressources. L'Union européenne devra d'ailleurs s'engager plus résolument qu'elle ne le fait aujourd'hui pour contribuer à développer les réseaux européens de transport. Ces investissements qui portent sur des périodes de plusieurs dizaines d'années, ne doivent pas être financés au cours d'une seule génération. C'est pourquoi, il convient d'envisager des systèmes d'emprunt à long terme, par exemple au travers de la Banque européenne d'investissement.

M. André Lajoinie, rapporteur, a également insisté sur la nécessité, afin de rééquilibrer la concurrence entre fer et route, de lutter contre le dumping social qui se pratique en Europe dans ce dernier secteur. Cette lutte passe nécessairement par une harmonisation « par le haut » des conditions de travail et de rémunérations.

Il a en outre estimé que le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN) était un instrument financier et budgétaire utile, puisqu'il permet de transférer certaines recettes de la route au profit des autres modes de transport. Il a souhaité que soit favorisée l'interopérabilité entre réseaux ferroviaires européens et recherchée une cohérence entre les politiques tarifaires des différents Etats.Il a estimé qu'il était nécessaire de stimuler la croissance du transport combiné, qui constitue une forme moderne de transport, hélas victime du dumping de la route. Cela nécessite de poursuivre les efforts d'adaptation et de modernisation des chantiers de transbordement multimodal adaptés aux besoins, par un accroissement de l'aide publique. S'agissant des « autoroutes roulantes », il a indiqué que leur développement ne pouvait répondre à l'ensemble des problèmes posés par la croissance de la demande de transports. Cette technique doit être notamment utilisée pour résoudre les problèmes de franchissement d'obstacles naturels, particulièrement dans les Alpes et les Pyrénées.

Abordant la question du transfert aux régions de la compétence en matière de transport express régional, il a estimé qu'il s'agissait d'une bonne mesure, qui nécessitait cependant des compensations financières appropriées et la garantie du maintien de l'unicité du réseau. S'agissant des déplacements urbains et péri-urbains, il a considéré qu'il convenait d'encourager le développement des transports collectifs, qui pourrait être financé par un prélèvement sur la taxe intérieure sur les produits pétroliers.

Abordant le secteur du transport fluvial, il a noté un léger redressement du trafic de marchandises sur les voies navigables. Relevant toutefois que la France souffre d'un manque d'infrastructures de canaux à grand gabarit il s'est prononcé en faveur de la réalisation des axes Seine-Nord, Seine-Est et Saône-Moselle. Il conviendrait également d'améliorer le traitement des ruptures de charges entre le transport fluvial, le rail et la route. Là encore, l'Union européenne devra contribuer au financement de l'interconnexion de la France avec les voies navigables à grand gabarit en Europe.

S'agissant des ports maritimes, il s'est prononcé en faveur du développement du cabotage maritime, tout en donnant la priorité à la sécurité de ce mode de transport. L'Union européenne dispose d'une très vaste façade maritime insuffisamment utilisée, il faut donc moderniser les ports et assurer des liaisons terrestres avec leur hinterland.

Concluant sur la partie terrestre et maritime de son exposé, il a considéré qu'il ne s'agissait nullement de poser le problème en termes de concurrence et de pénaliser le transport routier, mais d'inciter au développement d'autres modes moins polluants et plus sûrs. Cette politique exige de contribuer et de soutenir le démarrage des activités de transports alternatifs qui, face à la concurrence de la route, ne peuvent pas être rentables au cours des premières années d'exercice.

M. André Lajoinie a ensuite abordé la question du transport aérien, secteur qui a connu une explosion de son activité depuis sept ou huit ans. Les problèmes liés à l'encombrement du ciel européen et à la sécurité requièrent une harmonisation des procédures entre autorités de contrôle aérien. Cette mesure doit s'accompagner d'une meilleure coopération entre autorités civiles et militaires de l'aviation. Il serait également souhaitable que soit libérée une partie de l'espace aérien militaire au profit du trafic civil.

Afin de lutter contre la saturation des aéroports en région parisienne, il a proposé que soient mieux utilisés les aéroports de province, ainsi que la plate-forme de fret de Vatry. Il faut également, a estimé M. André Lajoinie, se prononcer clairement en faveur de la construction d'un troisième aéroport international dans le bassin parisien.

Il a enfin suggéré la mise en place d'un observatoire communautaire des transports, dont le principe a déjà été admis par le Conseil des ministres des transports de l'Union. Cet observatoire aura notamment pour but d'évaluer les besoins et les problèmes et d'informer tous les acteurs du secteur des transports.

M. Jean-Jacques Filleul a déclaré partager les grandes lignes du rapport présenté par M. André Lajoinie concernant le bilan de la situation des transports en France et en Europe, qu'il a jugée « terrible ».

Il a insisté sur l'urgence absolue, aux yeux de l'opinion publique, d'une régulation des divers modes de transport, notamment pour reporter une partie du trafic de la route vers le rail mais aussi vers les voies fluviales. Il a souligné la nécessité de développer le cabotage, rappelant à cet égard l'amendement introduit dans la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

Une régulation du trafic de la route vers le rail est d'autant plus nécessaire que la France compte de nombreux goulets d'étranglement. Cela tient à sa place centrale dans la grande plate-forme multimodale que constitue l'Europe et que se partagent les réseaux européens. La France, seule, ne pourra développer ses infrastructures sans que l'Union européenne ne mette en _uvre un plan d'urgence en sa faveur.

Par ailleurs, comme l'indiquera un rapport à venir du Conseil supérieur du service public ferroviaire, il convient de porter les efforts sur la « route roulante », comme cela est le cas en Italie, où 17 poids lourds peuvent être chargés sur un train. Il est toutefois regrettable que les services du matériel de la SNCF éprouvent des réticences à avoir recours à des constructeurs autres qu'Alstom. Il conviendrait également de mieux utiliser certaines voies ferroviaires notamment dans les Alpes.

S'agissant des effets de l'accident survenu dans le tunnel du Mont-Blanc, on constate que les transporteurs routiers n'ont aucunement reporté leur trafic sur le rail ; les conséquences ont donc été nulles pour le transport combiné. S'il faut donc une volonté politique, il convient également d'aider le transport combiné, qui doit pouvoir lutter à armes égales avec son concurrent direct. Une implication financière des pouvoirs publics sera donc nécessaire.

L'invocation d'un « plan Marshall » pour les infrastructures de transport vise à marquer les esprits. Il est nécessaire de conduire au niveau européen une action de coordination et d'impulsion, par exemple pour organiser un réseau européen efficace et performant de transport de fret. Cela nécessitera des sources de financement multiples qui doivent inclure de grands emprunts européens.

La nécessité de conduire une réflexion globale en matière de transports est également évidente. Elle montrerait la sous-utilisation regrettable des voies d'eau.

Le projet de rapport contient de nombreuses propositions intéressantes et aborde des questions qu'on ne peut pas esquiver, telle celle du troisième aéroport desservant Paris.

L'urgence est réelle. Dans les dix ans à venir, le trafic des poids lourds dans notre pays devrait doubler. Comment le franchissement des Alpes sera-t-il alors possible alors que douze ans seront nécessaires à l'achèvement du tunnel ferroviaire Lyon-Turin ?

Ce rapport vient donc à point nommé car il importe que la présidence française de l'Union soit l'occasion de réorienter la politique européenne des transports. La position de la Commission européenne qui continue de privilégier une démarche de libéralisation en matière de transports ferroviaires n'est en effet pas satisfaisante. Les textes communautaires en préparation sont d'ailleurs très inquiétants. M. Jean-Jacques Filleul a pour conclure appelé de ses v_ux une véritable coordination ainsi qu'une coopération au niveau européen.

Mme Odile Saugues a estimé que le rapport comportait tous les éléments de réflexion indispensables. Aussi, a-t-elle demandé que les parlementaires passent à présent aux actes. Dans l'ensemble, les députés sont d'accord sur les constats, notamment les effets de la politique européenne des transports actuelle sur la sécurité, l'environnement et la santé des personnes ; les responsabilités sont, sur ce plan, partagées par les responsables politiques aussi bien des Etats membres que de l'Union européenne. A cet égard, elle a fait observer qu'il était important de rencontrer les homologues des parlements nationaux pour agir plus vite et de manière mieux coordonnée.

Elle a constaté que la difficulté, en matière de politique des transports, tenait à faire des choix et à les mettre en _uvre. Il conviendrait d'harmoniser les initiatives des élus, des administrations et du Gouvernement, qui décident des investissements.

Mme Odile Saugues a ensuite fait valoir qu'en matière de transport public, l'éducation des citoyens et des élus restait à faire. La ville s'asphyxie ; les déplacements sont trop longs et trop nombreux. Une nouvelle organisation de l'espace urbain et des transports plus efficace est donc indispensable.

Elle a conclu qu'il convenait d'éviter l'écueil, dans lequel était tombée la Commission européenne, de la libéralisation sauvage du transport européen à l'instar du Royaume-Uni. Cette politique a été faite au détriment de la sécurité et du développement social. Elle a souligné qu'il était en effet indispensable de tenir compte de la situation des salariés du secteur en matière de politique des transports.

M. Jean-Michel Marchand a indiqué que les transports constituaient un des problèmes majeurs de l'Europe. S'il ne partage pas toutes les propositions émises par le rapporteur, il est toutefois d'accord sur la nécessité d'engager une politique visant à transférer le fret routier vers le rail. Le doublement du trafic au cours de la prochaine décennie aboutira, si aucune décision n'est prise dans ce sens, à un engorgement des voies routières et autoroutières. Un choix politique doit donc être fait en s'interrogeant sur la réaction qu'auraient nos concitoyens si, suite à une attitude attentiste des pouvoirs publics, ils apprenaient brusquement qu'il devenait nécessaire de doubler le réseau autoroutier.

Il s'est réjoui du fait que les contrats de plan État-régions aient connu une première inflexion en faveur du développement du transport ferroviaire et a partagé l'inquiétude des commissaires sur les effets de la libéralisation des transports ferroviaires.

Les transports collectifs doivent être développés. Les plans locaux d'urbanisme, en imbriquant les lieux d'habitation, de travail et de chalandise, devraient contribuer à cette évolution.

Il a partagé l'avis du président André Lajoinie sur la nécessité de renforcer les transports fluviaux, transports peu polluants par excellence, mais a marqué son désaccord sur l'idée de créer une liaison fluviale Rhin-Rhône, celle-ci se heurtant à un double écueil technique et politique et pouvant être remplacée par le cabotage maritime entre Mer du Nord et Méditerranée.

S'agissant du troisième aéroport, M. Jean-Michel Marchand a indiqué qu'il approuvait les constats du rapport mais n'était pas d'accord avec les solutions envisagées. Selon lui, il importe de désengorger les aéroports d'Ile-de-France du transport de marchandises, de promouvoir le TGV pour limiter les déplacements aériens intérieurs et de ne plus concentrer les lignes internationales sur les plate-formes parisiennes.

M. Alain Marleix a estimé ce rapport à la fois opportun et pragmatique, arrivant à un moment où le « paquet ferroviaire » européen est en négociation. Il a également souligné l'effort de propositions, celles-ci étant souvent intéressantes. Certaines lacunes, notamment en ce qui concerne le transport aérien et la question de la privatisation d'Air France, sont toutefois à regretter même si le rapport ne pouvait prétendre à l'exhaustivité.

En ce qui concerne le « paquet ferroviaire », M. Alain Marleix a exprimé son accord avec les objectifs soulignés par le rapport. L'Europe ferroviaire est un énorme chantier où les différences de statut entre les sociétés rendent difficile toute harmonisation. Le rapport a le mérite de sortir du débat idéologique et de retenir des objectifs pertinents :

- un réseau européen de transport de fret doit être mis en place ;

- la conclusion d'alliances entre les grandes sociétés ferroviaires doit être accélérée, M. Louis Gallois, président de la SNCF, ayant d'ores et déjà négocié avec ses partenaires allemand et italien ;

- la croissance du transport combiné doit être stimulée.

S'agissant de la régionalisation des transports de voyageurs, M. Alain Marleix a rappelé que cette réforme avait été introduite, sous forme expérimentale, à l'occasion de la création de Réseau ferré de France par le gouvernement de M. Alain Juppé en 1997. Cette expérimentation qui a été une réussite est généralisée par le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains. Il conviendra toutefois de ne pas oublier les régions qui disposent de faibles moyens financiers. M. Alain Marleix a par ailleurs noté que M. André Lajoinie et lui-même avaient des vues proches concernant la finalité de la réforme de la SNCF. Cette dernière doit rester un service public et la réforme menée en 1997 avait bien pour but d'adapter ce service public.

Abordant la question des transports aériens, M. Alain Marleix a estimé que ce secteur se trouvait à un tournant difficile, du fait notamment de l'explosion du trafic, de l'ordre de 7 à 9  % par an. La France accueillant un vol européen sur quatre, la gestion de ce trafic se révèle particulièrement délicate et préoccupante. Il conviendrait donc de créer de nouveaux instruments. M. Alain Marleix s'est réjoui que M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ait eu le courage de décider la construction d'une quatrième piste à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle. Pour autant, cette initiative n'est pas suffisante et il sera nécessaire de créer un troisième aéroport international dans le bassin parisien. Le choix du site devra être rapidement fait par le Gouvernement, dans le cadre d'un débat démocratique. Si le « hub » de Paris-Charles-de-Gaulle est un des meilleurs d'Europe, il ne suffira pas à absorber le trafic à l'échéance de dix ou vingt ans.

M. Alain Marleix a toutefois relevé certaines lacunes dans le rapport présenté par M. André Lajoinie. Il a estimé que l'ouverture du capital d'Air France constituait une solution « batarde » et que le statut mal défini de cette société ne lui permettait pas d'atteindre ses objectifs. Il a notamment regretté que le cours de l'action d'Air France n'ait pas augmenté et qu'il ne reflète pas ses bons résultats. Concernant les stratégies de regroupements, il a cité l'absorption de la compagnie AOM par Swissair et s'est déclaré défavorable à une politique de « laisser-faire » et de libéralisme effréné. Pour autant, il s'est inquiété des effets préjudiciables que pourrait avoir l'absence de décisions des pouvoirs publics sur les compagnies.

M. Jean-Pierre Dufau a tout d'abord souligné le contraste qui oppose le XIXème siècle, qui a su valoriser et encourager les « voies » de communication, et le XXème siècle, ère des « moyens » de communication. L'efficacité accrue des outils de prise de décision et l'extension des possibilités offertes par la technique, vont de pair avec une grande modestie dans les progrès réalisés en matière de voies de communication. Il convient donc de se mobiliser aujourd'hui en faveur de celles-ci et d'une meilleure intégration des actions en faveur de l'environnement au sein de la politique des transports.

M. Jean-Pierre Dufau a ensuite salué les orientations du rapport, dont il a loué la pertinence sur le problème du rééquilibrage entre rail et route, sur la réaffirmation des missions de service public de la SNCF ou le soutien aux transports collectifs.

Il a souscrit à l'essentiel des conclusions du rapport en ce qui concerne les voies d'eau, notamment en matière d'équilibre écologique.

Il a estimé que le développement portuaire, le cabotage et les transports maritimes constituent désormais des dossiers majeurs pour l'opinion publique.

S'agissant du transport aérien, il a souhaité réaffirmer le caractère de service public qui s'y trouve attaché et souligné que les progrès de la libéralisation emportaient indiscutablement des conséquences préjudiciables. Si le souci de voir les transports se développer de manière diversifiée et équilibrée est largement partagé, l'implantation du troisième aéroport en région parisienne se heurte à de nombreuses hostilités locales. Il convient donc, dans l'impossibilité d'imposer des solutions non négociées et afin d'éviter une confiscation de ce dossier par des intérêts particuliers, de mettre en place un véritable débat démocratique qui s'appuiera sur des études et des enquêtes diffusées dans la plus grande transparence.

M. Daniel Paul déclarant partager l'esprit du rapport a souligné qu'une attention particulière doit être portée au développement exponentiel de la mobilité des marchandises : ainsi, le volume transitant par le port du Havre passera, au cours des prochaines années, de 1,5 million de conteneurs à près de 3 millions, sans véritable modification des réseaux routiers ou ferroviaires de liaison. Ce doublement des transactions représente un véritable défi car le port se trouve aujourd'hui concurrencé par ceux d'Anvers et de Rotterdam : ces derniers attirent en effet plus de clients français que n'en retient le Havre.

Le développement de la coopération au sein de l'Union revêt donc une importance majeure, car le seul jeu des lois du marché risque d'aboutir à une croissance sans mesure du trafic routier et des risques de dumping social qui lui sont attachés.

En matière de fret, il convient que des initiatives soient prises au niveau européen afin de coordonner les efforts des États. Il apparaît en effet manifeste que la destination des marchandises transitant par un port comme le Havre, se porte plus vers les pays d'Europe centrale et orientale et la ville hongroise de Sopron. Par voie de conséquence, la coordination entre le transport maritime et le transport ferroviaire apparaît cruciale.

Les investissements nécessaires pour se doter d'un réseau de canaux performant ne pourront être amortis que sur de longues périodes. Les carences observées aujourd'hui ne sont d'ailleurs que la conséquence du sous-investissement d'hier. Il a donc souligné son souci de voir les canaux Seine-Est et Saône-Moselle faire l'objet d'une véritable mobilisation de nature à éviter l'isolement du bassin rhodanien.

Enfin, il a déploré le faible intérêt des pouvoirs publics en matière de cabotage, observant que le terme ne figurait qu'à deux reprises dans le contrat de plan État-région signé avec la région Haute-Normandie. Il a souhaité une prise en charge des études mais aussi du déficit, inévitable les premières années d'exploitation.

M. Serge Poignant a abordé la question du rééquilibrage entre le transport par route et par fer. Il a déclaré partager l'avis selon lequel le fret ferroviaire devait être développé, mais dans l'Ouest les élus demandent que les axes routiers, notamment vers le centre de l'Europe, soient également améliorés. Il a jugé que les deux modes de transport devaient plutôt être considérés comme complémentaires que mis en opposition.

L'Ouest a également développé le cabotage maritime, et Nantes-Saint-Nazaire a le rang d'un port international.

En matière de contrôle aérien, M. Serge Poignant a précisé ne pas être ultra-libéral et a jugé qu'il ne fallait pas « contrer l'offensive libérale européenne » mais l'organiser. Peut-être, a-t-il admis, un troisième aéroport international parisien est nécessaire, mais il faudrait avant tout mettre l'accent sur le développement des aéroports de province non éloignés de Paris, notamment ceux de l'Ouest où l'accès par la mer réduit les problèmes de nuisance.

En réponse aux différents intervenants, M. André Lajoinie a apporté les précisions suivantes :

- les propos des commissaires démontrent, au-delà de leur diversité, que les membres de la commission de la production et des échanges partagent largement un point de vue commun sur le devenir de la politique des transports en France et en Europe ;

- s'agissant du troisième aéroport international M. André Lajoinie s'est déclaré convaincu par les propos du directeur général de l'aviation civile sur la nécessité d'utiliser les disponibilités des aéroports existants. Il a également rappelé que, du fait de la limitation du trafic d'Orly et de la prochaine saturation de Roissy, il était nécessaire de prévoir la construction d'un troisième aéroport dans la région parisienne, faute de quoi cette réalisation se ferait à l'étranger. Le TGV est certes un concurrent de l'avion sur les destinations intérieures mais la croissance globale du trafic impose à l'État de prendre ses responsabilités car la construction d'un aéroport nécessite environ quinze ans ;

- la situation économique d'Air France est globalement satisfaisante et même enviable à plus d'un titre. Elle permet à la compagnie nationale de s'engager dans des alliances diversifiées. Le fait que le capital de l'entreprise soit majoritairement public comporte des avantages, notamment celui d'éviter d'exposer l'entreprise à une OPA ;

- il ne s'agit pas d'inverser le rapport entre modes de transport ferroviaire et routier, mais d'éviter les effets pervers de l'hégémonie de la route. Ainsi, des investissements importants sont encore nécessaires sur le réseau routier, notamment pour renforcer la sécurité des trafics ;

- le rapport n'a pas visé à l'exhaustivité. Il a cherché à établir un diagnostic de la situation des différents modes de transport afin notamment d'éclairer l'opinion publique sur les risques et les conséquences d'un laisser aller dans le domaine de la politique des transports.

La commission a ensuite autorisé, en application de l'article 145 du règlement et dans les conditions prévues à l'article premier de l'instruction générale du Bureau, la publication du rapport d'information.


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